• 1 Mission archéologique française du Qasr al-Bint, abrégée infra MAFQB. Pour une synthèse de ces tra (...)
• 2 La part des importations reste relativement faible (de 1 à 2 % de la masse globale du mobilier), t (...)

1La mission archéologique française de Pétra mène, depuis 1999, des fouilles sur la partie occidentale du téménos du temple du Qasr al-Bint, sanctuaire principal de la capitale nabatéenne 1. Parmi l’important mobilier mis au jour au cours de ces différentes campagnes, un certain nombre de céramiques importées permet d’offrir une première image de l’insertion de Pétra dans le grand commerce sur une longue durée au cours de son histoire et ce jusqu’à l’abandon de ce secteur de la ville. Si cette étude préliminaire n’offre qu’une vision partielle de ces échanges, et ne peut donc être appréhendée que de façon qualitative 2, elle apporte cependant un certain nombre de marqueurs qui permettent de dresser un premier tableau de la place de Pétra dans le grand commerce.

• 3 Durand 2008.
• 4 À ce sujet, voir Augé et al. 2016.
• 5 Fouille dirigée par Laurent Tholbecq (Université libre de Bruxelles) dans le cadre du programme de (...)

2Un premier bilan historiographique des études de mobilier réalisées sur le site de Pétra témoigne paradoxalement du peu d’attention porté à l’étude de la céramique et encore moins aux importations découvertes au sein de cette cité caravanière. On peut néanmoins citer la thèse de doctorat réalisée par Caroline Durand, dont les limites chronologiques n’englobent cependant que les premières phases d’occupation de la ville 3. Plusieurs études récentes participent de cette dynamique renouvelée mais, à l’exception du travail universitaire cité précédemment, elles semblent s’être seulement focalisées sur les productions locales. Il s’agit donc ici de poser les bases d’études à venir et de présenter des tendances à partir de l’identification de ces productions importées qui, bien que souvent très fragmentées, contribuent à la compréhension de l’insertion de Pétra dans l’économie antique (fig. 1). Les résultats préliminaires présentés dans cet article proviennent à la fois des données issues des différentes campagnes menées autour du temple 4, mais aussi des secteurs fouillés sur le Jebel Khubthah, ainsi que du site périphérique du wâdi Sabra 5. À l’examen du corpus disponible, quatre faciès principaux ont été individualisés, couvrant l’histoire de la cité, de la période hellénistique à la période byzantine.

• 6 Renel et al. 2012.

3Le premier faciès céramique identifié au cours de ces travaux concerne les phases d’occupation antérieures à l’édification du sanctuaire (phases I et II de la périodisation du Qasr al-Bint). Certaines apparaissent localisées au sein de sondages réalisés lors de la recherche des fondations du monument impérial romain et d’autres sur l’emprise du téménos du temple. Les datations de cette phase I, caractérisée par des structures légères, auxquelles succède un habitat en dur en phase II, reposent sur des données numismatiques et sur un certain nombre de mesures radiocarbones 6. Le matériel s’y référant n’est pas abondant en raison de l’exiguïté des sondages. Malgré la faiblesse de l’échantillon, la présence de ces céramiques importées démontre que Pétra est déjà bien connectée aux différents réseaux commerciaux, qu’ils soient régionaux ou internationaux. En effet, l’étude du mobilier montre un approvisionnement diversifié en provenance du monde égéen, avec une quantité significative de productions fines à vernis noir et amphoriques, et, dans une moindre mesure, d’Égypte et d’Arabie.

• 7 Ce mobilier a fait l’objet de plusieurs publications préliminaires (Renel et al. 2012 ; Renel et M (...)
• 8 Rotroff 1997, pl. 75-76.
• 9 Guz-Zilberstein 1995, fig. 6.2.
• 10 Regev 2009-2010, bol forme 1, p. 181, n^o 322.
• 11 Kenyon 1957, fig. 37, n^os 14-16.
• 12 Élaigne 2015.

4Le répertoire céramique de la phase I (iii^e-première moitié ii^e siècles av. J.-C.), outre les productions locales 7, consiste majoritairement en importations attiques et rhodiennes. La vaisselle de table, caractérisée par des pâtes fines claires recouvertes d’un vernis noir brillant, comprend, pour l’essentiel, les types grecs présents de façon récurrente sur les sites du littoral du Levant à savoir des skyphoi, des bols et des plats. Deux formes de bols coexistent. La première renvoie au type de bol echinus qui affecte un profil assez aplati avec une lèvre rentrante au profil aminci (fig. 2, n^o 1), correspondant à la forme attique, datée entre le iii^e et milieu du ii^e siècle av. J.-C. dans le corpus de l’agora d’Athènes 8. La seconde est un bol caréné à lèvre éversée sur un pied annulaire (fig. 2, n^os 2-3). Identifié sur le site de Tel Dor, ce type de bol est répandu dans les contextes des iii^e et ii^e siècles av. J.-C. 9 de même qu’à Akko-Ptolemaïs 10 et à Samarie-Sebaste où il est attesté dans des niveaux datés aux alentours de 150 av. J.-C. 11, mais il provient le plus souvent de la région chypro-rhodienne ou du golfe d’Iskenderun 12.

• 13 Guz-Zilberstein 1995, fig. 6.3.1, p. 291.
• 14 Kenyon 1957, fig. 37, n^o 1.
• 15 Élaigne 2007, p. 118, fig. 18.

5En provenance de ces mêmes régions, les plats à parois obliques avec ou sans dépression centrale sont bien représentés (fig. 2, n^os 4-6), ceux pourvus d’une lèvre tombante (fig. 2, n^o 4) constituant l’un des modèles communément appelés « plats à poisson » les plus précoces, apparaissent dans des contextes datés entre le début du iv^e et le milieu du iii^e siècle av. J.-C. sur le site de Tel Dor 13 ou dans un contexte du iii^e siècle av. J.-C. à Samarie-Sebaste 14. L’exemplaire pétréen, d’origine micrasiatique, est, quant à lui, attribuable au iii^e siècle. On observe le plus souvent, d’un point de vue macroscopique, une coexistence des productions attiques et de leurs imitations rhodiennes. Les formes fermées destinées au service des liquides sont limitées à des amphores de table rhodiennes (fig. 2, n^os 7-8) aux côtés desquelles figure une amphore fragmentaire à vernis noir et à décor West Slope d’origine cnidienne (fig. 2, n^o 9), documentée à Beyrouth dans un contexte daté entre la seconde moitié du ii^e et la première moitié du i^er siècle av. J.-C. 15.

• 16 ʿAmr 1987, pl. 20-21, p. 273.
• 17 Horsfield et Horsfield 1941, n^o 108, p. 134, pl. XV.
• 18 Kassab Tëzgor et Sezert 1995, p. 89, n^os 163, 177-78, 182-184.
• 19 Frangié 2011, p. 306-307 ; Élaigne 2012, fig. 48, type I.

6Des lampes à huile tournées à vernis noir (type Howland 32 / Broneer IX) constituent les seuls éléments liés à l’éclairage découverts dans ces contextes précoces. L’exemplaire le plus complet provient d’un atelier rhodien imitant les productions attiques (fig. 2, n^o 12). Trois lampes comparables, publiées sans précisions de leurs caractéristiques pétrographiques, sont issues de sondages anciens réalisés à Pétra par P. J. Parr 16 et G. et A. Horsfield 17. Dans le bassin méditerranéen, ce type apparaît communément daté de la seconde moitié du iv^e siècle et plus fréquemment du iii^e siècle av. J.-C. 18 tout en restant fréquent durant le ii^e comme en témoignent les contextes béritains et alexandrins 19.

• 20 Voir Renel et Mouton 2013, fig. 9, n^o 8.
• 21 Renel et Mouton 2013, p. 61. S. G. Schmid attribue par ailleurs un tesson des fouilles de d’ez-Zan (...)

8Des échanges, au moins sporadiques, avec l’Égypte sont attestés par la découverte de quelques tessons à engobe rouge lustré sur des pâtes alluviales comportant un fin dégraissant végétal en inclusion 20. Il en va de même avec l’Arabie puisque quelques tessons relèvent du Sud de la péninsule, bien qu’aucune forme n’ait été identifiée 21.

• 22 Slane 1997, TA26 ; Regev 2010, forme 2b datée fin iii^e-ii^e av. J.-C., p. 168-169, fig. 250.
• 23 Élaigne 2013, p. 217, fig. 5.
• 24 Slane 1997.

9Le faciès céramique de la phase II, datée entre la fin du iii^e-début du ii^e et le milieu du i^er siècle av. J.-C., marque, du point de vue des productions locales et en particulier de la vaisselle de table, une rupture par rapport à la phase précédente. Le répertoire produit localement se développe et se diversifie au détriment des importations, avec l’apparition de nombreuses formes dérivant des prototypes hellénistiques et témoignant de l’intégration de Pétra dans la koiné méditerranéenne. Ces changements s’accompagnent, dans le cas des importations, d’une diversification des sources d’approvisionnement. Les céramiques à vernis noir sont progressivement remplacées par une production côtière du nord du Levant connue sous l’appellation de Black Slip Predecessors. Il s’agit de productions fines, à vernis allant du rouge au brun-noir et parfois bicolore. Le répertoire pétréen comprend des plats Atlante 6, précédant leur variante en sigillée orientale A (fig. 3, n^o 1), et des bols apodes de type Atlante 17B (fig. 3, n^o 2), de forme évasée, reposant sur un fond plus ou moins conique à l’imitation de la verrerie 22, dont la production semble limitée au troisième quart du ii^e siècle av. J.-C. 23. Ils sont associés aux formes précoces de sigillées orientales A produites sur le pourtour côtier levantin, probablement au sein des mêmes ateliers. Le corpus associe les formes de plats Atlante 3 et 4A (fig. 3, n^os 3-4) 24, de bols Atlante 22A (fig. 3, n^os 5-6) ou 24, pour les formes moulées, reprenant, pour cette dernière, la morphologie des bols à relief. Ces productions apparaissent bien diffusées à Pétra au vu de leur fréquence au sein des contextes nabatéens fouillés autour du temple.

• 25 Plusieurs amphores de table sont recensées au sein du corpus d’ez-Zantur (Schneider 1996, p. 138, (...)
• 26 Hannestead 1984, fig. 3-4, fig. 7.

10Aux côtés de ces productions, mais de façon moindre, une petite dizaine de fragments de céramiques à glaçure plombifère atteste d’échanges avec la Mésopotamie, qu’il s’agisse d’amphores de table (fig. 3, n^o 7) 25, de plats à dépression (fig. 3, n^o 8) ou de bols à bord rentrant (fig. 3, n^o 9) similaires à des exemples issus des fouilles de Failaka au Koweit 26.

• 27 Identification réalisée par G. Finkielsztejn (Israel Antiquities Authority) qui date cette anse ti (...)
• 28 Finkielsztejn 2001, p. 135-137, 155-156, 195.
• 29 Coulson et al. 1997, p. 52, n^o 16.
• 30 Marangou et Naguib Reda 2016, A16, p. 288.
• 31 Horsfield et Horsfield 1941, n^o 95.
• 32 Aubert 2003, p. 103.

11Les amphores vinaires rhodiennes (fig. 3, n^os 10-13) constituent une nouvelle fois le type de conteneur oriental le mieux représenté dans les contextes étudiés, suivant en cela un schéma récurrent pour la zone levantine. Deux anses timbrées figurent dans cet ensemble. La première présente un timbre rectangulaire sur l’anse comportant le nom du fabricant rhodien Ἀρατοφάνης (fig. 3, n^o 12), qui correspond à la période 220-180 av. J.-C. et trouve des parallèles sur le site d’Heshban 27 au sein d’un contexte mal daté. La seconde est timbrée avec la mention du fabricant Ἐύκλείτον associé au caducée (fig. 4). Ce nom est répertorié comme celui d’un fabricant ayant été actif dans la période V de la chronologie rhodienne 28. Il apparaît au sein du corpus de Beʾersheva, daté au cours du ii^e siècle av. J.-C. 29, et dans celui de la vallée thébaine en Égypte, y apparaissant associé à une quinzaine d’éponymes de la période IV en fonction entre 156 et 125 av. J.-C. 30. Ce « fabricant » rhodien est aussi attesté au sein des découvertes anciennes réalisées à Pétra 31. Aux côtés de ces dernières, des fragments d’amphores de Cos proviennent du secteur du temple (fig. 3, n^o 14). L’amphore coenne, pourvue d’anses bifides, se distingue des précédentes par une pâte comportant du mica en inclusion. Elle apparaît surtout à partir du dernier quart du ii^e siècle av. J.-C. à l’instar d’observations faites sur le site de Beyrouth 32.

• 33 Strabon, Géographie, XVI, 4, 26 ; Renel et Monchot 2017, p. 70.
• 34 À ce sujet, voir Renel et Monchot 2017.
• 35 Oren 1997, p. 80-81.
• 36 Ballet 2003, p. 226.

13Le nombre important de restes amphoriques au cours de la phase II du secteur du Qasr al-Bint est peut-être à mettre en relation avec la fonction spécifique de la zone fouillée, ayant trait au culte, et à la spécificité de la culture nabatéenne, marquée, à la lecture de Strabon et de Pline 33, par l’organisation des symposia pour des événements liturgiques, culturels et sociaux, cérémonies au sein desquelles le vin avait une place importante. Le bâtiment « B », situé immédiatement à l’est du temple, semble par ailleurs avoir été le lieu de ces cérémonies 34. En revanche, la question se pose, pour la phase I, de la réutilisation des amphores retaillées à des fins de stockage, en raison de l’absence notable de bords et d’anses. Une pratique de ce type est attestée dans le Sinaï. En effet, dans la bande côtière au nord de Romana, entre la rive occidentale du Bardawil et Péluse, ont ainsi été mis en évidence pour la période perse des assemblages de mobiliers de campements ayant livré des dépôts inhabituels d’amphores vinaires de Chios et de Samos qui, selon l’auteur des fouilles, rappellent le témoignage d’Hérodote sur la collecte systématique des jarres d’importation vides partout en Égypte et leur renvoi à Memphis pour être utilisées par la suite pour le stockage de l’eau dans le désert 35. Le manuscrit de Zénon mentionne, sur 3 155 amphores, 1 773 de fabrication locale et 1 362 importées et réutilisées 36.

• 37 Frangié 2011.

14Le répertoire des lampes à huile se limite à des importations de lampes dites « delphiniforme » à tenon-poucier, moulées en argile grise et à décor rayonnant. Très répandues en Méditerranée orientale entre la fin du ii^e et le début du i^er siècle av. J.-C., elles relèvent d’une production du littoral sud phénicien 37.

• 38 Lemaître 1995, p. 198.
• 39 Si la découverte d’une amphore importée présentant un graffiti nabatéen à Pétra constitue un unicu (...)
• 40 CNRS, UMR 8167, Orient et Méditerranée.

16Jusqu’au milieu du i^er siècle apr. J.-C., l’amphore rhodienne destinée au transport d’un vin doux reste bien présente au sein des contextes de l’horizon nabatéen, en particulier au sein de la maison nabatéenne identifiée à l’ouest. Elle se caractérise par ses anses à la « corne » très accentuées, caractéristiques des productions du début de notre ère et dont deux exemplaires complets ont été découvert dans le comblement d’un regard d’eau pluviale (fig. 5, n^os 1-2) 38. Cos et sa région fournissent également des amphores destinées au transport de vin ou d’autres produits. Il s’agit du conteneur Dressel 2 avril à anses bifides, dont l’exemple le plus complet (fig. 5, n^o 3), pourvu d’un bouchon en argile, provient du même contexte que les amphores rhodiennes citées précédemment. Il présente la particularité de conserver une inscription réalisée à la suie ou au charbon sur sa panse 39, en lettres nabatéennes très effacées, difficile à lire et à interpréter. Une première analyse réalisée par Laïla Nehmé 40 y restitue probablement deux ensembles de caractères nabatéens écrits sur deux lignes dans la partie centrale de la panse de l’amphore. À la première ligne, on peut lire un t suivi au moins d’une lettre. À la seconde ligne, on distingue de manière certaine un m, précédé par une ou deux lettres et suivi par une lettre. La première lettre pouvant constituer la partie gauche de la lettre ḥ, il serait tentant de lire [ḥ]m[r], qui n’est pas attesté en nabatéen mais qui signifie, en araméen d’Empire, « vin » ou « mesure de capacité », cette interprétation restant cependant hypothétique. D’autres fragments d’amphores illustrent une grande variété de provenances, dont un exemplaire italique destiné à acheminer les vins de Campanie (fig. 5, n^o 4). De façon plus anecdotique, la découverte, dans un horizon de la seconde moitié du i^er siècle apr. J.-C., d’un bord à section triangulaire d’amphore de type Dressel 7 novembre témoigne de l’arrivée de conteneurs à sauces et/ou conserves de poissons depuis la péninsule Ibérique.

• 41 Ettlinger et al. 1990.

17À l’instar des autres sites de consommation du sud Levant, les productions de sigillées orientales A constituent le groupe dominant, caractérisé par des pâtes crème, beige ou rosée, recouvertes d’un engobe rouge de qualité variable. Le répertoire comprend les coupes Atlante 37 (fig. 6, n^o 1), 47, 50 (fig. 6, n^os 2-3) et 57/58 ainsi qu’un lagynos fragmentaire (fig. 6, n^o 4). Moins fréquentes que ces dernières, les productions italiques, notamment arétines, constituent une part anecdotique des importations avec la découverte, dans les contextes du bâtiment « B », des formes 20 (fig. 6, n^o 5) et 18 (fig. 6, n^o 6) du Conspectus formarum 41, attribuables à la première moitié du i^er siècle apr. J.-C. Seule une estampille anépigraphe, in planta pedis, est recensée dans ce corpus (fig. 6, n^o 7). Associés à ces dernières, il n’apparaît pas surprenant de trouver quelques exemples de plats à four, produits en Campanie, et caractérisés par un engobe interne épais rouge très distinctif (fig. 6, n^os 8-9) leur valant la dénomination de « plat à vernis rouge pompéien ».

• 42 Renel 2021.

18La période romaine, qui succède à l’annexion de la Nabatène en 106 apr. J.-C., se révèle, elle aussi, peu documentée en termes d’importations dans le secteur du Qasr al-Bint, et ce en raison du faible nombre de contextes fouillés. Le bâtiment « B », localisé à l’est du temple, est en effet désaffecté au cours de cette période jusqu’au milieu du iii^e siècle et seuls des contextes domestiques, pour la majeure partie datés entre la seconde moitié du ii^e siècle et le milieu du iii^e siècle, ont été mis au jour dans le secteur C, situé à l’ouest du monument impérial romain 42.

• 43 Seul un exemplaire possède une seule anse.
• 44 Dolinka 2003, type J2 classé sous l’appellation de Ribbed Necked Jar, fig. 20, 21.
• 45 Gerber 1996, pl. 32, G.
• 46 Leur datation pose encore cependant un certain nombre de problèmes dans la mesure où il s’agit de (...)
• 47 Jacquat et Martinoli 1999, p. 25-30.
• 48 Van Neer et Parker 2008, p. 1824-1825. L’haimation, produit localement, était considéré comme l’un (...)

19Cette phase consacre le déclin des importations amphoriques égéennes et plus particulièrement la disparition des amphores rhodiennes. Cette diminution des conteneurs importés, à l’exception des amphores Dressel 2 avril de provenances diverses, semble traduire le développement local d’une amphore, globalement cylindrique, de petite à moyenne capacité (entre 7 et 8,6 l), se substituant aux importations. Caractérisées par un fond convexe et deux anses massives 43, elles présentent un col et une lèvre moulurée (fig. 7, n^os 1-4), une gorge interne étant destinée à recevoir un dispositif de fermeture. Produites de façon indifférenciée à Aila-Aqaba 44 et à Pétra 45, elles apparaissent largement diffusées sur l’ensemble du territoire nabatéen. Cet essor peut s’interpréter comme une réponse locale au développement de la production vinaire, dont témoignent les pressoirs à Baida 46 ou sur le reste du territoire nabatéen. L’étude de macrorestes issus des fouilles d’ez-Zantur atteste en effet la consommation de raisins produits localement et donc, de façon indirecte, l’essor de la viticulture dès le début de la période nabatéenne 47. Ces amphores pourraient cependant avoir été destinées à contenir d’autres produits à l’instar des résidus d’haimation identifiés dans une jarre découverte à Aqaba dans un contexte de la fin du i^er siècle apr. J.-C. 48 dans le cas où cet exemple ne constitue pas un remploi.

• 49 Majcherek 2007, p. 17.
• 50 Parker 2006, p. 338, fig. 16.8.
• 51 Parker 2006, p. 388.
• 52 Données reprises par Gerber 2014, p. 213.

23Issue du domaine égéen, l’amphore vinaire Kapitan II (Agora K113, Peacock and William’s Class 47), au vu de sa fréquence, apparaît comme le marqueur de la phase tardo-romaine à Pétra, à partir du milieu du iii^e siècle. Elle est traditionnellement associée au commerce du vin au cours d’une période comprise entre la fin du ii^e et le iv^e siècle apr. J.-C., même si certains contextes de l’agora d’Athènes semblent suggérer une persistance de sa diffusion au début du v^e siècle 49. Sa pâte rouge, présentant de nombreux grains de quartz en inclusion, l’associe aux productions de Samos ou du territoire éphésien, bien qu’il semble exister de nombreuses variantes locales pour répondre au développement de vins bon marché. Elle est largement représentée au sein des contextes tardifs des zones B et C (fig. 10, n^os 4-6), dans le wâdi Sabra et dans le centre-ville de Pétra. Ce conteneur est en effet bien attesté sur le site d’el-Lejjun, où plusieurs douzaines de fragments ont été mis au jour dans des contextes des iii^e et iv^e siècles 50, ainsi que sur le site portuaire d’Aila 51, où il ne représente cependant que 2,12 % du total des amphores importées, dominé par les conteneurs de Gaza (46.97 %) et d’Égypte (27,58 %) 52.

• 53 Aldini 1978.
• 54 Carre 1985, p. 228.
• 55 Carre 1985, p. 229 ; Aldini 1978.

26Au sein du répertoire occidental, la présence de deux amphores de la côte Adriatique, dites de Forlimpopoli (type Ostie 1, K114 / Dressel 29 ; fig. 10, n^o 10) 53, constitue en revanche une découverte remarquable à Pétra. Elles sont caractérisées par un col haut, une lèvre en bourrelet et des anses larges coudées reposant sur une panse ovoïde et un fond ombiliqué 54. La pâte est fine, épurée, de teinte beige orangé avec une surface de couleur crème. Il s’agit d’un conteneur vinaire originaire de la côte nord de l’Adriatique, dans la région de Rimini, correspondant à la variante D et dont la datation couvre la première moitié du iii^e siècle apr. J.-C. 55.

• 56 Produit entre la fin du iii^e siècle et le milieu du v^e siècle ; Keay 1986.

27Par ailleurs, en ce qui concerne le conditionnement et le transport de l’huile, le type Dressel 23 (fig. 10, n^o 9), issu de la vallée du Guadalquivir et avatar de l’amphore à huile Dressel 20, produite en Bétique au Haut-Empire, se caractérise par une pâte semblable, grossière, sableuse, de couleur beige à grise, à surface grise ou blanche laiteuse 56. Les exemplaires de Pétra n’apparaissent que dans des contextes du iii^e siècle liés à la réoccupation des bâtiments B et C.

• 57 Erickson-Gini 2010, p. 113, fig. 2.53.

28Il convient d’ajouter à cet ensemble les amphores régionales nabatéennes, apparues au cours de la période romaine, et dont la production se poursuit tout au long de cette phase, sans que l’on constate de grands changements morphologiques ; en témoignent les exemplaires de notre corpus ou les parallèles en provenance des sites du Negev, comme celui du début du iii^e siècle à Mezad Hazeva 57.

• 58 Koulianos 2015, p. 92.
• 59 Hayes 1972, p. 69-73, fig. 12 ; Bonifay 2016, p. 556, fig. 2.3.
• 60 Hayes 1972, p. 61-62, fig. 10.
• 61 Hayes 1972, p. 55-56, fig. 9.

29Cette période témoigne également d’un renouvellement des sources d’approvisionnement en vaisselle fine importée. Le début de cette phase coïncide avec la disparition des productions de sigillées orientales, progressivement remplacées par l’arrivée des sigillées tardives nord-africaines produites en Tunisie. Cette prédominance durant la période romaine tardive a aussi été constatée à Aila-Aqaba, où la vaisselle africaine représente 76,2 % des productions fines importées 58. Durant la seconde moitié du iii^e siècle, le plat Hayes 50, dans sa variante « A » produite en Tunisie centrale 59, constitue l’essentiel du contingent de vaisselle mis au jour dans les contextes du secteur du Qasr al-Bint (fig. 10, n^o 1). Aux côtés de ce type, et de façon plus épisodique, on recense des vases de service tels que des coupes Hayes 44, datées entre 220/240 et la fin du iii^e siècle (fig. 10, n^o 3) 60, et, de façon exceptionnelle, une patère de type Hayes 33 (fig. 10, n^o 2) 61.

• 62 Hayes 1972, p. 93-96, fig. 14, datation ca 200/300-375.
• 63 Hayes 1972, fig. 15.9, 16-17, 19-20.
• 64 Parker 1994, fig. 2.
• 65 Erickson-Gini 2010, p. 176, fig. 6.7.

31La Tunisie, et en particulier la zone d’el-Mahrine, constitue la principale origine des importations de vaisselle fine de la fin du iv^e siècle et du début du v^e siècle. Les sigillées nord-africaines sont particulièrement bien représentées dans les contextes de réoccupation du monument impérial, datés entre 363 et 419. Le répertoire est plus varié que pour la phase précédente, associant, outre les plats Hayes 50A, de nombreux plats en sigillée africaine D1, tels que la forme Hayes 58B 62 (fig. 12, n^o 1) ou le plat apode de type Hayes 59B 63, produit entre 320 et 420, qui constitue le type prédominant de notre échantillon (fig. 12, n^os 2-3). Il s’agit d’un large plat à paroi évasée et marli horizontal marqué d’une série de rainures. Un décor estampillé figurant au niveau du médaillon central associe palmettes, cercles quadrillés ou ocelles. Ces plats sont comparables à des exemplaires mis au jour sur les rives de la mer Morte dans une tombe de soldat datée des iv^e-v^e siècles 64 ou à ceux d’Oboda, dans un contexte daté du début du v^e siècle 65.

• 66 Parker 1987, p. 542-546.

32Comparativement aux productions locales, la part des amphores importées au sein des contextes du secteur reste restreinte. Si les importations amphoriques s’avèrent peu nombreuses numériquement, contrastant en cela avec l’image fournie par les corpus amphoriques des sites côtiers tels que Caesarea Maritima ou Aila-Aqaba, où les amphores sont plus répandues 66, elles n’en témoignent pas moins de l’existence de sources d’approvisionnement variées (fig. 11 et 13) et rarement mises en évidence dans les recherches menées à Pétra.

• 67 Robinson 1959, pl. 33.
• 68 Pieri 2005, p. 137.
• 69 Reynolds 2005, p. 571-572.

33Le répertoire amphorique issu des fouilles du Qasr al-Bint est essentiellement originaire de Palestine et, dans une moindre mesure, de la zone égéenne. La Palestine constitue en effet la première zone d’approvisionnement en productions orientales, qui présentent le plus souvent une pâte rouge riche en inclusions telles que de nombreux grains de quartz. Outre la découverte d’amphores LRA 4, les amphores « carottes » galiléennes constituent une nouveauté dans notre corpus. En effet, la forme Agora M334 67 (ou LRA 9 ; fig. 13) est une amphore fusiforme nord galiléenne à col cannelé pourvue d’un fond creux conique (fig. 12, n^o 5), et datée entre le v^e et le viii^e siècle apr. J.-C. 68. Identifiée pour la première fois à Athènes, elle relève du territoire d’Akko, où plusieurs fours ont été identifiés, qu’il s’agisse des sites d’Horvat Masref, Horvat ʿEitayim ou Horvat ʿUza69. La pâte de ces productions, sableuse, de couleur orange vif, comporte de nombreux grains de quartz et de calcite.

• 70 Reynolds 2005, p. 571-573.
• 71 Reynolds 2005, p. 570.
• 72 Hamel 2010, p. 878, fig. 9.
• 73 Parker 2006, p. 344, n^o 216.

34D’autres amphores de morphologie proche sont attestées, bien qu’en quantité moindre ; c’est le cas du type 14 (fig. 12, n^o 6) défini par Paul Reynolds 70 présent en deux exemplaires. Il s’agit d’une forme « carotte » proche des amphores Agora M334. Elles sont probablement originaires d’Akko et en particulier de l’atelier identifié à Horvat ʿUza (à l’est d’Akko), qui a aussi produit des amphores Agora M334 71. Elles sont particulièrement fréquentes sur le site de Baalbeck-Heliopolis 72. Elles se distinguent par une pâte brune claire à rougeâtre comportant un abondant dégraissant de quartz et quelques autres inclusions calcaires. À Beyrouth, ce type d’amphore apparaît caractéristique du iv^e siècle mais elle n’abonde véritablement qu’au début du v^e, pour se raréfier après 450 apr. J.-C., ce qui correspond aux observations faites à Pétra. Ce type est par ailleurs rare dans l’hinterland de Pétra, avec un seul fragment identifié sur le site d’el-Lejjun 73.

• 74 Bonifay 2016, p. 603.
• 75 Bonifay et Raynaud 2007, p. 98.

35La faible représentation des contenants nord-africains à Pétra renvoie à une situation fréquemment observée dans la partie orientale du bassin méditerranéen, la diffusion des productions fines nord-africaines étant souvent associée au transport du blé et donc dissociée de l’acheminement des amphores. La majorité des tessons relevant de ces importations provient malheureusement de contextes mal assurés ou remaniés par les aménagements modernes. La présence plus emblématique est celle de l’amphore spatheion I, de petite dimension, produite dans les ateliers de Nabeul, entre le v^e et le vii^e siècle 74. Aux côtés de ces spatheia (fig. 14, n^o 3), les conteneurs cylindriques identifiés sont les types : Africaine II (fig. 14, n^o 5), Keay 62 (fig. 14, n^os 1-2), Keay 25 (fig. 14, n^o 6). Il faut associer à ces derniers un fragment probable de Keay 64 originaire de Zeugitane bien diffusé tout au long du v^e siècle. L’observation macroscopique des pâtes permet de suggérer certaines origines, telles que l’atelier de Nabeul ou celui de Sullecthum (Salakta) qui a produit des amphores Keay 25 75.

• 76 Identifications réalisées par D. Pieri.

36En outre, la partie orientale du bassin méditerranéen constitue un autre pourvoyeur d’amphores à partir de la fin du iv^e et du début du v^e siècle. La variante précoce des LRA 1A apparaît ainsi de façon récurrente bien que très fragmentaire dans les contextes de réoccupation des ruines du monument impérial. Elle se distingue par un col étroit pourvu d’un bord en bandeau et par une panse plus ou moins globulaire caractéristique du v^e siècle (fig. 13). La surface de sa panse se caractérise par de larges cannelures bien marquées. Sa pâte est généralement jaunâtre sableuse, avec de nombreuses inclusions noires, blanches et rouges. La localisation de sa production concerne principalement, au cours de cette phase, les côtes de Cilicie et le golfe d’Iskenderun, bien que nombre d’autres ateliers aient été recensés. On note en particulier, dans le secteur du péribole du temple, des fragments issus des ateliers d’Ayas ou d’Arsus 76. Ces amphores ont transporté soit de l’huile, soit du vin comme en témoignent un certain nombre d’exemplaires poissés.

• 77 Renel 2013, p. 359-368.
• 78 Maynor Bikai, Perry et Kanellopoulos 2020. La publication récente de cet ensemble ecclésiastique d (...)
• 79 À ce sujet, voir Gerber 2008.

38Dans le secteur du temple du Qasr al-Bint, la phase qui succède au tremblement de terre de 419 correspond à une période très mal documentée, compte-tenu de l’abandon généralisé de cette partie du centre urbain 77. Les fouilles des églises byzantines sur la rive droite 78, ainsi que des secteurs périphériques tels que l’établissement thermal de la Khubthah, le complexe d’al-Katuteh et le monastère du Jebel Harun 79, permettent de combler ces lacunes.

• 80 Pieri 2007b, p. 613-614

39Le matériel amphorique recueilli dans ces secteurs témoigne de la vitalité des importations depuis la Méditerranée orientale. Les amphores vinaires LRA 1A ciliciennes sont remplacées progressivement par les LRA 1B chypriotes, dont la présence est attestée dans les niveaux tardifs du Jebel Khubthah (fig. 16, n^os 1-2), leur découverte renvoyant à l’essor économique de Chypre à partir de la fin du v^e siècle 80. La Grèce continentale est aussi pourvoyeur de conteneurs, bien que dans une moindre mesure par rapport aux phases précédentes. Seul un tesson d’amphore LRA 2 d’Argolide a été mis au jour dans les remblais supérieurs situés à l’ouest du monument impérial. La rareté de ce type s’explique sans doute par la datation de sa production sortant du cadre chronologique relevé pour l’occupation périphérique du temple : en effet, cette forme n’apparait à Carthage qu’à partir de la fin du v^e siècle. Parmi les productions égéennes, on note la découverte de quelques fragments de panses d’amphores de type LRA 3 à pâte micacée en usage jusqu’au début du vi^e siècle apr. J.-C.

• 81 Pieri 2007a, fig. 7.
• 82 Pieri 2012, p. 38.
• 83 Hayes 1971. Certains exemplaires comportent, à la base, un monogramme estampillé.
• 84 Khairy 2013, fig. 14, n^os 1-2.

40L’approvisionnement depuis la Palestine apparaît moins marqué qu’au cours de la période précédente. Si l’on note la découverte de quelques fragments de LRA 4B1, en circulation du dernier tiers du v^e au milieu du vi^e siècle apr. J.-C. (fig. 16, n^o 3), des fragments d’amphores bag-shaped de type 1 à 3, datées des v^e-vii^e siècles 81, et notamment des fragments de type 1, produits dans la région de Césarée et de Ptolémaïs 82, sont attestés dans le centre-ville de Pétra. Associé à ce répertoire et issu de la même aire géographique, on note la découverte d’un fragment d’unguentarium de type Early Christian Ampulla (fig. 16, n^o 5), daté par J. W. Hayes entre la fin du v^e et le vi^e siècle83. Cette production figure par ailleurs dans le corpus tardif des fouilles réalisées sur le sommet de la colline d’al-Katuteh 84.

• 85 Melkawi, ʿAmr et Whitcomb 1994 ; Koulianos 2015, p. 93 ; Parker 2006, p. 357. Ce type constitue pr (...)
• 86 Fellmann-Brogli 1996, töpfe typ A25e, Abb. 766-767.
• 87 Holmqvist et Martinón-Torres 2011.
• 88 Maynor Bikai, Perry et Kanellopoulos 2020, chap. 6, n^os 21.705/710 ; 16.410 ; 14.1110 ; 14.1126 ; (...)
• 89 Melkawi, ^ʿAmr et Whitcomb 1994, p. 463-464 ; Parker 2006, p. 357.
• 90 Ward 2007, p. 163.

41Le répertoire amphorique des v^e et vi^e siècles est surtout caractérisé à Pétra par le développement d’une amphore régionale, dénommée Aila/Axum amphora, et dont la production débute à Aila-Aqaba dès le début du v^e siècle pour se poursuivre jusqu’au vii^e siècle 85. Outre quelques fragments mis au jour dans les niveaux tardifs du Qasr al-Bint (fig. 16, n^o 4), plusieurs autres fragments ont été découverts sur le site d’ez-Zantur dans les contextes romains tardifs 86, dans le monastère byzantin du Jebel Harun87 et dans les niveaux d’abandon de la Ridge Church sur la rive droite du wâdi Musa 88. Bien que leur contenu reste sujet à débat, le développement de cette production constituerait une réponse à la nécessité de reconditionner des denrées commerciales arrivant à Aila en provenance de la Syrie ou de la côte méditerranéenne pour être diffusées depuis la mer Rouge 89. Son usage pour le transport du vin de dattes, dont on trouve la mention associée aux Nabatéens, ou du garum constitue une autre éventualité 90.

• 91 Marangou et Marchand 2007, p. 293, fig. 161-165.

42Enfin, les conteneurs égyptiens apparaissent de manière tout à fait anecdotique dans notre corpus, puisqu’il s’agit de tessons de panse, en pâte brune alluviale très caractéristique, et d’un bord, hors contexte, d’amphore LRA 7 produite entre le v^e et le x^e siècle dans le delta du Nil et en Moyenne-Égypte, et destinée au transport du vin égyptien 91.

• 92 Bonifay et Raynaud 2007, p. 105.
• 93 Hayes 1972, datation : 360-480.
• 94 Hayes 1972, p. 109-111, fig. 18.
• 95 Hayes 1972, p. 76-78, fig. 13, variante B datée c. 280/300 jusqu’au début du v^e siècle.
• 96 Hayes 1972, p. 273. Décor date entre la fin du v^e et le début du vi^e siècle.

43La vaisselle de table importée issue des niveaux tardifs de Pétra témoigne d’une évolution perceptible sur l’ensemble des sites sud-levantins à partir du v^e siècle, les importations d’Afrique Proconsulaire diminuant au profit de productions plus compétitives, en provenance d’autres centres, telles que celles de la côte anatolienne (sigillée phocéenne ou Late Roman C) et de Chypre (Late Roman D) 92. Parmi les productions nord-africaines, figurent des plats apodes de type Hayes 67 93 (fig. 17, n^os 1-2) ou des plats Hayes 63 pourvus d’une lèvre au profil arrondi, dans le prolongement de la paroi (fig. 17, n^o 3). La production de cette dernière, assez rare, ne semble pas dépasser les années 425-450 94. Quelques exemples de coupes y sont associées à l’instar de la coupe à marli Hayes 52B 95 (fig. 17, n^o 4), forme hémisphérique à large marli à décor moulé rapporté, attribuable à une période comprise entre le quatrième quart du iv^e siècle et le début de la seconde moitié du v^e siècle. Un tesson à décor estampillé figurant un chrisme (fig. 18) datant de la fin du v^e ou au début du vi^e siècle 96 complète l’ensemble et constitue l’une des découvertes les plus tardives de ces productions.

• 97 Hayes 1972, p. 82-83, fig. 80.
• 98 Hayes 1972, p. 333-334, fig. 69.
• 99 Khairy 2013, fig. 2 et 4.

44Par ailleurs, les sigillées tardives de Méditerranée orientale restent marginales dans les assemblages céramiques du Qasr al-Bint, et ce, en raison des limites chronologiques des occupations perçues. Elles sont illustrées par les formes 2 chypriotes 97 (fig. 17, n^o 5) et par une série de coupes phocéennes, correspondant à la forme 3F 98 (fig. 17, n^o 6), issues des remblais du dispositif de terrasses agricoles mis en évidence à l’ouest du monument impérial. Le secteur d’al-Katuteh, réinvesti au cours de la période byzantine, est en revanche assez représentatif de l’arrivée de ces nouvelles productions au vu de l’échantillon publié 99.

• 100 On note une situation similaire pour l’Égypte (Ballet, Bonifay et Marchand 2012, p. 90).

46Le hiatus observé au sein des assemblages du Qasr al-Bint, entre le ii^e et le début du iii^e siècle apr. J.-C., s’explique par la nature des contextes fouillés et par l’abandon de structures liées au vaste ensemble architectural que constituent le temple et ses annexes. Par la suite, suivant un schéma similaire à l’ensemble de la Méditerranée orientale, les céramiques fines nord-africaines n’arrivent qu’au cours de la seconde moitié du iii^e siècle, avec le type H50A comme forme dominante 100. On note aux côtés de l’amphore vinaire Kapitan II, prépondérante au sein des différents contextes, l’arrivage ponctuel d’huile d’olive depuis la péninsule Ibérique, parallèlement au développement de conteneurs locaux.

• 101 Majcherek 2004, p. 231.
• 102 Parker 2006, p. 356.
• 103 Ballet, Bonifay et Marchand 2012, p. 92. En Égypte, la phase 3 (milieu iv^e-début v^e siècle) corresp (...)
• 104 Bonifay Raynaud 2007, p. 22.

47Les faciès romain tardif et protobyzantin sont les mieux documentés. La quantité d’amphores apparaît restreinte, bien que témoignant d’une diversification des sources d’approvisionnement, dominée par les apports des provinces orientales, conséquence du partage de l’empire 101. Un constat similaire a été établi par Thomas Parker dans le cadre du Limes Arabicus Project : l’auteur rend par ailleurs compte de ce contraste à partir des sites côtiers de Caesarea Maritima ou Aila, où les importations sont très répandues 102. L’importance des importations de vaisselle nord-africaine par rapport à la faible quantité d’amphores dans le secteur du Qasr al-Bint s’inscrit dans un schéma plus global 103, puisqu’elles ne participent pas des même réseaux d’acheminement, la vaisselle étant davantage associée, sous forme de complément de charge, au transport des denrées céréalières 104. Dès le v^e siècle, dans un contexte de diversification de l’approvisionnement, l’hégémonie de la pars orientalis s’exprime par le développement des amphores vinaires LRA 1 de Cilicie, LRA 3 d’Asie Mineure, LRA 2 de Grèce continentale et de l’apport palestinien (LRA 4, amphores « carottes » galiléennes M334 et type Reynolds 14), cette part s’équilibrant avec la quantité de conteneurs africano-romains diffusés au vi^e siècle, probablement en raison de la reconquête justinienne.

• 105 Khairy 2013.
• 106 Parker 2006, p. 363.

48À partir du milieu du v^e siècle, période qui coïncide avec l’abandon progressif du secteur du Qasr al-Bint, les importations de vaisselle fine depuis l’Afrique Proconsulaire diminuent, celles-ci étant remplacées par de nouvelles productions localisées dans le bassin oriental de la Méditerranée, qu’il s’agisse du golfe d’Iskenderun ou de Chypre. Ce phénomène s’observe à Pétra, au sommet du Jebel Khubthah ou sur le secteur d’al-Katuteh 105, grâce aux résultats des prospections menées dans le cadre du Limes Arabicus Project et aux fragments recueillis alors 106.