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2023

Johnny Samuele Baldi, Marco Iamoni, Luca Peyronel et Paola Sconzo (dir.), Late Chalcolithic Northern Mesopotamia in Context. Papers from the Workshop held at the 11th ICAANE in Munich, April 5th 2018

Barbara Couturaud
Référence(s) :

Johnny Samuele Baldi, Marco Iamoni, Luca Peyronel et Paola Sconzo (dir.), Late Chalcolithic Northern Mesopotamia in Context. Papers from the Workshop held at the 11th ICAANE in Munich, April 5th 2018 (Subartu XLVIII), Turnhout, Brepols, 2022, 21,6 × 28, xxii + 263 p., 52 fig. n/b et 16 coul., ISBN : 978-2-5035-9604-4.

Texte intégral

1Cet ouvrage, édité à la suite d’un atelier organisé dans le cadre de l’Icaane (International Congress on the Archaeology of the Ancient Near East) de Munich, en 2018, se place résolument dans l’air du temps des recherches en archéologie proche-orientale, en proposant de reconsidérer la période du Chalcolithique tardif (« Late Chalcolithic/LC », divisé en cinq périodes entre 4500 et 3000 av. n. è.) à l’aune des récentes découvertes effectuées dans le nord-est du territoire mésopotamien, principalement dans le Kurdistan irakien. L’ouvrage est divisé en trois parties : la première traite de l’occupation des territoires à partir des données issues de programmes de prospection ; la deuxième partie regroupe des articles relatifs à l’étude de corpus céramiques ; la dernière partie, enfin, pose la question des relations et échanges entre communautés mésopotamiennes. Ce livre se présente non seulement comme un bilan des dernières données archéologiques acquises, mais aussi, plus largement, comme une synthèse des problématiques relatives à cette période, problématiques que tous les auteurs soulèvent afin de traiter, sous un jour nouveau, les nouvelles données : la chronologie de la période ; l’urbanisation et le rapport entre les grands centres et les sites de taille moindre localisés autour, qui posent la question des relations entre villes et territoires ; les réseaux d’échange et le mouvement de populations, de technologies et d’objets ; et, enfin, l’influence de la culture dite urukéenne sur ce que l’on a longtemps considéré comme des territoires « périphériques », qui ne sont plus envisagés comme tels aujourd’hui au vu des récentes découvertes.

2Le premier article, par Tim Boaz Bruun Skuldbøl et Carlo Colantoni, porte sur la plaine de Rania (Kurdistan irakien) et sur le résultat de six saisons de prospections et de fouilles entre 2012 et 2019 sur plusieurs sites datant du Chalcolithique tardif, notamment les sites jumeaux de Babukur et le site de Girdi Gulak. Après un rappel des problématiques principales qui permettent de caractériser la période et la méthodologie utilisée par l’équipe, ils proposent une présentation des résultats, fondés sur le matériel céramique et les données archéologiques. L’hypothèse qu’ils portent est que la plaine, qui ne présente pas de centres urbains majeurs, mais plusieurs petits sites de taille similaire fonctionnant ensemble, ait pu jouer un rôle important en tant qu’espace intermédiaire entre les plaines du sud de la Mésopotamie et les montagnes du Zagros, avec des échanges privilégiés vers le sud à la période d’Obeid, puis des contacts plus resserrés vers les régions voisines du Zagros, de l’Anatolie et de la Jezireh syrienne, avec enfin une nouvelle phase intense d’échanges avec le sud à la période LC 3.

3L’article de Marco Iamoni et Paola Sconzo porte, de manière originale, sur les données issues de deux programmes de prospection distincts, mais voisins, couvrant la région des plaines à l’est du Tigre situées en amont du Grand Zab, démarche bienvenue qui tranche avec l’habitude de proposer des résultats confinés à des régions arbitrairement délimitées dans le cadre de programmes de prospection. Les auteurs ont choisi de présenter d’abord les données relatives à l’occupation, en distinguant les périodes LC 1 et 2 (4500-3800 av. n. è.) et LC 3 à 5 (3800-3000 av. n. è.), puis le répertoire céramique. Leurs conclusions rentrent dans un modèle plus général d’occupation des territoires connu par ailleurs dans la région actuelle du Kurdistan irakien, à savoir une occupation fortement liée aux contraintes environnementales, caractérisée par des petits sites de communautés agropastorales distribués de manière homogène, puis une intensification de l’occupation permettant une exploitation plus forte des ressources – notamment des mines de silex –, et donc des échanges.

4C’est aussi sur un corpus céramique issu de prospections effectuées dans la plaine de Shahrizor (Kurdistan irakien) que porte l’article de Maria Bianca d’Anna, Olivier Nieuwenhuyse et Simone Muhl. Quelques données proviennent également de fouilles en contexte, sur les sites de Girdi Shamlu et Begum. L’objectif clairement annoncé de l’article est de montrer qu’il n’existe pas, à strictement parler, de domination des assemblages dits urukéens dans le nord de la Mésopotamie, et ce par l’étude de prospections réalisées sur seize sites. Le matériel céramique est plutôt dominé par des types locaux, et peu de productions de masse, comme on en connait par ailleurs sur certains grands sites du nord de la Mésopotamie, tels que Arslantepe ou Gawra. Ces données indiqueraient ainsi une absence d’élite dominante et de productions globalisées, même si les auteurs restent prudents, mettant en avant, à juste titre, que le nombre restreint de fouilles archéologiques, et donc de matériel en contexte, empêche de proposer des conclusions définitives.

5C’est toujours dans la plaine de Shahrizor et plus particulièrement sur les sites de Gurga Chiya et de Shamlu que nous emmène le papier de Michael Lewis, à travers l’étude des céramiques de type urukéen retrouvées sur ces sites. Après avoir introduit son corpus et les analyses macroscopiques d’usage de l’assemblage céramique, l’auteur présente les résultats issus des analyses pétrographiques de lames minces et de l’étude des chaines opératoires. Ces données tendent à montrer que la production des céramiques est locale, avec des méthodes locales, mais suivant le répertoire sud-mésopotamien. Ces observations rejoignent ainsi d’autres données de la région du sud-est de l’actuel Kurdistan irakien, faites notamment sur le site de Girdi Qala, et tendent à confirmer l’hypothèse de l’arrivée de communautés en provenance du sud de la Mésopotamie, et le mélange de traditions artisanales.

6La contribution d’Agnese Vacca et Luca Peyronel porte sur la séquence céramique mise au jour sur le site de Helawa, dans la plaine d’Erbil, qui s’étend depuis le VIIe millénaire jusqu’à la fin du Chalcolithique tardif. Après une présentation des données archéologiques et architecturales, les auteurs présentent en détail le corpus céramique de la période envisagée. Le site, et plus particulièrement son matériel céramique, a permis de montrer une tendance qui se retrouve de manière générale dans le reste de cette région de Mésopotamie du nord : une phase de spécialisation artisanale et de traditions locales propres aux communautés agropastorales aux périodes LC 1 et 2, concomitante à des contacts avec les régions avoisinantes (Hamrin, Zagros, Jezireh), puis un abandon de l’occupation durant la période LC 3. Si le site de Helawa n’est pas réoccupé pendant plusieurs siècles, d’autres sites de la plaine d’Erbil montrent, aux périodes LC 3 et LC 4, des traditions céramiques plus proches du sud de la Mésopotamie, révélant là encore les mouvements de populations en cours dans la région à cette période.

7Dans son article, Khaled Abu Jayyab étudie aussi un assemblage céramique (Red/Grey Ware) – tout en s’appuyant également sur les productions lithiques, dans une moindre mesure –, se déportant légèrement de la région actuelle du Kurdistan irakien pour aller dans la Jezireh syrienne, plus précisément sur le site de Hamoukar aux périodes LC 1 et 2. Il ne s’agit pas ici de présenter des données récentes, mais d’étudier le principe des chaines opératoires et des études macro et microscopiques afin de déterminer les potentiels éléments propres aux communautés locales et les éléments exogènes et de mettre en lumière les dynamiques d’échanges. L’idée proposée ici est que le site de Hamoukar serait une sorte de centre agissant comme un « marché » local et à l’échelle régionale, attirant de nombreux groupes agropastoraux, situation qui conduit finalement à la création d’un centre urbain très important à la période LC 3.

8L’article de Johnny Samuele Baldi part du postulat que les communautés du nord de la Mésopotamie et les communautés dites urukéennes du sud ont pu vivre ensemble de manière plus complexe que ce qui est généralement avancé dans la bibliographie qui a émergé au début des années 2000, au moment où la théorie de l’expansion culturelle des colonies venant du sud de la Mésopotamie a été remise en question. Ainsi, en étudiant les données stratigraphiques et architecturales, couplées à l’analyse du corpus céramique des sites de Logardan et de Girdi Qala (Kurdistan irakien), l’auteur montre que les communautés du sud de la Mésopotamie étaient très certainement installées dans les régions septentrionales depuis la période LC 2, à savoir le début du IVe millénaire, vivant dans une relation faite d’échanges et d’apports mutuels complexes, tranchant nettement avec les hypothèses de dynamiques coloniales dominant des périphéries.

9Les trois derniers articles de cet ouvrage collectif proposent de s’éloigner d’abord du territoire du Kurdistan irakien et ensuite du matériel céramique. Avec la contribution de Francesca Balossi Restelli, ce sont les données du site d’Arslantepe qui sont revues dans la même optique que l’article précédent, à savoir les modalités de cohabitation de différentes communautés par l’étude de la culture matérielle, plus particulièrement la production céramique, mais aussi, dans une moindre mesure, la glyptique et l’étude architecturale des résidences d’élite locales de la période VII (3900-3350 av. n. è.), correspondant aux périodes LC 3 et 4. La complexité de la structure sociale, les connivences culturelles avec les régions avoisinantes et le haut degré de spécialisation permettent ainsi d’appréhender Arslantepe comme un site majeur, ayant joué un rôle prédominant dans son environnement immédiat, à l’instar de Hamoukar, comme un centre régional de production et de redistribution.

10L’article de Inan Aydoğan, Metin Batıhan et Haluk Sağlamtimur questionne la présence de témoins de la culture matérielle urukéenne dans la région du Haut-Tigre, plus particulièrement autour des villes modernes de Diyarbakır et Batman. En présentant les données archéologiques de certains sites de cette région et des données issues de prospections, les auteurs démontrent une variabilité importante de l’influence urukéenne sur plusieurs sites d’une même microrégion, tout en s’interrogeant sur les raisons d’une telle variation. L’hypothèse de l’environnement, à savoir de l’accessibilité des sites par rapport à leur distance au Tigre et des points d’accès et d’entrée à certaines plaines, est mise en avant.

11La dernière contribution de l’ouvrage, par Francesca Manclossi, étudie les lames cananéennes et interroge la notion de spécialisation artisanale à partir des corpus retrouvés sur les sites de Helawa, dans la plaine d’Erbil, et de Shamlu, dans la plaine de Shahrizor (Kurdistan irakien). Même si ces lames, de l’aveu de l’autrice, ne peuvent être mises en relation directe avec le « phénomène urukéen », elle tente néanmoins d’introduire dans ce débat la question de la spécialisation artisanale et de la diffusion de nouvelles technologies qui ont permis la production de pareilles lames au sein de différentes communautés proche-orientales. Envisagées ainsi, ces lames demeurent des emblèmes, démontrant un haut degré de spécialisation artisanale propre aux communautés dites complexes de cette période et de cette région.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Barbara Couturaud, « Johnny Samuele Baldi, Marco Iamoni, Luca Peyronel et Paola Sconzo (dir.), Late Chalcolithic Northern Mesopotamia in Context. Papers from the Workshop held at the 11th ICAANE in Munich, April 5th 2018 »Syria [En ligne], Recensions, mis en ligne le 31 décembre 2023, consulté le 14 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/syria/14955 ; DOI : https://doi.org/10.4000/syria.14955

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