Fabrice Maerten. “Papy était-il un héros ?”

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1Le titre de cet ouvrage au titre original Papy était-il un héros ? Sur les traces des hommes et des femmes dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale fait suite à une étude consacrée à la collaboration en Belgique et intitulée Papy était-il un nazi ? Sur les traces d’un passé de guerre (Koen Aerts, Racine, 2017).

3Le livre propose un très large panorama de sources documentaires relatives à la Résistance en Belgique et a le grand mérite de rendre cette masse d’informations accessible au grand public en recourant à des classifications claires et précises.

4Le guide proprement dit (« Au fil des archives ») est précédé d’une première partie, qui sert de toile de fond historique aux sources (« La Résistance : entre histoire et mémoire »). Nico Wouters, le directeur du CegeSoma (Centre d’Études et de Documentation Guerre et Sociétés contemporaines), y explique les raisons pour lesquelles la Résistance en Belgique est méconnue, n’a fait l’objet d’aucune œuvre de fiction nationale et est de nos jours quasiment absente de la mémoire collective. Ces raisons sont multiples et vont de la crainte des partis traditionnels de voir au sortir de la guerre les résistants communistes menacer l’État démocratique au développement de cultures de la mémoire différentes, voire opposées, en Belgique francophone et néerlandophone, en passant par les divisions idéologiques internes au sein des mouvements de Résistance, notamment sur la Question royale et l’amnistie. Fabrice Maerten décrit ensuite les différents groupements de résistants et les activités dans lesquelles ils s’étaient spécialisés (collecte de renseignements, sabotages, presse clandestine, chaînes d’évasion, attentats contre collaborateurs…). Il insiste sur le caractère minoritaire de ces groupements dans la population (2 à 3 %) et les pertes qu’ils ont subies (un résistant sur quatre est touché par la répression, un sur dix décède). Il dresse le bilan mitigé de leur contribution en montrant qu’à côté de réussites incontestables (aide efficace aux Alliés, aux prisonniers évadés, aux réfractaires, à la population juive, soutien aux familles des prisonniers politiques, etc.), la Résistance en Belgique n’a guère influencé la société d’après-guerre et ne jouit pas actuellement en Flandre du même crédit que dans la partie francophone du pays. Enfin, il décrit les différents statuts de reconnaissance nationale, qui ont permis aux anciens résistants d’obtenir certains avantages matériels et/ou honorifiques.

5Dans le préambule au guide, Fabrice Maerten évoque les difficultés que les historiens rencontrent dans l’interprétation des témoignages subjectifs des résistants et insiste sur la nécessité de procéder au recoupement d’un maximum de sources. Afin d’orienter les recherches du lecteur et d’« aller au plus court », il propose un tableau général (p. 112 sqq), arrêté au 15 mars 2020, des principales séries de sources classées par types de statuts de reconnaissance (agents de renseignement et d’action, résistants armés, résistants civils, résistants par la presse clandestine, prisonniers politiques, résistants au nazisme dans les régions annexées, distinctions honorifiques). Dans chaque catégorie, les réseaux ou les groupements correspondant à ces statuts sont énumérés par ordre alphabétique. Pour les résistants armés par exemple, l’auteur distingue les Affranchis, l’Armée de la Libération, l’Armée secrète, le Groupe G, le Service Hotton, etc. Sont indiqués également sur le tableau le nombre de dossiers afférents au réseau ou au groupement, la nature des dossiers (documentaire, préparatoire, officiel) et les lieux où sont conservées les archives (CegeSoma, Archives Générales du Royaume, Musée de la Résistance de Belgique, le Service Archives des Victimes de la Guerre et bien d’autres encore). Sont également mentionnés le mode de classement (alphabétique, non alphabétique, par numéro de dossier…), sous quelle forme se présente l’instrument de recherche (fichier numérique, liste manuscrite…), le degré d’accessibilité aux documents (aisé, malaisé) et enfin les pages du guide, où le lecteur peut trouver des renseignements plus détaillés concernant tous ces réseaux ou groupements. Suivent les coordonnées des principaux lieux de conservation des fonds en Belgique et à l’étranger. À ce sujet, le lecteur pourrait regretter que les abréviations, listées certes au début de l’ouvrage (p. 11), ne figurent pas à côté des noms des institutions conservatrices des fonds ; il se demandera en outre pourquoi les coordonnées des Archives de l’État de la Fédération de Russie se trouvent mentionnées parmi les principaux lieux de conservation en Belgique (p. 117).

6Dans le guide proprement dit, les sources sont classées selon d’autres critères. Les fonds sont divisés cette fois en deux grandes parties : d’une part, les fonds produits sous l’Occupation en Europe envahie et en territoire allié ou neutre et d’autre part, les fonds produits après la Libération. Ces derniers sont subdivisés en plusieurs catégories et sous-catégories. Il serait vain de citer ici toutes les séries de documents décrites dans le guide. Citons pêle-mêle et seulement à titre d’exemples les documents relatifs à l’Armée secrète, les archives de la répression de la collaboration, les mémoires et souvenirs des résistants, les sources produites par des médias tels que la RTB (Jours de guerre) et la BRT (De Nieuwe Orde) ou par des institutions comme le Musée juif et Kazerne Dossin, les collections constituées par des particuliers, etc. Toutes ces sources font l’objet d’un examen systématique, l’auteur se posant chaque fois la question de savoir quels réseaux, groupements ou structures ont produit des sources (qui ?), de quelles sources il s’agit (quoi ?), où les trouver (où ?) et comment il faut procéder pour consulter ces sources (comment ?).

7Dans les différentes parties descriptives des producteurs de sources (répondant donc à la question « qui ? »), on trouve, outre de nombreux détails sur les réseaux et les groupements de résistants, des explications intéressantes sur le rôle qu’ont joué par exemple la Croix-Rouge (p. 130-132 et p. 275-276) ou les cheminots (p. 270), les postures des militaires, gendarmes, policiers, magistrats et officiers ministériels de la Justice durant l’Occupation, la politique suivie par le Parti communiste de Belgique (p. 272-274). Citons encore l’évocation des relations tumultueuses entre le gouvernement belge en exil à Londres et le SOE (Special Operations Executive) (p. 144), les enquêtes effectuées au lendemain de la guerre par les évêques de l’Église catholique de Belgique (p. 286-290), sans oublier les activités du CegeSoma (p. 305-308) et de la Fondation Auschwitz (p. 292‑295).

8Cette description des fonds relatifs à la Résistance est complétée utilement par une bibliographie sélective et structurée par thèmes, une chronologie des événements ayant eu lieu dans le cadre de la Résistance, ainsi qu’un index reprenant les noms des résistants, des groupements et associations de résistants, ainsi que des journaux clandestins et des lieux où se sont produites des actions de résistance ou sont conservées des archives concernant les résistants d’un lieu.

9On peut comprendre que les auteurs, désireux de se fixer des limites (p. 111), aient traité d’une manière sommaire les autres sources historiques de la Résistance comme les récits inédits produits par les anciens résistants, la presse clandestine, la correspondance clandestine ou les rapports des agents de renseignement. Ont été également délibérément passés sous silence, pour la même raison, les fiches individuelles des résistants que l’on peut lire sur Internet, les parcours des résistants avant mai 1940 et après la Libération ainsi que les activités des résistants belges ailleurs en Europe occupée.