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L’accueil des participants : sous mon suaire, couronnée de fleurs artificielles, je joue une statue prête à prendre vie

© Jean Belette

1Catacombes de Paris. 14 décembre 2019. C’est l’heure où le temps n’a plus d’importance. Vous avez traversé l’eau. Vous êtes passés à travers les pierres. Vous avez marché dans des galeries qui sont si basses que vous n’avez pu les franchir qu’en rampant. Vous vous sentez bien, là, à vingt mètres sous le sol de Paris. Au creux de la terre. Vous venez de croiser un fémur vieux de plusieurs siècles. Séparé de son squelette, glissé sous le sable au coin d’une galerie sans issue, il attend la fin des temps.

2Vous vous dirigez vers la salle du dragon pour y faire une pause. Apparaît alors un homme au masque de lapin, il a l’air pressé et… vous choisissez de le suivre. Vous marchez depuis des minutes qui sont peut-être des heures. Ici, les parois des galeries sont recouvertes de tags récents. Là, votre doigt frôle des coquilles antédiluviennes, vestiges du temps où Paris était un océan. Le lapin vous fait signe. Vous y êtes presque. Vous remarquez une odeur lourde et épicée. Elle a la couleur des fleurs âcres. Sans âge, elle flotte dans l’humidité des catacombes. Le lapin trottine et disparaît dans le mur sur votre gauche.

3Quand vous entrez dans la salle Cabi-Bis, vous découvrez une masse immobile recouverte de voiles noirs. Sur ce que vous devinez être sa tête, une couronne de fleurs roses est posée. Les bougies qui l’entourent diffusent une lumière chaleureuse. Devant elle se trouve une table faite de pierres sur lesquelles sont posés divers objets. L’ensemble a l’allure d’un autel. Un bâtonnet d’encens exhale sa suavité. D’autres bougies encadrent une plaque sur laquelle sont gravés des mots que vous n’avez pas le temps de lire. Vous remarquez la musique lancinante faite de percussions japonaises et de chants gutturaux. L’ensemble est étrange. Un peu malhabile. Mais il vous évoque une prière mélancolique capable de réveiller les morts. Le lapin vous fait signe. Il vous demande de mettre vos mains sur la plaque. Vous coupez votre lampe frontale, vous vous asseyez et placez vos doigts à côté des moulages en résine. La séance peut commencer.

1. Simulacre de table de Ouija faite entre autres de moulages de mains et de vulves, en résine

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© Jean Belette et avec l’aimable autorisation de « Moulages Intimes »

4Afin d’entrer en contact avec les cataphiles, réputés pour leur art de l’esquive et du hacking, j’ai établi un dispositif tenant autant de l’enquête ethnographique que de la performance artistique. En m’inspirant de leurs références culturelles, comme la célèbre phrase du corpus hermétique « ce qui est en haut, comme ce qui est en bas » (Kahn 1994), j’ai considéré que ce qui était en bas n’était pas comme ce qui était en haut et j’ai inversé les dispositifs rituels traditionnels : en haut, les vivants interrogent les morts sur les auspices, la volonté des défunts, les secrets du monde de la surface ; ici, plongée dans le souterrain, une morte interroge des vivants sur les conditions de leur monde d’en bas.

5Sous la forme d’une performance – simulacre de divination – « Ce qui est en bas » fait le pari de la mise en scène et du jeu de rôle pour envisager le terrain d’enquête comme un terrain de jeu commun.

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