État des lieux à Tell Umm el-ʿAmr (bande de Gaza) : la question des baptistères
Résumés
Depuis la fin des années 1990, quatre baptistères ont été identifiés sur le site archéologique du monastère de Tell Umm el-ʿAmr situé au centre de la bande de Gaza. Ils s’échelonnent dans le temps entre les ve et vie siècles. Leur étude montre que leurs déplacements et transformations sont liés aux différents programmes architecturaux de développement du sanctuaire. Cet article est une première synthèse qui traite de la question des baptistères du monastère de Saint Hilarion. Il pose la question du rôle du monastère, lieu voué à la vénération des reliques, dans les campagnes de conversions menées au courant des ve et vie siècles entre le sud de Gaza et l’Égypte.
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- 1 Également connu sous le nom de monastère de Saint-Hilarion. Le toponyme apparaît cependant, pour l (...)
- 2 La connaissance des vestiges décrits dans cet article va jusqu’à l’année 2020, date d’écriture de (...)
1Depuis près d’un quart de siècle, les campagnes de fouilles menées sur le site archéologique du monastère de Tell Umm el-ʿAmr 1, au centre de la bande de Gaza, ont montré que le monument a perduré et a été remanié à de nombreuses reprises. Ces transformations ont systématiquement eu un impact sur l’organisation, la taille et le positionnement des équipements liturgiques du sanctuaire. L’espace réservé au baptême n’a pas échappé à ce processus de développement qui a concerné l’église et la crypte. Aujourd’hui 2, au moins quatre lieux de baptême ont été identifiés. Ils s’échelonnent dans le temps entre les ve et vie siècles. Plus ou moins bien préservés, ils nous renseignent sur la pratique du rite et la diversité des espaces qui pouvaient y être associés.
2Cet article se présente comme une première synthèse qui traite de la question des baptistères. Il participe au long travail de lecture des vestiges, des niveaux et des espaces complexes du monastère.
Rappel succinct de l’organisation générale des vestiges et de leur chronologie
- 3 Elter et Hassoune 2011, p.185-202.
3Cette partie a comme objectif de contextualiser les quatre ensembles baptismaux dans l’évolution générale du monastère. Une chronologie plus détaillée de l’ensemble des vestiges est disponible dans d’autres communications 3.
- 4 Les niveaux 8 et 3 ne seront pas présentés dans cette communication. Voir Elter 2012, p. 369-370.
- 5 L’utilisation des lieux va au-delà de la période chrétienne. Les indices de fouille donnent la fin (...)
- 6 Elter et Hassoune 2008, p. 129-144 (texte en lien avec le bain).
4Les vestiges mis au jour à Tell Umm el-ʿAmr se développent sur 14 000 m2. Intra muros, le monastère couvre une surface d’environ 8 300 m2 (fig. 1). Sa chronologie répartie en niveaux, de 8 à 3 4, s’échelonne du début du ive siècle à la fin du viiie siècle 5. Le complexe mis au jour à partir de 1997 correspond à sa version architecturale la plus tardive (niveaux 4 et 3). Il se partage en deux pôles architecturaux juxtaposés, l’un ecclésiastique au sud autour du sanctuaire, l’autre au nord autour des bains et de l’hôtellerie. L’emplacement du puits et de ses adductions d’eau, topographiquement positionné sur la partie la plus haute du site, marque la séparation entre les deux ensembles. Le complexe ecclésiastique forme un quadrilatère tourné vers l’est, d’environ 4 650 m2. Il comprend l’église, la crypte, l’atrium, les baptistères, une chapelle, les cellules, le réfectoire et des annexes de service. L’ensemble du bain 6 et de l’hôtellerie couvre une surface d’environ 3 600 m2. L’hôtellerie en occupe le nord, et le bain, le sud.
Le niveau 7 : le cenobium, le caveau reliquaire
- 7 Heinein et Wuttmann 2000.
5Le bâtiment primitif s’est développé suivant un quadrilatère orienté est-ouest, de plus de 12 m de largeur et 16,5 m de longueur. Il est construit en briques de terre crue. La trame quadrangulaire intérieure du bâtiment rappelle par son organisation et sa configuration celle des ermitages égyptiens des Kellia 7 (fig. 2a). Il a dans un premier temps englobé la cabane de l’ermite puis vraisemblablement accueilli la première communauté, du moins jusqu’en 361 apr. J.-C.
- 8 Hirschfeld 1993, p. 297-311.
6La mise en place du caveau reliquaire s’est faite après le retour des restes du saint en 372. Il est fort possible qu’il ait été aménagé à l’emplacement de la cellule d’Hilarion. Cette pratique est attestée ailleurs en Palestine. Le corps des ermites pouvait être scellé dans leur cellule convertie en tombe, tout comme c’est le cas pour saint Cyriaque, inhumé dans sa cellule de Saint-Chariton, à l’est de Bethléem 8. Le caveau est de plan rectangulaire et orienté.
Le niveau 6 : la première église, le premier sanctuaire
- 9 « Par les prières et l’intercession de notre saint père Hilarion, soyons pris en pitié, amen ». L’ (...)
7La nouvelle construction a adopté le tracé et l’orientation de la construction antérieure, disposition qui a, par souci de continuité, exigé l’alignement de l’axe du chœur à partir de la tombe même d’Hilarion. L’édifice a été voulu de plan basilical avec nef et bas-côtés. Le plan primitif a été redistribué avec la fondation de deux stylobates (fig. 2b). L’église a une largeur reconnue de 11,6 m et une longueur de 16,5 m ; l’abside est profonde de 1,5 m. La nef et le chœur sont pavés de mosaïques à décors géométriques. Le pavement présente, à l’aplomb et à l’est de la sépulture, une inscription qui mentionne le fondateur du monastère 9. L’emplacement de la tombe était marqué au sud, dans le pavement, par un aménagement matérialisant le regard qui permettait le contact avec les reliques. Un degré de calcaire fin sépare la nef du chœur. Le mobilier peut être replacé selon les arrachements. L’autel comme le chœur étaient axés sur le caveau et l’inscription qui cite Hilarion. L’ambon dominait l’inscription, côté nord, dans la nef centrale.
Le niveau 5 : la deuxième église, la translation des reliques
8La nouvelle église englobe la première et reste conforme dans son organisation (plan basilical, nef et bas-côtés) et ses proportions au bâtiment précédent. L’abside englobe entièrement la précédente mais ne s’avance pas au-delà du chevet (fig. 3a). L’église a pour dimensions dans sa nouvelle version 19,1 m de largeur et 27,1 m de longueur.
9Dans un deuxième état (5a), le sanctuaire subit des modifications. Une correction de 15° dans l’orientation du chœur par rapport à celui de l’édifice précédent place l’arc triomphal perpendiculairement à la nef. L’axe de l’abside n’est plus décalé mais bien dans le prolongement de la nef, ce qui lui confère un volume plus homogène (fig. 3b). La rectification du chœur fut accompagnée de l’exhaussement de son sol et de la pose d’une barrière de chancel. Le chœur ainsi clos s’est trouvé séparé de la nef, peut-être avec l’installation d’une iconostase. Une mosaïque à décors géométriques pave le chœur. Entre chœur et nef, à la hauteur du chancel, une nouvelle inscription malheureusement lacunaire marque le passage. Son emplacement n’est pas anodin car il remplace, à l’aplomb, l’inscription qui nommait Hilarion. Du côté nord du chœur, un ambon enjambait le chancel. Dans l’espace libéré au sud par le déplacement de l’arc triomphal, un baptistère est installé. Les sols des nefs étaient pavés de grandes dalles de calcaire fin. Cette phase architecturale marque une nette transition dans l’évolution du lieu. Elle préfigure les importantes constructions qui suivent. Paradoxalement, l’embellissement du sanctuaire correspond à un changement dans le lieu de la vénération des reliques d’Hilarion. Les transformations du sanctuaire sont donc étroitement liées à la volonté de disposer les reliques, pour une vénération plus efficace, dans un lieu plus solennel et vraisemblablement adapté au pèlerinage. Elles libèrent l’espace du sanctuaire à d’autres activités, comme celle du baptême.
Le niveau 4 : la troisième église, le sanctuaire magnifié
- 10 Environ 11,5 m de largeur (avec abside) par 20,5 m de longueur, cotes intérieures.
10Dans ce nouveau programme architectural, remanié à trois reprises (états 4c, 4b et 4a) la permanence du lieu est restaurée autour du caveau reliquaire du saint. L’axe longitudinal est-ouest des édifices antérieurs est déplacé. Tout en conservant la même orientation, l’axe décalé d’environ 1,45 m vers le sud est désormais réglé sur le caveau et dans l’alignement de celui de la première crypte (état 5a). La logique de remodelage général transparaît dans les grands travaux entrepris. Ils concernent la construction de la grande crypte 10 et de l’imposant complexe du baptistère (y compris la chapelle), l’emploi d’un dallage de marbre gris dans la longue nef qui rompt avec les tapis de mosaïque à motifs géométriques et pavements de calcaire blanc des églises antérieures, enfin l’emploi de puissantes colonnes de marbre blanc avec leur chapiteau. Les aménagements repoussent de 10 m vers l’est l’abside de l’église pour inclure la grande crypte dans son périmètre. La « grande église » atteint alors plus de 40 m de longueur (fig. 4).
Les baptistères
11L’étude archéologique du monument a montré que l’évolution de l’espace baptismal est intimement liée à celle du sanctuaire. La description ci-après s’attache à présenter les programmes architecturaux liés aux différents baptistères et à leur mise en relation avec le reste du monument (fig. 5).
Le baptistère 1
- 11 L’aménagement de l’abside permet un développement de l’espace baptismal à l’est.
12Le premier baptistère est situé au sud et à l’écart du sanctuaire. Fortement perturbé par les occupations postérieures, l’espace baptismal est partiellement lisible. Il se développait dans une chapelle de plan quadrangulaire pourvue tardivement d’une abside orientée 11. Il était au moins divisé en deux volumes et couvre une surface aujourd’hui reconnue d’environ une trentaine de mètres carrés.
- 12 Cette inscription a été lue par Catherine Saliou.
13Le volume nord, avait une fonction de vestibule. Un tapis de mosaïque aux motifs géométriques et polychromes couvrait son sol (fig. 6). Il est pourvu d’un médaillon dans lequel sont représentés, dans la partie inférieure, des poissons nageant dans de l’eau vive ; la partie supérieure présente quant à elle une inscription en lien avec les quatre fleuves du paradis 12.
- 13 Blocs et moellons de kurkar (grès marin). Cette pierre appelée également « pierre de sable » est l (...)
14Le volume sud était réservé à la cuve et à l’immersion ; il couvre une surface d’une dizaine de mètres carrés (fig. 7). La partie enterrée de la cuve est encore en place ; elle est située au droit de l’abside. Elle est de plan quadrangulaire de 0,60 m de largeur par 0,90 m de longueur. Son orientation est organisée suivant sa longueur. Sa profondeur conservée est de 0,45 m. La cuve est maçonnée 13 et couverte d’un enduit à la chaux. Le sol de l’espace situé au sud de la cuve, lieu de positionnement de l’officiant, était couvert d’un pavement de dalles de gypse blanc.
15La petite taille de cet ensemble imposait vraisemblablement qu’une partie du rite, entre autres la renonciation et le lavement, devait directement avoir lieu dans le vestibule avant l’immersion. La jarre positionnée le long du mur sud du vestibule à proximité du pavement de mosaïque pouvait servir à cet usage. Ces pratiques n’étaient pas rares et elles révèlent des baptêmes plutôt individuels en lien avec une communauté réduite.
16Chronologiquement, le baptistère 1 peut être antérieur ou contemporain (du moins encore en fonction) au baptistère 2. Des vérifications archéologiques actuellement en cours à sa périphérie éclaireront probablement sur la possibilité d’une relation des deux espaces.
Le baptistère 2
- 14 L’ensemble du monument est construit sur la dune côtière. Les différentes fouilles menées à l’est (...)
- 15 La cuve est conservée sur un quart de son volume. Deux des quatre branches sont encore visibles. Le (...)
17Le deuxième baptistère mis au jour est contemporain du deuxième état de l’église (niveau 5a ; fig. 3b). Il est situé à l’est, accolé au sanctuaire. Son volume a été fortement bouleversé par les réaménagements postérieurs liés à la crypte, au chœur et aux nombreux effondrements de la bordure est de la dune 14 (fig. 8). Il est cependant possible de restituer l’espace qui lui était consacré. Le baptistère se développait dans une salle d’une vingtaine de mètres carrés qui jouxtait au sud l’abside du chœur, dans le prolongement à l’est de la nef sud, et formait l’angle sud-est du monument, en surplomb de la pente naturelle de la dune. L’accès se faisait depuis la nef sud, à partir d’une ouverture réalisée dans le mur de l’arc triomphal. La cuve ou piscine était cruciforme de plan rectangulaire carré et orientée. Elle avait une profondeur de 1 m. Les branches avaient chacune une longueur approximative de 0,75 m. Le fond de plan carré de la cuve avait 0,50 m de côté. La cuve couvrait 4 m2, soit environ le cinquième de la surface totale du baptistère. Trois marches aménagées dans chacune des branches permettaient la descente et la remontée 15. Sa structure est constituée d’une maçonnerie de blocs et moellons de grès marin (kurkar), recouverte d’un enduit hydraulique d’une texture lisse et fine qui rappelle celle du stuc romain (fig. 9 à 11). Le dessus des marches et le fond de la cuve étaient couverts de dalles de calcaire blanc fin. Un aménagement tronconique circulaire de 0,05 m de diamètre permettait l’évacuation des eaux à l’est, vers l’extérieur dans la pente de la dune.
Figure 8.
Fragments architecturaux effondrés, dont ceux de la partie sud de la cuve du baptistère 2 (à droite de la photographie, le mur stylobate sud de l’église, niveau 4)
Cliché © R. Elter
- 16 Les vérifications menées actuellement sur le site au sud des églises iraient dans ce sens.
18Comme pour le premier baptistère, la question des espaces liés à la préparation et à la confirmation du baptême reste vague. L’archéologie n’a pas pour le moment révélé d’informations à ce sujet. Il est probable que la préparation se faisait à l’extérieur du sanctuaire. La porte mise au jour en 2011 dans le gouttereau sud de l’église confirmerait cette hypothèse. La partie du rite concernant la renonciation au diable et le lavement des pieds était alors pratiquée à l’extérieur, dans des espaces prévus à cet usage et situés au sud 16. Par ailleurs, après l’immersion et l’onction, la confirmation pouvait avoir lieu dans le baptistère ou dans l’une des nefs de l’église. Les changements menés dans le chœur dans le deuxième état de la deuxième église (niveau 5a) et la translation des reliques dans un nouvel espace voué au pèlerinage ont pu le permettre.
Le baptistère 3
19Le baptistère 3 est contemporain du troisième état du sanctuaire (niveau 4c ; fig. 4a). Le programme architectural qui y est attaché est le plus vaste entrepris et le plus ambitieux. Il se développe sur une surface de plus de 180 m2, le long de la nef nord de l’église. Il comprend une succession de salles dont la fonction était de permettre, depuis l’entrée du monastère, via la galerie nord de l’atrium, de franchir les différentes étapes du rite jusqu’à « l’Illumination ».
- 17 Sols situés au nord et à l’est.
- 18 Les briques ont pour dimensions 0,25 m de côté pour 0,035 m d’épaisseur.
- 19 Les marches avaient pour dimensions 0,81 m de largeur par 0,30 m de hauteur par 0,20 m de profonde (...)
- 20 L’étude archéologique de la cuve a révélé que les marches n’ont pas été réalisées lors des travaux (...)
20Le chantier du baptistère n’a rien à envier à celui de la crypte. D’importants moyens sont mis en œuvre pour sa réalisation afin de permettre une presque continuité des sols depuis le sanctuaire. Le sol du bâtiment, qui intègre un vestibule positionné au sud, s’élève à près de 3 m au-dessus de la dune 17 sur une plateforme contenue par d’épais murs renforcés par des contreforts (fig. 12). Plus d’une centaine de mètres cubes de sable et de remblais ont été nécessaires à sa réalisation. De plan rectangulaire carré, le baptistère avait pour surface 25 m2. La cuve légèrement décalée vers l’est, d’une vingtaine de centimètres du centre de la salle, est de plan cruciforme quadrilobé à base carrée et orientée (fig. 13), de 2,56 m de côté. Elle a une profondeur conservée de 0,66 m. Il est probable que dans sa partie supérieure elle était saillante d’une trentaine de centimètres par rapport au sol qui l’environnait. Elle est constituée d’une maçonnerie de briques de terre cuite carrées 18, liées par un mortier gris cendreux et coquillé. Les briques étaient enduites d’un mortier hydraulique incorporant de la terre cuite pilée, puis elles étaient recouvertes d’un fin placage de marbre. Dans chacun des quatre angles rentrants, était disposé une colonne ou un pilier, ce qui suppose qu’à défaut d’une coupole qui coiffait le bâtiment la cuve était couverte par un ciborium ou baldaquin (fig. 14). Trois marches 19 aménagées dans les quatre branches permettaient la descente et la montée 20. L’eau était acheminée à partir du puits situé à l’ouest par une conduite en terre cuite de 0,05 m de diamètre. Après usage, elle était évacuée vers l’extérieur dans un petit bassin quadrangulaire positionné à l’est en contrebas du baptistère. Une ouverture circulaire de 0,07 m de diamètre était prévue à cet effet dans le fond de la cuve.
Figure 12.
Les soubassements et les contreforts conservés de la chapelle (au centre de la photographie) et des baptistères 3 et 4 (à droite) vus depuis le nord-est
Cliché © R. Elter
Figure 13.
Les baptistères 3 et 4, les cuves, l’opus sectile (niveau 4a)
Clichés © R. Elter ; photogrammétrie, orthophotographie, traitement de l’image © E. Alby/Insa
21Le parcours préparatoire des catéchumènes ou néophytes vers la cuve se développait sur une succession de trois salles quadrangulaires. Il s’organisait vraisemblablement de la manière suivante (fig. 15a) :
- 21 La niche nord est encore partiellement conservée en élévation.
22Depuis l’extrémité est de la galerie nord de l’atrium, une porte s’ouvrait sur un escalier à deux marches axées sur une première salle (salle 3, fig. 15a). Ce premier espace, orienté, de 34,5 m2, est entièrement couvert d’un pavement de mosaïque, polychrome, évoquant le paradis. La première marche de l’escalier donne directement sur la représentation d’une jarre (ou cratère) d’où s’échappe un réseau de rinceaux de vigne. Des médaillons ponctuent le sol, la multiplicité de la Création y est détaillée (quadrupèdes, volatiles, nourriture) [fig. 16]. Un enfoncement semi-quadrangulaire d’environ 1 m2 de surface, d’une dizaine de centimètres de profondeur dans le nord du pavement suggère un équipement mobilier aujourd’hui disparu. Deux niches en abside étaient aménagées dans le mur ouest et encadraient l’escalier 21.
Figure 16.
Le tapis de mosaïque, représentant les jardins du paradis dans la première salle du circuit des espaces attachés aux baptistères 3 et 4
Cliché © R. Elter
- 22 La vasque de plan semi-circulaire avait une largeur de 0,86 m. La base circulaire du corps de font (...)
23Plus à l’est, la deuxième salle (salle 4, fig. 15a) atteint une surface de 45,5 m2. Son sol est, au moins dans sa version tardive, couvert de grandes dalles de marbre à l’identique du sanctuaire. Un degré et une large baie couverte par un arc ouvraient à son extrémité est sur le vestibule sud (salle 8, fig. 15a). Au nord, une triple baie donnait accès à une autre salle (salle 5, fig. 15a) d’une surface de 30 m2 et dans laquelle une fontaine à large vasque en marbre 22 occupait l’angle nord-ouest (no 6, fig. 15a ; fig. 17). La catéchèse et la renonciation au diable pouvaient être pratiquées dans l’une des deux premières salles, alors qu’ici était pratiqué le lavement des pieds. Cette salle pouvait également servir de vestiaire. Elle était le vestibule qui précédait l’entrée du baptistère (salle 7, fig. 15a).
Figure 17.
Le fond de la vasque de la fontaine de la salle du lavement de pieds, le vestibule ouest
Cliché © R. Elter
24Après l’immersion le nouveau baptisé recevait l’onction et les Saintes Écritures dans le vestibule sud, avant de se rendre dans le sanctuaire pour partager l’eucharistie.
Le baptistère 4
- 23 Les marches ont pour largeur 0,54 m et leur hauteur est comprise entre 0,27 m et 0,40 m, la plus p (...)
25Le programme architectural du baptistère 4 utilise et enrichit le précédent. Il est contemporain de celui de la grande crypte (niveau 4a, fig. 4b). Le bâtiment du baptistère est prolongé d’une vingtaine de mètres carrés au nord et s’inspire des principes constructifs du précédent. La cuve du baptistère 3 est arasée, comblée et remplacée par une nouvelle positionnée 3,60 m plus au nord (fig. 18). De plan cruciforme, à fond carré, orientée, de 1 m de profondeur, elle se développe dans un massif à base semi-circulaire maçonné en briques de terre cuite de 3,14 m par 2,33 m (fig. 13). Cette volumétrie est atypique dans ce contexte car elle suscite une installation dans une abside (fig. 19). Son positionnement sur le mur nord du baptistère précédant et sa forme ont cependant pour avantage de libérer l’espace à l’arrière de la cuve. Les branches est et ouest sont chacune pourvues de trois marches 23. Seul le dessus des marches et le fond de la cuve ont été plaqués de dalles de marbre gris. Les autres parois sont enduites d’un mortier hydraulique incluant de la terre cuite pilée. La cuve dominait d’une trentaine de centimètres le sol de la salle couvert d’un opus sectile de petites dalles de calcaire et de marbre blancs. Deux petites vasques semi-circulaires de 0,50 m de largeur par 0,45 m de profondeur ont été logées au sud, de part et d’autre de la branche sud de la cuve. Leur fond est plaqué de marbre gris. Il est probable qu’elles servaient au baptême des jeunes enfants. L’eau de l’une et de l’autre s’écoulait directement dans la grande cuve centrale. L’eau réservée à l’immersion était acheminée du puits par une canalisation maçonnée (fig. 20). Elle était évacuée à l’est par une canalisation, à partir d’une perforation circulaire aménagée dans le fond de la cuve.
Figure 18.
Le baptistère 3 comblé avant son dégagement et l’opus sectile qui le couvrait
Cliché © R. Elter
Figure 20.
Le système d’adduction d’eau du baptistère 4 (au centre de la photographie le canal de section quadrangulaire, au bout le baptistère 4)
Cliché © R. Elter
26Dans ses grandes lignes, le parcours qui précédait la cuve était identique au précédent (fig. 15b). Un changement est cependant entrepris après l’« Illumination ». Il est de taille : il se poursuit dans une chapelle orientée à abside construite dans le prolongement est du vestibule sud. L’objectif est identique à celui de la grande crypte de pèlerinage : permettre une fréquentation accrue lors des rites et célébrations.
27La chapelle est de plan rectangulaire orienté d’une surface de 75 m2. Son système constructif rappelle celui du bâtiment du baptistère et de puissants contreforts la stabilisent, dans la pente naturelle de la dune. Son abside est englobée dans le chevet, elle a 2,3 m de profondeur (fig. 21). Un degré séparait la nef du chœur. Son sol est couvert d’un opus sectile orienté de grandes dalles de calcaire blanc et de marbre gris. L’archéologie a montré que dans son état primitif le sol était couvert d’un pavement de mosaïque polychrome.
Conclusion
28À Tell Umm el-ʿAmr, comme le montre l’interprétation archéologique des vestiges, les équipements baptismaux et leurs annexes ont été développés en continu, à l’image du sanctuaire. L’imposant programme architectural mené au nord des églises, mettant en scène la liturgie du baptême par une succession de salles, révèle dans ses phases tardives (niveau 4) un autre aspect de l’activité du monastère. Il est certain aujourd’hui, à la lumière de cette nouvelle lecture, que le monastère avait toute son importance dans un schéma plus vaste de conversion de « masse », dans la région, entre les ve et vie siècles. Il n’y a là aucune incompatibilité avec la vénération des reliques d’Hilarion : la confrontation appelait le catéchumène à suivre l’exemple du saint abbé.
29Au vie siècle, la grande crypte de pèlerinage et les deux imposants baptistères font donc partie du même programme liturgique. Leur architecture ambitieuse révèle que, de par son positionnement géographique, le monastère était l’un des centres majeurs de l’activité d’assimilation dans la nouvelle foi, entre le nord du Negueb, Gaza et l’Égypte. De nouvelles pistes de recherches s’imposent maintenant, celles de la confrontation avec les textes, l’historiographie de la région. Elles permettront à l’avenir un éclairage plus précis sur cette nouvelle lecture du monument.
Notes
1 Également connu sous le nom de monastère de Saint-Hilarion. Le toponyme apparaît cependant, pour la première fois à partir de 1879 sur la carte de C. R. Conder et H. H. Kitchener sous le nom de « Umm ʿAmir », traduction de Umm amʾr ; Elter et Hassoune 2005, p. 13-40
2 La connaissance des vestiges décrits dans cet article va jusqu’à l’année 2020, date d’écriture de cet article.
3 Elter et Hassoune 2011, p.185-202.
4 Les niveaux 8 et 3 ne seront pas présentés dans cette communication. Voir Elter 2012, p. 369-370.
5 L’utilisation des lieux va au-delà de la période chrétienne. Les indices de fouille donnent la fin de la période omeyyade, voire au-delà du viiie siècle. L’activité incluant le pillage des matériaux se poursuit au moins jusqu’au xiiie siècle.
6 Elter et Hassoune 2008, p. 129-144 (texte en lien avec le bain).
7 Heinein et Wuttmann 2000.
8 Hirschfeld 1993, p. 297-311.
9 « Par les prières et l’intercession de notre saint père Hilarion, soyons pris en pitié, amen ». L’inscription a été lue par Catherine Saliou, l’épigraphiste de la mission.
10 Environ 11,5 m de largeur (avec abside) par 20,5 m de longueur, cotes intérieures.
11 L’aménagement de l’abside permet un développement de l’espace baptismal à l’est.
12 Cette inscription a été lue par Catherine Saliou.
13 Blocs et moellons de kurkar (grès marin). Cette pierre appelée également « pierre de sable » est la base de toutes les maçonneries du monastère.
14 L’ensemble du monument est construit sur la dune côtière. Les différentes fouilles menées à l’est du sanctuaire ont montré que les absides des chœurs des églises construites en limite de la dune se sont toutes effondrées. Ces effondrements ont bien évidement entrainé les installations qui y étaient accolées. La fouille archéologique menée à l’est de la nef sud de la grande église a révélé de nombreux fragments architecturaux provenant pour partie de l’effondrement du baptistère (voir fig. 8).
15 La cuve est conservée sur un quart de son volume. Deux des quatre branches sont encore visibles. Les marches ont une largeur de 0,45 m, une hauteur d’environ 0,30 m et une profondeur d’environ 0,25 m.
16 Les vérifications menées actuellement sur le site au sud des églises iraient dans ce sens.
17 Sols situés au nord et à l’est.
18 Les briques ont pour dimensions 0,25 m de côté pour 0,035 m d’épaisseur.
19 Les marches avaient pour dimensions 0,81 m de largeur par 0,30 m de hauteur par 0,20 m de profondeur.
20 L’étude archéologique de la cuve a révélé que les marches n’ont pas été réalisées lors des travaux de maçonnerie de la cuve. Les lobes restés vides ont été aménagés dans un deuxième temps, vraisemblablement lors de la pose du placage de marbre. La structure des marches est constituée de bloc de grès marin (kurkar) et de fragments de tuiles plates de terre cuite.
21 La niche nord est encore partiellement conservée en élévation.
22 La vasque de plan semi-circulaire avait une largeur de 0,86 m. La base circulaire du corps de fontaine de 0,30 m de diamètre est encore lisible en négatif (mortier de pose) dans le fond de la vasque.
23 Les marches ont pour largeur 0,54 m et leur hauteur est comprise entre 0,27 m et 0,40 m, la plus profonde étant la plus haute.
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Titre | Figure 1. |
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Légende | Plan général du site |
Crédits | Dessin © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 258k |
Titre | Figure 2. |
Légende | Plans des niveaux 7 et 6 du sanctuaire |
Crédits | Dessin © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 263k |
Titre | Figure 3. |
Légende | Plans du niveau 5, état 5b et 5a, du sanctuaire |
Crédits | Dessin © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 260k |
Titre | Figure 4. |
Légende | Plan du niveau 4, états 4c, 4b et 4a du sanctuaire |
Crédits | Dessin © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 257k |
Titre | Figure 5. |
Légende | Plan général de localisation des baptistères |
Crédits | Dessin © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 279k |
Titre | Figure 6. |
Légende | Vue sur le tapis de mosaïque du volume nord du baptistère 1 |
Crédits | Cliché © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 100k |
Titre | Figure 7. |
Légende | Vue sur l’abside et la cuve du baptistère 1 |
Crédits | Cliché © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 281k |
Titre | Figure 8. |
Légende | Fragments architecturaux effondrés, dont ceux de la partie sud de la cuve du baptistère 2 (à droite de la photographie, le mur stylobate sud de l’église, niveau 4) |
Crédits | Cliché © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 309k |
Titre | Figure 9. |
Légende | La cuve du baptistère 2 vue depuis le nord |
Crédits | Cliché © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 233k |
Titre | Figure 10. |
Légende | La cuve du baptistère 2 vue depuis l’est |
Crédits | Cliché © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-10.jpg |
Fichier | image/jpeg, 216k |
Titre | Figure 11. |
Légende | La cuve du baptistère 2 vue de dessus |
Crédits | Cliché © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-11.jpg |
Fichier | image/jpeg, 191k |
Titre | Figure 12. |
Légende | Les soubassements et les contreforts conservés de la chapelle (au centre de la photographie) et des baptistères 3 et 4 (à droite) vus depuis le nord-est |
Crédits | Cliché © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-12.jpg |
Fichier | image/jpeg, 268k |
Titre | Figure 13. |
Légende | Les baptistères 3 et 4, les cuves, l’opus sectile (niveau 4a) |
Crédits | Clichés © R. Elter ; photogrammétrie, orthophotographie, traitement de l’image © E. Alby/Insa |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-13.jpg |
Fichier | image/jpeg, 340k |
Titre | Figure 14. |
Légende | Évocation du volume du baptistère 3 et de sa cuve |
Crédits | 3D © M. Santiago |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-14.jpg |
Fichier | image/jpeg, 78k |
Titre | Figure 15. |
Légende | Le parcours des catéchumènes dans les versions des baptistères 3 et 4 |
Crédits | Dessin © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-15.jpg |
Fichier | image/jpeg, 303k |
Titre | Figure 16. |
Légende | Le tapis de mosaïque, représentant les jardins du paradis dans la première salle du circuit des espaces attachés aux baptistères 3 et 4 |
Crédits | Cliché © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-16.jpg |
Fichier | image/jpeg, 338k |
Titre | Figure 17. |
Légende | Le fond de la vasque de la fontaine de la salle du lavement de pieds, le vestibule ouest |
Crédits | Cliché © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-17.jpg |
Fichier | image/jpeg, 425k |
Titre | Figure 18. |
Légende | Le baptistère 3 comblé avant son dégagement et l’opus sectile qui le couvrait |
Crédits | Cliché © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-18.jpg |
Fichier | image/jpeg, 235k |
Titre | Figure 19. |
Légende | Évocation du volume du baptistère 4 et de sa cuve |
Crédits | 3D © M. Santiago |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-19.jpg |
Fichier | image/jpeg, 96k |
Titre | Figure 20. |
Légende | Le système d’adduction d’eau du baptistère 4 (au centre de la photographie le canal de section quadrangulaire, au bout le baptistère 4) |
Crédits | Cliché © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-20.jpg |
Fichier | image/jpeg, 302k |
Titre | Figure 21. |
Légende | Vue sur la chapelle |
Crédits | Cliché © R. Elter |
URL | http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/12937/img-21.jpg |
Fichier | image/jpeg, 297k |
Pour citer cet article
Référence papier
René Elter, « État des lieux à Tell Umm el-ʿAmr (bande de Gaza) : la question des baptistères », Syria, 98 | 2021, 83-100.
Référence électronique
René Elter, « État des lieux à Tell Umm el-ʿAmr (bande de Gaza) : la question des baptistères », Syria [En ligne], 98 | 2021, mis en ligne le 24 août 2022, consulté le 08 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/syria/12937 ; DOI : https://doi.org/10.4000/syria.12937
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