Richard Glazar. Derrière la clôture verte

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1On pensait tout savoir sur le camp de Treblinka, particulièrement depuis la publication du magistral ouvrage de Michal Hausser-Gans, Treblinka 1942-1943. Une usine à produire des morts juifs dans la forêt polonaise (Calmann-Lévy, « Mémorial de la Shoah, 2019). C’est du reste cette historienne qui assure, avec brio, la préface de l’ouvrage de Richard Glazar, l’ancien grand témoin du film Shoah de Claude Lanzmann.

2Ce témoignage, paru en septembre 2023 en français, a une histoire singulière.

3Paru dans les années 1960 dans la revue tchèque Mezinarodni politika (« Politique internationale »), réédité à Münster en allemand en 2017, le texte à présent disponible en français est d’une force incroyable. Par sa retenue, par sa sobriété, par son efficacité.

4Richard Glazar arrive de Theresienstadt à Treblinka sans savoir qu’il se trouve dans un des pires centres d’extermination du III^e Reich. Très vite, derrière l’impression de chaos qui se dégage de l’endroit, il entrevoit les conditions de la survie : la chance, d’abord, la perception aigüe du danger, l’utilité aux yeux des bourreaux et la constitution d’un petit groupe solidaire. Et cela alors que défilent les convois de déportés dont peu échappent et toujours provisoirement. Les effectifs changent à grande vitesse, du fait de la barbarie et du sadisme d’une grande partie des gardiens, pour ne pas dire de tous.

5Tout cela, Richard Glazar le raconte avec une sobriété qui ne signifie pas un détachement par rapport à ce qu’il voit. Il fait partie de cette réalité tout en essayant de conserver sa part d’humanité.

6Au bout d’une année, alors que les convois se font rares, que les survivants sentent que leur situation est précaire et qu’ils ont eu vent des révoltes dans les ghettos, notamment celui de Varsovie, leur révolte, même désespérée, semble la seule solution. Alors, ils la préparent et la déclenchent le 2 août 1943.

7Le récit, presque hors du temps, redevient historique. Fuyant avec un de ses amis, s’éloignant au plus vite du camp, Glazar et son compagnon d’infortune finissent par être arrêtés par des policiers polonais de souche allemande auxquels ils racontent être des travailleurs tchèques volontaires dont le chantier a été attaqué par les partisans polonais. Le mensonge passe. On leur fournit vivres, vêtements, papiers et on les envoie en train au sud-ouest de l’Allemagne, du côté de Ludwigshafen. Suit alors une description incroyable du devenir de ces deux hommes qui ont côtoyé le mal absolu pendant un an et qui redeviennent des ouvriers, vivant chez l’habitant, et attendant avec impatience l’arrivée des libérateurs américains.

8La Libération est un moment violent et difficile, raconté avec brio.

9Puis le livre s’arrête, un peu brutalement. Richard Glazar rentre en Tchécoslovaquie, reprend sa vie, se marie, a un enfant. Mal vu par les communistes, il repart travailler en usine. Puis c’est le Printemps de Prague, l’invasion soviétique du 21 août 1968, la fuite et l’exil en Suisse.

10Richard Glazar retournera en Tchécoslovaquie après la chute du régime. Après la mort de sa femme, il finira à l’instar de Primo Levi, par mettre fin à ses jours.

11Peut-on sortir de Treblinka ?