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Geneviève Dollfus, Lyons-la-Forêt, septembre 2009

cliché I. Fermon, permission famille Dollfus

1Geneviève Dollfus s’est éteinte le 29 août 2020 dans sa chère maison de Normandie, dans sa quatre-vingt-deuxième année.

2De 1967, date de ses premières fouilles syriennes, et jusqu’en 2007 en Jordanie, Geneviève exerça sur le terrain avec passion son métier d’archéologue en plusieurs régions du Proche et du Moyen-Orient. Partout, tant auprès de ses collègues français que locaux, elle a laissé le souvenir d’une forte personnalité tout à la fois chaleureuse et généreuse, passionnée des patrimoines qu’elle découvrait et étudiait avec rigueur, et particulièrement proche et soucieuse de la formation des jeunes générations qui l’entouraient.

3Au-delà de la reconnaissance légitime de son travail de recherche, la médaille d’argent du CNRS a aussi honoré il y a quelques années les nombreux engagements qu’elle pris jusqu’à sa retraite dans les responsabilités collectives et les tâches éditoriales, et ainsi consacré une carrière hors norme.

4Celle-ci l’amena à travailler dans plusieurs laboratoires et unités de recherche du CNRS, plus particulièrement l’URA 19 « Iran-Sud » du Centre de recherches archéologiques (CNRS, Valbonne) dont elle assura la direction de 1973 à 1984. Elle intégra aussi, de 1984 à 1999, l’équipe du CNRS alors animée à Jalès (Ardèche) par J. Cauvin, « Origines et développements de la sédentarisation au Proche-Orient » (URA 17 du CRA, devenue UPR 7537, aujourd’hui fusionnée dans le laboratoire lyonnais Archéorient), avant de rejoindre définitivement l’équipe « Préhistoire en Méditerranée orientale » de l’UMR 7041 ArScAn de Nanterre, dont elle fut responsable de 2000 à 2004.

5Après avoir collaboré en Syrie avec Henri de Contenson, essentiellement à Tell Ramad et Tell Aswad en 1967-1968, Geneviève Dollfus prit la direction d’Israël où elle rejoint alors pour la première fois l’équipe que Jean Perrot y dirigeait, la RCP 50, devenue plus tard la mission permanente du CNRS en Israël (MP3). Elle participa aux fouilles conduites à Munhata (1967), Beisamoun et Mallaha (1969-1974), puis assura pendant deux ans (1967-1970), avec Monique Lechevallier, la codirection du chantier de Abou Gosh, un site néolithique PPNB proche de Jérusalem. Son intérêt pour la préhistoire récente du Levant ne l’a d’ailleurs jamais quittée et, sur la fin de sa carrière (1998-2002), Geneviève était très investie dans son rôle de membre du conseil scientifique du Centre de recherche français de Jérusalem.

6En 1968, Jean Perrot décide de transporter ses recherches en Iran, à Suse, et Geneviève Dollfus fait alors partie de l’équipe qu’il installe sur place pour de longues campagnes annuelles. C’est sans aucun doute à l’ombre du château de briques crues de Suse que Geneviève a épanoui sa carrière entre 1968 et 1979. Devenue rapidement l’une des principales collaboratrices et animatrices de la mission française en tant que directrice-adjointe de la Délégation archéologique française en Iran (DAFI), son investissement scientifique et humain au sein de cette entreprise iconique de l’archéologie française demeure très vif pour ceux qui l’ont côtoyée à l’époque. Tous se souviennent certes de sa grande rigueur professionnelle, mais aussi de sa disponibilité, de son souci à organiser au mieux la vie quotidienne de chacun ainsi que l’accueil des fouilleurs et des nombreux visiteurs. Ce rôle essentiel qu’elle a assuré jusqu’à la révolution iranienne ne s’est jamais substitué à son activité scientifique et aux diverses opérations de terrain qu’elle a conduites dans la région. La spécialiste éprouvée de la préhistoire récente du Proche-Orient s’est ici attachée à explorer et mettre en lumière les périodes anciennes de la Susiane durant le V^e et le début du IV^e millénaire, notamment sur les sites de Tepe Djaffarabad (1969-1974), Tepe Djowi (1975-1976) et Tepe Bendebal (1977-1978). Elle a pu y exposer (notamment sur les deux derniers) des stratigraphies de référence immédiatement antérieures ou contemporaines de la fondation de la ville de Suse toute proche. Les résultats de ces fouilles ont paru rapidement dans des rapports préliminaires publiés dans trois volumes des Cahiers de la Délégation archéologique en Iran, série dont Geneviève a assuré le secrétariat de rédaction jusqu’en 1987.

7Après l’interruption des fouilles susiennes en 1979 à la suite de la révolution iranienne, Geneviève Dollfus retrouve un terrain d’élection en Jordanie. Elle y développe de nombreuses collaborations avec les archéologues jordaniens, notamment à partir de 1985, où elle codirige avec Zeidan Kafafi (Yarmouk University) la mission franco-jordanienne de Tell Abu Hamid jusqu’en 2007. Ce site de la vallée du Jourdain, occupé au V^e millénaire et durant la première moitié du IV^e, offrait une base idéale pour étudier la transition du Néolithique au Chalcolithique, et livra alors une documentation novatrice. Geneviève Dollfus et Zeidan Kafafi en firent aussi rapidement un chantier-école pilote renommé pour les étudiants jordaniens et français et l’on connaît l’attachement de Geneviève à ces actions de formation pour lesquelles elle consacra toute sa disponibilité, sa patience, et ses capacités reconnues de médiatrice. C’est précisément la richesse du patrimoine antique de la Jordanie qu’elle eut à cœur de présenter au grand public à travers sa contribution à plusieurs expositions temporaires organisées en 1986-1987 au musée du Luxembourg de Paris (« La Voie royale. 9 000 ans d’art au royaume de Jordanie ») ou en 1997 à l’Institut du monde arabe (« Jordanie dans les pas des archéologues »).

8Les générations les plus récentes connaissent surtout Geneviève Dollfus par son implication dans l’édition scientifique qui débuta dès 1971. Au secrétariat de rédaction des Cahiers de la DAFI déjà mentionné, il convient aussi d’ajouter entre 1978 et 1987 celui des Mémoires & Travaux, devenus plus tard les Cahiers du Centre de recherche français de Jérusalem. Mais le nom de Geneviève demeurera indéfectiblement attaché à la revue Paléorient, dont, dès sa création par Jean Perrot et Bernard Vandermersch en 1973, elle assura le secrétariat de rédaction. Elle en prit l’entière direction de 1994 à 2004 en en faisant une revue de référence sur la préhistoire et la protohistoire d’Asie du Sud-Ouest et d’Asie centrale. Le respect consensuel qu’inspire aujourd’hui cette publication rapidement devenue internationale et interdisciplinaire doit beaucoup à l’investissement sans limite de Geneviève Dollfus, mais aussi à une forme d’exigence à la fois ferme et bienveillante de sa part, que tous les contributeurs ont pu apprécier.

9Au-delà d’une travailleuse inlassable et d’un modèle stimulant pour nombre d’entre nous, l’archéologie française vient de perdre l’une de ses préhistoriennes les plus attachantes.