Introduction

1Les dynamiques d’urbanisation sont une cause importante des changements d’usage des sols. Au niveau mondial, elles se déploient majoritairement dans les pays du Sud – entre 1990 et 2015, 12,8 millions d’hectares (ha) ont été urbanisés en Asie, Afrique et Amérique Latine contre 4,6 millions en Amérique du nord, en Europe et en Océanie (Denis, 2020). Elles se concrétisent par des constructions de logements et de zones commerciales et contribuent à la fois à l’étalement urbain et à la dé-densification urbaine (Denis, 2020).

2De nombreux travaux traitent des dynamiques d’urbanisation dans différentes métropoles du monde. Les résultats basés sur des approches quantitatives et spatiales montrent, sans grande surprise, l’augmentation des espaces bâtis au détriment des terres agricoles, mais également l’augmentation des friches et des terres dégradées (Follmann et al., 2018 ; Hou et al., 2016 ; Morshed & Zhang, 2017 ; Oda et al., 2018 ; Deribew, 2020). Les auteurs se focalisent sur les formes et les facteurs de l’urbanisation (Deribew, 2020 ; Morshed & Zhang, 2017 ; Oda et al., 2018 ; Newman & Kenworthy, 1996). Seuls quelques auteurs analysent, de façon qualitative, les recompositions agricoles associées à la croissance urbaine (Mesclier et al., 2014 ; Robineau et al., 2014 ; Bon et al., 2023). Peu de travaux s’intéressent finalement de façon qualitative et quantitative aux différentes recompositions paysagères qu’engendre la croissance urbaine sur les espaces bâtis et les espaces agricoles.

3L’agglomération d’Antananarivo, capitale de Madagascar, située sur les hautes terres centrales, est constituée d’une alternance de collines et de plaines inondables. Depuis le XVII^e siècle, l’habitat était développé autour des villages historiques sur les principales collines qui structurent le paysage. Cet habitat en hauteur servait à la fois à préserver les zones agricoles, situées dans les plaines, mais aussi à éviter les risques d’inondation, fréquents sur ce territoire enserré de trois fleuves et en aval d’un large bassin versant (Esoavelomandrosoa-Rajaonah, 1989). Lors de la période coloniale et des premières Républiques, l’urbanisation du centre s’est faite de façon planifiée sous l’impulsion de l’État en gagnant en partie sur les plaines (Defrise & Burnod, 2023). Lors des périodes plus récentes, l’urbanisation s’est renforcée dans le centre et les communes périphériques, et de façon parallèle sur les collines et les plaines. Les formes de l’urbanisation sont influencées par des politiques de l’État financées par les bailleurs de fond (projet d’infrastructures routières), mais elles découlent principalement des dynamiques spontanées des opérateurs privés et des ménages (logements et bâtis commerciaux) (op. cit.).

4À l’heure actuelle, au sein de l’agglomération de plus de 2,5 millions d’habitants (PUDi, 2019), l’urbanisation continue sa progression pour répondre aux besoins de logements, de mobilité et d’activités économiques pour la population. Entre 2003 et 2017, l’emprise urbaine était passée de 5 800 ha à 9 000 ha, avec une moyenne de 200 nouveaux bâtis/an et un taux d’accroissement annuel de bâtis à 3,2% (Defrise, 2020). La densification des espaces bâtis collinaires et le développement des infrastructures routières conduisent à une urbanisation de plus en plus marquée des plaines, malgré l’interdiction légale d’y bâtir (Ranaivoarimanana, 2017 ; Defrise, 2020). L’urbanisation des plaines dégrade les conditions de production agricole et la rentabilité des activités agricoles (Defrise et al., 2019). Elle augmente parallèlement les risques d’inondation (PUDi, 2019). L’urbanisation se fait au détriment des terres agricoles mais de façon concomitante, les terres cultivées s’étendent sur les espaces collinaires au détriment des espaces de savanes (Defrise et al., 2019). L’agriculture est en effet clé pour la population. En 2017, les terres cultivées couvraient encore 45% de la superficie de l’agglomération (Dupuy et al., 2020) et continuaient à assurer des fonctions cruciales pour la ville, en termes d’alimentation, d’emplois et surtout de protection contre les inondations (Aubry et al., 2012, Defrise, 2020).

5Dans ce contexte, cet article vise à mieux quantifier, qualifier et spatialiser les dynamiques d’urbanisation et les recompositions agricoles à l’échelle de l’agglomération d’Antananarivo. Il porte une attention particulière aux dynamiques en cours au sein des plaines, espace de progression de l’urbanisation et espace clé dans la gestion des inondations.

6Dans la partie suivante, l’article présente la démarche à la fois quantitative et qualitative de l’étude à l’échelle de l’agglomération d’Antananarivo. Dans la partie 3, l’article actualise les différentes occupations du sol sur la base de la carte produite en 2022. Il analyse ensuite, de façon articulée, la progression de l’urbain et les recompositions agricoles sur la période 2017-2022. Il souligne l’importance de la transformation des terres agricoles dans ce processus d’urbanisation, en particulier dans les plaines, mais pointe également la diversité des transitions d’usage et la plasticité des activités agricoles. Dans la partie 4, l’article met en évidence les facteurs qui favorisent ou freinent l’urbanisation et le maintien des plaines agricoles. La dernière partie conclut sur l’importance d’alimenter les débats publics liés à l’aménagement du territoire afin que les acteurs décident du futur de l’agglomération en prenant en compte les rôles qu’assure l’agriculture.

1. Méthodologie

7L’analyse est conduite, de façon articulée, à l’échelle de l’agglomération d’Antananarivo ou le Grand Tana (de plus de 70 000 ha), et à celle de trois zones d’étude, plus limitées, composées essentiellement de plaines sujettes aux inondations (de 180 à 220 ha) (carte 1). Cela permet de quantifier et de spatialiser les dynamiques différentielles d’urbanisation et les recompositions agricoles à l’échelle du Grand Tana, et d’en expliquer les principaux facteurs par des focus sur les plaines.

8Le Grand Tana est composé de 38 Communes, incluant en son centre la Commune Urbaine d’Antananarivo (CUA) (carte 1). Sa superficie totale est de 76 000 ha, mais dans le cadre de cette analyse, pour des raisons de comparaison basée sur des cartes antérieures, seuls 70 000 ha seront concernés. Le Grand Tana est composé d’une alternance de collines et de plaines et il est ceinturé par trois fleuves : l’Ikopa et ses deux affluents (la Sisaony et la Mamba) (carte 1). Deux des zones d’étude sont situées dans la proche périphérie (Zones I et II) et une dernière (Zone III) dans l’ultra centre (dans la CUA) (carte 1). Le choix de ces zones a été fait dans le cadre de la recherche doctorale d’une des auteurs, articulée à un projet de recherche portant sur la résilience d’Antananarivo face aux inondations (Future Cities Lab – Antananarivo, FCL). Les zones se situent au sein du territoire étudié du projet FCL. Elles ont été retenues pour leur dynamique d’urbanisation différentielle, leur vulnérabilité à l’inondation et la présence de plaines plus ou moins cultivées.

Carte 1 : L’agglomération d’Antananarivo et les trois zones d’étude plus limitées.

9Les changements d’usages du sol désignent un changement qualitatif (changement de nature du sol ou de l’usage) ou quantitatif (diminution ou augmentation d’une superficie dédiée à un usage/couvert) sur un intervalle de temps donné (Briassoulis, 2020).

10Dans la suite des recherches de Dupuy et Defrise (Dupuy et al., 2020), la recherche couple analyse d’images et entretiens. L’analyse de l’évolution du bâti et des recompositions agricoles (quantification et spatialisation) est faite à partir de la production de cartes sur base d’images satellites. Seules les images captées à partir des années 2003 (Spot 5) ont été utilisées, faute de précision suffisante des espaces bâtis sur les images plus anciennes, captées depuis les années 1970 (Landsat). La période étudiée s’étale pour cette raison de 2003 à 2022.

11L’analyse des types d’occupation du sol impactés par l’urbanisation est réalisée à partir d’images satellites de très haute résolution (50 cm – Pléiades) et de données de référence captées sur terrain (relevée de points GPS, identification du couvert et numérisation). Contrainte par la disponibilité des données, la période analysée va de 2017 à 2022. Il en est de même pour l’évolution de l’agriculture. L’analyse se base plus précisément sur deux cartes d’occupation du sol, réalisées respectivement en 2017 et en 2022, en utilisant la chaîne de traitement Moringa (Gaetano et al., 2019). Pour la carte d’occupation des sols de 2022, deux catégories de données ont été mobilisées. La première inclut deux types d’images satellitaires : une couverture en images Pléiades de l’agglomération réalisée le 3 avril 2020 par le dispositif Dinamis, ainsi qu’une série temporelle d’images Sentinel-2 (utilisation des bandes ayant une résolution spatiale de 10m et 20m) allant de juillet 2021 à juillet 2022 (soit 110 images réparties sur 2 tuiles : 38KQD et 38KQE). La seconde correspond à une base de données de référence pour l’année 2022, obtenue par mise à jour de celle produite en 2017. Afin de percevoir les types d’occupation du sol impactés par l’urbanisation, la nomenclature de niveau 3 a été adoptée (tableau 1, carte 2). Cette dernière est en effet commune aux deux cartes d’occupation du sol utilisée et elle offre le meilleur niveau de résultat (précision globale de 89.22 et indice Kappa de 0,87). Les différentes catégories de couvert utilisées sont précisées dans la section suivante.

Tableau 1 : Nomenclature utilisée pour la carte d'occupation du sol 2022.

Source : auteurs.

12Cinq catégories de couverts sont considérées : i) l’espace bâti incluant les bâtis résidentiels, commerciaux et industriels, les aéroports, les parkings et les routes, ii) l’espace artificialisé concernant les carrières (de pierres, de briques), les remblais, les chantiers, les décharges et les terrains de sport, iii) l’espace naturel regroupe les savanes (herbacées, arbustives et arborées), iv) l’espace en eau concernant les rivières, les canaux, les marais, les lacs, les bassins piscicoles, et v) l’espace agricole inclut toutes les parcelles cultivées.

13Pour identifier les facteurs qui pèsent de façon commune sur l’urbanisation et les recompositions agricoles, 170 acteurs ont été interviewés au sein du Grand Tana et des territoires étudiés. Ces acteurs étaient impliqués directement dans la conversion des sols en bâti (126 ménages, 10 entreprises) et la gestion du territoire (26 autorités locales, 6 institutions et 2 personnes en charge de l’ouverture des vannes régulant les circulations d’eau entre les plaines et les fleuves). L’analyse de leur discours est couplée à la production de cartes pour recouper nature et incidence spatiale des différents facteurs selon les zones.

2. Urbanisation et recompositions des espaces agricoles

2.1. Une agglomération fortement agricole

14Le Grand Tana est, en 2022, encore fortement agricole : les espaces agricoles couvrent 40% de l’agglomération (soit 28 203 ha, cf. carte 2). Les espaces cultivés, vastes et souvent composés de plaines, sont majoritairement situés au Nord, Nord-Ouest et Sud-Ouest de l’agglomération. Les zones humides, dédiées principalement à la riziculture, au cresson et au maraîchage, représentent 24% de la superficie de l’agglomération et plus de la moitié de la superficie cultivée (16 750 ha) (carte 2). Les cultures maraîchères, traditionnellement situées en bas de pente, sont également présentes dans les plaines. Les cultures pluviales sont sur les pentes des collines et incluent le manioc, le maïs et les légumineuses. Les cultures fruitières concernent surtout les orangeraies et se retrouvent sur les bas de pentes. Bien que cela ne soit pas capté par l’analyse des images satellitaires, l’élevage de porcs, de vaches laitières et avicoles sont très présents dans l’agglomération et sont en fort développement (Defrise, 2020 ; Orbell et al., 2023).

15Les espaces naturels occupent un tiers de l’agglomération (22 439 ha). Composés de savanes herbacées et arbustives, ils sont présents sur les nombreuses collines qui marquent le paysage de l’agglomération et leur importance augmente avec l’éloignement du centre-ville. Ils sont utilisés pour le pâturage des bovins. Les savanes arborées et les plantations forestières (10 867 ha et 15% des terres de l’agglomération) sont prépondérantes du côté Est de l’agglomération.

16Les espaces bâtis ne couvrent finalement que 17% de l’agglomération (11 728 ha). Ils se concentrent dans la CUA, située au centre de l’agglomération, puis autour des principaux axes routiers, anciens et récents. Ils empruntent ainsi une forme en doigts de gant (carte 3).

17Les espaces artificialisés (carrières de briques, remblais, décharge, chantier) n’occupent que 6% de l’agglomération (4 550 ha). Définis comme précurseurs de l’urbanisation dans d’autres villes (Follmann et al., 2018 ; Morshed & Zhang, 2017), ils sont à Antananarivo surtout localisés au Nord-Ouest et au Sud-Ouest de l’agglomération. Certains d’entre eux sont de grande envergure, d’autres beaucoup plus petits et issus d’activités artisanales.

18Les espaces en eaux, avec 3 191 ha (5%), se localisent surtout dans la partie Ouest de l’agglomération. De nombreux petits bassins, marais naturels, résiduels ou aménagés, permanents ou temporaires, sont valorisés pour de la pisciculture (avec l’apport d’alevins ou en captant les poissons amenés par les crues des rivières).

Carte 2 : Occupation du sol du Grand Tana en 2022 (Dupuy et al., 2022).

2.2. Une urbanisation qui s’accélère au détriment des terres cultivées

19Les espaces bâtis sont principalement à usage résidentiel et commercial, dans une moindre mesure à usage industriel, militaire et administratifs. Sur une période de près de vingt ans (de 2003 à 2022), la superficie bâtie au sein du Grand Tana (tableau 2, carte 3). Sa progression s’est particulièrement accélérée de 2017 à 2022. Sur ces cinq dernières années, la superficie convertie en bâti est du même ordre de grandeur que celle convertie lors des quinze années précédentes (2 903 ha de bâtis supplémentaires de 2003 à 2017, contre 2 377 ha de 2017 à 2022). Le taux d’accroissement annuel du bâti est passé de 3,2%, entre 2003 et 2017, à 5,08%, entre 2017 et 2022. Il s’approche ainsi de ceux observés dans d’autres capitales africaines (égal en moyenne à 5,37% pour Bamako, 4,99% pour Nairobi durant les périodes 2000-2014, Hou et al., 2016).

Carte 3 : Évolution des espaces bâtis en 2003, 2017 et 2022 dans le Grand Tana (Dupuy et al., 2023).

20L’urbanisation se fait principalement par conversion des terres agricoles (figure 1 et tableau 3) et explique en grande partie la réduction des terres cultivées. À l’échelle du Grand Tana, entre 2017 et 2022, plus de la moitié des espaces bâtis (55%) se sont développés sur des terres précédemment cultivées. Plus précisément, le bâti s’est développé principalement dans les zones humides, dédiées en saison à la riziculture, et en contre-saison au maraîchage et à la pisciculture (27% des superficies), ensuite, sur les terres en bas de pente, valorisées en maraîchage (15%) et enfin sur les terres de colline (appelé localement tanety) consacrées aux cultures pluviales (12%) (figure 1). Les espaces bâtis se sont également étendus sur les terres de colline composées de savane et d’espaces pastoraux (27%) et sur les espaces déjà artificialisés (18%).

21La pression d’urbanisation, même si dans l’absolu elle demeure limitée, apparaît plus forte sur les terres cultivées que sur les autres types d’occupation du sol (4% de l’ensemble des terres cultivées ont été converties, contre 2% seulement des espaces naturels et pastoraux, et 1% des espaces artificialisés) (tableau 2).

Occupations du sol	Superficie de 2017 (ha)	Part par rapport à la superficie du Grand Tana en 2017 (%)	Superficies converties en bâti entre 2017 et 2022 (ha)	Taux de conversion sur la période (%)
Espace artificialisé	4 318	6	412	1
Espace naturel	23 254	33	640	2
Espace en eau	1 662	2	8	0
Espace cultivé	31 526	45	1 317	4
Superficie totale convertie en bâti entre 2017 et 2022 (ha)			2 377

Tableau 2 : Occupations du sol en 2017 converties en bâtis en 2022 et taux de conversion.

Source : auteurs.

22Dans de nombreuses agglomérations, l’urbanisation des terres agricoles passe aussi par des phases intermédiaires de mise en friche, pendant laquelle les terres sont laissées en « latence » ou valorisées par de la production de brique. Ces friches sont à la fois un indicateur de déprise agricole et de nouveaux espaces à intérêt économique (transactions d’achat-ventes, spéculation immobilière, etc.) qui deviennent à plus ou longue échéance des espaces bâtis (Bon et al., 2023 ; Deribew, 2020, Follmann et al., 2018 ; Hou et al., 2016 ; Morshed & Zhang, 2017). Dans le cas du Grand Tana, les espaces artificialisés regroupent les carrières de pierres, les décharges, les chantiers (terrassement sur collines), les remblais (dans les zones humides), les carrières de briques et les sols nus (figure 2). Contrairement aux observations réalisées dans d’autres grandes villes (Follman et al., 2018 ; Hou et al., 2016), deux points sont à souligner dans la capitale malgache. Tout d’abord, il y a rarement de friches agricoles. Toutes les terres cultivables sont cultivées et témoignent d’un fort besoin en terres agricoles, et non d’une déprise. Ensuite, les processus de transformation des terres agricoles vers les carrières de briques ne sont pas irréversibles et ne tendent pas de façon linéaire vers l’urbanisation. Les terres de bas fond servent à la production de briques, mais sont réutilisées pour la riziculture. C’est seulement après plusieurs cycles d’alternance riziculture / production de briques que les parcelles peuvent devenir incultes et donner lieu à des constructions (Aubry et al., 2012 ; Brouillet et al., sous presse). Cette artificialisation des sols se fait aussi au détriment des terres cultivées et, par ordre d’importance décroissant, sur les zones humides, les terres maraîchères et les terres de cultures pluviales (respectivement 629 ha, 136 ha et 123 ha).

	Superficie (ha)			Variation (ha)		% par rapport à l'ensemble du territoire
	2003	2017	2022	2003-2022	2017-2022
Espace bâti	6 447	9 351	11 728	5 281	2 377	17
Espace artificialisé	nd	4 318	4 550	nd	232	6
Espace naturel	nd	23 254	22 439	nd	-815	32
Espace en eau	nd	1 662	3 191	nd	1 529	5
Espace agricole	nd	31 526	28 203	nd	-3 323	40
Superficie totale du Grand Tana (ha)			70 111	Total		100

Tableau 3 : Évolution du bâti, entre 2003 et 2022, et évolution des autres espaces, entre 2017 et 2022, dans le Grand Tana.

Source : auteurs.

2.3. Une recomposition des espaces agricoles

23Les superficies agricoles, même si elles demeurent importantes en 2022, ont connu une diminution entre 2017 et 2022 de 3 323 ha (tableau 3, tableau 4). Les superficies agricoles régressent, mais les modes de valorisation agricole évoluent. Alors que l’agriculture de bas fond (riziculture et maraîchage) diminue (respectivement -5 132 ha et -531 ha), l’agriculture sur les pentes de colline se développe (respectivement +1 074 ha pour les cultures pluviales – maïs, manioc, légumineuses, etc. –, +936 ha pour les cultures fruitières et +330 ha pour les parcelles en jachère) (tableau 4). Le Grand Tana connaît de façon originale une évolution synchrone sur les collines d’urbanisation et de mise en culture (Defrise et al., 2019). Cette recomposition des espaces agricoles traduit le maintien de l’activité agricole au sein des ménages, eux-mêmes en nombre croissant (op. cit.).

Occupations du sol	Superficie (ha)		Variation entre 2017 et 2022 (ha)
	En 2017	En 2022
Culture de zone humide	21 882	16 750	-5 132
Culture maraîchère	4 813	4 282	-531
Culture pluviale	4 218	5 292	+1 074
Jachère	100	430	+330
Culture fruitière	513	1449	+936
Total (ha)	30 929	28 203	-3 323

Tableau 4 : Évolution des espaces agricoles selon les types de culture, entre 2017 et 2022, dans le Grand Tana.

Source : auteurs.

2.4. Une diversité de transitions d’usage des sols

24Le cas du Grand Tana permet de mettre en valeur différentes transitions qui se développent de façon concomitante avec l’urbanisation (figure 1, figure 2). Il s’agit d’une part de la recomposition des espaces agricoles et d’autre part de l’artificialisation des espaces agricoles et naturels. Effectivement, des espaces rizicoles des plaines se transforment en espace maraîcher (1 677 ha), en plans d’eau valorisés par la pisciculture (1 317 ha) et en parcelles dédiées aux cultures fruitières (350 ha). Des parcelles maraîchères se transforment vers la production fruitière (290 ha), et des savanes sont mises en valeur avec des cultures pluviales (684 ha). Par ailleurs, des espaces cultivés (765 ha) et des espaces naturels (123 ha) se transforment en carrières (figure 2).

Figure 2 : Principales transitions à l’échelle du Grand Tana selon les observations faites entre 2017 et 2022.

3. Facteurs jouant conjointement sur l’urbanisation et les recompositions agricoles

25Différents facteurs jouent à la fois comme freins ou moteurs de l’urbanisation et, de façon couplée, au maintien des terres agricoles. L’accent est mis sur les plaines agricoles, terres agricoles les plus touchées par l’urbanisation.

3.1. Croissance démographique, besoins en logement et en revenus

26L’urbanisation est liée avec la croissance démographique. Chaque année, le Grand Tana accueille entre 100 000 à 150 000 nouveaux résidents (World Bank, 2017). Cette croissance démographique est causée à la fois par l’accroissement annuel de la population, mais aussi par la migration (op. cit.). Cette croissance démographique augmente le besoin en logement de la population et en emplois.

27Pour répondre au besoin en logements, différents acteurs investissent dans le bâti. Comme dans d’autres villes du Sud (Denis, 2016), au sein du Grand Tana, les ménages sont les principaux acteurs de l’urbanisation par le jeu de constructions denses sur des micro-parcelles. Ils sont à l’origine de 85% des superficies bâties (notre analyse cartographique). Ils construisent des bâtiments sur des parcelles de petites tailles (de 32m² à 290m²) à usage commercial, résidentiel (pour eux-mêmes et pour des locataires) ou mixte (résidentiel et commercial). Les entreprises privées et l’État sont également engagés dans ce processus d’urbanisation par le développement de bâtis à usage commercial, administratif, industriel et résidentiel sur des parcelles plus grandes (de 400m² à 40 000m²).

28En termes d’emploi, les secteurs secondaire et tertiaire sont assez peu développés (PUDi, 2019). Les ménages gardent, par conséquent, l’agriculture comme sources de revenus (Aubry et al., 2012). Faute de recensement récent et sur la base d’estimations, 20% des ménages de l’agglomération auraient une activité agricole (Defrise et al., 2019). L’agriculture constitue un filet de sécurité majeur dans cette ville marquée par un taux de chômage élevé et une paupérisation croissante de la population (Defrise, 2020).

3.2. Risques d’inondations et gestion de l’eau

3.2.1. Risques d’inondations

29Les plaines agricoles, en plus d’être situées dans les zones basses en termes topographiques (carte 4), sont généralement proches des cours d’eau et parfois situées entre deux fleuves (carte 1). Lors des fortes pluies, caractéristiques de la saison humide dans cette partie du pays, les plaines agricoles reçoivent les eaux fluviales, ainsi que les eaux pluviales des bassins versants proches et en amont. Ils assurent naturellement le rôle de bassin tampon naturel, mais ils sont également valorisés comme zones de déversoir via des infrastructures hydrauliques (digues et vannes) et hydro-agricoles (canaux d’irrigation). Dans les zones étudiées I et II, les plaines agricoles sont enserrées de digues et reçoivent chaque année, via un système d’ouverture et de fermeture de vannes, les eaux de la rivière Sisaony afin d’éviter que ces dernières augmentent la crue du fleuve Ikopa et inondent encore davantage la CUA. La montée des eaux peut ainsi être rapide (en quelques heures) et importante (le niveau de l’Ikopa peut monter de 0,23m en trois heures au niveau d’Anosizato – zone II). De plus, ces plaines, peuvent recevoir une quantité additionnelle non prévue d’eau en cas de ruptures de digues, fréquentes vu le manque d’entretien de ces dernières (exemple de la zone I en 2015 et en 2017).

30Ces risques d’inondations réels (fréquence et hauteur d’eau) limitent fortement l’urbanisation dans les zones les plus sensibles. Ils jouent également sur les recompositions agricoles. Ils pèsent sur les conditions de la production agricole (risques de perte des cultures) mais les agriculteurs adaptent l’aménagement des parcelles et leurs systèmes de culture en conséquence.

Carte 4 : Les zones inondables dans le Grand Tana (World Bank, 2017) (en bleu). Encadrée en vert : zone I, en orange : zone II, en jaune : zone III).

3.2.2. Gestion de l’eau et conditions de production agricole

31Les risques d’inondation limitent fortement l’urbanisation dans les zones les plus sensibles. Ils peuvent être mieux gérés dans d’autres zones par le jeu des infrastructures hydro-agricoles et des remblais. Les conditions de production agricole vont alors être déterminantes dans le maintien des terres en agriculture ou dans leur conversion vers le bâti.

32Des mauvaises conditions de productions agricoles incitent les ménages à produire des briques, remblayer la parcelle et bâtir (figure 2) ou, faute de moyens, à vendre la parcelle à un bâtisseur. Ces mauvaises conditions découlent de deux problèmes en lien avec l’eau. Le premier problème résulte de l’entretien insuffisant des infrastructures hydro-agricoles. Depuis les années 1980, l’État ne parvient plus à assurer une gestion appropriée de ces infrastructures (insuffisance des budgets de l’État, ponctuellement renfloués par l’aide au développement, longueur des procédures d’appel d’offres, manque de compétence de certaines entreprises recrutées, etc.) (planche 1). Les associations d’usagers de l’eau, censées contribuer à cet entretien, n’y parviennent pas non plus. En saison des pluies, l’accès à l’eau est supérieur aux besoins agricoles. Les eaux pluviales et fluviales sont déversées dans les plaines et conduisent à leur inondation rapide. Faute d’entretien des infrastructures, l’eau ne peut plus être drainée en temps voulu et abîme les récoltes (alors que le riz peut supporter une inondation de 5 à 7 jours).

33Le second problème est un problème d’accès à l’eau en saison sèche. Du fait du changement climatique et de la compétition accrue sur la ressource en eau liée à la croissance urbaine, l’accès à l’eau en quantité et en temps voulu n’est plus possible pour les agriculteurs des plaines. En saison sèche, l’eau tirée des lacs de barrage est allouée prioritairement à la consommation des urbains, et seulement ensuite à l’irrigation des producteurs agricoles. De 2019 à 2022, seul un cinquième ou, au mieux, la moitié des besoins en eaux des agriculteurs ont été couverts.

34En zone III, les agriculteurs n’ont pas assez d’eau en saison sèche et ils ne peuvent pas la valoriser correctement en saison des pluies faute de pouvoir la gérer (dégradation des canaux de drainage, blocage des entrées et sorties d’eau par des constructions ou des déchets) (planche 1). Ils se tournent vers la production de briques (figure 2). Après plusieurs cycles d’extraction de terre, ils vendent ou bâtissent eux-mêmes la terre, sous réserve que d’autres facteurs favorables s’y ajoutent.

35À l’inverse, des conditions de productions agricoles bonnes ou moyennes vont permettre aux producteurs de maintenir la valorisation agricole des parcelles, même si ces mêmes producteurs expliquent lors des entretiens que leurs enfants pourront à terme les bâtir.

3.2.3. Adaptation des systèmes de production

36La disparition de l’agriculture dans un environnement urbain (opportunités de vente, dégradation des conditions de culture par la multiplication du bâti) n’est pas forcément inéluctable. Comme à Bobo Dioulasso, Saint-Louis ou à Manille (Robineau et al., 2014), l’agriculture au sein du Grand Tana se recompose. Source de revenus essentielle des ménages cultivateurs, elle est source d’innovations, d’adaptations et de processus d’intensification.

37Une première adaptation touche les systèmes de productions rizicoles, par le recours au semis direct et aux techniques généralement pratiquées dans les systèmes rizicoles de décrue. Les agriculteurs abandonnent le repiquage pour le semis-direct et optent pour des variétés plus robustes à l’inondation (pratiquées en zone I et II). Une seconde adaptation consiste en l’aménagement de la parcelle pour y pratiquer à la fois l’agriculture et la pisciculture (dans les trois zones). Les agriculteurs creusent des masses importantes de terres pour surélever par bandes des parties de la parcelle. Sur les parties surélevées, ils cultivent en saison sèche des cultures maraîchères et font en saison humide du riz. Ces jardins surélevés sont irrigués en saison sèche par l’eau puisée dans les zones creusées et sont moins contraints par l’inondation en saison humide (l’eau ne couvre que partiellement et non pas totalement les jeunes plants de riz). Les canaux formés entre les planches surélevés sont alimentés par les eaux de crues qui apportent alors des poissons (bandes noires sur les photos aériennes de la zone I et II, planche 2). Bloqués aux extrémités, ils sont transformés en bassins piscicoles temporaires. Parfois, les besoins en terre pour la briqueterie et l’aménagement des parcelles adjacentes trouent en profondeur certaines parcelles (Brouillet et al., à paraître), rendant difficile leur réversibilité pour la riziculture ou le maraîchage. Les parcelles sont alors aménagées en bassins piscicoles permanents (espaces noires sur les photos aériennes de la zone III, planche 2).

Planche 2 : Images aériennes (2022) des jardins surélevés (en zones I et II) et bassins (en zone III).

3.3. Accessibilité des parcelles

38Un troisième facteur clé qui favorise l’urbanisation, au détriment de l’agriculture, est celui de l’accessibilité des parcelles. Même si les parcelles sont inondables ou propices à l’agriculture, la proximité d’une voie carrossable ou la permanence d’un accès piéton va inciter les agriculteurs à remblayer et à bâtir ou, faute de moyens, à vendre. Le prix des parcelles accessibles est bien plus élevé que celles situées plus au cœur des plaines (en zone III, pour une superficie similaire, le prix d’une parcelle éloignée de la route est de 6 €/m² alors que celui d’une parcelle située en bord de route s’élève à 30 €/m²).

39Faute de terres disponibles ou accessibles financièrement sur les collines proches du centre urbain (zones de services et d’opportunités d’emplois), entreprises et ménages investissent les plaines inondables (en blanc sur les cartes de la planche 3). Les entreprises privées font de l’accès par voie carrossable un critère prioritaire. Les ménages peuvent se contenter d’un accès piéton. Leurs constructions denses et contiguës au premier plan vont à certains endroits limiter les possibilités d’accès en voiture, ou même piéton au second plan, et bloquer ainsi l’expansion de l’urbanisation. Dans les zones I et II, les parties bâties – en rose sur la planche 3 – sont uniquement le long des axes de circulation. Dans la zone III, elles s’étendent dans le bas fond par le jeu d’étroit couloirs piétons aménagés avec des planches en cas d’inondation et permettent une urbanisation des dents creuses (planche 3).

Planche 3 : Construction à proximité des voies d’accès (zones I et II) et densification des dents creuses (zone III).

40L’urbanisation des parcelles est étroitement liée à leur accessibilité, mais conditionnée par la réalisation de remblais, plus ou moins conséquents et coûteux selon les risques d’inondation. La majorité des ménages ne peut pas entreprendre ce type de remblais. La minorité qui s’y engage le fait en bordure de plaine et se limite à des remblais artisanaux (avec l’utilisation de déchets, de jacinthe d’eau, de reste de briques ou de coupeaux de bois). Ces ménages surélèvent ensuite leur maison (en bois, en tôle et en briques) et vivent plusieurs mois par an entourés d’eau. Les autres finissent souvent par vendre leur parcelle, sollicités par des intermédiaires ou des représentants d’opérateurs privés. Les seuls qui réalisent des remblais avec des apports massifs en terre et le recours à des engins motorisés sont en effet des opérateurs privés, dotés de moyens économiques et de réseaux suffisants pour financer le transport de terres et monnayer les autorisations administratives, malgré l’interdiction légale de bâtir.

3.4. Plans d’urbanisme et tenure foncière

3.4.1. Règles et plan d’urbanisme

41Les législations et plans d’urbanisme influent sur les stratégies des bâtisseurs, mais ils ne parviennent pas à empêcher l’urbanisation des plaines. Depuis 1926, différents plans ont été formalisés pour planifier l’urbanisation de la ville (Esoavelomandrosoa-Rajaonah, 1989 ; Ranaivoarimanana, 2017, Defrise, 2020). Le dernier en date est le Plan d’Urbanisme Directeur pour le Grand Tana ou PUDi, 2019. Dans ce dernier plan, les plaines sont pour la plupart classées en zone inconstructible (planche 4), la volonté politique étant de garder ces espaces comme tampon contre les inondations. Ces plaines agricoles font aussi l’objet de décret municipaux à l’échelle de la CUA ou des arrêtés ministériels à l’échelle du Grand Tana interdisant les remblais. L’analyse comparative du PUDi de 2019 et des constructions réalisées entre 2017 et 2022 met en évidence que ces régulations (plan et décrets) ne sont pas suivies. Dans les trois zones, les bâtis ont progressé dans les zones classées inconstructibles. Les ménages ont généralement bâti sans autorisation et les autorités locales ne s’y sont pas opposées, conscientes des besoins en logement de ces populations fragiles économiquement. Ménages et autorités régularisent les situations ex post par l’octroi de permis, d’autorisation locale, de numéro de logement, le prélèvement de fiscalité ou l’extension des zones constructibles sur les plans d’urbanisme de détail. Les entreprises sont contraintes par le contrôle plus resserré des services de l’État d’obtenir les autorisations nécessaires (avant ou en cours de chantier). Elles y parviennent souvent en ayant recours à la corruption (Ranaivoarimanana, 2017). La seule zone où l’interdiction a été respectée est celle où les risques d’inondation sont les plus élevés (zone I). Les bâtisseurs sont à la fois découragés par l’ampleur des remblais à entreprendre, et les autorités plus fermes sur le contrôle de ces zones fortement inondées.

Planche 4 : Développement du bâti dans les zones inconstructibles.

3.4.2. Statut foncier et insécurité foncière

42Dans l’agglomération d’Antananarivo, de nombreux propriétaires fonciers n’ont pas de titres de propriété actualisés ou de documents sécurisant pleinement leurs droits (Burnod et al., 2020). L’accès au titre foncier est complexe (nombreuses étapes et documents à fournir), coûteux (production des documents, descente des agents sur le terrain, corruption) et parfois perçu comme risqué (peur des détenteurs de droits de voir l’administration foncière formaliser la parcelle urbaine au nom d’un tiers) (Ranaivoarimanana, 2017 ; Defrise, 2020). L’accès au certificat foncier, document légal de propriété alternatif au titre mis en place dans le cadre de la gestion foncière décentralisée depuis 2005, n’est pas possible dans la majorité des communes de l’agglomération (Defrise, 2020 ; Burnod & Bouquet, 2022). La production de document légal est aussi rendue difficile par les situations complexes en termes de tenure foncière : parcelles en indivision sur plusieurs générations, déconnexion entre le propriétaire du sol et celui du bâti, etc. (Burnod et al., 2020).

43Certains propriétaires disposent de titres fonciers actualisés mais ils sont minoritaires. Ce sont des entreprises et des ménages aisés qui les ont produits pour obtenir les permis de construire et les connexions aux réseaux d’eau et d’électricité. D’autres possesseurs ont effectivement des documents légaux (titre ou documents intermédiaires) mais ces derniers sont au nom des anciens propriétaires (ascendants en cas d’héritage ou vendeur en cas d’achat). Dans la pratique, la majorité des ménages produisent des documents semi-formels pour prouver leurs droits et retracer l’historique et le morcellement des parcelles : acte de notoriété rédigé au sein de la famille, acte de vente validé au niveau de la Commune, plan réalisé par des géomètres privés, quittance d’impôts.

44De nombreux ménages se sentent en insécurité sur leurs parcelles et craignent de voir leurs droits contestés par un tiers (voisins, élites, administration foncière, État). Ce sentiment d’insécurité joue sur l’urbanisation ou le maintien des terres agricoles. Une stratégie de sécurisation est de marquer l’appropriation en évitant de garder le sol nu. En fonction des moyens et projets des ménages, de l’environnement de la parcelle (risque d’inondation, condition de production agricole, accessibilité) et finalement indépendamment des documents fonciers détenus, les ménages vont bâtir ou maintenir la production agricole (en cultivant eux-mêmes ou en cédant en métayage ou en gardiennage la parcelle) (zone I). En cas de tenure foncière complexe, le choix le plus fréquent est celui de l’agriculture pour éviter les éventuels litiges sur le droit à bâtir et la propriété du bâti (zone II). Pour des raisons topographiques, notamment les risques fréquents d’inondation, les cultures retenues comme marqueurs de territoire sont le maraîchage et la riziculture, les arbres étant peu appropriés.

Conclusion

45Cet article a permis de quantifier, spatialiser et expliquer les processus d’urbanisation dans le Grand Tana ainsi que les recompositions agricoles associées. L’urbanisation progresse de façon de plus en plus marquée ces cinq dernières années, au détriment des terres cultivées, notamment dans les bas- fonds. En parallèle, l’agriculture se redéploye sur les terres de colline et se diversifie dans les plaines. Les transitions d’usage sont ainsi multiples et révélatrices des besoins et contraintes des habitants. L’agriculture s’adapte pour assurer un marquage territorial (culture maraîchère et riziculture) et fournit aux ménages des sources de revenus dans un environnement marqué par l’absence d’emplois alternatifs et un fort niveau de pauvreté. Elle occupe ainsi une large partie des plaines qui continuent par ce biais à jouer leur rôle de tampon contre les inondations. Le maintien de l’agriculture dépend néanmoins de la progression de l’urbanisation. Cet article souligne que la clé pour peser sur la régulation effective des dynamiques d’urbanisation – au-delà de l’élaboration de règles et plans d’urbanisme – est de jouer sur les infrastructures hydro-agricoles, les conditions de production agricoles, la localisation des voies d’accès et le contrôle des remblais. L’ensemble de ces résultats peuvent alimenter les débats publics sur l’aménagement du territoire et la place de l’agriculture dans la résilience de la ville (alimentation, emplois et revenus pour les populations vulnérables, et protection contre les inondations).