1Après une introduction où sont abordés les questions méthodologiques et de datation et l’énoncé des limites de l’étude, le chapitre 2 traite du contexte archéologique des trouvailles de la glyptique du III^e millénaire de Khuera. Il s’agit pour l’essentiel des Steinbau I-VI et leurs environs, du palais (Area F) et de différents quartiers domestiques. L’Area K : domestic quarter and « kleiner Antentempel », upper city se révèle le plus riche. À chacun de ces lieux de trouvailles, avec examen soigné de la stratigraphie, sont rattachés les divers documents du catalogue, qui sont classés en fonction de leurs thèmes iconographiques.

2Avant d’aborder l’examen iconographique de son matériel, l’auteure a eu le courage et le grand mérite d’insérer son étude sur la glyptique de Tell Khuera dans le contexte des sites syriens contemporains. Son chapitre 3 dresse en effet le catalogue des sites du III^e millénaire concernés, depuis le Levant jusqu’au Khabur. 34 sites sont ainsi pris en compte, des plus grands aux plus modestes, et leurs divers lieux de découverte examinés. Le tableau s’avère ainsi naturellement très contrasté et on déplorera une nouvelle fois le peu de documents dans ce domaine mis au jour dans un site majeur comme Ebla. Bien que la bibliographie relative aux différents sites ne pouvait prétendre à l’exhaustivité, on peut regretter quelques absences. À propos de Mari par exemple, la contribution d’Amiet 1985 (MARI 4, p. 475-485) et celles de Beyer et Lecompte 2014 (dans Voués à Ishtar, Institut du monde arabe, Guides archéologiques de l’Institut français du Proche-Orient 11, p. 275-282). On est plus surpris de ne pas rencontrer des travaux plus généraux comme la version remaniée, particulièrement sur la Syrie, d’Amiet 1961 (= 1980) ou l’article très documenté de Dohmann-Pfälzner 2013 (dans Orthmann, Maqdissi, Matthiae [éd.], Archéologie et Histoire de la Syrie I, Wiesbaden, Harrassowitz, p. 215-234). Le tableau de la page 95 établit la très précieuse corrélation chronologique entre les différents sites syriens concernés. Les phases du site sont TCH 1A à TCH 1E, couvrant tout le millénaire jusque vers 2200 BC.

3C’est dans le chapitre 4 qu’est abordée l’étude iconographique du matériel. On note que seuls 23 sceaux-cylindres et 2 cachets ont été retrouvés, et la plupart des documents sont alors des empreintes sur divers supports (examinés chap. 5, p. 143-147). La répartition des différents thèmes et motifs suit un ordre alphabétique, mais je préfère la présenter ici en ordre décroissant du nombre des occurrences retenues – figuratifs : combats (76), banquets (22), frises animales (21), troupeaux (16), motifs variés (7), véhicules (6), agriculture (4), cortèges (3), bateau (1) ; géométriques : rosettes (9), treillis (7), zigzags (7), lignes (5), losanges (3), arêtes de poissons (2), points (1), « yeux » (1), autres (2). 5 documents correspondent à des Alternative sealings, délicats à définir : une perle (?), des empreintes d’ongles (?), d’objets indéterminés… Deux cylindres sont inachevés. L’une des difficultés rencontrées dans le type de classement thématique adopté réside dans la présence, ici ou là, de plusieurs motifs différents sur le même document. Ainsi, parmi bien d’autres exemples, TCH Lattice 3 (pl. 18) montre, au-dessus d’un treillis, une rosette et deux animaux qui n’ont pas été listés dans les rubriques correspondantes. Conséquence pour le lecteur intéressé par tel ou tel motif, la nécessité de parcourir l’ensemble des illustrations. Les statistiques évoquées plus haut sont ainsi faussées. D’autre part, on note la proportion très importante (plus d’une centaine de numéros) des fragments, que ce soit dans le domaine figuratif, les plus nombreux, ou géométrique. On n’aurait guère pu reprocher à l’auteure de tenter d’en rattacher un certain nombre, à titre d’hypothèse au moins, à certains des thèmes ou motifs retenus, animaliers par exemple, ou encore simples rosettes.

4Les commentaires iconographiques de ce chapitre 4 font une large place aux parallèles, en majorité repérés dans la documentation des grands sites de la djezireh nord-syrienne, Tell Brak, Chagar Bazar, Tell Beydar et Mozan ou Leilan, avec discussions sur la chronologie, l’opinion de l’auteure souvent confrontée à celles de A. Moortgat ou de D. Matthiews principalement, avec souvent des propositions de datations un peu plus récentes que celles de ses prédécesseurs. La plus grande part de la documentation se rapporte visiblement à la période de TCH 1D (= ED IIIb, vers 2465-2300), période d’apogée de la cité, la plus explorée également, avec nombreuses comparaisons avec les sites contemporains. L’auteure souligne certaines absences à Khuera comme le fired steatite style, des motifs comme le bateau avec « passagers », les frises de têtes communes dans le triangle du Khabur. Avec raison sans doute, TCH Banquet 3, seul représentant du Brak style de Matthiews, est considéré comme une importation.

5On peut regretter qu’à côté des considérations iconographiques, celles qui concernent la notion de style aient été si discrètes. Entre le modelé élaboré et la sèche linéarité ou la stylisation très poussée (le remarquable TCH Rose 8 a été peu commenté), la collection de Khuera montre bien des nuances qui auraient pu être davantage mises en lumière. Certes, l’auteure insiste, dans ses conclusions (p. 149-150), sur l’importance accordée au contexte stratigraphique propre aux travaux modernes par rapport aux traditions d’histoire de l’art des travaux anciens. En raison des nombreuses découvertes récentes en Syrie du Nord, les références traditionnelles à la glyptique du Sud mésopotamien ne sont d’autre part plus d’actualité. Des sites comme Beydar ont bien montré une réelle originalité, dans la thématique comme dans l’organisation du décor et la facture. La situation de Tell Khuera est certes assez complexe. L’auteure souligne encore l’absence de motifs comme l’homme-taureau, les detached heads ou les motifs tête-bêche, ce qui semble témoigner d’un refus de certains modèles du sud, mais aussi de ses voisins nordiques, ceux du Khabur ou de la Syrie plus occidentale. La relative autonomie du site en terme de glyptique pourrait s’expliquer, au moins partiellement, par le nombre important des empreintes sur scellements de portes, usage évidemment très local.

6Comme signalé plus haut, bien des datations anciennes ont été rajeunies, à juste titre. Des traditions locales contemporaines de TCH 1D se poursuivent sans grands changements à la période suivante, malgré l’incorporation du site dans le système politique des conquérants akkadiens. J’ajouterai ici que si des traditions se perpétuent, il faut tenir compte aussi du fait que bon nombre de sceaux, ici ou là, ont pu être utilisés pendant longtemps, ce qui incite à observer la stratigraphie avec la même prudence que les notions stylistiques.

7Les notices du catalogue paraissent dans l’ensemble suffisamment précises et on relèvera que les datations proposées font bien la distinction, le cas échéant, entre contexte stratigraphique et iconographie. Certaines précisions semblent pourtant manquer, par exemple tout simplement, souvent, l’indication du caractère lacunaire de certaines images et bien des dimensions. La description s’y est sans doute voulue neutre et objective, sans interprétation particulière. Pourtant on voit mentionné « Imdugud » en TCH Contest 5, mais Shamash émergeant des montagnes entre les portes du ciel est ignoré en TCH Gods 1 (il faut alors se reporter au commentaire de la page 119, où il semble d’ailleurs que l’organisation du décor n’ait pas été correctement comprise).

8Les auteurs des dessins sont à juste titre bien mentionnés, lorsqu’ils sont connus, et l’auteure y a sa part, qui est importante. Mais peu de photographies permettent une réelle confrontation avec les dessins, ce qui est toujours bien regrettable. Les photographies publiées dans les pl. 22 à 30 concernent surtout – mais selon quel classement ? – les différents types de scellements : de portes, de jarres, de paniers, de languettes… sans oublier les empreintes sur jarres. Plus rares dans la documentation, des empreintes de cylindres sur un petit récipient (pl. 24,2) ou sur des tabliers de modèles de chars (pl. 26, 2 et 3). Mais pourquoi la même photo de scellement de porte reproduite deux fois (pl. 23, 1 et 27, 3a) ?

9En conclusion, ce bel ouvrage, de grande taille (35 × 24 cm), l’une des grandes monographies consacrées à l’exploration de Khuera, permet au site de prendre place parmi les collections majeures de la glyptique syro-mésopotamienne au sens large, et de documenter dans ce domaine l’une des aires les plus nordiques de la djezireh syrienne, entre Khabur et Balikh.