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2021

Hartmut Kühne (éd.), Die Zitadelle von Dūr-Katlimmu in Mittel- und Neuassyrischer Zeit

Annie Caubet
Référence(s) :

Hartmut Kühne (éd.), Die Zitadelle von Dūr-Katlimmu in Mittel- und Neuassyrischer Zeit (Berichte der Ausgrabungen Tall Šeḫ Ḥamad/Dūr-Katlimmu 12), Wiesbaden, Harrassowitz, 2021, 3 vol. 24,5 × 39,5, 433 + 307 p. + 57 pl., ISBN : 978-3-44706168-1.

Texte intégral

1Le tell doit son nom de Sheikh Hamad à un sanctuaire érigé en l’honneur d’un saint homme de la période médiévale. Il s’élève sur la rive gauche du Khabur, à mi-chemin entre le Tigre, à hauteur de la capitale Assur, et le coude de l’Euphrate à hauteur de Raqqa et se compose d’une ville haute et d’une vaste ville basse fermée de murs et entourée de nécropoles. L’exploration par la mission conjointe de l’université de Tübingen, de la Freie Universität de Berlin et du musée de Deir-ez-Zor est placée sous les auspices de la Deutsche Forschungsgemeinschaft depuis 1978. La position stratégique du site, identifié à Dūr-Katlimmu, en a fait un point d’appui des souverains assyriens dans leur expansion vers le Levant dès le xiiie siècle et la seconde plus importante cité de l’empire après la capitale Assur.

2Cette publication, consacrée à la ville haute, ou citadelle, durant les périodes médio- et néo-assyriennes, prend place dans la collection Berichte der Ausgrabungen Tall Šeḫ Ḥamad/Dūr-Katlimmu (BATSH) qui comprend déjà les volumes consacrés aux périodes post-assyriennes (Kühne : BATSH 2), à la céramique de l’âge du Bronze (Pfälzner : BATSH 3) et aux découvertes épigraphiques (Cancik-Birnbaum : BATSH 4 ; Röllig : BATSH 9 ; Salah : BATSH 18). Avec le volume sur la glyptique et les empreintes de scellements (Kühne : BATSH 15 en préparation), le programme de publication s’achèvera bientôt, et la bibliographie complète, qui comprend de nombreux rapports préliminaires, est accessible sur https://www.schechhamad.de/​veroeffentlichungen/​bibliographie.php ou http://github.com/​SheikhHamad/​bibliography.

3Le premier chapitre (01. Kühne) sert d’introduction, avec un historique de l’exploration du site, repéré dès 1879 par Hormuzd Rassam, qui avait été alerté par la découverte d’un fragment de stèle. Cette stèle, aujourd’hui au British Museum et attribuée par A. Millard et H. Tadmor à Adad-nirari III (810-783), a retrouvé sa partie basse, apparue sur le marché des antiquités en 2000, qui donnait le nom de la cité. Dūr-Katlimmu avait entre-temps été identifiée par W. Röllig grâce à un lot de tablettes découvert par hasard lors du creusement d’un canal moderne en travers du site en 1975-1977. La présentation topographique et géomorphologique replace le site dans le système de la Djeziré, avec la proximité de volcans et des chaînes du Gebel Sinjar et du Gebel Aziz. Installé sur la terrasse du Khabur, le site n’a pas connu de changement climatique significatif depuis le IIe millénaire, mais la désertification actuelle s’accélère sous l’action des activités anthropiques (irrigation, creusements mécaniques, etc.) ajoutées à une pluviométrie insuffisante pour les cultures sèches.

4Les chapitres suivants traitent des vestiges de la période médio-assyrienne, à travers l’étude du bâtiment P et de tombes creusées dans la citadelle. La méthode retenue par l’ouvrage distingue les articles à caractère descriptifs et stratigraphiques (02 à 10) des études interprétatives, méthode rigoureuse mais qui conduit à certains retours en arrière.

5L’exploration du bâtiment P, principal monument de la citadelle, a mis au jour environ 377 m2 d’un ensemble dont la totalité nous échappe. Depuis 1978, la compréhension des vestiges par les fouilleurs ayant évolué au cours de l’exploration, il a paru nécessaire de réviser les premières interprétations stratigraphiques émises lors de rapports préliminaires (02. Kühne). Le bâtiment P se présente comme un long rectangle composé de pièces alignées. Fondé sous le règne d’Adad-nirari I (1295-1264), le bâtiment P subit un tremblement de terre vers 1260 puis fut réparé : suivent deux phases d’utilisation comme centre d’archives administratives durant le xiiie et la première moitié du xiie siècle. Vers 1200, les espaces furent fermés, avant un nouveau tremblement de terre vers 1160 qui entraîna des remplissages suivis d’un abandon progressif au début du xie siècle. La séquence stratigraphique des phases architecturales du bâtiment P (03. Pfälzner) et le contexte stratigraphique des documents cunéiformes qui y ont été mis au jour (04. Rohde) sont minutieusement décrits. De rigoureuses listes donnent la correspondance entre la publicatio princeps, le numéro d’inventaire de ces tablettes et leur localisation : les archives se trouvaient à l’étage, qui s’est effondré au niveau inférieur. Elles mettent en lumière la gestion des récoltes de céréales et l’élevage, principaux secteurs de l’économie palatiale, à travers les résumés comptables annuels, échelonnés sur plusieurs années. Un autre aspect du système de gestion est révélé par les milliers de scellements en argile crue mis au jour dans les salles contenant les archives (06. Dohmann). Le catalogue des 643 exemplaires « lisibles » donne leur localisation et leurs caractéristiques : ces éléments de « système de sécurité » (Tonsicherungen) conservent au revers l’empreinte de l’objet qu’ils scellaient : panier, sac de cuir ou de textile, jarre de céramique, brassée de joncs ou poignée de porte. Sur la surface extérieure était déroulé un sceau-cylindre, apposé par le ou les responsables de la gestion des stocks qui passaient par le bâtiment. La difficile reconstitution du dessin de ces sceaux eux-mêmes, à partir de centaines d’empreintes partielles ou « floues » pour chaque cylindre, est en cours et fera l’objet d’un prochain volume (Kühne à paraître). La documentation sigillaire du bâtiment P comprenait aussi trente-cinq impressions sur argile imprimées par cinq scarabées différents (07. Seidlmayer). Ils appartiennent à des types répandus en Égypte et au Levant vers la fin de la XVIIIe dynastie et l’époque ramesside. L’un d’eux est plus précisément datable des règnes de Séthi I et de Ramsès II, correspondant bien à la phase d’activité administrative du bâtiment. De tels témoins de l’influence culturelle de l’Égypte ne sont pas rares au Levant, mais leur présence aussi loin à l’est que Dūr-Katlimmu est l’indice d’une considérable extension des réseaux à cette période. En revanche, un scarabée isolé provenant d’une tombe remonte au début de la XVIIIe dynastie : c’était déjà une antiquité au moment de son enfouissement et il s’agit plutôt d’un objet unique conservé pour sa valeur esthétique ou protectrice, sans rapport avec les pratiques administratives du bâtiment P.

6Le chapitre (10. Rohde) s’attache à la céramique, avec une méticuleuse table de concordance. Pour tenir compte de la révision énoncée plus haut de la stratigraphie, la chronologie des productions de la période Mittani et médio-assyrienne proposée antérieurement par Pfälzner est revue dans un louable scrupule de précision, limité à notre avis par la stabilité routinière des ateliers du Khabur, et la longue durée de certaines formes utilitaires, comme le bol caréné.

7Trois tombes creusées sur le flanc ouest de la citadelle, dans un niveau immédiatement postérieur au tremblement de terre de 1160 (05. Kulemann-Ossen et Preuss), ont livré un matériel, relativement luxueux, par la présence d’objets exotiques ou rares : peigne en ivoire, perles et vaisselle en matière vitreuse. Ces dernières sont caractéristiques des productions syro-mésopotamiennes du Bronze récent, qui utilisent l’oxyde de cuivre faute de cobalt pour obtenir du bleu (09. Tantrakarn et al.). Une épée, des pointes de flèches et divers objets en fer posent la question de la maîtrise précoce par les Assyriens de la technologie du fer, dès la période médio-assyrienne, maîtrise qui fut peut-être un des facteurs de leur puissance militaire au Ier millénaire (08. Kühne).

8La partie III, plus interprétative, est une synthèse pour la période médio-assyrienne. Pour les textes, en concordance avec les publications antérieures (BATSH 9), une réflexion nouvelle appuyée sur les noms d’années fournis par fonctionnaires éponymes, met en lumière une administration hiérarchisée à plusieurs niveaux de responsabilité (11. Cancik-Kirschbaum). Les données épigraphiques concernant Ḫana, Tabetu et tell Sabi Abyad, jointes à l’analyse de l’environnement (12. Kühne) font penser que la réorganisation de Dūr-Katlimmu par Adad-nirari III (810-783) correspondrait à la campagne contre Ḫana. Cette tête de pont allait permettre la colonisation de la Djeziré et la mise en valeur du territoire par l’établissement de routes royales et le creusement d’un canal interrégional : les voies reliant Ninive et Kalhu, au nord, et Assur plus au sud, avec les marches occidentales assyriennes, se substituent aux anciens passages par les centres du Mittani. Une courte étude étymologique s’interroge sur l’origine sémitique du toponyme Duara pour la Dūr-Katlimmu médio-assyrienne (13. Hess).

9La partie IV traite de la période néo-assyrienne, identifiée (couches 27 à 17) dans une section de la citadelle qui offre la séquence stratigraphique complète du site, jusqu’à la période romaine (14. Kühne et 16. Pfälzner). Un relief fragmentaire découvert dans une zone qui n’a pu être fouillée laisse supposer la présence d’une résidence palatiale sur le modèle de la capitale : il représente le torse d’un dignitaire assyrien portant un arc et une épée dont la garde est ornée de protomes de lions (16. Kühne) ; le morceau s’intégrait dans une scène de banquet où le roi est assisté par un jeune dignitaire, le porteur des armes royales, comme on peut en voir sur les murs du palais d’Assurnasirpal II à Kalhu. Enfin, une grande synthèse sur l’histoire de Dūr-Katlimmu néo-assyrienne (17. Kühne) rassemble les observations faites sur la citadelle et dans la ville basse. Trois phases successives d’urbanisme ont été repérées. La première éclaire une période mal connue de l’histoire néo-assyrienne, d’Assur-Bel-Kala (1074-1057) à Salmanasar III (858-824), qui correspond à l’émergence des royaumes araméens. La cité fait alors partie de la province de Rasappa. Cinq langues sont représentées dans les documents épigraphiques : assyrien, araméen, babylonien, phénicien et proto-arabe ; de nouveaux toponymes, Magdalu et Bīrtu, d’origine araméenne, apparaissent pour désigner la cité. Avec Adad-nirari III (810-783), Dūr-Katlimmu devient le centre de la province de Laqê nouvellement établie, la cité prend une nouvelle ampleur. La muraille s’étend, le territoire est mis en valeur par un réseau de canaux parallèles au cours du fleuve, les routes royales sont exploitées. Ce développement, est probablement dû à l’initiative du gouverneur Nergal-ēreš (803-775) mentionné dans les stèles érigées par Adad-nirari III à Rimah et Sabaʾa. L’intervention de son assistant, l’eunuque Išme-ilu, est identifiée par la découverte d’une empreinte de son sceau (fig. 17.09). Les résidences de cette phase (maisons 1 à 4) montrent des traits architecturaux venus du monde syro-hittite, tel le plan à porche en Hilani, comparable à ceux de Zinjirli ou Arslan Tash. Une troisième et ultime phase d’urbanisme, vers 635, voit l’édification d’immenses résidences dont une a été entièrement fouillée : la « maison rouge », couvrant 5 200 m2, a sans doute été construite par un haut fonctionnaire qui porte le titre honorifique d’« ami du roi ». Lorsque le pouvoir assyrien s’effondre en 612, la cité ne paraît pas particulièrement affectée et l’élite assyrienne semble maintenir son mode de vie sous le nouveau pouvoir babylonien.

10L’ouvrage rassemble des études de stratigraphie et de matériel qui ont parfois été entamées il y a deux décennies, ce qui a entraîné des révisions dans l’interprétation, et des mises au point. Des listes de trouvailles, tirées des bases de données informatisées utilisées lors de la fouille, figurent dans le volume de texte et le catalogue, et sont assurées de leur pérennité sur le papier. C’est devenu un luxe, comme le format fastueux (24,5 × 39,5), adopté depuis les premiers volumes de la série BATSH, ou l’abondante documentation graphique et photographique, dont beaucoup de photographies en couleurs. Magnifique exemple de l’érudition germanique, la publication de la citadelle de Dūr-Katlimmu a bénéficié d’une bourse du Shelby White and Leon Levy Publication Program for Archaeological Publications. Ce précieux instrument de travail est de plus un hommage mémoriel au patrimoine archéologique de la Syrie.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Annie Caubet, « Hartmut Kühne (éd.), Die Zitadelle von Dūr-Katlimmu in Mittel- und Neuassyrischer Zeit  »Syria [En ligne], Recensions, mis en ligne le 21 décembre 2021, consulté le 02 avril 2023. URL : http://journals.openedition.org/syria/11331 ; DOI : https://doi.org/10.4000/syria.11331

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