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Entretien avec Étienne Ollion

Étienne Ollion, Hervé Rayner, Bernard Voutat et Laurent Willemez

Notes de la rédaction

Étienne Ollion est directeur de recherches au CNRS (CREST) et professeur associé à l’École polytechnique. Ses recherches sont notamment consacrées à la question des transformations du champ politique dans les pays européens, notamment en France, et en particulier celles de la profession politique. Il a notamment publié avec Julien Boelaert et Sébastien Michon Métier : député. Enquête sur la professionnalisation de la politique en France, ainsi que, en 2021, Les candidats : novices et professionnels en politique. Ses analyses de la profession politique s’appuient sur un matériau considérable, à la fois quantitatif (en utilisant des outils originaux et innovants de recueil et d’analyse des données) et qualitatif (à travers des entretiens avec des députés et un travail ethnographique à l’Assemblée nationale). Le cœur de son dernier livre est notamment de revenir sur les temporalités des carrières des députés français élus en 2017. Il interroge notamment l’ampleur et la réalité des transformations de ces temporalités et la manière dont se structure et se vit l’avancement des carrières politiques aujourd’hui.

Texte intégral

Vous menez depuis plusieurs années des enquêtes sur le personnel politique en France, avec l’ambition de reconsidérer la notion de « professionnel » de la politique et par extension les ressorts d’une « professionnalisation » de la vie politique en France. Un point de départ, semble-t-il, de votre réflexion porte sur le fait que ces termes servent souvent (à l’instar du vocable péjoratif de « politicien » auquel ils se substituent souvent) à dévaloriser le personnel politique. Ils avaient pourtant été conçus par les sciences sociales pour mettre à distance tout jugement de valeur à propos des élus. On pense bien sûr à Max Weber, mais aussi aux travaux fondateurs de Daniel Gaxie ou Jacques Lagroye, notamment. Comment vos propres travaux se situent-ils par rapport à la dimension normative inévitablement attachée à cet objet qu’est le « métier » de député ?

Il est vrai que je mène une critique des « professionnels de la politique », mais pas tout à fait dans le sens de celle qui domine depuis un moment, et qui vise à dénoncer les personnes et leurs supposées qualités. Ma critique est avant tout scientifique, et plus précisément sémantique.

Je trouve, comme vous le rappelez justement, que le terme de « professionnel de la politique » a permis de nommer un phénomène. Chez Weber par exemple, il vient désigner un changement qui s’est produit dans la seconde moitié du XIXe siècle, et qui a vu les responsables politiques commencer à être indemnisés pour effecteur leur activité. Avant, la politique était principalement une charge, un honneur. Mais autour de cette période, un changement se produit qui voit les élus recevoir des défraiements pour leur activité. C’est ce qui amène Weber à indiquer que l’on est passé d’un état où on « vivait pour » la politique à une situation où on peut vivre « pour et de la politique. »

La notion n’est pour lui pas moralement chargée : elle décrit avant tout un changement historique. Dans ce sens, je n’ai pas de problème avec le terme de « professionnel de la politique ». Le problème, c’est que dans le langage courant, mais aussi et de plus en plus, dans le langage scientifique, on a eu tendance à utiliser ce terme de « professionnel » de manière de plus en plus floue. Et c’est là que je fais porter ma critique : sur ce flou conceptuel, sur l’intérêt de ce concept pour penser la situation actuelle.

En effet, vous évoquez les usages contrastés de la notion de « professionnalisation » de la politique, qui tantôt renvoient simplement à l’occupation d’une position rémunérée, tantôt aux carrières des élus (le cursus honorum), tantôt encore à l’acquisition de compétences liées à l’exercice d’un métier ? Ce « flou sémantique » conduit-il à disqualifier la notion de « professionnalisation » à propos des activités politiques ? Au contraire, invite-t-il plutôt à en mesurer les différentes dimensions ? En d’autres termes, quelle est son utilité pour rendre compte des transformations contemporaines du champ politique ?

  • 1 Sébastien Michon et Étienne Ollion, « Retour sur la profession politique », in Sociologie du travai (...)

Vous avez raison de rappeler ces différents sens. On avait, avec Sébastien Michon fait une recension des différents usages, juste pour la littérature de science politique francophone1. On montrait alors que quand on parle de « professionnel de la politique », cela pouvait désigner le sens « wéberien » (être payé), mais que c’était finalement assez rare. Cela désignait au moins aussi souvent une personne qui est active en politique depuis des décennies ; une personne qui a passé toute sa vie active en politique, même si elle n’a que 25 ans ; ou encore une personne dotée d’un certain caractère moral (vénal, stratège) ou – c’est plus rare – dotée de compétences acquises lors de la formation. Et la plupart du temps, le sens attribué au concept n’était pas précisé.

Mon objectif dans le travail, c’était d’abord d’apporter un peu de clarté dans ce qui était devenu un usage routinisé du concept de professionnel de la politique, voire de celui de professionnel tout court, car ce genre de vocable a connu une diffusion exponentielle pour désigner bien d’autres activités. Je n’ai pas d’opposition en soi au terme, mais il faut savoir de quoi on parle. La difficulté, une fois qu’on a opéré cette clarification, c’est d’arriver à saisir ces différents aspects, et encore plus leur conséquence. C’est ce que j’ai tenté de faire dans le livre Les candidats, pour les traits qui relèvent de la carrière. Mais c’est bien moins simple que je l’anticipais quand je me suis lancé dans ce chantier !

Outre la rémunération, l’un des usages classiques de la notion de « professionnel » de la politique porte sur l’analyse du cursus honorum des élus. Fondée sur l’occupation simultanée ou successive, parfois précaire, de fonctions électives dans différents organes de l’État, la longévité politique constitue un indicateur pertinent de « professionnalisation » du personnel politique. Vous mobilisez à cet égard le concept de « file d’attente ». Au-delà de la simple métaphore, quelles en sont les propriétés et en quoi cette notion, dont vous montrez les évolutions, permet d’éclairer les temporalités de l’action politique contemporaine ?

Plus que de professionnel de la politique, il m’a semblé qu’on pouvait comprendre ce que j’avais observé à l’Assemblée à travers le prisme de la notion de file d’attente. Terme (et pratique) ordinaire, j’ai tenté – en m’appuyant sur d’autres travaux – d’en faire un concept fécond pour les sciences sociales, du politique et au-delà.

Pourquoi parler de file d’attente ? D’une part parce que le terme rend bien compte de l’expérience des personnes étudiées. Parmi les députés rencontrés en 2017 ou avant, beaucoup décrivaient un parcours modal en politique, fait de progressions espérées vers des niveaux plus élevés. Ces progressions pouvaient être lentes, comme pour ceux qui avaient enchaîné des activités électives locales pendant des décennies avant de pouvoir être candidat à la députation, puis enfin être élu – mais pas toujours du premier coup. Elles pouvaient être plus rapides, comme pour les élus arrivés en 2017 et qui pour certains n’ont même pas eu le temps d’attendre, mais personne ne pouvait ignorer que d’autres attendaient une place, parfois depuis longtemps.

Cette conscience aiguë de l’existence d’une organisation temporelle de l’avancement s’expliquait par la réalité matérielle des parcours. Avant d’accéder à la députation, qui est le premier niveau national dans la carrière politique, il fallait attendre. Au moment où Macron lance sa campagne, qui est d’abord une campagne contre les « professionnels de la politique », un néodéputé a passé en moyenne près de 12 ans en politique. Les endroits, les conditions peuvent varier. On peut être élu local et garder une activité, travailler comme permanent de parti, ou en cabinet. Mais quoi qu’il en soit, on a de fortes chances d’avoir attendu. Ce temps, d’ailleurs, s’était allongé : il avait doublé depuis les années 1970, ce qui nourrissait le sentiment que les élus d’aujourd’hui sont les mêmes que ceux d’hier, et bien souvent que ceux d’avant-hier.

Ce que je montre dans Les candidats, c’est qu’on comprend bien mieux 2017 si on l’analyse au prisme de ce concept. Cela permet de comprendre le sentiment d’attente, et les réactions outrées de nombreux élus qui ont vu avec crainte l’arrivée des candidats macronistes. Ces derniers risquaient en effet de leur faire perdre un investissement patient de plusieurs années, voire décennies. L’arrivée de ces « resquilleurs » venait remettre en cause l’organisation temporelle plutôt bien huilée des carrières politiques, et risquait de faire passer des lieutenants devant leurs patrons, des novices devant des personnes expérimentées.

Le concept a aussi une force explicative. Il permet de faire sens des débuts de mandats différents : alors que les novices étaient entièrement perdus à leur arrivée à l’Assemblée, les plus expérimentés savaient exactement quoi faire et ont accaparé les positions de pouvoir. C’est que le temps passé dans la file d’attente forme, qu’il socialise à la politique. Cela expliquait, encore, le type de personnes recrutées en politiques. Depuis des années, on avait vu l’attrition tant des classes populaires que des élites en politique. Sans que cela n’explique tout, une explication en termes d’attente permet de comprendre ce resserrement autour d’une classe moyenne supérieure. Certains, les moins dotés, ne peuvent pas se permettre d’attendre, quand d’autres ne veulent pas perdre leur temps dans des positions d’attente.

À partir de cette réflexion sur la politique, j’ai tenté, en m’appuyant sur différents travaux qui avaient étudié ce que le passage du temps fait aux individus, de m’interroger plus théoriquement sur ces objets particuliers que sont les files d’attente, qu’on retrouve dans bien d’autres situations sociales. D’où l’analyse que je propose, qui consiste à dire que les files d’attente ont trois propriétés. D’abord elles socialisent : elles forment ceux et celles qui patientent, elles leur inculquent un sens du travail, de ses normes. Ce faisant, et c’est le revers de cette formation, elles les conforment aussi, les rendent plus semblables les uns aux autres. Ensuite, les files sélectionnent. C’est ce que je disais précédemment : soit parce qu’ils ne veulent ou qu’ils ne peuvent pas attendre, les individus peuvent quitter le lieu. Cela vaut pour des raisons financières, mais pas uniquement : les minorités qui doivent patienter dans des univers où elles sont étrangères, décalées peuvent aussi décider de s’exclure.

Enfin, la file d’attente individualise. C’est une forme sociale qui rend ceux qu’elle enserre plus susceptible de stratégies personnelles que collectives, surtout quand il y a peu de places à l’arrivée. Je ne veux pas dire par-là qu’il n’y a pas de règles dans ces queues : les travaux sur l’attente en URSS ont par exemple montré qu’elles étaient régies par des normes. Par contre, les personnes placées dans cette position sérielle qu’est une file d’attente expérimentent l’anxiété de la pénurie, qui les amène à se penser d’abord comme des individus plutôt que comme membre d’un groupe, à voir l’altérité plutôt que le groupe. Pour reprendre l’exemple de Sartre dans la Critique de la raison dialectique, ce sont les personnes qui attendent un autobus bondé et qui vont tenter chacune de monter dedans – plutôt, par exemple, que de protester collectivement contre la pénurie. Une file d’attente, ça n’est ni une classe en soi, ni une classe pour soi.

Concernant les temporalités propres aux activités des élus. Vous évoquez p. 173 l’expression de « texture temporelle de l’expérience quotidienne » des parlementaires, ceux-ci exerçant des activités chronophages marquées par un temps « dilaté »… Une notion qui revient dans plusieurs travaux et qui désigne plusieurs dimensions du travail parlementaire. Pouvez-vous revenir sur ce point et l’expliciter ?

  • 2 Guillaume Marrel et Renaud Payre, « Temporalités électorales et temporalités décisionnelles », in P (...)

Les politistes se sont depuis une quinzaine d’années intéressés à la question des temporalités politiques, et en particulier à la temporalité particulière de cette drôle d’activité. C’est le programme de recherche proposé par Marrel et Payre en 20062, et qui a été bien suivi puisqu’on dispose de nombre d’études sous l’angle de l’expérience du temps. Mon objectif était de continuer ces recherches, qui ont principalement démontré le caractère frénétique des rythmes politiques.

C’est vrai, mais il y a plus que cela. C’est aussi un temps parfois très ralenti, où les élus doivent certes courir d’un rendez-vous à l’autre, mais quand ils sont présents à un endroit, ils doivent de nouveau… attendre car ils ne sont pas les seuls à être invités. Lors des inaugurations, un député peut faire une introduction de quelques minutes, suivi d’une multitude de discours où il faut être là et patienter. Il y a des accélérations, et souvent des moments de pause, des temps morts qui sont d’autant plus décalés que le reste de la vie est vécu à toute vitesse.

Et puis il y a cette idée que le temps politique s’immisce dans la vie quotidienne, qu’il n’y a pas de séparation entre la vie professionnelle et familiale car le week-end est réservé à la circonscription, que de toute façon l’actualité fait qu’il faut toujours suivre ce qui se passe car on peut être interpellé sur une déclaration nationale… D’où l’idée de ce temps dilaté, d’un temps qui prend beaucoup de place, et se faufile dans les interstices déjà limités du reste de la vie.

Le cœur du livre est lié à l’idée d’un renouvellement de l’Assemblée nationale en 2017. Vous posez ainsi la question de l’arrivée de primo-députés (72 %, un record), de novices, et de l’effet de ce renouvellement sur la pratique politique. Vous montrez que ce renouvellement est une sorte d’illusion : il y a eu certes un renouvellement très important des élus, mais au fond cela n’a rien changé. De quelle façon rendez-vous compte de ce phénomène ?

Il y a eu de vrais changements en 2017, qu’il est difficile de nier. Des nouveaux visages sont arrivés à l’Assemblée, et parmi eux des novices, des personnes sans aucune expérience politique qui ne savaient pas 4 mois avant qu’elles seraient candidates, et pas 3 semaines avant qu’elles seraient élues. Il y a aussi eu bien plus de femmes (39 %, contre 25 % lors de la législature précédente), et un rajeunissement tel que les huissiers de l’Assemblée, ces agents de la circulation en milieu parlementaire, avaient bien du mal à distinguer les élus des collaborateurs.

Mais il y a aussi eu un approfondissement des inégalités sociales, avec la présence encore plus marquée des élites à l’Assemblée. Il faut préciser qu’on n’a jamais eu de représentation à l’image de la société à l’Assemblée (dite « miroir »), que les élus sont toujours en décalage par rapport au corps social. Mais l’Assemblée élue en 2017 était une Assemblée encore plus asymétrique de ce point de vue. Elle était sûrement l’assemblée la plus socialement élitiste, et en tout cas homogène, depuis la fin du XIXe siècle. Il y a donc eu un hiatus en 2017, avec d’un côté un phénomène d’ouverture du champ politique à des personnes exclues depuis longtemps (les novices), et de l’autre de fermeture sociale accrue.

Mais surtout, ce que j’ai cherché à faire dans ce travail, c’est à voir si la promesse du renouvellement, qui était au cœur de la campagne contre la professionnalisation de la politique, avait été tenue. Peut-on changer la politique en changeant les visages ? En mobilisant différentes données, et en utilisant un algorithme d’intelligence artificielle, j’ai tenté de voir qui avait réussi à s’imposer, et qui avait eu plus de peine. Le constat est sans appel : les novices, symboles du renouvellement, ont joué les second rôles. À l’inverse, les anciens députés ont accaparé les positions de pouvoir, et ce alors même que des changements importants avaient eu lieu – plus d’une centaine de novices sont arrivés en même temps.

Pire encore, d’autres primo-députés ont tout à fait tiré leur épingle du jeu. Les anciens assistants parlementaires, ou les collaborateurs de ministres, ont en moyenne fait aussi bien que les députés réélus. C’est ironique, car c’est justement ces profils qu’on citait comme des représentants de la « professionnalisation de la politique ». Et dans un système en pleine turbulence, ils sont restés au pouvoir. De ce point de vue, la révolution annoncée n’a donc été qu’une révolution de palais, avec un changement des élites en place.

Tout à la fin de votre ouvrage, revenant de façon critique sur le constat posé par Hartmut Rosa à propos de l’accélération du temps, vous invitez à étendre l’usage de la notion de file attente à d’autres univers sociaux où ce type de dispositif se manifeste de plus en plus, mais en exerçant sur les individus une contrainte très inégalement répartie. N’est-ce pas une manière d’articuler, dans l’analyse, la question de l’accélération du temps à celle que procure la maîtrise de l’attente ? Une façon, en somme, de reformuler la dimension politique du temps dans les sociétés contemporaines…

  • 3 Cf. Harmut Rosa, Accélération. Une histoire sociale du temps, Paris, La Découverte, 2010. Temporali (...)

J’évoque brièvement le travail d’Harmut Rosa dans la conclusion, et en particulier sa thèse désormais célèbre de l’accélération. L’idée – stimulante – que défend Rosa, c’est que les sociétés contemporaines connaissent une augmentation du rythme du changement, que ce soit au niveau technique, institutionnel, ou expérientiel. Les évolutions qui se produisaient d’une génération à l’autre se font désormais à l’intérieur d’une même génération, voire plus vite, ce qui a des conséquences sur l’organisation sociale et l’autonomie individuelle3.

  • 4 Christophe Bouton, Le temps de l’urgence, Dormont, Éditions du Bord de l’eau, 2012.

Par rapport à son travail particulièrement vaste, je me contente de remarquer que l’accélération ne semble pas être si évidente qu’il veut bien le dire. D’une part, et sans même parler de l’arrêt généralisé produit par la crise du Covid en 2020, dont Rosa a traité, on pourrait citer une série de décélérations au cours des dernières années. Comme l’a récemment fait remarquer Christophe Bouton4, qui a consacré un ouvrage au sujet, la baisse des taux de croissance de la population mondiale ou, de manière anecdotique mais significative la fin de l’exploitation du Concorde sont deux exemples qui appellent à un peu de prudence dans l’affirmation d’une « accélération » permanente et généralisée.

Si je suis d’accord avec cette thèse, et avec l’idée de Bouton que « l’accélération » n’est pas aussi généralisée que Rosa veut bien le dire (mais qu’elle n’est pas non plus une « hallucination collective »), mon argument est un peu différent. La critique que j’esquisse vis-à-vis des travaux de Rosa, que je trouve par ailleurs stimulants, c’est que la thèse de l’accélération qu’il défend est trop homogène, qu’elle ne rend pas compte du fait que la célérité est une propriété socialement située. C’est là que revient l’exemple de la file d’attente : tout le monde n’est pas égal par rapport à l’attente, et certains attendent moins que d’autres. Je l’ai montré sur la politique, les plus dotés socialement (diplômes, revenus) attendent moins.

On pourrait généraliser : l’attente organisée touche plus les pauvres que les riches. Plus largement encore, on voit bien que la société est organisée autour d’une attente différenciée : dans les aéroports, les boîtes de nuit, il existe des coupe-files pour les plus aisés. Dans les magasins fréquentés par les classes populaires, on fait régulièrement la queue, alors que dans les magasins pour l’élite économique, il y a plus de vendeurs que de clients.

  • 5 Javier Auyero, Patients of the state: the politics of waiting in Argentina, Durham, Duke University (...)

C’est sur cette différence sociale dans l’expérience de l’attente que je tentais d’évoquer en conclusion. Elle a des conséquences importantes. Comme le montre Javier Auyero dans son Patients of the State5, une ethnographie des services sociaux de Buenos Aires, l’attente discipline. Elle fait intégrer l’idée d’une redevabilité, d’une non-automaticité des droits. On en revient aux trois effets des files d’attente que j’évoquais plus haut : socialiser, sélectionner, et individualiser.

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Notes

1 Sébastien Michon et Étienne Ollion, « Retour sur la profession politique », in Sociologie du travail, 2018.

2 Guillaume Marrel et Renaud Payre, « Temporalités électorales et temporalités décisionnelles », in Pôle Sud, 2006.

3 Cf. Harmut Rosa, Accélération. Une histoire sociale du temps, Paris, La Découverte, 2010. Temporalités a consacré plusieurs articles à cet ouvrage : voir notamment « Autour d’Hartmut Rosa » in Temporalités [En ligne], 13 | 2011, mis en ligne le 22 juin 2011, consulté le 16 septembre 2022. URL : https://journals.openedition.org/temporalites/1457 DOI : https://doi.org/10.4000/temporalites.1457

4 Christophe Bouton, Le temps de l’urgence, Dormont, Éditions du Bord de l’eau, 2012.

5 Javier Auyero, Patients of the state: the politics of waiting in Argentina, Durham, Duke University Press, 2012.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Étienne Ollion, Hervé Rayner, Bernard Voutat et Laurent Willemez, « Entretien avec Étienne Ollion »Temporalités [En ligne], 36 | 2022, mis en ligne le 18 novembre 2022, consulté le 02 octobre 2023. URL : http://journals.openedition.org/temporalites/10429 ; DOI : https://doi.org/10.4000/temporalites.10429

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Auteurs

Étienne Ollion

CNRS, École polytechnique
etienne.ollion@ensae.fr

Hervé Rayner

UNIL, Université de Lausanne
herve.rayner@unil.ch

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Bernard Voutat

UNIL, Université de Lausanne
bernard.voutat@unil.ch

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Laurent Willemez

Printemps, UMR 8085 CNRS/UVSQ, Université Paris-Saclay
laurent.willemez@uvsq.fr

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