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Nécrologies

Hassane Salameh-Sarkis (22 novembre 1942 - 8 octobre 2022)

Ziad Sawaya
p. 335-337

Texte intégral

Hassane Salameh-Sarkis, Baalbek

Hassane Salameh-Sarkis, Baalbek

Cliché Fadi Zein

1Hassane Salameh-Sarkis est né à Baalbek (Liban) le 22 novembre 1942, dans une famille de confession chrétienne grecque catholique (il est inscrit à l’État civil le 4 janvier 1943). Hassane nous a quittés à l’âge de 80 ans le 8 octobre 2022 à Baabda (Liban).

2Il suivit ses études primaires et secondaires au séminaire Saint-Anne des Pères blancs à Rayack et Jérusalem entre 1952 et 1962, où il réussit les baccalauréats libanais et français : série classique (latin-grec) puis série philosophie. Son parcours universitaire témoigne d’une formation diversifiée qui se reflète aussi bien dans la richesse de son enseignement que dans son énorme production scientifique : Sorbonne (1964-1968), London Bible College (1964), Institut catholique de Paris (1965-1967), École du Louvre (1965-1968) et École pratique des hautes études Ve section (1966-1969). Il obtint sa maîtrise en 1969 à la Sorbonne (Les vases miniatures d’époque archaïque trouvés à Salamine de Chypre). Il inaugura son exceptionnelle carrière d’archéologue de terrain en s’engageant dans les fouilles romano-byzantines de Tyr (Liban, direction M. Chéhab, 1966), préhistoriques de Pincevent (France, direction A. Leroi-Gourhan, 1967), gréco-puniques d’Aléria (Corse, mission de l’université de Lyon, 1968) ainsi qu’archaïques, classiques et byzantines de Salamine (Chypre, direction J. Pouilloux et G. Roux, 1967-1968). En 1968-1969, il enregistra sa première expérience dans l’enseignement supérieur comme maître-assistant d’archéologie orientale à la Sorbonne par arrêté ministériel.

3Hassane rentra au Liban en 1969 et rejoignit la Direction générale des antiquités (DGA). Il fut vite chargé de la circonscription archéologique du Liban-Nord (1969-1975) ainsi que, brièvement, de celle de Beyrouth et du Mont-Liban (1972-1973). Il dirigea alors plusieurs fouilles, dont la plupart se situait bien naturellement dans le Liban-Nord : Tripoli-Mina (ép. romano-byzantine, 1970-1975), château de Tripoli (ép. médiévale, 1971-1975), Tell Ardé-Ardata près de Zgharta (âge du Bronze, 1972-1975), Saint-Jean du Mont-Pèlerin à Tripoli (1973-1975), îles des Palmiers à Tripoli (ép. médiévale, 1973-1975), Saint-Élie de Bqoufa près Ehden (ép. médiévale, 1973-1975) et l’odéon romain de Batroun. Ces activités archéologiques furent abruptement interrompues par le déclenchement de la guerre civile au Liban en 1975. Ces fâcheux évènements l’obligèrent à ne plus se rendre dans le Nord et causèrent malheureusement la perte totale de son énorme base de données concernant toutes les localités du Liban-Nord. Il démissionna de la DGA en 1981 par refus de signer des factures de travaux qu’il n’avait pas personnellement commandités à Tripoli. Hassane se tourna alors vers la rédaction de sa thèse de doctorat. Il s’agissait là effectivement de sa troisième puisqu’il renonça à deux reprises aux sujets bien avancés qu’il traitait sur les figurines humaines en apprenant qu’ils étaient déjà presque achevés par Leïla Badre et Helga Seeden. Comme il le disait, il ne lui restait donc sur table que les fouilles qu’il avait dirigées afin de s’assurer de ne pas interrompre son œuvre pour une troisième fois. Ceci l’amena à présenter à la Sorbonne en 1978 sa magistrale Contribution à l’histoire de Tripoli et de sa région à l’époque des Croisades. Problèmes d’histoire, d’architecture et de céramique pour son doctorat d’état ès lettres et sciences humaines, qu’il publia en 1981 dans la collection Bibliothèque archéologique et historique de l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient.

4Son enseignement universitaire au Liban se divisa en deux phases. La première (1969-1981) engloba l’Université arabe de Beyrouth (1969-1970), l’université Saint-Esprit de Kaslik (1972-1981), l’Université libanaise (1973-1981) et l’université Saint-Joseph (1978-1981). La seconde (1981-2007) fut notamment dédiée au département d’arts et d’archéologie de l’Université libanaise. Simultanément, il donna des cours à la faculté de médecine de l’Université libanaise (1985-1987, médecine antique), à la section « Université pour tous » de l’université Saint-Joseph (2002-2003) ainsi qu’à l’institut Saint Paul de philosophie et de théologie à Harissa (2007-2008).

5C’est en effet dans ce cadre qu’il entreprit avec un dévouement inégalable la mission de préparer, pédagogiquement et scientifiquement, une nouvelle génération capable d’assurer le renouvellement de l’archéologie libanaise. Il reçut à la maison ses étudiants en diplôme d’études supérieures, master et doctorat en leur répétant inlassablement sa phrase emblématique « la méthodologie ne s’apprend pas en classe, mais en vous ramenant avec vos textes dans mon bureau ». Également, il n’hésita pas à donner des cours chez lui ou chez ses étudiants à cause des coupures régulières d’électricité à la faculté. Durant toute cette période, il ne cessa pas de souffler auprès de ses étudiants l’esprit déontologique dont doit être armé tout chercheur pour réussir, comme il ne cessa de le répéter, « une belle percée dans le monde scientifique » : principes, intégrité, éthique, sérieux, assiduité, rigueur, objectivité et productivité.

6Hassane fut membre de plusieurs sociétés scientifiques et de comités de lectures de certains périodiques spécialisés (Berytus, Syria, BAAL et Speleorient). Il assura une multitude de tâches académiques et administratives : entre autres, conseiller délégué pour la gestion scientifique et informatique de la bibliothèque de l’IFAPO (1989-1992), pour la fondation de l’Institut d’histoire, d’archéologie et du patrimoine oriental à l’université de Balamand (1991) ainsi qu’auprès du ministre de la Culture pour les affaires archéologiques (1999). Au début des années 1990, il s’opposa farouchement au plan de fouilles archéologiques adopté au centre-ville de Beyrouth. Il défendit les prérogatives et le monopole de la DGA quant à la gestion des affaires archéologiques. Il milita pour l’établissement d’une méthodologie commune aux multiples équipes locales et internationales afin de profiter de cette occasion exceptionnelle pour comprendre correctement l’évolution de la ville. Malgré tous les moyens de tentation et d’intimidation exercés sur lui, il resta fidèle à ses principes.

7La bibliographie de Hassane Salameh-Sarkis laisse beaucoup à envier de par sa richesse, sa diversité et notamment son apport scientifique. Elle compte 130 titres publiés entre 1971 et 2022 (livres, articles, essais et monographies) ainsi qu’une multitude de brochures et de livrets touristiques. Son terrain de recherche fut très vaste et reflèta fidèlement son énorme culture. Bien évidemment, il nous laisse des travaux traitant de l’archéologie, allant de la préhistoire jusqu’à l’époque médiévale, de l’histoire, de l’architecture et de l’épigraphie (grecque, latine, arabe et syriaque). Il releva des questions concernant la pédagogie, la politique ainsi que le patrimoine. Il aborda également le problème de la restructuration de la DGA et prépara en 1995 un nouveau projet de loi sur les Antiquités du Liban. Encore faut-il souligner un domaine qui lui fut très cher au cœur : l’histoire des religions. Ce domaine l’accompagna tout le long de sa carrière ; en particulier les dernières années de sa vie durant lesquelles il publia trois ouvrages résumant ses réflexions. Deux sortirent d’abord sous le pseudonyme d’Éverghètis Irinikou Serghiou puis sous son véritable nom : Naissances miraculeuses (Bouddha, Alexandre le Grand, Jésus). De quelques aspects irrationnels dans le discours religieux ainsi que Les Mémoires de Dieu. Entrevue-fiction à bâtons rompus avec sa Divinité.

8Malgré sa brillante carrière, la vie fut cruelle avec Hassane Salameh-Sarkis. Elle lui arracha son épouse Mimi en 2006 (Marie Stéphan, chevalier dans l’ordre des Palmes académiques) puis son fils unique Walid (Dr. en psychologie clinique) en 2014. Avec son décès, l’archéologie libanaise perd un Grand et son cercle le plus proche perd ses qualités humaines, ses conseils et son ouverture d’esprit dont je suis le premier témoin.

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Table des illustrations

Titre Hassane Salameh-Sarkis, Baalbek
Crédits Cliché Fadi Zein
URL http://journals.openedition.org/syria/docannexe/image/14771/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 290k
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Pour citer cet article

Référence papier

Ziad Sawaya, « Hassane Salameh-Sarkis (22 novembre 1942 - 8 octobre 2022) »Syria, 99 | 2022, 335-337.

Référence électronique

Ziad Sawaya, « Hassane Salameh-Sarkis (22 novembre 1942 - 8 octobre 2022) »Syria [En ligne], 99 | 2022, mis en ligne le 15 mai 2023, consulté le 05 décembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/syria/14771 ; DOI : https://doi.org/10.4000/syria.14771

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Auteur

Ziad Sawaya

Département d’arts et d’archéologie,
Université libanaise

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CC-BY-NC-ND-4.0

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