Michal Hausser-Gans. Treblinka 1942‑1943

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1La quatrième de couverture de la nouvelle monographie concernant le centre de mise à mort immédiate de Treblinka s’ouvre de façon brutale : « Auschwitz ce n’était rien, Auschwitz c’était un camp de vacances. » Ce propos irrévérencieux est de Hershl Sperling, un des Arbeitsjuden qui a survécu à l’enfer de Treblinka, le centre le plus célèbre – mais pas le plus connu – de l’Aktion Reinhardt, action qui extermina une grande partie des Juifs de Pologne. Après des publications relatives à Chełmno et Bełżec, la maison d’édition Calmann-Lévy ajoute judicieusement un ouvrage sur Treblinka à sa collection. Treblinka 1942-1943. Une usine à produire des morts juifs dans la forêt polonaise est la thèse de doctorat de Michal Hausser‑Gans.

2Le corpus de l’ouvrage se ventile en deux parties, la première s’intitule « Prolégomènes. Treblinka, la genèse » et revient longuement sur certains aspects plus généraux de la Shoah et les origines du Gouvernement général – ce qui restait de la Pologne occupée et qui ne fut ni annexé au Reich, ni à l’Union soviétique – et sur l’Aktion Reinhardt. Bien que cette partie soit plus qu’utile au lecteur découvrant la thématique, elle ne nous apprend rien de ce qui n’ait déjà été évoqué dans d’autres ouvrages. La seconde partie « Treblinka 1942-1943. Le rendement exemplaire d’une “chaîne de mort” » est réellement innovante, elle nous livre l’histoire minutieuse du centre d’extermination de Treblinka de ses débuts en juillet 1942 à sa fin en septembre 1943. Michal Hausser-Gans s’appuie sur les témoignages des rescapés, des Arbeitsjuden ayant survécu à la Seconde Guerre mondiale. A contrario des centres de Chełmno et de Bełżec, les témoignages concernant Treblinka sont nettement plus nombreux, car la révolte du 2 août 1943 a permis à de nombreux Juifs d’échapper à une mort certaine.

3Pour autant que nous sachions, jusqu’ici le seul ouvrage scientifique francophone consacré à la thématique de Treblinka – quoiqu’essentiellement sur l’aspect de la résistance – est celui de l’historienne turque Ayse Sila Cehreli. Son ouvrage paru en 2013, Témoignage du Khurbn : La résistance juive dans les centres de mise à mort Chełmno, Bełżec, Sobibór, Treblinka, est une synthèse de sa thèse de doctorat. La méthode et les sources utilisées par Hausser-Gans sont très différentes de celles de Cehreli. Gans se concentre sur les témoignages des rescapés de Treblinka alors que Cehreli favorise davantage la précision du récit factuel à partir des sources policières et judiciaires. Ceci fait que les deux ouvrages se complètent donc assez bien pour le lecteur ayant envie d’en apprendre plus sur l’histoire de Treblinka.

4En lisant l’ouvrage de Michal Hausser-Gans, nous avons toutefois relevé quelques erreurs qu’une dernière relecture du manuscrit aurait pu éviter. À la page 42, en note en bas de page ce sont bien les anciennes voïvodies polonaises de Łódz et de Poznan, que les nazis vont rebaptiser Warthegau. La Prusse orientale, quant à elle, était déjà allemande avant-guerre et fut divisée entre la Pologne et l’Union soviétique (Kaliningrad) après la guerre. Parmi l’iconographie figurant au milieu de l’ouvrage une photo illustre la découverte du camp. La légende affirme « Photo prise au lendemain de la guerre. La silhouette de la personne arpentant les restes des fosses donne la mesure de leur dimension. » Il nous semble toutefois que la photo illustre la carrière de sable près de Treblinka I (le camp de travail, Treblinka II étant le centre d’extermination) situé à deux kilomètres de l’emplacement des fosses communes de Treblinka.

5Ceci ne diminue cependant pas la valeur de l’important travail réalisé par Michal Hausser-Gans dans le cadre de sa recherche doctorale. Mentionnons en particulier la publication inédite pour la première fois en français d’un témoignage d’un ancien Arbeitsjude Avrom (Avrum) Goldfarb dans les annexes de l’ouvrage. Comme les publications en français concernant l’Aktion Reinhardt et ses centres d’extermination se comptent sur les doigts d’une main, Treblinka 1942-1943. Une usine à produire des morts juifs dans la forêt polonaise contribue à faire connaître davantage ce pan d’histoire sombre de la Seconde Guerre mondiale.