Résumés
Ce texte étudie les relations que les membres des communautés agropastorales aymaras des Andes boliviennes (Nord-Potosi) nouent avec les pierres (rumi). Menée à travers le prisme des saillances lithiques, la recherche restitue la diversité des pierres dans les classifications vernaculaires : il existe plusieurs catégories de pierres (bornes, pierres des vallées, pierres sphériques, pierres à compassion, pierres que l’on ne peut pas effriter, pierres phaxsima, pierres blanches…) et en leur sein plusieurs individus avec leurs particularités propres. Le texte montre que : 1) En raison du caractère éminemment contextuel des saillances, les pierres peuvent appartenir à plusieurs catégories rendant impossible la construction d’une classification en arbre. 2) La singularité des pierres est relationnelle : elle tient à des qualités du matériau mises en action dans le cadre d’une relation avec d’autres agents, humains ou non.
This paper explores the relationships between the members of the Aymara agropastoral communities of the Bolivian Andes (North-Potosi) and the stones (rumi). It examines the diversity of stones in the vernacular classifications through the prism of lithic saliencies. There are several categories of stones (boundary markers, valley stones, hummingbird stones, compassion stones, stones that cannot be crumbled, phaxsima stones, white stones…) and within them several individuals with their own particularities. This paper shows two things: 1. Due to the eminently contextual character of the saliencies, stones may belong to several categories, which makes it impossible to construct an arborescent classification. 2. A relational singularity of stones emerging when material qualities are put into action through an encounter with other agents, humans or not.
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Plan
Les pierres : des êtres de l’inframonde (saqra)
Les saillances lithiques
Nomenclature et taxinomie
Des intentionnalités pas toujours humaines
Aperçu du texte
Image d’ouverture
Jamp’atu illa (pierre crapaud) sur le chemin des vallées, Nord-Potosi. Les nuits de pleine lune et de nouvelle lune, elle croasse, gonfle son ventre et saute. C’est une pierre dure que l’on ne peut pas effriter.
Cliché : L. Charlier Zeineddine, 2017.
Au Nord-Potosi, les membres de communautés agropastorales (comunarios) aymaras sont organisés en ayllu et cultivent sur deux étages écologiques pour varier la production et faire face aux contraintes climatiques : les Hauts-Plateaux entre 3 500 et 3 900 m et les vallées de la Cordillère orientale entre 2 200 et 3 500 m (Murra 1975). À chaque ayllu correspond un itinéraire balisé par des rochers « qui indiquent le chemin pour aller vers les vallées ». Pour les personnes qui empruntent à ce trajet, les « pierres des vallées » peuvent se référer à des pierres très variées, telles des « pierres à compassion », des « pierres que l’on ne peut pas effriter », ou encore des « pierres...
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Pour citer cet article
Référence papier
Laurence Charlier Zeineddine, « Rumi, pierres des Andes », Techniques & Culture, 79 | 2023, 28-45.
Référence électronique
Laurence Charlier Zeineddine, « Rumi, pierres des Andes », Techniques & Culture [En ligne], 79 | 2023, mis en ligne le 03 juillet 2024, consulté le 17 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/tc/19480 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11zre
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Auteur
Laurence Charlier Zeineddine est maîtresse de conférences en anthropologie (Université Toulouse Jean Jaurès, LISST, CAS). Elle mène ses recherches dans les Andes méridionales de Bolivie, auprès de sociétés aymaras du Nord-Potosi. Après s’être intéressée à la maladie, l’infortune et à la notion de personne, elle a travaillé sur les processus de patrimonialisation dans les Amériques à travers des recherches sur les pratiques mémorielles et sur les rapports aux vestiges. Depuis, elle se consacre à l’étude des relations que les sociétés aymaras des Andes boliviennes nouent avec les pierres et à l’étude comparative des liens que différentes sociétés peuvent entretenir avec les minéraux.
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