1Phénomène caractéristique d’extensions des banlieues des grandes agglomérations, la périurbanisation progresse dans le monde et plus particulièrement dans les grandes villes africaines notamment béninoises. Souvent désignée par l'étalement urbain, la périurbanisation est définie comme « un mouvement “centro-périphérique” qui diffuserait des occupations urbaines centrales aux dépens de périphéries rurales repoussées plus loin » (Ritchot et al., 1994). Ce déferlement urbain des grandes villes sur leurs périphéries est palpable dans de nombreuses agglomérations béninoises notamment dans la commune de Sèmè-Podji qui connaît ces dernières années une forte pression foncière et une mixité des réalités urbaines et rurales. En réalité, les milieux ruraux et urbains ne sont pas simplement juxtaposés mais sont en interrelation constante (Guézéré, 2013).
2Située au Sud-est du Bénin, la commune de Sèmè-Podji partage ses limites à la fois avec la ville de Cotonou, principale ville économique du Bénin, celle de Porto-Novo, capitale du Bénin et le Nigéria à l’Est comme le montre la carte N° 1.
Carte N° 1 : Localisation géographique de la Commune de Sèmè-Podji
3Sa position géographique fait d’elle, le réceptacle des déferlements urbains des villes de Cotonou et de Porto-Novo créant ainsi une explosion du marché foncier local.
4Le marché du foncier urbain au Bénin est un secteur qui met en jeu l’intervention de plusieurs acteurs publics et privés mais également de l’informel (Danvidé, 2017). Les acteurs privés y achètent de grands domaines pour y installer des infrastructures à caractère commercial ou industriel et de nouvelles habitations, tandis que des responsables politiques et administratifs investissent pour la réalisation de grands travaux. La pression sur la terre s’amplifie, les ventes de terres par les paysans se multiplient, les prix du foncier augmentent (Dossou, 2011).
5En réalité, la gestion foncière est une question fortement discutée par de nombreux spécialistes et surtout des acteurs locaux. La gestion de la terre et du sol apparaît comme une composante nécessaire de la politique locale comme le stipule l’article 84 de la loi n° 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin :
La Commune élabore : les règles relatives à l’usage et à l’affectation des sols, les plans de détail d’aménagement urbain et de lotissement, […] et assure le contrôle permanent de la conformité des réalisations et des constructions avec la réglementation en vigueur.
6Plusieurs communes en particulier celles périurbaines, où il existe déjà une forte pression foncière, vont saisir cette opportunité pour réaliser l’aménagement de leurs localités à travers des opérations de lotissement. C’est le cas de la commune de Sèmè-Podji où les lotissements sont devenus le principal outil d’organisation des espaces spontanément occupés par la population.
7En effet, le lotissement est perçu comme une opération d’organisation raisonnable de l’espace puisqu’il consiste à morceler volontairement une portion de terre afin d’assurer son occupation rationnelle et son aménagement (Adegbinni et al., 2021). Le lotissement se distingue du simple morcellement dans lequel il n’est pas prévu de construire les parties détachées, mais consiste plutôt à diviser les terrains en des petits lots à des fins de construction d’habitats. Lorsque les terrains à diviser sont préalablement occupés avant son organisation, le lotissement devient un remembrement urbain dont l’objectif « réside dans l’aménagement de l’espace occupé irrégulièrement en vue de la réalisation des équipements et infrastructures de base, et dans l’aide à la population aux fins d’accéder à une sécurité foncière » (Mansour Tall, 2016). En plus de sa fonction d’organisation d’espace, le lotissement est appréhendé comme un enjeu central de mobilisation de ressources locales dans l’économie politique communale et un instrument très puissant de conversion d’espaces ruraux « coutumiers » en espaces urbains « immatriculés », producteurs de « morceaux de ville » (Aboudou et al., 2003). Et comme l’explique Tingbé-Azalou (2015), le prétexte d’indisponibilité des ressources dans les communes sert de contexte pour le lancement tous azimuts des opérations de lotissement par différents maires.
8Dans cette quête de mobilisation de ressources, le lotissement est vu par certains auteurs comme une menace notamment par Dorier-Apprill et al. (2004) pour qui, « la course aux lotissements comme sources de recettes pour beaucoup de communes actuellement montre aussi les dérives possibles du “tout local” ».
9Si le lotissement est vécu comme un outil qui facilite la réalisation des équipements publics, il apparaît également pour d’autres auteurs comme un bon moyen pour les autorités locales de se servir personnellement de biens fonciers publics (Chabi, 2013). On ne doit pas aussi dénier à ces opérations le fait que les transformations foncières fournissent l’occasion aux élus d’élargir leur base électorale et de satisfaire leurs obligations clientélistes (Hilgers, 2008). Cette manière d’appréhender le lotissement posant le problème de la gouvernance foncière est intéressante pour ce travail puisqu’elle peut amener à des désaccords entre les organisateurs voire à des situations de contestations de ces opérations.
10En effet, les lotissements apparaissent comme les seules solutions pour constituer les réserves foncières nécessaires à la réalisation des équipements publics (Adegbinni, 2018). La constitution de réserve foncière se réalise à travers la récupération obligatoire d’une portion des parcelles situées dans le périmètre à lotir. Il s’agit ici d’une pratique paradoxale montrant la particularité de la construction des villes africaines notamment béninoises qui « ne parviennent pas à répondre aux attentes fondées sur l’expérience historique de l’urbanisation occidentale » (Förster et al., 2018). Cette manière de « construire la ville » génère une gouvernance foncière singulière qui parfois fait l’objet de contestation par les bénéficiaires de ces opérations d’urbanisme. Ces contestations signifient-elles le rejet de cette forme d’aménagement par la population ?
11Quand on se fie à l’explication de G. Lavau (1970), la contestation est caractérisée par la récusation, par la non-reconnaissance de ce qui se donne pour représentation du vrai, par la mise en doute radicale. Pour cet auteur, même si la contestation fait transparaitre l’idée de désaccord, cet élément n’a qu’un caractère secondaire dans la définition de ce concept alors qu’il est la base principale qui caractérise l’opposition. Suivant cette explication, la contestation d’un lotissement ne signifie pas nécessairement une opposition à cette opération. Elle peut consister en une remise en cause de la manière dont le lotissement est conduit par les autorités administratives et non son rejet. Pour N. Belakdhar (2015) la contestation sociale sert même de vecteur de négociation entre État et société. Mais s’il y a négociation, c’est qu’il existe une situation de malaise voire de conflit que la contestation cherche à exprimer. Le conflit ici n’étant rien d’autre que la manifestation d’une différence, l’expression naturelle de la diversité indispensable à la vie (Mousli, 2005).
12Le recours fréquent à la contestation de lotissement dans la commune de Sèmè-Podji traduit l’existence entre acteurs d’une divergence d’appréciation dans la conduite des opérations. Cette situation suscite de nombreux questionnements dont le plus important pour ce travail est d’interroger le système d’action à l’œuvre autour des opérations de lotissement et les contestations comme moyen pour les habitants d’exister face aux pratiques foncières opaques des autorités publiques. Cette réflexion s’appuie sur l’hypothèse selon laquelle la contestation des opérations de lotissement constitue une construction sociale porteuse d’une nouvelle gouvernance foncière convenable à un développement territorial participatif.
13Pour analyser le système d’action à l’œuvre autour des opérations de lotissement, nous allons d’abord montrer la singularité des lotissements au Bénin qui engendre des contestations. Puis, nous décrirons les diverses formes de contestations rencontrées et leurs impacts sur le développement de la commune. Nous reviendrons ensuite, sur les stratégies développées par les acteurs pour le règlement des contestations et montrer qu’elles constituent un moyen pour les habitants d’exister face aux pratiques foncières opaques des autorités publiques.
14Le champ méthodologique utilisé pour cette réflexion repose sur la catégorisation des tendances de contestations des conflits nées des formes d’opérations de lotissement et entretenus par divers acteurs. Pour mieux cerner ces acteurs et leurs enjeux, il a été mobilisé « l’approche qualitative de la question foncière » de P.-Y. Le Meur (2002) et l’analyse stratégique de M. Crozier et al. (1977). Cette combinaison d’approches prône une ouverture critique dans la compréhension des problèmes de gestion des opérations de lotissement et les conséquences sur le développement des infrastructures urbaines.
15Dans la gestion des opérations de lotissement, les relations entre les différents acteurs influencent considérablement le bon déroulement des actions entreprises, ce qui traduit les fréquentes contestations qui s’observent en fonction des contextes spécifiques. Une relation foncière est souvent sous-tendue par un complexe d’enjeux très hétérogènes et dépendants des acteurs impliqués (Le Meur, 2002).
16L’organisation foncière notamment les opérations de lotissement donnent lieu à l’intervention de divers acteurs dont les principaux sont des autorités administratives organisatrices des lotissements et les bénéficiaires des lotissements que constitue la population souvent propriétaire du terrain à lotir. Les relations entre ces acteurs aboutissent à un véritable jeu dont le résultat n’est jamais connu d’avance. Pour mieux expliciter ce jeu d’acteurs, on peut s’appuyer sur l’analyse stratégique de M. Crozier et al. (1977) notamment sur sa théorie de l’action organisée. Selon ces auteurs, trois notions majeures traversent cette théorie : celle d’action (ou d’acteur), celle de pouvoir et celle de jeu.
17Les acteurs mettent en scène des stratégies qui, en fonction des ressources dont ils disposent, leur permettent de s’imposer auprès des autres, toujours dans la limite où l’autre, jamais dépourvu non plus de ressources, peut en retour négocier sa participation à l’action. Le pouvoir permet de scruter les interactions où les protagonistes mobilisent des ressources autour d’enjeux, compte tenu des contraintes qui s’imposent à eux dans le jeu collectif (Dominique, 2012). Il est caractérisé par des relations d’échange et de négociation, il est aussi une relation instrumentale et, en partie, réciproque. Le jeu est un mécanisme de coordination complexe, constitué par les stratégies de pouvoir en confrontation et qui donne lieu à la production de règles particulières, les « règles du jeu ». Pour les opérations de lotissement, on peut citer dans ces « règles du jeu » la contestation des travaux qui apparait comme des actions collectives mais les intérêts des contestataires sont souvent divers et parfois difficiles à comprendre. La compréhension des contestations et de leurs enjeux en matière de développement des communes nécessite alors une analyse des jeux d’acteurs. Cette analyse sera approfondie en s’appuyant sur la matrice des contestations du tableau N° 1 mise en place à cet effet.
Tableau N° 1 : Matrice des contestations
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Catégorisation des contestations
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Réussies
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Perdues
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Ni réussies, ni perdues
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Contestataire
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Blocage
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Pas de blocage
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Coopération
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Contesté
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Pas de blocage
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Blocage
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Coopération
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Source : Travaux de terrain ; 2020
18En effet, les travaux de nombreux projets d'aménagement et d’urbanisme sont bloqués ou arrêtés à cause des contestations. Ces contestations prennent plusieurs formes et font appel à deux catégories d’acteurs. La première catégorie est l’acteur contestataire que constituent les bénéficiaires des opérations de lotissement qui sont souvent les détenteurs du patrimoine foncier à lotir. La seconde catégorie est l’acteur contesté que représentent les organisateurs des opérations de lotissement (les autorités administratives). Entre ces principaux acteurs s’établissent diverses formes d’interaction allant des relations conflictuelles à des relations de coopération.
19Dans une situation de contestation, les deux acteurs peuvent ne pas s’entendre, chacun se cramponnant à sa position. Cette possibilité peut conduire à une situation de blocage ou non des opérations de lotissement par les bénéficiaires. Il y a blocage quand le contestataire exerce une action dominante, c’est-à-dire quand le contestataire arrive à exercer une action susceptible d’amener le contesté à arrêter le lotissement en cours de réalisation afin d’écouter ses revendications. Dans ce cas, on parlera de contestation réussie. Par contre, il n’y a pas de blocage quand le contesté exerce une action dominante sur le contestataire, autrement dit, quand l’action du contestataire n’arrive pas à empêcher le contesté de continuer le lotissement en cours de réalisation. Dans ce cas, on parlera de contestation perdue.
20De même, dans une situation de contestation, les deux acteurs peuvent décider de s’entendre. Dans ce cas, il s’agit d’une relation de coopération, la contestation n’est ni réussie ni perdue. Elle est alors équilibrée.
21Pour appliquer sur le terrain le champ méthodologique adopté, il a été procédé à la recherche documentaire. En plus, l’enquête par questionnaire a été utilisée pour collecter les données auprès des unités de sondage. Il s’agit de 272 personnes composées des propriétaires de parcelles (215), des élus locaux (20), du personnel du service des affaires domaniales de la Mairie (5), des géomètres et urbanistes (6), des membres du comité de lotissement (12), et des associations des acquéreurs de parcelles (14). De même, l’entretien semi-directif a été mobilisé. Au total, douze entretiens semi-structurés ont été réalisés avec divers acteurs impliqués dans les opérations de lotissement. Pour l’analyse des données collectées, il a été procédé à l’analyse de contenu pour les données qualitatives et la statistique descriptive a été utilisée pour faire la triangulation des données quantitatives.
22Selon les textes régissant le lotissement en République du Bénin, l’opération de lotissement concerne un terrain nu et d’un seul tenant. Lorsque le périmètre concerné regroupe plusieurs propriétés foncières bâties, l’opération prend la forme d’une opération foncière urbaine de remembrement. Tous les lotissements lancés dans la commune de Sèmè-Podji sont des opérations foncières de remembrement urbain puisqu’ils interviennent après une occupation spontanée et parfois anarchique de l’espace par les activités humaines. A l’exception d’une grande partie de l’arrondissement d’Agblangandan qui bénéficie des équipements publics suite à son remembrement urbain, plusieurs localités de la commune telles que Ekpè, Djèrègbé, Podji, etc., connaissent une occupation spontanée comme le montre le tissu urbain de la carte N° 2 ci-dessous.
Carte N° 2 : Tissu urbain de la commune de Sèmè-Podji
23Les lotissements ici concernent des espaces déjà habités sans une organisation préalable mais qui nécessitent une réorganisation afin de les doter d’un minimum d’équipements collectifs indispensables à la viabilisation d’un espace urbain comme par exemple des infrastructures de Voiries et Réseaux Divers. L’exercice de cette mission nécessite non seulement un « chef d’orchestre » pour conduire les opérations, c’est-à-dire un lotisseur mais en plus des réserves foncières sur lesquelles devraient être érigés ces équipements publics collectifs.
24Conformément aux textes juridiques régissant le lotissement, l’initiation de ces opérations relève de la compétence des propriétaires du domaine à lotir qui sont souvent des particuliers. Mais l’autorisation de lotir est délivrée par le Maire de la Commune après avis des commissions techniques compétentes au plan communal, départemental ou national. En plus, les textes sur la décentralisation au Bénin font obligation aux communes de réaliser des équipements publics collectifs afin d’améliorer les conditions de vie de leur population.
25Bien que n’étant pas propriétaire des terrains à lotir, et au nom de la nécessité de doter la population des équipements collectifs, les conseils communaux initient et organisent les opérations de lotissement dont ils assurent la maîtrise d’ouvrage. Ceux-ci s’appuient sur les cabinets privés agréés par l’Etat et recrutés par leurs soins pour assurer la conception et l’application de tous les plans nécessaires à la réalisation des opérations de lotissement. Afin de se conformer à l’esprit des textes qui veut que les initiateurs de lotissement soient des propriétaires du terrain à lotir, il est souvent créé par arrêté du Maire, un comité de lotissement qui est censé représenter les détenteurs de parcelles dans le périmètre à lotir afin de veiller à la transparence des opérations. Les techniciens en charge des lotissements sont recrutés par la Mairie alors que le terrain à lotir appartient à la population, ce qui fait naître souvent une situation de méfiance entre les autorités locales et les bénéficiaires de ces opérations.
26L’organisation des opérations de lotissement s’achève par le « recasement » qui permet d’établir dans leur droit tous les détenteurs de parcelles dans le périmètre à lotir en leur attribuant la superficie de terrain qui leur revient après avoir appliqué sur la contenance de leur parcelle initiale un coefficient de réduction. Le coefficient de réduction étant le coefficient qui définit la proportion dans laquelle chaque propriétaire foncier doit contribuer à la constitution des réserves foncières devant servir à la réalisation des infrastructures collectives de la zone en lotissement. À chaque détenteur de parcelle « recasé » est attribuée une attestation de recasement délivrée par le Maire. Le lotissement, outil de l’urbanisme opérationnel très utilisé dans les communes béninoises, constitue l’une des opportunités pour les gouvernants de créer de la valeur foncière.
27Dans cette forme de lotissement, il est difficile de définir le véritable lotisseur. Le lotissement est conduit comme « un lotissement public mais les apporteurs de terrains sont des particuliers qui luttent pour conserver le maximum de terres donc à minimiser toutes les diminutions […] nécessités par les besoins collectifs » (PDM, 2008). Etudiant d’autres lotissements béninois, il a été constaté que « ni la population, c’est-à-dire les détenteurs fonciers n’acceptent d’être lotisseur et ni la Mairie (pourtant c’est elle qui conduit l’opération) non plus et pourtant les lotissements se font au quotidien dans presque toutes les communes du Bénin » (Adegbinni et al., 2019). Cette situation fait des lotissements une arène très complexe où il est aujourd’hui difficile d’affirmer le véritable lotisseur, une réalité qui permet de conclure que les lotissements béninois constituent une pratique propre au pays.
28La commune de Sèmè-Podji a connu 52 opérations de lotissement dont la première date de 1980. Certaines de ces opérations connaissent de nombreuses contestations comme le montre la figure N° 1.
Figure N° 1 : État des lieux des lotissements
Source : Travaux de terrain
29Cette figure montre que plus de la moitié des lotissements ouverts (environ 56 %) ont connu des contestations.
30De même, il ressort de l’étude de ces lotissements que le principal motif de ces contestations est lié au problème de la non-transparence dans la conduite des opérations. Les préoccupations liées à la non-transparence dans la conduite des opérations de lotissement reposent selon les enquêtés essentiellement sur la faible implication des populations aux différentes phases de conception et de réalisation des opérations de lotissements et aussi sur la suspicion de dilapidation des réserves foncières publiques.
31Pour répondre à cette exigence de la représentativité des bénéficiaires des lotissements, il est souvent mis en place des comités de lotissement qui constituent des creusets devant assurer la participation de la population à ces opérations.
32La participation de la population au processus de développement de leur localité est l’un des principes clés de la décentralisation entamée au Bénin depuis 2003. C’est certainement ce contexte qui sous-tend la méthode participative instituée comme principe de base pour la conduite des opérations de lotissement au Bénin à travers la mise en place des structures appelées comités de lotissement. Les comités de lotissement constituent « la structure faîtière qui représente l’ensemble de la population et entreprend des actions avec les deux autres pôles que sont les élus locaux et l’équipe technique » (Chabi, 2016). Ils participent aux côtés des élus locaux, à la validation des différents plans conçus par les techniciens et nécessaires au lotissement. Leur mission est de jouer le rôle de veille citoyenne, c’est-à-dire de suivre sur le terrain l’application correcte des différents plans et études techniques prévus dans le lotissement et de veiller à une bonne gestion des réserves foncières dégagées pour les équipements publics.
33Tel que pensé par les autorités locales, le principe de la création des comités de lotissement s’inscrit dans la dynamique d’implication des bénéficiaires des équipements collectifs dans les actions de développement de leur localité. Bien appliqué, ce principe peut permettre d’installer une atmosphère de confiance entre les autorités locales et les administrés. Mais le non-respect de la philosophie qui fonde ce principe dans la pratique peut être plus préjudiciable que dans le cas de l’inexistence des comités puisqu’il peut entraîner des frustrations et amener à des contestations voire à des conflits.
34Selon les résultats de nos enquêtes de terrain, la composition des comités ne reflète pas la réalité du terrain et fait l’objet de nombreuses critiques de la part de certains bénéficiaires, ce qui amène à interroger la manière dont sont désignés les différents acteurs de ces comités.
35Suivant les documents de lotissement analysés, la mise en place du comité de lotissement se fait par arrêté du Maire, ce qui confère à chaque membre un caractère officiel de garant des biens fonciers lotis. Une analyse des arrêtés qui régissent les comités des cas de lotissement étudiés, montre que ces structures sont constituées d’une diversité d’acteurs dont les principaux sont les élus locaux, les techniciens (géomètres, cadres des services de la Mairie), les représentants des propriétaires terriens, etc. Mais cette analyse n’a pas été bénéfique pour ce travail car il n’existe aucun indicateur permettant non seulement de connaître le statut (membre désigné par le Maire ou pas) des membres desdits comités mais aussi le mode de désignation.
36En effet, la mise en place des comités de lotissement nécessite la désignation de manière démocratique des différents acteurs susceptibles de le composer. Suivant les informations recueillies sur le terrain, la désignation des membres du comité reste très peu démocratique comme le montre la figure N° 2 présentant la perception des enquêtés sur le mode de désignation des membres des comités de lotissement.
Figure N° 2 : Perception des enquêtés sur le mode de désignation des membres du comité de lotissement
Source : Travaux de terrain
- 1 Nous mettons des initiales pour des raisons d’anonymat.
37La majorité des enquêtés soit 82 % ont affirmé que les membres des comités sont proposés ou imposés par les autorités administratives bafouant ainsi les règles de la transparence. L’idée de la création d’un comité de lotissement n’est pas contestée par les différents acteurs locaux. Mais le choix des membres du comité amène souvent à des suspicions puisqu’on leurs reproche d’être proches des autorités administratives, et par conséquent la possibilité qu’ils occultent l’intérêt collectif au profit de celui des autorités envers qui, ils sont redevables pour leur nomination. Cet avis de la majorité de nos enquêtés n’est pas partagé par tous les acteurs locaux notamment par les autorités administratives comme le témoigne l’extrait de l’entretien accordé par monsieur A.A.1 :
Les membres des comités sont désignés par les populations. Le Chef du Village de la zone à lotir organise une assemblée générale au cours de laquelle les personnes devant siéger dans les comités sont désignées. Sur la base du procès- verbal de l’assemblée générale, le Maire prend un arrêté pour entériner. C’est vrai que le comité mis en place est souvent contesté parce que tous ceux qui désirent appartenir à cette structure n’y parviennent pas et cette situation crée des frustrations mais on finit très souvent par les calmer.
38Cet extrait d’entretien montre que les membres du comité de lotissement sont choisis par la population elle-même, ce qui est en contradiction avec l’avis de la majorité des enquêtés. Il fait également cas de ce que le choix des membres dudit comité amène à des contestations, ce qui témoigne réellement de l’absence de consensus lors de la désignation des membres du comité.
39Même s’il est vrai qu’aucun texte juridique n’impose la manière dont les membres de ces comités doivent être désignés, pour des raisons de transparence, la mise en place d’un comité de façon démocratique impliquant des acteurs acceptés par la majorité de la population peut être bénéfique à l’opération. Mais, il se pose une question, celle de savoir si réellement on peut réussir à mettre en place un comité dont les membres n’auront aucun lien avec le Maire ou d’autres autorités administratives. La réussite d’une telle mission à l’échelle locale serait un peu difficile compte tenu de la proximité des différents acteurs.
40En conclusion, la volonté de mettre en place des structures de gestion impliquant des acteurs bénéficiaires de la confiance de la majorité des populations concernées par les opérations de lotissement semble relever plus de l’apparence que des faits réels. Or ce sont les comités de lotissement qui sont chargés de vérifier et de rendre compte à la population de l’exactitude des superficies de terrains dégagées par le prélèvement obligatoire pour constituer la réserve foncière communale. Le manque de confiance des bénéficiaires des opérations de lotissement aux membres du comité amène à des suspicions sur la gestion des réserves foncières communales dégagées lors des lotissements. Cette situation occasionne des lotissements contestés dont certains sont difficilement maîtrisables.
41Les contestations des opérations de lotissement sont multiples dans la région étudiée. En plus de la composition du comité de lotissement qui est souvent contestée, la gestion des réserves foncières communales fait également l’objet de protestation.
42Sur les 52 lotissements ouverts, 29 ont été contestés. Pour mieux comprendre la nature de ces protestations, la matrice des contestations (Tableau N° 1) a été mobilisée.
43Les contestations dans la zone étudiée donnent lieu à diverses formes d’interactions entre les différents acteurs concernés comme le montre le tableau N° 2.
Tableau N° 2 : Évaluation des protestations suivant la matrice des contestations
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Nature des contestations
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Les deux parties ne s’entendent pas
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Les deux parties s’entendent
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Total
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Suspensions
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8/ 29 projets, soit environ 28 %
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-
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8
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Reprises
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4/29 projets, soit environ 14 %
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17/ 29 projets soit environ 59 %
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21
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Total
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12 /29 projets, soit environ 41 %
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17/ 29 projets, soit environ 59 %
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29
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Source : Travaux de terrain ; 2020
44Sur les 29 lotissements contestés, les acteurs en conflit n’ont pas pu s’entendre pour le règlement des contestations de 12 lotissements (41 %), ce qui a débouché sur un rapport de force amenant à la suspension totale de certains lotissements et à la poursuite d’autres lotissements suite à l’intervention des forces de l’ordre sollicitées par l’administration communale.
45Huit (8) des lotissements contestés, soit 28 % ont fait l’objet de suspension totale, c’est-à-dire de blocage par les contestataires. Les contestataires ont réussi à arrêter les opérations de lotissement afin de se faire écouter par les organisateurs. Il s’agit alors des contestations réussies dans environ 28 % des cas. Pour réussir leur mission, les contestataires adoptent diverses stratégies comme le dit monsieur G.D. :
La manière dont les autorités veulent conduire notre lotissement ne nous rassure pas. Elles ont mis en place un comité de lotissement dont les membres ne sont pas bien connus de la population. Nous avons manifesté notre mécontentement, mais les autorités ne nous ont pas écoutés. Nous avons été obligés de nous mobiliser pour chasser les géomètres sur le terrain. Puis après, nous avons saisi la Préfecture qui a demandé de sursoir d’abord au lotissement.
46À travers ces explications, on constate que ce n’est pas le lotissement qui est remis en cause par les bénéficiaires, mais plutôt son mode d’organisation qui fait appel à des pratiques très peu compréhensibles par les populations. Les membres du comité n’ont pas la confiance de la population qu’ils représentent et à qui ils doivent rendre compte de la gestion faite de leur patrimoine foncier notamment des réserves foncières dégagées des travaux de lotissement. Cette perte de confiance serait liée au fait que la population soupçonne ces derniers de dilapider les ressources foncières communales. Ce constat est semblable à celui de Noukpo (2011) parlant du cas de Porto-Novo, une commune voisine de Sèmè-Podji. Pour cet auteur :
…au cours des opérations de lotissement se négocient et se jouent toutes sortes d’artifices fonciers. Il en résulte que les espaces initialement réservés dans les plans de lotissement aux équipements collectifs, places, jardins, espaces verts, infrastructures diverses, etc., se trouvent morcelés et vendus. Les exemples de sources d’enrichissement illicite d’administrateurs, cadres et agents à divers niveaux, sont tellement nombreux qu’il est devenu une banalité d’en parler. Géomètres et urbanistes privés, véritables experts en morcellement des terres, autorités préfectorales, agents communaux, etc., sont également concernés.
47Or les réserves foncières sont destinées à la construction des infrastructures publiques. La contestation apparaît alors à travers cette analyse non pas comme un outil handicapant la réalisation des équipements publics, mais plutôt comme un élément dissuasif de la mauvaise gouvernance foncière.
48En dehors des huit lotissements contestés et bloqués, les quatre autres lotissements contestés (14 %) ont été relancés suite à l’intervention des forces de l’ordre sollicitées par les autorités administratives pour dissuader les contestataires. Les contestataires n’ont pas réussi à bloquer les autorités locales organisatrices des lotissements. On parlera alors de contestation perdue dans environ 14 % des cas. Les arguments qui justifient le recours aux forces de l’ordre sont liés au fait que la contestation des lotissements retarde les travaux et handicape la réalisation à bonne date des équipements publics urbains comme l’explique monsieur A.A. :
Ils ont bloqué le lotissement en chassant les géomètres sur le terrain. Nous n’avons pas le choix, nous avons mobilisé les forces de l’ordre pour relancer les choses. Nous ne pouvons pas laisser un groupuscule d’hommes saboter les activités de développement de notre localité. Il nous faut de l’espace pour réaliser les équipements publics. L’intérêt commun doit primer sur les intérêts particuliers.
49Au nom de la suprématie de l’intérêt commun, certains lotissements contestés sont relancés afin de doter la commune des infrastructures publiques, mais ceci, contre la volonté des contestataires qui sont supposés être les premiers bénéficiaires. Il s’établit un rapport de force qui va à l’encontre du caractère participatif que prône le développement à la base.
50Sur les 29 lotissements contestés, les acteurs en conflit se sont entendus pour la reprise de 17 lotissements soit environ 59 %. On dira alors que les contestations ont été équilibrées dans environ 59 % des cas. Suivant les résultats de nos enquêtes, les négociations ont abouti principalement à la mise en place de nouveaux comités de lotissement acceptés par la population et/ou à la satisfaction des revendications des contestataires.
51Mettre en place un nouveau comité de lotissement accepté dans un contexte de contestation suppose la prise en compte de l’aspect participatif de la population à la gestion des affaires publiques locales. Or la prise en compte des aspirations des bénéficiaires des projets de développement constitue un principe fondamental du développement local. Les reprises des lotissements consensuels apparaissent comme de très bons indicateurs de développement participatif. Néanmoins, cette reprise consensuelle des opérations de lotissement ne doit pas cacher le facteur temporel nécessaire à la réalisation de tout projet. Une analyse approfondie de tous les lotissements permet de constater que les reprises des opérations sont intervenues dans la majorité des cas au moins trois ans après le lancement des lotissements. Cette période d’attente entre le lancement et la reprise des opérations pourrait ne pas exister s’il n’avait pas eu des contestations. S’appuyant sur cet élément, on peut alors dire que les contestations contribuent à retarder la réalisation des équipements publics, ce qui n’est pas profitable pour la population bénéficiaire de ces infrastructures.
52Les lotissements observés dans la région d’étude constituent des remembrements urbains, c’est-à-dire des lotissements portant sur des espaces déjà occupés en partie par la population et qui nécessitent une réorganisation afin de les doter de certains équipements nécessaires pour un développement urbain harmonieux. La contestation non maitrisée de ces opérations engendre des conséquences de plusieurs ordres dont certaines portent sur la mise en place de la voirie et réseaux divers.
53Selon certains propos recueillis, la contestation des opérations de lotissement ne permet pas d’assurer la réalisation facile des équipements publics à la population comme le dit monsieur A.A. :
Les contestataires ont chassé les géomètres sur le terrain. C’est eux qui sont les perdants. Quand il n’y a pas de lotissement, la SBEE et la SONEB n’acceptent plus s’installer pour amener l’eau et l’électricité. Ils ne pourront pas bénéficier des infrastructures publiques parce que c’est le lotissement qui permet de dégager les réserves foncières susceptibles d’abriter ces infrastructures.
54Ce témoignage met l’accent sur les handicaps que les contestations peuvent constituer pour la réalisation des équipements publics. L’observation sur le terrain d’étude des lotissements en cours de réalisation, mais interrompus par le soulèvement des bénéficiaires par rapport à l’existence de certains services publics tels que la voirie et les réseaux divers comme par exemple le réseau d’assainissement des eaux de ruissellement, les réseaux d’eau potable et d’électricité, etc. permet de confirmer cette réalité.
55Dans ces lotissements arrêtés par blocage des bénéficiaires, on constate l’existence de voirie, mais sous-dimensionnée. Les voies sont inorganisées, réduites par endroits à des sentiers et limitantes pour certaines zones, toute possibilité de croisement de deux gros engins. Mais on remarque, l’inexistence des réseaux de drainage des eaux de ruissellement. Pendant la saison des pluies, les eaux de ruissellement forment des flaques d’eau stagnante sur les voies de circulation rendant ces localités parfois inaccessibles comme le montre la photo N° 1.
Photo N° 1 : L’exiguïté des voies dans les zones non loties
Cliché : AVALLA, 2020
56Sur le plan de la fourniture d’eau potable et d’électricité, on constate que dans ces lotissements bloqués et inachevés, plus de la moitié de la localité n’est pas desservie par l’eau potable obligeant les ménages à recourir à d’autres sources d’eau dont certaines sont de mauvaises qualités. De même, toute la zone ne bénéficie pas de l’électricité alors que la demande devient forte au fur et à mesure que de nouveaux ménages s’installent. Les propriétaires sont contraints de recourir aux zones desservies pour tirer des fils électriques sur de longues distances comme on peut l’observer sur la photographie N° 2.
Photo N° 2 : Installation de réseau sauvage d’électricité dans un lotissement bloqué
Cliché : AVALLA, 2019
57Les ménages font usage des ressources dont ils disposent en mettant en place un système « d’électrification sauvage » pouvant engendrer des électrocutions.
58Toutes ces observations permettent de conclure que les lotissements contestés et bloqués bénéficient très peu d’infrastructures publiques, ce qui limite les possibilités de développement des localités concernées. La contestation réussie qui conduit au blocage des opérations de lotissement apparait comme une barrière pour la réalisation des équipements collectifs à la population.
59Par contre, la contestation perdue, même si elle fait appel à un rapport de force engendrant de la part des contestés parfois des actes de violence pour réprimer les contestataires, elle permet aux lotisseurs de finaliser les lotissements et de les doter des équipements publics notamment ceux relatifs aux voiries et réseaux divers. Mais la réalisation de ces équipements présente la particularité d’être faite sans le consentement de la population bénéficiaire qui conteste le lotissement. L’objectif de développement urbain visé est atteint, mais il s’agit d’un développement imposé par le haut, c’est-à-dire le “top down”, ce qui suscite des inquiétudes.
60L’organisation des opérations de lotissement au Bénin fait appel à plusieurs acteurs. Il s’agit principalement des bénéficiaires des opérations de lotissement souvent détenteurs du patrimoine foncier à lotir, des élus locaux dotés de prérogatives administratives de gestion foncière et des comités de lotissement créés pour veiller à la bonne gestion des opérations et rendre compte à la population bénéficiaire. À ces principaux acteurs s’ajoutent parfois les autorités préfectorales et surtout les personnes-ressources dont les interventions peuvent influencer les décisions des élus locaux et des bénéficiaires des opérations de lotissement. Dans l’exercice de l’organisation des opérations de lotissement, ces acteurs entretiennent des relations dont certaines amènent à des contestations comme le montre le schéma de la figure N° 3.
Figure N° 3 : Synthèse de jeux d’acteurs dans la contestation des opérations de lotissement
Réalisation : ADEGBINNI, 2022
61Les solutions apportées aux contestations sont multiples et dépendent de la nature des conflits. Certaines se présentent comme un rapport de pouvoir qui permettent de contraindre les acteurs en conflit à coopérer. D’autres passent par des relations de compromission entre certains acteurs susceptibles de calmer les contestations parfois sans la satisfaction des bénéficiaires. Les relations administratives ayant pour socle les textes juridiques et la médiation de certains acteurs neutres servent parfois de moyen au règlement des contestations. Ces différentes stratégies développées par les acteurs permettent quelquefois de régler définitivement les problèmes ou contribuent à un règlement partiel ou se révèlent inefficaces.
62La mobilisation des forces de l’ordre pour dissuader les mouvements de contestation constitue l’un des moyens parfois utilisés par les autorités administratives pour intimider les contestataires. Le recours à cette pratique se justifie souvent par le fait que les contestataires sont considérés comme des individus en mission pour saboter les actions de développement de l’exécutif local. Mais cette forme de règlement, basée sur un rapport de domination, est souvent précaire puisque les contestations reviennent toutes les fois que les conditions s’y prêtent.
63Aussi, pour le règlement des contestations, les contestés choisissent-ils parfois la voie de négociation en soudoyant les contestataires qui parfois finissent par abandonner les revendications comme le notifie monsieur D.H. :
Au début des opérations de lotissement, il y a eu des contestations qui ont été abandonnées par la suite. Ceux qui étaient devant les mouvements de protestation et dénonçaient les autorités administratives, se retrouvent aujourd’hui de leur côté parce qu’on leur a certainement donné de l’argent et/ou de parcelles. Mais il y a déjà un autre groupe qui se prépare pour se faire entendre.
64L’extrait de cet entretien montre qu’il existe parfois une certaine complicité ou un compromis entre acteurs antagonistes qui sacrifient l’intérêt collectif au profit des avantages individuels. Les intérêts qui fondent les contestations ne sont pas toujours ceux que visent les contestataires. Si cette solution permet de calmer les contestations puisqu’il n’existe plus de contestataires, le compromis n’est que temporaire. L’objet de contestation étant toujours là, l’émergence d’une nouvelle catégorie d’acteurs contestataires n’est pas à écarter.
65De même, les autorités administratives supralocales sont souvent sollicitées pour le règlement des contestations de lotissement. Les contestataires saisissent le Préfet voire même d’autres organes administratifs par correspondance pour dénoncer les irrégularités constatées dans les travaux. À ce niveau, souvent les autorités administratives supralocales invitent les différents acteurs, c’est-à-dire les autorités communales, les géomètres, les auteurs des contestations pour analyser les faits et prendre les décisions qui s’imposent afin de relancer les travaux. Même si on assiste à des compromis qui parfois permettent de régler le différend, le constat sur le terrain, est que cette méthode de résolution des contestations ne permet pas toujours de dénouer les problèmes comme le notifie monsieur D.H. :
Après les contestations, nous avons saisi le Ministère pour dénoncer les dérives et pour que le Ministère bloque le lotissement. Le ministre nous a écoutés, mais les conclusions issues de cette séance ne nous rassurent pas. Ils sont tous les mêmes. Si le Maire n’arrête pas le lotissement, nous allons toujours continuer les protestations.
66La méthode de résolution administrative des contestations rassure parfois très peu les contestataires qui supposent l’existence d’une certaine proximité entre les autorités administratives supralocales (préfectorales par exemple) et les responsables administratifs communaux étant donné que les deux catégories d’acteurs relèvent de la même sphère administrative.
67Les règlements de contestations apparaissent comme de véritables rapports de pouvoir où les autorités locales à travers des rapports de forces ou des négociations voire des marchandages s’imposent aux bénéficiaires qui sont les contestataires.
68Ces derniers ne restent toujours pas passifs, ils mobilisent les ressources dont ils disposent pour retourner la situation en leur faveur. L’une de ces ressources est le soulèvement populaire qui oblige parfois la Mairie à revoir sa position. De même, l’existence de la possibilité de sanctionner par le vote place les contestataires dans une position de force comme en témoignent les propos de monsieur A.A., autorités administratives :
D’habitude quand il y a problème pour un lotissement, nous essayons de discuter avec les différents acteurs. Nous les invitons pour les écouter, nous n’avons pas le choix puisqu’à la fin de notre mandat nous allons retourner les voir pour leur demander de voter pour nous. Par exemple, pour les problèmes des comités de lotissement non représentatifs, nous essayons soit d’étoffer le comité existant en y ajoutant d’autres membres, soit de le reprendre en demandant à la population de désigner elle-même ceux sur qui elle compte. Après cela, nous faisons un procès-verbal que nous adressons au Maire. Le Maire prend un nouvel arrêté pour le rendre opérationnel.
69On constate que la Mairie est soumise à une zone d’incertitude cette fois-ci maîtrisée par les habitants à travers les élections locales qui confèrent à ceux-ci le choix de leurs dirigeants.
70En conclusion, les rapports entre acteurs pour le règlement des contestations n’ont pas été des rapports équilibrés. Dans cette configuration duale, chacun des acteurs mobilise les ressources dont il dispose pour que les échanges lui soient favorables. L’existence d’un rapport de pouvoir entre ces acteurs ne favorise pas la construction d’un accord durable. Mais l’intervention d’un nouvel acteur que constituent les personnes-ressources permet de changer l’ordre des choses.
71La gestion des contestations nécessite de trouver un acteur susceptible de concilier les points de vue des contestataires et des contestés. Le recours aux personnes-ressources comme point d’appui pour le règlement des contestations est fréquemment usité dans la zone étudiée. Le choix de ces dernières n’est pas anodin. Ils constituent une catégorie d’acteurs supposée neutre et susceptible de faire l’unanimité. Les personnes-ressources sont les « sages » de la localité qui disposent d’une forte capacité de résolution des problèmes sociaux.
72En réalité, les « sages » constituent une réalité identitaire quasi présente dans toutes les régions du Bénin. Ce sont des personnes qui détiennent leur titre du poids des années d’expérience obtenues et surtout de l’acquisition d’une certaine sagesse nécessaire pour le règlement des problèmes sociaux. Il s’agit d’une notion large qui englobe plusieurs dimensions de la vie socioculturelle dont les principales sont l’âge, le rang générationnel et la proximité de la strate des « grands » qui incarnent la sagesse. On peut être moins âgé et appartenir à une génération familiale supérieure que quelqu’un qui est plus âgé. Au Bénin, le rang générationnel confère à l’homme les droits de certains rituels qui le rapproche de la sagesse. Le titre de sage confère à celui qui le possède une certaine supériorité dans les pratiques et les prises de décision traditionnelles et même dans certaines pratiques de la vie courante. Les sages sont des références et font preuve d’une certaine exemplarité en matière de prise de décision locale. Ils constituent les derniers recours pour des règlements de « problèmes traditionnels » parce qu’ils apparaissent pour la population comme des « bibliothèques orales » et ne sont consultés que lorsque l’enjeu est de taille. Ils sont capables non seulement de faire plier les autorités locales sur certaines de leurs décisions, mais aussi de convaincre les contestataires à venir à la table de négociation. Leur avis n’est que consultatif, mais la richesse de leur carnet d’adresses, leur pouvoir spirituel très « redouté » par la population et leur connaissance de la localité assurent une certaine primauté à leur décision ou avis. Pour des décisions qui relèvent de l’administration, ceux-ci n’hésitent pas à mettre en valeur leurs carnets d’adresses constitués surtout des hauts cadres politiques qui viennent les consulter pour des aides spirituelles. Ils apparaissent comme des médiateurs entre les autorités et les administrés. Leur arbitrage est rarement contesté.
73Le recours aux personnes-ressources n’est pas en réalité nouvelle en soi, puisqu’il ressemble à l’expérience des tribunaux de conciliation basés sur les valeurs locales et instituée par la loi N° 2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin, dont la mission est de concilier les parties. Cette initiative a malheureusement disparu dans toutes les communes aujourd’hui alors qu’elle a fait, en son temps, sa preuve en matière de règlement de conflits notamment fonciers au Bénin.
74La présence des personnes-ressources change les rapports de force en présence. Elle permet de mettre en place un cadre élargi de concertation amenant les acteurs à la table de négociation. L’extrait de l’entretien de monsieur D. H. en dit long :
Ils ont mis en place un comité de lotissement fantaisiste. Nous avons protesté, mais ils ont fait la sourde oreille pendant longtemps, ce qui n’a pas fait avancer le lotissement. Mais après, ils nous ont invités et devant les sages de la localité nous avons expliqué nos inquiétudes. Tout a été remis à plat. Il est vrai qu’ils ont maintenu les géomètres, mais on a réussi à revoir le comité de lotissement qui doit nous représenter.
75Par ces entretiens, on constate un rapport d’équilibre dans les relations entre les acteurs à travers le sentiment de satisfaction de certaines revendications de la part des parties antagonistes. Si les rapports de pouvoir n’ont jamais été des relations équilibrées, l’intervention des personnes-ressources amène à un certain équilibrage du rapport entre acteurs. Cet équilibre résulte de la valeur qu’incarnent ces personnes-ressources et qui les oblige à une certaine neutralité dans la prise de décision. Elle se traduit par la mise en place d’un cadre de concertation et d’échange, car une contestation qui n’offre pas la possibilité d’échange entre les acteurs en contestation briserait l’intérêt commun et pourrait être préjudiciable au développement de la commune.
76Les différents acteurs priorisent la mise en place d’un cadre de concertation qui facilite les échanges débouchant sur la reconnaissance des exigences des uns et des autres. Contrairement à d’autres types de conflits où les autorités locales, pour leur règlement, procèdent par voie administrative qui leur concède une certaine supériorité, le choix d’un arbitre neutre que constituent les personnes-ressources apparaît comme une nouvelle forme de règlement des différends dans la commune étant donné que ce mode de résolution des problèmes avait disparu par le passé. Cette option qui sort les échanges entre acteurs du cadre d’un rapport déséquilibré, permet aux deux parties de se mettre sur un pied d’égalité et particularise le rapport de pouvoir existant.
77Les contestations obligent parfois des acteurs disposant des pouvoirs disproportionnés à se mettre sur un pied d’égalité afin de discuter et de trouver des solutions sur les questions qui indisposent. Elles ont contribué à la réorganisation du processus de gestion des lotissements ou à la transformation de la gouvernance foncière. En un mot, les contestations ont permis non seulement de sortir de l’ancien schéma qui privilégie la supériorité de l’administration parfois au détriment de l’intérêt commun, mais également de mettre en place une gouvernance ad-hoc, c’est-à-dire une nouvelle forme de gouvernance participative.
78Le lotissement engendre des contestations entre les différents acteurs impliqués dans la production foncière. L’analyse de ces contestations révèle l’existence de problèmes de gouvernance foncière. Au nombre de ces problèmes figure celui de la représentativité des populations dans les instances d’organisation des lotissements.
79Les résultats des études réalisées ont permis de constater l’existence de la volonté d’impliquer la population dans l’organisation des opérations de lotissement à travers la création des comités de lotissement. Ces comités apparaissent comme des intermédiaires entre les organisateurs et les bénéficiaires des lotissements. Cette observation confirme le constat de M. Chabi (2016) pour qui : « le comité de lotissement représente dans chaque projet de lotissement l’interface entre les pôles décisionnel, technique et la population ». La composition de ces comités et les fonctions qui leurs sont assignées montrent qu’ils sont faits de divers acteurs concernés par les opérations de lotissement. La volonté des autorités administratives de mettre en place des comités composés des acteurs concernés par les lotissements est louable puisqu’elle prône la participation et l’implication de la population à la gestion de leur patrimoine foncier.
80Mais cette volonté semble être plus théorique que réelle suivant les résultats obtenus. La création des comités de lotissement présente de nombreuses insuffisances sur plusieurs plans. Le premier constat est qu’il n’est exigé aucune qualification préalable pour être membre de ces comités. Cette observation confirme les écrits de A. Adegbinni et al. (2019) pour qui : « la constitution de ces comités n’est pas basée sur la compétence dont disposent les membres ni sur la représentativité des différentes couches de population, mais plutôt sur des considérations politiques et des intérêts personnels ». Cette observation suscite une question, celle de savoir si réellement le rôle dévolu aux comités de lotissement ne nécessite pas un prérequis dans le domaine de l’aménagement de la part des membres desdits comités. Même si la réponse à cette question est difficile à apporter et tenant compte du caractère très technique des opérations de lotissement, il serait important que les membres de ces comités disposent d’un minimum de connaissance dans le domaine foncier afin de réussir valablement la mission assignée auxdits comités.
81Le second constat est lié au mode de désignation des membres du comité. Bien que la création des comités de lotissement témoigne de la volonté des autorités locales d’impliquer la population à la gestion de leur patrimoine foncier, le choix des membres de ces comités fait l’objet de nombreuses critiques remettant en cause le caractère réel de l’implication des populations aux opérations de lotissement. Ce résultat est semblable à celui de A. Adegbinni et al. (2019) qui parle d’une « implication d’apparence de la population à l’organisation de leur espace ».
82Le choix réel des membres du comité par la population serait louable puisqu’il participerait à l’enracinement de la démocratie à la base et permettrait d’établir une atmosphère de confiance entre différents acteurs. Mais le contraire, c’est-à-dire l’imposition des membres du comité par les autorités administratives violerait le principe de la démocratie et poserait le problème de la faible représentativité de la population dans la gestion de son propre patrimoine foncier. Cette situation de la faible représentativité donne parfois lieu à des contestations, dont certaines réussissent ou sont perdues, et d’autres équilibrées.
83Les résultats de l’analyse des contestations révèlent que les contestations réussies ne facilitent pas dans les localités concernées la mise en place des infrastructures publiques nécessaires au développement, mais elles constituent un moyen dissuasif efficace pour mettre fin à une mauvaise gestion des biens fonciers communaux par les organisateurs des lotissements. Avec les contestations perdues, les lotissements sont dotés des infrastructures collectives, mais avec la particularité qu’il s’agit d’un développement imposé.
84Cette analyse montre également que ces formes de protestations ne sont pas liées à l’utilité des lotissements, mais plutôt à l’existence d’une crise de confiance entre les organisateurs (autorités administratives) et les bénéficiaires (population). Les lotissements demeurent importants pour le développement urbain selon la population. C’est ce que justifie aussi M. Hilgers (2008) qui, étudiant les contestations des opérations de lotissement au Burkina- Faso notifie que, « de telles protestations restent rares et ne signifient pas que les habitants s’opposent à la volonté d’aménager la ville : au contraire, l’urbanisation de celle-ci leur apparaît essentielle ». Ils révèlent qu’à travers cette mesure de contestation, les contestataires sont dans la quête de transparence de la gestion de leur patrimoine foncier. La contestation apparaît alors comme un outil sur lequel s’appuie la population pour obtenir plus de transparence dans la gestion et l’organisation de leur bien foncier. Elle constitue l’expression de l’exigence de la bonne gouvernance foncière. C’est ce que semble expliquer Follett (1924) parlant des conflits en affirmant que « le conflit n’est pas nécessairement l’expression brutale et coûteuse d’incompatibilités, mais un processus normal par lequel des différences précieuses pour la société s’affirment et font progresser tous ceux qui sont concernés ». Mais les contestations sont parfois revêtues des enjeux autres que celui de la transparence. Elles constituent quelquefois un prétexte politique orchestré par certains acteurs pour rendre l’exécutif local très peu crédible afin de conquérir le pouvoir.
85En dehors des contestations réussies et perdues, d’autres protestations sont équilibrées et amènent à un terrain d’entente entre acteurs, c’est-à-dire à un consensus. L’obtention de ce consensus n’est pas gagnée d’avance suivant les résultats de cette étude. Elle passe par la maîtrise des modes de gestion des contestations. Certains de ces modes de gestion entretiennent le climat de méfiance entre acteurs tels que le recours à la compromission entre acteurs antagonistes au détriment de l’intérêt général et l’appel aux autorités supralocales (préfectorales) comme moyen d’arbitrage.
86En réalité, le recours à l’arbitrage des autorités préfectorales, en cas de réussite, est salutaire. Mais cette piste de solution ne garantit pas d’avance le règlement définitif de problème posé surtout dans un contexte de décentralisation. Les collectivités locales au Bénin étant des entités dotées de personnalité juridique et d’autonomie financière, la relation entre les autorités préfectorales et les Communes n’est pas celle d’un supérieur hiérarchique envers son subalterne, mais plutôt celle de tutelle. La Préfecture a normalement très peu d’influence à exercer sur les Communes, ce qui donne un caractère facultatif à la prise en compte des décisions préfectorales par les autorités locales.
87Par contre d’autres modes de gestion des contestations permettent d’instaurer une atmosphère de confiance entre acteurs tels que le recours à l’arbitrage des personnes-ressources de la localité qui débouche sur la mise en place d’un cadre élargi de concertation des acteurs intervenant dans la production foncière. La confiance entre acteurs étant un facteur favorable au développement local. L’idée de la création d’un cadre de concertation élargie est une innovation puisqu’elle permet de regrouper tous les acteurs intervenant dans le lotissement et de les contraindre à adopter une règle commune de gestion. La création de cadres de concertation permet de sceller une alliance qui bien qu’informelle, réinstaure l’atmosphère de confiance autrefois ébranlée entre les administrés et les autorités administratives. Elle met en place une nouvelle forme de gouvernance acceptée par tous les acteurs locaux et favorable au développement communal. Il s’agit certainement de ce que M. Mousli (2005) qualifie de solution par intégration qui fait appel à l’imagination, à l’invention, c’est-à-dire crée quelque chose de nouveau.
88Traiter la question de lotissement renvoie à analyser les enjeux de l’usage des terrains à bâtir et l’expression des effets liés à la gouvernance foncière. Même si les spéculations foncières sont plus que jamais le fruit d’une volonté de tirer profit dans un jeu où le marché du foncier est devenu très lucratif, les conflits nés de diverses formes de contestations sont une réalité au Bénin. Les résultats de cette réflexion ont permis de montrer que les lotissements mal maitrisés conduisent à des contestations. Ils montrent également que les bénéficiaires des opérations de lotissement ne sont pas contre cette forme d’aménagement de l’espace. Mais les contestations des lotissements résultent de certaines pratiques de gestion foncière très peu compréhensibles par les bénéficiaires de ces opérations. Lesquelles contestations peuvent être identifiées sous diverses formes à savoir des contestations réussies, des contestations perdues et des contestations équilibrées. Mais ces contestations n’ont pas les mêmes ampleurs. Qu’elle soit importante ou moins importante, on constate de façon générale que les contestations ne facilitent pas la mise en place des équipements publics pourtant nécessaires au développement des communes. Certaines contestations retardent la mise en place de ces équipements tandis que d’autres conduisent au blocage de leur réalisation à travers la suspension des lotissements.
89Par contre, même si elles sont parfois revêtues de caractère politique, les contestations apparaissent comme un construit social permettant à la population, qui déjà écartée de la gestion des affaires publiques par des pesanteurs administratives, de s’exprimer face à certaines pratiques opportunistes des conseils communaux. Elles obligent les autorités locales à abandonner les directives de l’organisation foncière administrative, parfois rigide et incompréhensible, et amènent ces dernières et les administrés à s’entendre pour mettre en place une nouvelle forme de gouvernance foncière basée sur la prise en compte des ressources locales, donc respectueuse des principes de développement local.