• 1 Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire », extrait de la 7^e thèse, traduite de l’allemand par (...)

“Il n’est aucun document de culture qui ne soit aussi document de barbarie.”1

• 2 7^e thèse

2La célèbre réflexion que nous citons et qui figure sur la stèle commémorative de Portbou est issue du dernier et important écrit de Benjamin, les thèses Sur le concept d’histoire, rédigées durant l’hiver de 1939-1940. Sur ce texte relativement bref (une dizaine de pages) plane l’ombre du fascisme triomphant en Allemagne et du pacte de non-agression germano-soviétique. Benjamin y développe une synthèse de sa philosophie de l’histoire en opérant le lien entre le matérialisme historique hérité de Marx, d’une part, et des motifs théologiques et messianiques issus de la tradition juive, d’autre part. Il y critique explicitement l’optimisme du progrès des sociaux-démocrates et des communistes et prend à partie la vision positiviste de l’histoire propre à l’historicisme, qui la réduit à un enchaînement de faits fixés une fois pour toutes. À une vision de l’Histoire selon laquelle ce qui a eu lieu est passé par pertes et profits et qui est entièrement aimantée par un futur imaginé comme radieux, Benjamin substitue celle qui s’oriente à la souffrance passée des opprimés et des victimes dont elle conserve la mémoire. C’est dans cette perspective que s’inscrit la conscience de l’ambivalence des biens culturels qui « ne sont pas nés du seul effort des grands génies qui les créèrent, mais en même temps de l’anonyme corvée imposée aux contemporains de ces génies. »2