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Nécrologies

Béatrice André-Salvini (Neuilly-sur-Seine, 27 janvier 1949 – Paris, 24 novembre 2020)

Archéologue, épigraphiste, historienne
Carole Roche-Hawley et Alain J. Desreumaux
p. 445-448

Texte intégral

Béatrice André-Salvini, dans l’auditorium du Louvre le 28 janvier 2011

Béatrice André-Salvini, dans l’auditorium du Louvre le 28 janvier 2011

cliché M. Salvini

1Le 24 novembre 2020, s’éteignait à l’âge de 71 ans Béatrice André-Salvini, au terme d’une cruelle maladie qu’elle a voulu soigner sérieusement tout en continuant son activité au service de l’archéologie du Moyen-Orient, en gardant son élégance naturelle pour préserver ses amis de la voir souffrir.

2Archéologue, épigraphiste et historienne, Béatrice André-Salvini était une digne représentante de l’orientalisme français, dévouée tout au long de sa carrière dans le service public à la cause de la recherche et de la diffusion de la connaissance dans le domaine des antiques civilisations de la Mésopotamie.

3Née le 27 janvier 1949 à Neuilly-sur-Seine dans une famille berrichonne où la culture se joint à l’érudition au service du patrimoine humain, Béatrice André découvrit dès son adolescence l’Orient des débuts de la civilisation. Elle poursuivit ses études à l’UFR d’histoire de l’art et d’archéologie de l’université Paris I au centre Michelet, ainsi qu’à l’École du Louvre, obtint une licence d’histoire-géographie, puis, à l’âge de 27 ans, passa avec succès le concours de conservateur du patrimoine au Louvre.

4Après un stage au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, elle entra en 1978 au département des Antiquités orientales au musée du Louvre sous la direction de Pierre Amiet. Elle fut alors chargée de la gestion de la grande collection épigraphique du département où elle reçut de nombreux chercheurs de France et de l’étranger, qui se souviennent tous de son sens de l’accueil souriant et disponible. C’est là qu’elle fit la connaissance de son époux Mirjo Salvini, épigraphiste orientaliste, spécialiste des cultures hourrite et ourartéenne, venu de Rome.

5En 2006, Béatrice André-Salvini fut nommée conservatrice générale du patrimoine et directrice du département des Antiquités orientales du musée du Louvre, poste qu’elle servit jusqu’en 2014. Elle organisa notamment l’aménagement des salles du Grand Louvre dédiées à la Perse achéménide avec les fameux archers de Suse.

  • 1 « Les débuts de la recherche française en assyriologie : milieu et atmosphère du déchiffrement », J (...)
  • 2 L’invention de l’écriture (Monde en poche junior 54), Paris, Nathan, 1995.

6Béatrice était avant tout spécialiste de la Mésopotamie ancienne et de sa culture écrite. En 1982, elle réalisa sa première exposition au Grand Palais avec Christiane Ziegler : Naissance de l’écriture. Le catalogue issu de cette exposition reste un ouvrage fondamental sur la naissance de l’écriture en Mésopotamie et en Égypte anciennes. Elle consacra par ailleurs de nombreuses publications à l’écriture cunéiforme et à son déchiffrement, avec une attention particulière pour le contexte dans lequel ces découvertes se firent 1. Depuis 1991, elle fut enseignante à l’École du Louvre et garda un souci de diffusion auprès d’un large public, en participant à plusieurs numéros des Dossiers d’archéologie (en 1995, 1999, 2008, 2016, 2020), au numéro 120 du Monde de la Bible en 1999 et avec son petit livre pédagogique sur la naissance de l’écriture, qui lui tenait à cœur pour les enfants et dont elle projetait une nouvelle édition 2.

7Épigraphiste, Béatrice a participé à plusieurs missions archéologiques telles que Hili aux Émirats arabes unis ou Qalaat al-Bahrein. Elle était responsable de l’édition des textes lexicaux mis au jour à Ras Shamra et publia plusieurs de ces textes dans la série Ras Shamra Ougarit (volume 7, 1991), mais aussi dans la collection Nuzi (volume 9, en collaboration avec Mirjo Salvini) et dans la revue Studi Micenei ed Egeo-Anatolici, vol. 46. En 2008, elle fit une synthèse des textes lexicaux trouvés au palais royal dans l’ouvrage L’Orient des palais, édité par Michel al-Maqdissi et Valérie Matoïan.

  • 3 Babylone (Que sais-je ?), Paris, PUF, 2001, p. 5.

8En tant qu’historienne et conservatrice de musée, elle a consacré une grande partie de son travail à Babylone dont elle disait que « Nulle cité au monde ne fut davantage enviée et crainte, admirée et honnie, plus souvent dévastée et reconstruite 3. » C’est à elle qu’on doit la mise en valeur du code de Hammourabi dans sa salle actuelle, présentation à laquelle elle associa un fascicule très riche en 2003. Elle participa à la préparation du dossier de candidature de Babylone au patrimoine mondial de l’Unesco, statut que la ville a obtenu depuis. En 2008, elle organisa, en collaboration avec Sébastien Allard, une grande exposition au musée du Louvre sur Babylone dans laquelle c’était la Babylone antique comme la Babylone imaginaire qui était célébrée. Le catalogue d’exposition, de quelque 576 pages, représente, avec la collaboration des meilleurs spécialistes et l’apport des plus prestigieuses collections, une exceptionnelle somme d’information pour qui s’intéresse à cette antique cité mésopotamienne et aux mythes qu’elle a suscités. Béatrice a consacré d’autres ouvrages à Babylone, avec des articles scientifiques, mais aussi des publications visant un public plus large : un volume de la collection Que sais-je ? et l’édition scientifique d’un Dossier d’archéologie.

9Béatrice André-Salvini, spécialiste de la Mésopotamie ancienne et du cunéiforme, a poursuivi tout au long de sa carrière l’implication du musée du Louvre dans la continuité de la recherche sur les grands sites mésopotamiens. Même pendant les grands désordres qui ont suivi la désastreuse invasion de l’Irak par les armées étatsuniennes, elle a tenu à se rendre à Bagdad, sans se laisser dissuader par le pesant gilet pare-balle et la voiture blindée imposés par les services de sécurité. Elle se souciait particulièrement du grand site de Khorsabad inventé par Paul-Émile Botta et son opiniâtreté a obtenu l’autorisation de réouverture des fouilles françaises. Mais elle a aussi œuvré pour un Orient plus vaste avec plusieurs articles sur le monde ourartéen. Pour le grand public, en 2010, elle réalisait une exposition au Louvre sur l’Arabie antique, Routes d’Arabie, qui a représenté une étape dans la conscience que l’Arabie d’aujourd’hui a accepté de sa longue histoire.

10Dans les tourmentes survenues en ce Moyen-Orient qu’elle affectionnait, Béatrice André-Salvini s’est personnellement impliquée dans le soutien aux archéologues syriens et irakiens et a même fait en sorte que le Louvre soit un lieu d’accueil professionnel au-dessus de toute prise de position partisane, soucieuse avant tout d’aider les personnes qui travaillaient pour sauver le patrimoine de leur pays ; elle a notamment réalisé un projet franco-syrien de formation des futurs conservateurs et restaurateurs.

11Membre de la sous-commission « Orient ancien » de la commission des fouilles au ministère des Affaires étrangères et européennes depuis 2011, elle en fut présidente de 2015 à 2019, travaillant ainsi jusqu’au bout au service de la recherche française au Moyen-Orient.

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Bibliographie

B. André et C. Ziegler, L’invention de l’écriture, Paris, Nathan, 1986, 1995, 1999.

B. André et M. Salvini, « Réflexions sur Puzur-Inšušinak », Iranica Antiqua 24, 1989, p. 53-72 ; pl. I-VI.

B. André-Salvini, D. Arnaud, S. Lackenbacher, F. Malbran-Labat et D. Pardee, dans P. Bordreuil (dir.), Ras-Shamra-Ougarit VII. Une bibliothèque au sud de la ville. 1. Les textes de la 34e campagne (1973), Paris, éd. Recherche sur les civilisations, ADPF, 1991.

J.-P. Adam, M. Reddé, A. Hermary, B. André-Salvini, K. Jeppesen, C. Rolley, M.-C. Hellmann, N. Blanc, Les 7 merveilles du monde, Dossiers d’archéologie 202, 1995.

B. André-Salvini, « Listes, lexiques et bibliothèques », dans R. Schaer (dir.), Tous les savoirs du monde. Encyclopédies et bibliothèques de Sumer au xxie siècle (catalogue de l’exposition, Bibliothèque nationale de France, 20 décembre 1996-16 avril 1997), Paris, BnF-Flammarion, p. 32-41.

B. André-Salvini et M. Salvini, « Fixa cacumine montis. Nouvelles considérations sur le relief rupestre de la prétendue “Niobé” du mont Sipyle », dans H. Gasche et B. Hrouda (éd.), Collectanea Orientalia. Histoire, arts de l’espace et industrie de la terre. Études offertes en hommage à Agnès Spycket, Neuchâtel-Paris, Recherches et publications, 1996, p. 7-20.

B. André-Salvini et M. Salvini, « Un nouveau vocabulaire trilingue sumérien-akkadien-hourrite de Ras Shamra », dans D. I. Owen et G. Wilhelm (éd.), General Studies and Excavations at Nuzi 10/2 (Studies on the Civilization and Culture of Nuzi and the Hurrians 9), Bethesda MD, CDL Press, 1998, p. 3-40.

B. André-Salvini, « Les débuts de la recherche française en assyriologie : milieu et atmosphère du déchiffrement », Journal asiatique 287, 1999, p. 331-355.

B. André-Salvini, L’ABCdaire des écritures, Paris, Flammarion, 1999.

B. André-Salvini, « Bahrein, île des origines ou île d’éternité ? », dans Bahreïn, la civilisation des deux mers, Dossiers d’archéologie 7, janv. 1999, p. 14-19.

B. André-Salvini, « L’écriture cunéiforme » ; « Le déchiffrement des anciennes écritures », dans L’écriture. Ses diverses origines, Dossiers d’archéologie 260, fév. 2001, p. 16-19 ; 74-77.

B. André-Salvini, Babylone (Que sais-je ?), Paris, PUF, 2001, 2009, 2010, 2012, 2019.

B. André-Salvini, Le Code de Hammourabi (coll. Solo no 37), Paris, Réunion des musées nationaux, 2003.

B. André-Salvini, « Textes lexicographiques de Ras Shamra-Ugarit : campagnes 1986-1992 », Studi Micenei ed Egeo-Anatolici 46/2, 2004, p. 147-154.

B. André-Salvini, J. Curtis et N. Tallis, Forgotten Empire: The World of Ancient Persia, Londres, British Museum Press, 2006.

B. André-Salvini (conseillère scientifique), dans B. George (réal.), B… comme Babylone (film), éd. Montparnasse, 2006.

B. André-Salvini (dir.), Babylone [catalogue de l’exposition du musée du Louvre, 14 mars-2 juin 2008], Paris, Louvre-Hazan.

B. André-Salvini, P.-A. Beaulieu et M.-T. Gousset, Babylone : l’album de l’exposition, Paris, Hazan, 2008.

B. André-Salvini (conseillère scientifique), Babylone, merveilleuse et maudite, Dijon, Faton, 2008.

B. André-Salvini, « Babylone ou la naissance d’une légende » ; « Babylone, 4 000 ans d’histoire » ; « La tour de Babylone », dans Babylone, naissance d’une légende, Dossiers d’archéologie 14, mars 2008, p. 2-3 ; 6-17 ; 70-73.

B. André-Salvini (contributrice), dans M. al-Maqdissi et V. Matoïan (dir.), « L’Orient des palais ». Le palais royal d’Ougarit au Bronze récent (Documents d’archéologie syrienne XV), Damas, Direction générale des antiquités et musées, 2008.

B. André-Salvini, Le Code de Hammurabi, Paris, Réunion des musées nationaux, 2008.

A. I. al-Ghabban, B. André-Salvini, M. Cotty, F. Demange et C. Juvin, Routes d’Arabie : Archéologie et histoire du royaume d’Arabie saoudite, Paris, Somogy éditions d’art-Louvre éditions, 2010.

B. André-Salvini (contributrice), dans P. Azara (commissaire), Antes del diluvio: Mesopotamia 3500-2100 A.C. Exposición, Barcelona, CaixaForum del 30 de noviembre de 2012 al 24 de febrero de 2013; Madrid, CaixaForum del 27 de marzo al 30 de junio, Barcelone, Obra Social La Caixa, 2012.

B. André-Salvini (dir.), La tour de Babylone : études et recherches sur les monuments de Babylone. Actes du colloque du 19 avril au musée du Louvre, Paris (Documenta Asiana X), Rome, CNR, Istituto di Studi sulla civiltà dell’Egeo e del Vicino Oriente, 2013.

B. André-Salvini et J. Durand (coordination scientifique), dans J -L. Martinez (dir.), La recherche au musée du Louvre, Paris, musée du Louvre, 2014.

B. André-Salvini, « Archéologie et patrimoine en Mésopotamie aujourd’hui », L’Histoire commence en Mésopotamie, Dossiers d’archéologie 378, nov.-déc. 2016, p. 70-71.

B. André-Salvini, « Le déchiffrement du cunéiforme. Une aventure scientifique et collective », Dossiers d’Archéologie 402, nov.-déc. 2020, p. 16-19.

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Notes

1 « Les débuts de la recherche française en assyriologie : milieu et atmosphère du déchiffrement », Journal asiatique 287, 1999.

2 L’invention de l’écriture (Monde en poche junior 54), Paris, Nathan, 1995.

3 Babylone (Que sais-je ?), Paris, PUF, 2001, p. 5.

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Table des illustrations

Titre Béatrice André-Salvini, dans l’auditorium du Louvre le 28 janvier 2011
Crédits cliché M. Salvini
URL http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/13679/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 51k
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Pour citer cet article

Référence papier

Carole Roche-Hawley et Alain J. Desreumaux, « Béatrice André-Salvini (Neuilly-sur-Seine, 27 janvier 1949 – Paris, 24 novembre 2020) »Syria, 98 | 2021, 445-448.

Référence électronique

Carole Roche-Hawley et Alain J. Desreumaux, « Béatrice André-Salvini (Neuilly-sur-Seine, 27 janvier 1949 – Paris, 24 novembre 2020) »Syria [En ligne], 98 | 2021, mis en ligne le 29 août 2022, consulté le 30 mai 2023. URL : http://journals.openedition.org/syria/13679 ; DOI : https://doi.org/10.4000/syria.13679

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