Patrice Guillon et David Cénou. “Un Juste”
Patrice Guillon (scénario) et David Cénou (dessins). Un Juste. [Bande dessinée] Saint-Aventin, La Boîte à Bulles, 2016, 155 p.
Texte intégral
1Le dessinateur David Cénou, informé sur le tard de l’action de ses arrière-grands-parents Fernand et Aurélie Cénou en faveur d’une famille juive de Libourne, a décidé de porter ces faits à la connaissance du grand public.
2L’action commence en avril 1942. La France est encore divisée en une zone occupée par les Allemands et une zone dite libre placée sous l’administration de Philippe Pétain. Fernand Cénou, homme de la campagne du Lot-et-Garonne jouxtant la ligne de démarcation et vétéran de la Grande Guerre, peste dès les premières bulles contre le Maréchal qui, selon lui, a trahi les idéaux français de 1914.
3Dans un autocar qui relie Libourne à Bordeaux, Myriam, une étudiante juive qui se rend à ses cours d’art dramatique, entre en conversation avec Henri, un jeune courtier en assurances, et ils se lient d’amitié. À partir du 7 juin, les Juifs sont contraints de porter l’étoile jaune. Myriam a honte de se promener affublée de ce signe distinctif sous le regard des Français « de souche ». Mais elle et sa famille sentent surtout que les choses sont en train de changer, en pire, pour les Juifs de France.
4Henri a des connaissances dans la campagne où habite Fernand Cénou. Après quelques péripéties, il va faire venir la famille de Myriam, en tout sept personnes dont deux enfants, dans la ferme du paysan. Lui-même et Myriam, qui bientôt se marient dans une semi-clandestinité, logent dans un appartement d’une ville toute proche.
5Les choses se compliquent encore lorsque les Allemands, le 11 novembre 1942, envahissent la zone libre, rendant inutile le passage vers cette dernière.
6L’histoire se poursuit dans une atmosphère de peur, d’arrestations, d’interventions de la Résistance au centre de laquelle, véritable plaque tournante du récit et du sauvetage de cette famille juive, se tient Fernand Cénou, le Juste qui donne son titre à la bande dessinée. « Deux Justes » aurait peut-être été un titre préférable, car sans Aurélie, son épouse, Fernand aurait-il pu agir comme il l’a fait ? C’est d’ailleurs au couple que le Comité français pour Yad Vashem a conféré la médaille de Justes parmi les Nations, à titre posthume cependant, car tant les Cénou que les Lévy (le nom de la famille juive) étaient restés on ne peut plus discrets sur ces événements une fois le conflit terminé. C’est Myriam qui, dans les années 2000, en retrouvant des lettres envoyées par Fernand et Aurélie Cénou à sa mère et à sa sœur, regrettera de n’avoir rien fait pour saluer leur mémoire et agira pour que leurs descendants – dont le dessinateur David Cénou – obtiennent cette reconnaissance.
7Les dessins, en noir et blanc, sont sobres et efficaces. Le scénario de Patrice Guillon est prenant et de nombreuses histoires parallèles nous plongent sans ambiguïtés dans la vie à deux facettes – celle de l’opposition (résistance armée ou civile) et celle de la collaboration – de la France des années 1939-1945.
8La bande dessinée est complétée par quatre chapitres instructifs (« Déportation et sauvetage des Juifs du Lot-et-Garonne », « Les Justes parmi les Nations », « Lois sur le Statut des Juifs » et « La Persécution des Juifs d’Europe »), pour que les lecteurs non versés dans cette période historique aient des repères suffisants pour bien comprendre la trame du récit.
Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Pierre Pisetta, « Patrice Guillon et David Cénou. “Un Juste” », Témoigner. Entre histoire et mémoire, 125 | 2017, 146.
Référence électronique
Jean-Pierre Pisetta, « Patrice Guillon et David Cénou. “Un Juste” », Témoigner. Entre histoire et mémoire [En ligne], 125 | 2017, mis en ligne le 24 décembre 2021, consulté le 12 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/temoigner/6635 ; DOI : https://doi.org/10.4000/temoigner.6635
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