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Une possible ouverture patrimoniale de futurs inédits au-delà du présentisme

Le cas du site Reille, révélateur des temporalités nouvelles et paradoxales de l’omnipatrimonialisation fragile
A possible opening up of heritage to new futures, beyond presentist historicity regime. The case of the former Reille convent reveals the new and paradoxical temporalities of the vulnerable “all-heritagization”
Más allá del presentismo, una posible apertura del patrimonio a nuevos futuros. El caso del convento de Reille (París), revelador de nuevas y paradójicas temporalidades de una frágil omnipatrimonialización
Géraldine Djament

Résumés

Cet article se propose de réinterroger les relations entre le régime d’historicité « présentiste » et le régime de patrimonialité contemporain à partir de l’étude du conflit patrimonial en cours autour de l’ancien couvent Reille, situé dans le 14e arrondissement de Paris, en attente d’un réemploi et/ou d’un projet immobilier. Cette friche est étudiée comme révélatrice de la fragilité et des apories temporelles de « l’omnipatrimonialisation », qui se caractérise par une dissociation inédite de la reconnaissance et de la protection patrimoniales, par une diversification des processus de patrimonialisation et même par une nécessaire patrimonialisation par réemploi. La brèche du temps ouverte par la défonctionnalisation du couvent se trouve prolongée et élargie par un processus de patrimonialisation multiforme, mené notamment par les riverains mobilisés, et instaure, à l’occasion de la révision du plan local d’urbanisme de la Ville de Paris, un temps d’attente fructueux, propice à l’élaboration d’un projet de réemploi patrimonial, social et environnemental alternatif au projet de promotion immobilière. Enfin, la montée en généralité de la mobilisation patrimoniale mise en réseau à l’échelle métropolitaine montre que différentes tendances coexistent au sein du régime de patrimonialité contemporain dont peuvent surgir des « futurs inédits », un horizon d’attente altermétropolitain.

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Texte intégral

Introduction : régimes de patrimonialité et régimes d’historicité

1Les travaux de référence de l’historien F. Hartog (2003) ont associé l’ère du tout-patrimoine au régime d’historicité (mode spécifique d’articulation du passé, du présent et du futur) présentiste. Les études patrimoniales ont, quant à elles, théorisé la notion de régime de patrimonialité (Peroni, 2001 ; Gravari-Barbas, 2012 ; Guinand, 2015) et/ou de patrimonialisation en partie sur le modèle des régimes d’historicité. La géographe M. Gravari-Barbas a identifié « trois machines à produire le patrimoine » – l’industrialisation, la construction nationale et la mondialisation – et diagnostiqué l’entrée dans la « patrimondialisation », caractérisée par l’essor d’une « fabrique touristique du patrimoine » et par les interférences entre la patrimonialisation contemporaine et la nouvelle étape de mondialisation, à laquelle elle réagit et/ou dans laquelle elle permet de s’insérer. L’histoire de la notion de patrimoine est écrite classiquement en termes d’extensions (Choay, 1992). L’approche en termes de régimes de patrimonialité en propose une lecture discontinuiste, insistant sur le changement d’échelle et de logique entre le régime national-patrimonial (Bobbio, 1992), dans lequel les monuments historiques « construisaient la nation » (Auduc, 2008), et le régime de patrimonialité contemporain, associé à des processus de territorialisation et de circulation multiscalaires connectant le local au global.

2Dans un deuxième temps, un atelier de réflexion prospective pluridisciplinaire dirigé par M. Gravari-Barbas (Atelier de réflexion prospective (ARP), 2014) a proposé de qualifier le régime de patrimonialité contemporain marqué par la transversalisation du patrimoine dans la société d’« omnipatrimonialisation fragile ». En parallèle, l’hypothèse d’un nouveau régime de patrimonialisation a été développée à partir de la mise en évidence des logiques temporelles du patrimoine culturel immatériel (Turgeon, 2010 ; Davallon, 2014) opposées à celle du patrimoine bâti, dans une analyse que l’on peut rapprocher des régimes d’authenticité théorisés par l’historienne de l’architecture canadienne L. Morisset (2009).

3Depuis, les discussions des notions de régime d’historicité (Bantigny, 2013 ; Baschet, 2018) et de régimes de patrimonialité restent relativement disjointes. Les études patrimoniales critiques ont certes intégré la notion de régime d’historicité, mais souvent de façon incidente (Tornatore, 2004, 2006, 2007). En outre, en une vingtaine d’années, de nouvelles temporalités, notamment celles de l’anthropocène, se sont affirmées dans ces deux champs (Tornatore, 2017 ; Hartog, 2020). Dans ce contexte, nous proposons une double inversion exploratoire : repenser le régime d’historicité en partant du régime de patrimonialité ; penser les régimes d’historicité et de patrimonialité non pas à partir de leurs caractéristiques dominantes, mais à partir de leur diversité interne. F. Hartog avait d’emblée reconnu incidemment la coexistence de plusieurs régimes au sein du régime d’historicité présentiste, hypothèse qui a retenu l’attention tant des historiens (notamment J. Baschet) que des études patrimoniales critiques (notamment de J.-L. Tornatore).

  • 1 Cet article est tiré de mon intervention du 22 juillet 2022 (« Le réemploi et/ou la patrimonialisat (...)
  • 2 « L’architecte Jean-Marc Huygen distingue “la réutilisation, qui consiste à se servir de l’objet da (...)

4Pour étayer cette hypothèse théorique, un cas d’actualité sera mobilisé : celui de l’ancien complexe conventuel de l’impasse Reille dans le 14arrondissement de Paris, enjeu d’un conflit patrimonial en cours1. La désynchronisation entre le temps du bâti et le temps de la fonction ouvre une « trajectoire de mutation » (Andrès, 2008) dans laquelle interfèrent et/ou entrent en conflit la patrimonialisation, « ensemble des processus de collecte et de valorisation par lequel un collectif social sort un objet – au sens le plus large du terme – du commerce ordinaire des choses pour l’ériger en emblème de son identité dans le temps » (Micoud, 2005), et/ou le réemploi, processus qui consiste à se servir d’un bâtiment pour un autre usage2 (Bernardi, Dessales, 2017). À partir de son étude, nous chercherons à montrer en quoi peuvent émerger de ce régime de patrimonialisation, traversé de paradoxes temporels et de temporalités multiples, des « futurs inédits » (Baschet, 2018). Nous nous fondons sur des entretiens semi-directifs avec les acteurs de la mobilisation habitante et du projet urbanistique et sur une observation participante aux événements organisés sur le site et aux réunions organisées par les défenseurs de ce patrimoine depuis le printemps 2021.

5Nous commencerons par présenter une friche révélatrice de la fragilité et des apories temporelles de l’omnipatrimonialisation, avant de montrer que la brèche du temps s’y trouve prolongée et élargie par un processus de patrimonialisation multiforme, constituant un temps d’attente fructueux. Enfin, la montée en généralité de la mobilisation patrimoniale mise en réseau à l’échelle métropolitaine permettra d’esquisser un horizon d’attente non présentiste.

Une friche révélatrice de la fragilité et des apories temporelles de l’omnipatrimonialisation

Une friche religieuse à la trajectoire ternaire inachevée

  • 3 « L’épouse d’Eugène Hénard, Nicole Jeanne Colson, […] est […] la sœur de Léon Clément Colson, brill (...)

6Dans un premier temps, ce cas classique de friche religieuse que la déchristianisation multiplie en France comme au Canada (Morisset et al., 2006 ; Meynier-Philip, 2018) peut être interprété à partir de la temporalité ternaire conçue pour les friches culturelles par L. Andrès (2008). « L’avant-friche » de la fonction conventuelle s’est déployée sur une assez longue durée (1895-2020). En effet, cet îlot donnant sur l’impasse Reille, situé sur les terrains d’une ancienne gare progressivement clôturés et cultivés à partir de 1868, comme le rappellent deux maisons maraîchères conservées sur place, appartenait depuis 1894 à la Congrégation des sœurs missionnaires de Marie. Il a été bâti progressivement jusqu’en 1960. Les franciscaines se sont installées dès 1896 dans un foyer d’accueil construit par Eugène Hénard. Elles ont fait édifier entre 1911 et 1913 la chapelle Sainte-Jeanne d’Arc3 par les architectes Édouard Bérard puis Paul Courcoux, ancien élève de Viollet-le-Duc. Elles ont ensuite occupé le couvent néo-gothique achevé en 1928 par l’architecte Georges Lisch, puis son extension nord, édifiée en 1959 par René Lisch, fils du précédent. Dans un parc arboré doté d’un jardin, les sœurs, intégrées à la vie de quartier, véritable « district réformateur » à la charnière du xixe et du xxe siècle (Topalov, 1999), déployaient d’actives œuvres sociales.

7Mais la synchronie entre temps des formes et des fonctions, du bâti et des usages sociaux est rompue en deux étapes. Le temps de la propriété foncière change en 2013 : les sœurs, devenues trop peu nombreuses pour la superficie et en difficultés financières, vendent à un premier promoteur le site, racheté en 2018 par un second qui les reloge dans un nouveau bâtiment spécialement construit dans le 17e arrondissement. Le temps de l’usage religieux et caritatif du site change avec un léger décalage : les franciscaines quittent le site en décembre 2020.

  • 4 Toutes les photographies sont de l’autrice.

Photographie n° 1 : Le site Reille4

Photographie n° 1 : Le site Reille4

Plan n° 1 : État actuel du site Reille

Plan n° 1 : État actuel du site Reille
  • 5 Je remercie la Commission Reille pour l’autorisation de publication de ses documents.

Source : Conseil de quartier Montsouris-Dareau Paris 14e Commission Reille5, Analyse volumétrique du projet (des promoteurs) 7-11, impasse Reille 75014 Paris, réalisée à partir des vues présentées dans le dossier de la Commission du Vieux Paris en séance du 13 avril 2023 du PLU voté au Conseil de Paris le 5 juin 2023 du projet présenté le 14 juin 2023 (3e demande de permis de construire déposée le 16 juin 2023), p. 2.

8Le temps de « l’après-friche » n’est pas encore advenu : un projet de promotion immobilière, nommé « Village Reille », incluant une réutilisation partielle du couvent et prévoyant des adjonctions contemporaines, est en gestation depuis le concours d’architecture organisé par la mairie d’arrondissement en mars 2019. Dès la phase consultative du projet, un riverain participant bénévole au jury du concours s’inquiète du champ libre laissé au promoteur. Commence alors une mobilisation portée par l’Association Exemplarité 14, fondée ad hoc dès janvier 2019, et par le conseil de quartier Montsouris-Dareau du 14e arrondissement, organe actif de la démocratie participative parisienne. Ce dernier crée en avril 2019, en réaction à la présentation publique du projet, une commission dédiée, rebaptisée Commission Reille en janvier 2020. La friche se trouve actuellement dans le « temps de veille » d’une réappropriation éphémère (Andrès, Grésillon, 2011).

Un site typique de procédures de patrimonialisation institutionnelles inachevées et fragiles

9En amont du projet urbanistique et durant sa phase de conception se déploient les temporalités de plusieurs procédures de patrimonialisation institutionnelles inachevées.

Sur le front pionnier chronologique de l’omnipatrimonialisation, les temporalités paradoxales de la patrimonialisation institutionnelle

10Les institutions patrimoniales reconnaissent de plus en plus, à différentes échelles, des patrimoines de plus en plus récents. Cette reconnaissance ne s’accompagne toutefois pas toujours de protection, dans un régime de patrimonialité suivant une logique du totum dans laquelle tout peut potentiellement faire patrimoine en ville (Navarro, 2015), où les patrimonialisations restent fragiles.

Les institutions patrimoniales débordées par l’omnipatrimonialisation

  • 6 L’Église Saint-Pierre de Montrouge inscrite en 1982 ; Notre-Dame du Travail, construite de 1899 à 1 (...)
  • 7 Avec les façades et toitures du couvent, le vestibule d’entrée, l’escalier monumental et le cloître

11Le site Reille, situé sur le front pionnier des extensions chronologique, mais aussi typologique et conceptuelle de la notion de patrimoine, pourrait profiter du début de patrimonialisation par désignation (Rautenberg, 2003) institutionnelle que connaît le patrimoine religieux du xixe et du xxe siècle (Kagan, Toulier, 2009) en général, et le patrimoine néo-gothique en particulier depuis plus de trois décennies. Quatre édifices religieux récents sont protégés au titre des monuments historiques dans le 14e arrondissement6 depuis le début des années 1980 pour le patrimoine le plus ancien, depuis le milieu des années 1990 pour le patrimoine du xxe siècle qui a connu un regain d’intérêt très récent. En particulier, le couvent de franciscains Saint-François en brique, très comparable historiquement, géographiquement et architecturalement avec l’ancien couvent Reille, avec sa chapelle inaugurée en 1936 qui comprend des verrières, a été inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques7 en 2007.

  • 8 Source : questionnaire de février 2023.

12Cependant, débordées, au sens propre comme métaphorique, par l’omnipatrimonialisation, les institutions patrimoniales n’ont pas (encore ?) inscrit à l’inventaire supplémentaire le site Reille, malgré le dossier déposé par Exemplarité 14 avec participation de la Commission Reille en mars 2020, en cours d’instruction et jugé « très solide historiquement, très utile et bien conçu » par la DRAC d’Île-de-France8.

Photographie n°2 : Le couvent des franciscains, monument inscrit dans le 14e arrondissement

Photographie n°2 : Le couvent des franciscains, monument inscrit dans le 14e arrondissement

La temporalité tronquée de la dissociation entre reconnaissance et protection patrimoniales

13Parallèlement les institutions patrimoniales ont construit la valeur patrimoniale de ce type d’ensembles. Mais cette reconnaissance reste dissociée de la protection, paradoxe temporel typique de l’omnipatrimonialisation fragile. Dès 2009, In Situ, la revue des patrimoines du ministère de la Culture, publiait un inventaire sommaire des édifices néogothiques parisiens, comprenant la chapelle dédiée à Jeanne d’Arc du site Reille et ses verrières, visant à faire prendre conscience de la valeur de ce patrimoine du xixe siècle méconnu et en danger, militant pour la protection notamment des vitraux (Callias Bey, 2009).

14En 2013, la DRAC a labellisé « Patrimoine du xxe siècle » 75 édifices religieux d’Île-de-France construits entre 1905 (date de la loi de séparation des Églises et de l’État) jusqu’aux années 1990/2000 (Vignes-Dumas, 2013). La sélection, représentative des différents courants architecturaux du xxe siècle et de chaque religion du Livre mais privilégiant le « renouveau de l’après-guerre »9 (1950-1975), ne comprend certes pas le site Reille, érigé en majorité lors du « temps des bâtisseurs »10 (1905-1939) (Vignes-Dumas, 2013). Mais le label met en valeur, « outre les différentes familles d’édifices, la richesse décorative et plus particulièrement la diversité des créations des ateliers de verriers »11. Or l’expertise des habitants partisans de la patrimonialisation du couvent a attribué les vitraux de la Chapelle à la célèbre maison de verriers Champigneulle. La DRAC s’est aussi intéressée aux matériaux modernes, présents sur le site Reille : la chapelle a été précocement construite en ciment armé.

Un site révélateur des limites de l’intégration de la patrimonialisation à l’urbanisme

15En outre, l’entrée dans une « troisième temporalité du patrimoine, celle de son intégration dans un aménagement de la ville qui se veut global », et qui « contribue aussi à l’étendre : un aménagement “patrimonialisateur” » (Tomas, 2004) révèle ses limites. Avec plusieurs décennies de recul, ce diagnostic apparaît à la fois (trop) optimiste et quelque peu téléologique. Les relations entre « les temporalités du patrimoine et de l’aménagement urbain » (ibid.), question classique de la géographie du patrimoine, sont restées en partie conflictuelles, et l’intégration de la patrimonialisation à l’urbanisme en partie en trompe l’œil.

16« Aménager la ville par les abords » (Backouche, 2013) devient difficile dans les villes historiques fortement patrimonialisées. Comme 95 % du territoire parisien intra-muros, le site Reille se situe dans le périmètre des abords de plusieurs bâtiments protégés au titre des monuments historiques mais cette protection, régie par la loi de 1943 et modifiée par la loi CAP de juillet 2016, n’est pas suffisante. Lors du dépôt du premier permis de construire, l’ABF a émis trois avis au titre des abords de l’Hôpital de la Santé ou Sainte-Anne et de l’immeuble du 21 rue Gazan. Considérant que ces bâtiments protégés se situaient dans un rayon de 500 m hors champ de visibilité, il n’a apporté aucune observation au projet.

17Quant à l’intégration de la patrimonialisation aux documents locaux ou intercommunaux d’urbanisme, elle remet en cause le statut extra-temporel du patrimoine, de même que la décentralisation, dont elle découle, son statut extra-territorial. Les trajectoires patrimoniales sont ainsi soumises aux changements urbanistiques locaux, au temps moyen de la planification, voire au temps court ou moyen des projets métropolitains.

  • 12 Notamment pour la mise en œuvre remarquable du béton dans la réalisation des panneaux préfabriqués (...)
  • 13 Les conseils de quartier sont consultés pour le recensement du patrimoine.
  • 14 PLU(i) : plans locaux d’urbanisme (intercommunaux).

18La Chapelle Jeanne d’Arc avec ses vitraux12 fait partie des 5 000 premières protections de la Ville de Paris (PVP), mises en place de manière (plus ou moins) participative13 entre 2001 et 2006 (Poupeau, 2009), de même que l’espace vert de 4 400 m2. Cependant, l’intégration au document d’urbanisme ne parvient pas toujours à protéger le patrimoine, soumis à des évitements préalables, des réinterprétations et/ou des changements du plan local d’urbanisme (PLU). Le bâtiment central du site Reille figure désormais parmi les 8 000 PVP identifiées par le PLU en cours de révision. Mais cette reconnaissance ne le protège pas du nouveau projet des promoteurs. Les élus écologistes ont d’ailleurs déposé en mars 2022 au Conseil de Paris un vœu relatif au respect des PVP et des avis de la Commission du Vieux Paris. À l’échelle nationale, un premier bilan des PLU(i)14 patrimoniaux confirme « de grands écarts dans les degrés de contraintes et de protection » (Gigot et al., 2023), symptôme de la fragilité de l’omnipatrimonialisation.

Un patrimoine récent et quotidien confronté à une double contrainte temporelle

19Patrimoine quotidien en partie reconnu mais guère protégé, le site Reille doit relever « un double défi, en apparence contradictoire » (Gravari-Barbas, 2005). D’une part, comme tous les éléments patrimoniaux, il fait partie « des héritages qu’un groupe humain cherche à transmettre », à « mettre hors de la portée du temps, à exclure de la trajectoire de vie des objets courants » (ibid.). D’autre part, sa survie « dépend pour beaucoup de son intégration dans la société actuelle » (ibid.). Cette double contrainte temporelle est inhérente à l’omnipatrimonialisation fragile, porteuse d’une redéfinition du processus patrimonial. Dans une logique du totum, ce dernier ne peut plus être défini (seulement) par l’extra-temporalité (et l’extra-territorialité) qu’il confère aux objets, mais comme processus à la fois de sélection-conservation-transmission et de réactualisation-réinsertion dans le cours ordinaire de la vie sociale des objets. Le nouveau régime de patrimonialité reconfigure les relations entre patrimonialisation et réemploi, deux processus où se joue le rapport social au déchet. Pour pallier sa fragilité structurelle, le meilleur moyen de protection ne réside plus (seulement) dans un « dispositif géo-légal » (Garcier, 2009), « agencement de normes juridiques destiné à répondre à une problématique géographique » (Garcier, 2014), mais dans la capacité à attribuer dans la société actuelle une fonction à l’objet patrimonialisé porteur d’une symbolique, le sémiophore (Pomian, 1997), à habiter le patrimoine (Gravari-Barbas, 2005). La démultiplication et la territorialisation de la patrimonialisation impliquent son association croissante à l’attribution de nouveaux usages. La négociation de cette double contrainte temporelle peut donner lieu à différentes interprétations suivant différents régimes d’authenticité : qui habite le patrimoine et pour quoi ?

Une brèche du temps élargie par un processus de patrimonialisation multiforme : un temps d’attente fructueux

« Au cœur du 14e arrondissement, l’ancien couvent de l’impasse Reille – sa chapelle, son cloître et ses jardins – sont un “temps suspendu” dans le tissu métropolitain. »15

Les heurts entre les temporalités du projet métropolitain et de la mobilisation patrimoniale prolongent le temps de veille du site

20La mobilisation patrimoniale parvient à prendre de court (au sens temporel comme stratégique) le projet des promoteurs grâce à ses nombreuses et diverses actions qui interfèrent avec les temporalités quotidiennes ou politiques. La pétition « Paris 14e - Ne laissons pas bétonner le jardin des Franciscaines ! » lancée à l’automne 2019 a dépassé les 6 000 signatures16. Plusieurs tractages ont été organisés sur les marchés hebdomadaires à proximité. Un site internet17 et une liste de diffusion ont été créés et sont utilisés de façon très régulière. Des réunions en visioconférence ont lieu souvent une fois par semaine. Des vidéos sont publiées sur Internet.

Figure n° 1 : Tract en faveur de la patrimonialisation du site Reille

Figure n° 1 : Tract en faveur de la patrimonialisation du site Reille

Source : Commission Reille, mai 2024.

21Les riverains mobilisés ont aussi joué de la coïncidence entre les temporalités des échéances électorales et du projet urbanistique pour le retarder, interrogeant les candidats aux municipales de 2020 sur leur position au sujet du site.

22La Commission Reille a ainsi obtenu en octobre 2020 le rejet du premier permis de construire déposé en octobre 2019 qui prévoyait de créer 8 960 m2 de logements et la réduction de la superficie à construire à 7 630 m2 dans le deuxième permis de construire déposé en août 2021.

La prolongation du réemploi temporaire de la friche : un temps d’expérimentation et de patrimonialisation par appropriation éphémère

  • 18 Source : entretien de juin 2021.

23Mis à disposition par le promoteur, le site Reille se trouve depuis janvier 2021 occupé, avec l’accord de la mairie d’arrondissement, dans un contexte parisien très favorable à l’urbanisme temporaire (Douay, Prévot, 2016), par une coopérative d’immobilier solidaire et d’urbanisme transitoire qui loue des locaux d’activité à des prix inférieurs au marché et se présente « engagée en faveur du réemploi », soucieuse de « concrétiser le droit à la ville »18. Initialement prévue jusqu’en juin 2022, l’occupation temporaire qui accueille un centre d’hébergement d’urgence, une colocation solidaire pour étudiants, jeunes actifs et réfugiés et, suivant les périodes, entre une quarantaine et une cinquantaine d’associations ou d’entreprises issues de l’économie sociale et solidaire, a été prolongée jusqu’à la fin de l’année  2022 puis à la fin du mois d’août 2024. Des manifestations sont organisées par des artistes, dont un collectif de résidents, et par les institutions parisiennes (notamment la fête des Jardins). La chapelle Reille est répertoriée pour l’événementiel culturel et accueille à l’hiver 2024 un tournage de film.

Photographie n°3 : La bagagerie pour les sans-abris lors de l’occupation temporaire du site Reille (juin 2021)

Photographie n°3 : La bagagerie pour les sans-abris lors de l’occupation temporaire du site Reille (juin 2021)

24Cette occupation temporaire – qui relève de deux des quatre formes d’urbanisme temporaire identifiées par B. Pradel (2015, cité par Douay et Prévost, 2016), l’urbanisme tactique et l’urbanisme événementiel – s’accompagne d’une vie communautaire, notamment dans le réfectoire collectif situé dans la partie conventuelle la plus récente et sur 3 500 m² d’espaces extérieurs. Ce réemploi respecte la typologie des espaces, se contentant de cloisonner les cages d’escalier pour éviter le risque d’incendie et de mettre aux normes l’électricité et l’accès à internet.

Photographie n° 4 : Le réfectoire collectif du couvent Reille durant l’occupation temporaire (juin 2021)

Photographie n° 4 : Le réfectoire collectif du couvent Reille durant l’occupation temporaire (juin 2021)
  • 19 Source : entretien de juin 2021. 
  • 20 Source : observation participante à la journée des Sœurs organisée sur le site Reille en juin 2021.

25Le cas du site Reille semble sur ce point rejoindre les conclusions de J. Pinard (2023) quant aux effets ambigus de l’urbanisme transitoire, à la fois « outil de patrimonialisation et de mise en scène en amont du projet urbain ». La coopérative est consciente de participer « peut-être aussi à faire patrimoine des objets délaissés, y compris très décriés » et considère que le site Reille « est déjà patrimonial »19. De nombreux jeunes en réinsertion ou bénéficiaires des aides sociales sont attachés à l’architecture et au cadre de vie20. Au début du mois d’avril 2022, mille personnes ont profité des portes ouvertes pour visiter le site.

Une mobilisation patrimoniale qui profite de la révision du PLU parisien pour retarder et modifier le projet entrepreneurial

  • 21 Commission Reille, séance plénière du 24 janvier 2024.

26La mobilisation patrimoniale profite également du temps de veille du projet urbanistique ouvert par la révision du PLU. Initialement, les temporalités du projet urbanistique et de la planification étaient décalées, mais la Commission Reille a obtenu de la mairie au début du mois de juillet 2022, au nom d’une possible contradiction, un sursis à statuer jusqu’à la phase finale de révision. Le projet de PLU bioclimatique a été adopté par le Conseil de Paris le 5 juin 2023. Mais il a été localement modifié pour réaliser un projet immobilier sur le site Reille, tandis que les deux promoteurs déposaient une troisième demande de permis de construire. Les habitants mobilisés investissent l’enquête publique du 8 janvier au 29 février 2024 pour dénoncer l’absence de cohérence entre les principes de préservation du patrimoine bâti et naturel énoncés au PLU et sa modification « qui introduit et autorise l’opération immobilière dans le site »21, dans l’attente du rapport du commissaire-enquêteur et d’éventuelles modifications avant l’approbation finale, prévue avant la fin 2024.

Un site révélateur de la diversification des processus de patrimonialisation et de leur enchevêtrement temporel

27Parallèlement à la révision du document de planification se déploient divers processus de patrimonialisation du site Reille, irréductibles aux procédures institutionnelles et dotés chacun de leurs temporalités propres.

Un processus de patrimonialisation par appropriation réactive ou processus de patrimonialisation par mobilisation

  • 22 Source : entretien de juin 2021.

28Le site Reille, considéré par de nombreux riverains comme « un havre de paix », « une oasis » dans le quartier et la métropole, fait l’objet d’une patrimonialisation par appropriation réactive au projet des promoteurs. Des habitants du quartier de classes (moyennes) supérieures, retraités, actifs ou étudiants sont attachés au complexe architectural, aux espaces verts, à la chapelle et à la vocation sociale portée initialement par les sœurs22.

  • 23 Source : observation participante à une visioconférence, janvier 2024.

29Le temps de la mobilisation patrimoniale nécessite d’être resitué dans le temps plus long de l’appropriation habitante du quartier et de l’activité du conseil de quartier. Ce dernier dispose de sa publication mensuelle, dotée d’une rubrique artistique à même de documenter sa valeur patrimoniale et qui a initié des projets participatifs notamment culturels et environnementaux. D’autres conseils de quartier du 14e arrondissement ont rejoint la mobilisation23. Les anciennes luttes urbaines et les mobilisations post-soixante-huitardes servent par ailleurs de champ d’expérience à certains acteurs de la mobilisation, dont certains ont par exemple participé à la création de l’université de Vincennes.

Un processus de patrimonialisation par expertise interne

30Cette patrimonialisation par appropriation menée dans un quartier où résident, à immédiate proximité de la Cité internationale universitaire, de nombreux étudiants, enseignants et universitaires, se double rapidement d’une patrimonialisation par expertise interne de niveau professionnel. Entre décembre 2019 et février 2020, une formatrice à l’histoire des arts et une urbaniste retraitées documentent la valeur patrimoniale du site sur la base d’un travail d’archives. Elles produisent trois mémoires dont l’un forme le dossier préliminaire à la demande de protection à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. La Commission Reille a en outre commandé à une association d’arboristes une étude d’impact du projet immobilier sur l’espace vert protégé, transition vers une patrimonialisation par expertise externe.

Une patrimonialisation par expertise externe

  • 24 « Récemment, elle a ainsi pris clairement position contre le projet d’extension de Roland Garros au (...)
  • 25 Qui a suscité des « rumeurs persistantes sur une éventuelle reprise en main de cette instance par l (...)
  • 26 Actuelle Société Française des Urbanistes (SFU).
  • 27 Cf. la patrimonialisation croissante de cités-jardins ou la patrimonialisation par l’Unesco des cit (...)

31En parallèle, la Commission du Vieux Paris, connue depuis sa création pour « une solide réputation d’indépendance et de franc-parler qui ne facilite pas toujours les relations avec la ville »24 développe son expertise. Dès juin 2016, elle a pris une position défavorable aux surélévations de bâtiments systématiques, soulignant que « la plus grande prudence s’impose face à ce mouvement » principalement dû à « la motivation spéculative ». La Commission a émis deux vœux en faveur de la conservation du bâtiment d’E. Hénard en janvier 2020, avant le changement de sa composition par la Mairie de Paris25, et en mai 2022. Cette prise de position s’inscrit dans la revalorisation historiographique de l’œuvre de cet architecte de la ville de Paris, qui a élaboré le concept de perspective monumentale et inventé le rond-point, membre fondateur de la Société française des Architectes-Urbanistes26 (Lemas, 2008, 2013), soucieux du patrimoine urbain (Feriel, 2013). Elle participe également d’une tendance internationale à la patrimonialisation des débuts de l’urbanisme27.

32En avril 2023, la Commission du Vieux Paris a enregistré « avec satisfaction les évolutions » du nouveau projet d’aménagement, notamment la conservation du bâtiment Hénard, mais « formule des réserves sur l’aspect du front bâti côté impasse Reille, qui lui semble encore trop massif »28. Les avis de la commission, créée dès la fin du xixe siècle, restent toutefois incitatifs.

Un site révélateur de la coexistence interactive de plusieurs régimes de patrimonialisation et de plusieurs régimes d’historicité

L’omnipatrimonialisation fragile : un régime de patrimonialisation ou une coexistence de processus et de régimes de patrimonialisation diversifiés ?

33L’omnipatrimonialisation fragile apparaît moins comme un symptôme d’un emballement patrimonial que de l’inadéquation entre une notion de patrimoine élargie à une logique du totum et des régulations patrimoniales adaptées à une logique de l’unicum, qui patrimonialise les monuments exceptionnels, ou au mieux du typicum, qui patrimonialise les bâtiments ou ensembles typiques (Heinich, 2009). Liée au régime d’historicité présentiste, en ce qu’elle n’interfère plus avec un seul grand récit moderniste, notamment celui de la construction nationale, la patrimonialisation contemporaine révèle parfois un régime d’historicité « polyfuturiste », néologisme proposé pour désigner la coexistence de plusieurs conceptions de l’horizon d’attente et de son articulation au champ d’expérience (Koselleck, 1997).

Un site révélateur d’un certain éclatement de la chaîne patrimoniale au profit d’interférences entre différents processus de patrimonialisation

34La complexité constatée à propos du site Reille dans les processus et procédures de patrimonialisation révèle une tendance à un éclatement de la chaîne patrimoniale. Sur le front pionnier de l’omnipatrimonialisation fragile, la patrimonialisation d’un site se construit moins dans ses cinq étapes (Fabre, 2013 ; Davallon, 2014) que dans une complexe interférence de processus de patrimonialisation différents. La dichotomie proposée par M. Rautenberg (2003) entre la patrimonialisation par désignation et la patrimonialisation par appropriation – au sens ethnologique de transmission orale de savoir-faire, traditions et usages sociaux d’une communauté locale plus ou moins traditionnelle – opposait deux modèles temporels de transmission : un temps institutionnel orienté discontinuiste, inauguré par la « rupture patrimoniale » (ibid.), et un temps cyclique et continuiste au sein des « milieux de mémoire » (Nora, 1984). Plus de vingt ans après, en contexte métropolitain, cette typologie binaire ne semble plus suffisante à cerner les contours fluctuants et incertains de l’omnipatrimonialisation. Dans le cas du site Reille, la patrimonialisation par appropriation riveraine converge avec une patrimonialisation par appropriation temporaire, alimente une patrimonialisation par expertise également nourrie par les institutions patrimoniales, et milite à la fois pour une effective fabrique urbanistique du patrimoine et pour une patrimonialisation par les institutions patrimoniales.

Un site entre un scénario de dépatrimonialisation et un scénario de matrimonialisation et de jardin planétaire

35Le site Reille se montre aussi représentatif de la coexistence et/ou concurrence au sein de l’omnipatrimonialisation fragile de plusieurs tendances patrimoniales. Si les promoteurs y portent un scénario de dépatrimonialisation, visant à détruire ou dénaturer le site, les riverains mobilisés défendent un scénario de « matrimonialisation », désignant au sens large « un patrimoine territorialisé, « organiquement intégré dans la vie » des habitants, qui conserve sa valeur d’existence » mais a « aussi une valeur d’usage », et de « jardin planétaire », dans lequel « le patrimoine devient un souci intégrant les grands défis environnementaux » (Atelier de réflexion prospective (ARP), 2014).

36Si le scénario d’« hyperspectacularisation patrimoniale » (ibid.) est exclu pour un patrimoine ordinaire situé en périphérie de la commune centrale de la métropole et en dehors du Central Tourist District, le risque d’une fabrique entrepreneuriale du patrimoine (Djament, 2020) commence à poindre. En effet, le troisième permis de construire déposé projette pour « le Nouveau Village Reille » de réhabiliter le couvent. Dans sa partie la plus ancienne, le promoteur prévoit d’aménager un foyer pour relocaliser l’association d’aide à l’enfance déjà présente dans l’impasse, l’extension accueillant des logements sociaux. Mais l’enjeu consiste surtout à construire 119 logements locatifs, libres, intermédiaires, ou en accession autour du couvent et d’un jardin commun. Le programme des deux nouvelles résidences à l’esthétique contemporaine prévues en bordure de l’impasse Reille a été revu en 2022 et propose de nouveaux espaces communs en rez-de-chaussée.

37Cette évolution du projet peut être interprétée comme une réorientation vers une fabrique entrepreneuriale du patrimoine dans laquelle les promoteurs recherchent dans la monumentalité et l’ancienneté du site un « cachet » renchérissant la plus-value immobilière (Rautenberg, 2012). En effet, la friche religieuse située à proximité du parc Montsouris, secteur du 14e arrondissement soumis au front de gentrification (Clerval, 2010), constitue une opportunité foncière pour les promoteurs, qui développent au départ une conception minimaliste du patrimoine soumise à la temporalité spéculative de la ville financiarisée (Halbert, Le Goix, 2012). Les habitants mobilisés dénoncent des concessions largement en trompe l’œil. La contre-expertise de la commission Reille fondée sur le travail de professionnels démontre la densification et la dénaturation en fait prévues du site : la création estimée de 6 500 m2 de surface de plancher doublerait le bâti existant, et même le triplerait, voire quadruplerait en haut de l’impasse ; la superficie de l’espace vert protégé serait réduite d’environ 40 %. L’analyse volumétrique du projet immobilier met de plus en évidence la verticalisation du bâti sur l’impasse Reille et sur la rue de la Sibelle.

Le projet de réemploi patrimonial alternatif pour le couvent ouvre des futurs inédits

  • 29 A. Boulet-Gercourt sous la dir. d’A. Mosca, Le village Reille - Couture urbaine dans un cœur d’îlot (...)

38Face au projet des promoteurs, des riverains ont proposé un projet de réemploi alternatif, respectueux du patrimoine et des habitants qui ouvre des futurs inédits, tandis qu’une étudiante en architecture a suggéré en 2019 dans son projet de fin d’études29 de réhabiliter la chapelle en salle de concert et le couvent en conservatoire de musique et de danse.

Un réemploi respectueux du p/matrimoine quotidien

  • 30 J. Baschet propose de distinguer le régime d’historicité, qui « désigne une manière particulière de (...)

39Le « havre de paix » du site Reille semble illustrer la thèse de l’historien J. Baschet (2018) selon laquelle la domination du présentisme n’est pas sans partage. Ce cas s’inscrit dans les régimes de temporalités30, voire les régimes d’historicité émergents qui résistent à « l’affirmation d’un présent sans présence » (p. 109), à « la tyrannie de l’immédiat, imposée par la machinerie médiatico-économique », et rouvrent un « futur-espérance » (p. 298). La patrimonialisation par appropriation habitante revendique « la force sensible du temps vécu » (p. 181), contribuant à son échelle à « défaire la domination du temps abstrait » (p. 181), « l’immédiatisme présentiste » (p. 184). Les temporalités à court ou moyen terme du projet d’urbanisme et de la gentrification métropolitaine, horizon d’attente des promoteurs, relèvent du présentisme analysé moins comme « règne d’un présent omniprésent » que comme prédominance du futur immédiat de l’anticipation économique et notamment financière (p. 96), comme avancée du front de marchandisation. Au contraire, les habitants mobilisés recherchent la résilience de la ville historique ordinaire (Halbert, 2010) face au défi de l’anthropocène. Ces habitants connectent à long terme le champ d’expérience d’un patrimoine quotidien à un horizon d’attente altermétropolitain. Leur projet de réemploi respectueux du patrimoine bâti, végétal et immatériel quotidien répond en effet aux trois critères de l’alternative métropolitaine définie comme l’ensemble des projets « qui cherchent à organiser un développement urbain s’éloignant des canons de l’entrepreneurialisme » par les sociologues V. Béal et M. Rousseau (2014).

  • 31 Source : Commission Reille, Proposition de tiers lieu pour la transition écologique. Mise en valeur (...)

40Le premier critère porte sur la conception des projets, non pas issue « de cénacles fermés contrôlés par de grands élus, experts et représentants du secteur privé », mais de « la société urbaine » (ibid.), même s’il ne s’agit pas ici de « ses composantes sociales ou ethniques les plus désavantagées ». Le conseil de quartier Dareau-Montsouris a émis le 24 mai 2022 un vœu pour la sauvegarde du couvent Reille préconisant de « rénover tous les bâtiments existants » et de « procéder à la mise en place d’un projet alternatif de réhabilitation du patrimoine ». Il propose de créer « un pôle culturel, économique et social au bénéfice de la vie du quartier et de Paris », l’ancien couvent accueillant des « activités d’un large rayon d’intérêts pour la formation, la recherche, la création et pour la résidence »31.

41Le deuxième critère caractérise des projets « qui ne font pas des mécanismes marchands leur principal vecteur d’organisation », mais cherchent à promouvoir « des formes de politiques urbaines plus justes d’un point de vue social et environnemental » (ibid.). La Commission Reille revendique non seulement la protection et l’extension de l’ensemble du bâti et de l’espace vert du Couvent Reille, mais défend les communs patrimoniaux (Cominelli et al., 2021). Certains de ses membres se réfèrent à la Société des communs, collectif qui promeut depuis mars 2021 « une alternative politique » fondée « sur la liberté de contribuer, d’accéder et de gouverner collectivement les biens communs essentiels à notre humanité dans une logique de justice sociale et écologique »32.

  • 33 Vœu relatif au devenir du site « Village Reille » du 11 décembre 2019.
  • 34 Le « musée de Louise la Blanche et de Louise la Rouge » (R. Doisneau), primé à l’échelle européenne (...)
  • 35 Source : entretien avec un membre de la Commission Reille, juin 2024.

42Le troisième critère consiste dans les destinataires des projets, « qui ne visent pas à reconstruire la ville pour les groupes sociaux les plus aisés ou la “classe visiteuse” (Eisinger, 2000), mais avant tout pour les couches populaires déjà présentes dans la ville » (Béal, Rousseau, 2014.). La défense du patrimoine « naturel » et « culturel » indissociable du patrimoine immatériel d’une vie de quartier conduit à proposer une acquisition municipale de l’ancien couvent. La mairie du 14e arrondissement a choisi de ne pas procéder à une préemption lors de la vente du site par les sœurs. Cette solution évoquée par le groupe écologiste33 et par plusieurs militants en entretiens avait été utilisée pour l’ancien Carmel de Saint-Denis, complexe conventuel des xviie et xviiie siècles menacé dans la seconde moitié des années 1950 de démolition partielle par un projet de spéculation immobilière transformé en 1981 par la municipalité communiste en musée d’art et d’histoire, devenu une expérience de référence34. Toutes proportions gardées, le réemploi des couvents par les services publics dans le centre historique de Bologne sous la municipalité communiste dans les années 1960-1970 (cf. article de L. Marolleau dans ce dossier) relève de la même logique et a lui aussi fait école. La Commission Reille considère le patrimoine des congrégations religieuses « propice aux fonctions collectives »35, et préconise le recours à l’économie circulaire. La mobilisation riveraine avait aussi évoqué la possibilité, inspirée de la route du vitrail développée par le département de l’Aube, d’un musée du vitrail dans la Chapelle Jeanne d’Arc, qui a été visitée par des représentants de la Fondation du Patrimoine et de la Commission diocésaine d’Art Sacré.

Plan n° 2 : La proposition alternative des habitants mobilisés pour le site Reille

Plan n° 2 : La proposition alternative des habitants mobilisés pour le site Reille

Source : Commission Reille, février 2024.

43L’inclusion du site, où la Commission Reille avait envisagé en mars 2021 un projet d’exposition, dans un itinéraire patrimonial, est aussi envisageable. Elle s’inscrirait dans la lignée du parcours culturel et touristique lancé par la commission culture du conseil de quartier Montsouris-Dareau avec les services de la mairie à la fin de l’année 2017, qui passe aujourd’hui à grande proximité avenue Reille (pour l’aqueduc romain et l’aqueduc Médicis), à l’hôpital Saint-Anne et au parc Montsouris.

Photographie n° 5 : L’aqueduc Médicis inclus dans un parcours patrimonial, à immédiate proximité du site Reille

Photographie n° 5 : L’aqueduc Médicis inclus dans un parcours patrimonial, à immédiate proximité du site Reille

44L’implantation de résidences étudiantes dans un jardin pourrait également s’inscrire en continuité avec la très proche cité internationale universitaire, à la fois habitée, mise en patrimoine et visitée.

Un réseau porteur d’un horizon d’attente altermétropolitain

45Le projet de « couvent de la transition écologique » et sociale porté par la Commission Reille a une portée plus que locale et micropolitique : les riverains mobilisés s’inscrivent dans des réseaux métropolitains.

46Au sein du 14e arrondissement, ils militent avec Sauvons la Rochefoucauld et l’association de la Villa Adrienne pour La Rochefoucauld qui défendent l’ancien hôpital voisin, qui comprend un patrimoine architectural néoclassique du xviiie et du début du xixe siècle, dont les façades sont inscrites à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques, et le patrimoine végétal et paysager du parc, également menacé par la spéculation immobilière.

  • 36 Source : CR de la réunion de la Commission Reille du 9 juillet 2022.

47Lors du débat participatif du 14arrondissement sur le PLU, le conseil de quartier Dareau-Montsouris a défendu le principe de la rénovation des bâtiments et d’une réhabilitation complète des sites patrimoniaux « lorsque celle-ci est plus favorable à des utilisations d’intérêt général et à une vision d’avenir que les opérations de destructions-constructions nouvelles »36. Trois cahiers d’acteurs (« Proposition pour le site du Couvent Reille », « Le traitement des sites patrimoniaux » et « Sanctuarisons les espaces verts protégés ») ont été déposés en novembre 2022 dans le cadre de la révision du PLU.

48Dès décembre 2019, la mobilisation pour le couvent Reille était relayée par une association nationale, France-Nature-Environnement. Sa branche parisienne a placé sur sa carte de 25 sites menacés « Halte au Monopoly urbain à Paris »37 le site Reille, associé à un nouveau quartier de grandes tours au sud-est. Elle considère cette opération immobilière de grande ampleur « emblématique d’une conception où l’existant, qu’il soit végétal ou bâti, n’est apprécié qu’en fonction d’objectifs de valorisation foncière »38. Sa mobilisation pour le site Reille s’inscrit dans la dénonciation globale de la tendance de la Ville de Paris à « déléguer voire […] abandonner à des acteurs privés (parmi lesquels un petit nombre de banques, promoteurs et investisseurs privés se partagent la commande publique) l’aménagement de morceaux de ville entiers »39. L’association de protection de l’environnement rejoint les mobilisations patrimoniales (« Nous voulons protéger l’harmonie du bâti parisien et sa diversité notamment les bâtiments du patrimoine industriel ou les ensembles modestes ») et défend un horizon d’attente altermétropolitain : « Nous voulons agir contre l’hyperdensification de Paris et la marchandisation de l’espace public »40, contre « la menace d’un urbanisme néolibéral »41. À l’occasion des élections municipales de 2020, à l’initiative de FNE-Paris, des associations parisiennes, dont celles qui agissent pour le site Reille, ont présenté « des propositions concrètes aux candidats pour mieux vivre à Paris et dans sa métropole », reprenant le slogan « Halte au Monopoly urbain à Paris »42.

49Deux associations de défense du patrimoine architectural et du cadre de vie relaient également la mobilisation du site Reille : SOS Paris depuis août 2019 et Paris historique depuis début 2022.

50Des liens et des analogies avec des cas comparables ne cessent de se développer, comme avec le couvent des visitandines du début du xixe siècle dans le 6e arrondissement – possédant un vaste jardin, dont 4 000 m2 d’espace vert protégé, des bâtiments historiques (un hôtel particulier édifié vers 1775, une chapelle au très beau dallage) et la dernière vacherie de Paris – menacé par une opération de densification à la suite du départ des sœurs.

51Enfin, la patrimonialisation par appropriation du site Reille s’inscrit dans un contexte international d’opposition à la surélévation du bâti et à la verticalisation des villes, par exemple à Londres (Appert, 2008). Le Mémorandum de Vienne de l’Unesco sur « Le patrimoine mondial et l’architecture contemporaine »43 (2005) promeut la notion de paysage urbain historique et précise : « L’architecture de qualité dans les quartiers historiques devrait accorder l’attention qui convient aux échelles données, notamment en ce qui concerne le volume et la hauteur des édifices. Il est important que les nouveaux aménagements minimisent les incidences directes sur les éléments historiques importants ». Ces conflits peuvent conduire à privilégier le scénario de la ville mondiale, dont l’attraction se fonde sur « son passé historique, […] son patrimoine, […] ou encore […] sa capacité à attirer des flux de touristes », plutôt que le scénario de la ville mondiale, axé sur l’insertion dans l’économie globale (Ghorra-Gobin, 2009). Cependant, certains ouvrent des horizons d’attente alternatifs à la diffusion des « motifs spatiaux du monde » (Lussault, 2013), et même à la conception présentiste de la métropole comme « ville d’exception », au profit de la « ville ordinaire » (Halbert, 2010). Des militants du site Reille participent ainsi aux mobilisations parisiennes contre la verticalisation métropolitaine (Appert et al., 2017), en particulier contre la tour Triangle.

Conclusion

52Le cas du site Reille met en évidence les paradoxes temporels de l’omnipatrimonialisation fragile. La diversification à la fois des sites patrimonialisables, de plus en plus récents, nombreux et quotidiens (au double sens notable : étymologiquement, l’adjectif a le sens temporel de « journalier », tandis que son sens courant d’« habituel » connote une déhiérarchisation) et des processus de patrimonialisation, de moins en moins réductibles à une ni même à plusieurs procédures institutionnelles, déborde la chaîne patrimoniale. Des processus de patrimonialisations hybrides, complexes, longs et incertains se multiplient. Dans le nouveau régime de patrimonialité, les nouveaux patrimoines ne sont en outre véritablement protégés que s’ils sont appropriés, si leur extra-temporalité s’accompagne paradoxalement d’une réinsertion dans le cours ordinaire du temps. Mais le réemploi, de plus en plus courant, soulève la question de quel patrimoine valoriser (le patrimoine foncier et/ou immobilier versus le patrimoine culturel, qui s’opposent largement sur le site Reille), selon quel régime d’authenticité, et surtout pour qui et pour quoi.

  • 44 Le couvent ayant été construit pour des sœurs, qui l’ont occupé et entretenu et lui ont légué un pa (...)
  • 45 Diverses formes de compromis sous l’égide de la municipalité sont aussi envisageables.
  • 46 23 janvier 2024 : https://fne-paris.fr/2024/01/23/enquete-plu-la-contribution-generale-de-fne-paris (...)
  • 47 Vocabulaire employé par la Commission Reille.
  • 48 Source : Commission Reille du conseil de quartier Montsouris-Dareau, Groupe de référents PLU des co (...)
  • 49 Source : Contribution individuelle sur la modification projetée au PLUb pour l’espace Reille de l’e (...)

53Au sein de ce régime coexistent en fait, « au-delà du consensus patrimonial » (Bondaz et al., 2012), plusieurs scénarios qui n’ont pas les mêmes fonctions sociales. Pour le site Reille, un scénario entrepreneurial de dépatrimonialisation partielle tendant à évoluer vers une fabrique entrepreneuriale du patrimoine coexiste avec des projets altermétropolitains de patrimonialisation par réemploi d’un bien commun, qui relèvent de la « matrimonialisation », ici entendue en un double sens féministe (Hertz, 2003 ; Evain, 2008)44 et élargi, et du « jardin planétaire », scénario dans lequel la patrimonialisation de la « nature » converge avec « l’environnementalisme citoyen » (Antolinos-Basso et al., 2020). Le conflit patrimonial fait naître et révèle des heurts et décalages de temporalités. Il nous invite ainsi à adopter « une conception de l’historicité » reconnaissant son « hétérochronie constitutive et rompant avec l’idée d’un Temps unifié et homogène » (Baschet, 2018, p. 300). Autour de l’uchronie (Deloche, 2010) que constitue le couvent Reille se joue la résilience patrimoniale de la ville ordinaire. L’avenir du site Reille reste aujourd’hui incertain, dans l’attente, entre autres, du vote définitif du nouveau PLU en décembre 2024. Un horizon d’attente spéculatif entre en conflit avec un horizon d’attente patrimonial, social, culturel et environnemental45 évoquant les réemplois « citoyens » de patrimoine industriel expérimentés dans la métropole (Djament, 2020). Cependant, ce cas pose la question cruciale des articulations des échelles spatiales et temporelles et montre d’ores et déjà que le régime de patrimonialité contemporain ne constitue pas seulement le symptôme d’un régime d’historicité présentiste, mais peut ouvrir des futurs inédits. La constitution à la mi-mai 2024 d’un Collectif Reille Nature et Patrimoine à l’échelle parisienne et le dépôt au PLU de Paris de contributions inter-conseils de quartiers, convergeant avec celles de la Commission Reille, de l’association Exemplarité 14 et de France Nature Environnement46 mobilisées sur le site, proposent une intégration de la patrimonialisation à l’urbanisme beaucoup plus effective que dans le PLU(i) patrimonial actuel, « en capacité d’identifier une variété importante de patrimoines », mais sans les protéger « pour autant systématiquement » (Gigot et al., 2023). Cette alternative globale à « l’urbanisme productiviste »47 passe par une forte réorientation en faveur de la réutilisation et de la réhabilitation de l’existant48 et de la dédensification de la ville. Le « changement de paradigme » évoqué à partir du cas du site Reille – « la réhabilitation deviendra la norme et la démolition l’exception »49 – va au-delà de la fonction de régulation urbaine des conflits patrimoniaux (Melé, 2005). Il vise à fonder la résilience urbaine sur les valeurs de contemporanéité, et notamment sur la valeur d’usage (Riegl, [1903] 2012 ; Issot, 2023) des communs patrimoniaux (Cominelli et al., 2021).

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Notes

1 Cet article est tiré de mon intervention du 22 juillet 2022 (« Le réemploi et/ou la patrimonialisation du couvent Reille (Paris, 14e arrondissement), observatoire des nouvelles temporalités du paradigme de « l’omnipatrimonialisation fragile ») à la session du colloque de l’UGI consacrée au temps des géographes « Quelles théorisations des temporalités pour la géographie du patrimoine dans le paradigme de “l’omnipatrimonialisation fragile” ? » que j’avais organisée.

2 « L’architecte Jean-Marc Huygen distingue “la réutilisation, qui consiste à se servir de l’objet dans son usage premier ; le réemploi, d’un objet ou de parties d’objet, pour un autre usage ; le recyclage, qui introduit les matières de l’objet dans un nouveau cycle » (2008). « Il s’agit donc d’une distinction de trois modalités selon le type de conservation de l’objet : la réutilisation conserve la fonction, le réemploi conserve la forme, le recyclage conserve la matière » (Bernardi, Dessales, 2017).

3 « L’épouse d’Eugène Hénard, Nicole Jeanne Colson, […] est […] la sœur de Léon Clément Colson, brillant inspecteur en chef des Ponts et Chaussées et vice-président du Conseil d’État, féru de l’industrialisation. […] Il se trouve que cette branche de dénomination Colson est originaire de Saint-Aubin, village de la Meuse situé à quelques encablures de Domrémy. […] Le site inscrit l’empreinte de l’évolution du christianisme social, du progressisme hygiéniste à l’affirmation missionnaire et matrimoniale de la Chapelle » (I. Madesclaire, Commission Reille, Histoire sociale autour du bâtiment d’Eugène Hénard, 6 juillet 2022).

4 Toutes les photographies sont de l’autrice.

5 Je remercie la Commission Reille pour l’autorisation de publication de ses documents.

6 L’Église Saint-Pierre de Montrouge inscrite en 1982 ; Notre-Dame du Travail, construite de 1899 à 1901 avec une structure métallique en style néo-roman, inscrite en 1976, classée en 2016 ; la chapelle Saint-Yves de la Cité du Souvenir, cité construite en béton armé revêtu d'un parement de briques de 1926 à 1930 pour les victimes de la grande guerre, dont le chœur a été classé en 1996 et dont les peintures et vitraux sont dus à un des fondateurs des Ateliers d’Art Sacré (source : Monumentum) ; le Couvent Saint-François.

7 Avec les façades et toitures du couvent, le vestibule d’entrée, l’escalier monumental et le cloître.

8 Source : questionnaire de février 2023.

9 Période qui a concentré le plus grand nombre de labellisations (46), marquée par la question des relations entre églises et grands ensembles (Vignes-Dumas, 2013, p. 96) dans la lignée de la campagne de labellisation de 40 ensembles de logements de la période 1945-1975 (Gaudard et al., 2010).

10 Qui a obtenu 22 labellisations (ibid., p. 70).

11 https://patrimoine-environnement.fr/wp-content/uploads/2013/04/communiqu%C3%A9-presse-label-xx-edifices-religieux-3.pdf

12 Notamment pour la mise en œuvre remarquable du béton dans la réalisation des panneaux préfabriqués et des décors moulés. Extrait du règlement du PLU de Paris, tome 2, annexe VI.

13 Les conseils de quartier sont consultés pour le recensement du patrimoine.

14 PLU(i) : plans locaux d’urbanisme (intercommunaux).

15 https://www.guillaumeramillien.fr/filter/projet/Paris-Village-Reille-I-62-logements-I-Paris-14e

16 https://www.change.org/p/paris-14%C3%A8me-ne-laissons-pas-b%C3%A9tonner-le-jardin-des-franciscaines

17 https://couventreille.com/

18 Source : entretien de juin 2021.

19 Source : entretien de juin 2021. 

20 Source : observation participante à la journée des Sœurs organisée sur le site Reille en juin 2021.

21 Commission Reille, séance plénière du 24 janvier 2024.

22 Source : entretien de juin 2021.

23 Source : observation participante à une visioconférence, janvier 2024.

24 « Récemment, elle a ainsi pris clairement position contre le projet d’extension de Roland Garros au détriment des serres d’Auteuil et contre l’opération immobilière du groupe LVMH sur le site de l’ancienne Samaritaine » (J.-N. Escudié, « Patrimoine - Commission du Vieux Paris : la tension retombe », 29 octobre 2014, Banque des territoires. En ligne : https://www.banquedesterritoires.fr/commission-du-vieux-paris-la-tension-retombe).

25 Qui a suscité des « rumeurs persistantes sur une éventuelle reprise en main de cette instance par la ville, mécontente de certains avis ou prises de position sur certains grands dossiers d’aménagement parisiens » (Ibid.).

26 Actuelle Société Française des Urbanistes (SFU).

27 Cf. la patrimonialisation croissante de cités-jardins ou la patrimonialisation par l’Unesco des cités du modernisme en périphérie de Berlin en 2008.

28 Cf. le rapport en page 76. En ligne : https://cdn.paris.fr/paris/2023/06/08/seance-du-12-avril-2023_compressed-DJ1n.pdf

29 A. Boulet-Gercourt sous la dir. d’A. Mosca, Le village Reille - Couture urbaine dans un cœur d’îlot parisien, ENSAPVS, 2019.

30 J. Baschet propose de distinguer le régime d’historicité, qui « désigne une manière particulière de concevoir le temps historique », « une manière d’inscrire le présent dans son rapport à l’expérience et à l’attente », du régime de temporalité qui « concerne l’échelle courte du temps déployé dans les rythmes du quotidien et de la vie vécue » (2018, p. 135).

31 Source : Commission Reille, Proposition de tiers lieu pour la transition écologique. Mise en valeur du couvent et jardin 7-11, impasse Reille, Paris 14e. Art et culture, nature en ville, solidarité, formation, novembre 2020.

32 https://societedescommuns.com/appel/

33 Vœu relatif au devenir du site « Village Reille » du 11 décembre 2019.

34 Le « musée de Louise la Blanche et de Louise la Rouge » (R. Doisneau), primé à l’échelle européenne en 1982, met en exposition des cellules du Carmel ayant accueilli la fille de Louis XV, un fonds sur la Commune de Paris et un fonds Éluard. Son modèle a été repris à Rouen. Il accueillait il y a dix ans autour de 30 000 visiteurs par an (Source : entretien avec la conservatrice, mars 2014).

35 Source : entretien avec un membre de la Commission Reille, juin 2024.

36 Source : CR de la réunion de la Commission Reille du 9 juillet 2022.

37 https://fne-paris.fr/wp-content/uploads/2020/02/Monopoly-Urbain_20200109-copie-2.pdf

38 https://fne-paris.fr/2019/12/07/1173/

39 https://fne-paris.fr/2020/02/10/halte-au-monopoly-urbain-a-paris/

40 https://fne-paris.fr/qui-nous-sommes/

41 Source : Cahier d’acteur FNE PARIS n° 3.

42 https://fne-paris.fr/wp-content/uploads/2020/01/Dossier-FNE-Paris-Le-Paris-que-nous-voulons-1.pdf

43 En ligne : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000140984_fre

44 Le couvent ayant été construit pour des sœurs, qui l’ont occupé et entretenu et lui ont légué un patrimoine immatériel d’œuvres sociales.

45 Diverses formes de compromis sous l’égide de la municipalité sont aussi envisageables.

46 23 janvier 2024 : https://fne-paris.fr/2024/01/23/enquete-plu-la-contribution-generale-de-fne-paris/

47 Vocabulaire employé par la Commission Reille.

48 Source : Commission Reille du conseil de quartier Montsouris-Dareau, Groupe de référents PLU des conseils de quartier de Paris, 14e révision du PLU de Paris Enquête publique 8 janvier - 29 février 2024, Le traitement au PLU des sites patrimoniaux suite au cahier d’acteur déposé en octobre 2022, 4 février 2024, p. 3.

49 Source : Contribution individuelle sur la modification projetée au PLUb pour l’espace Reille de l’espace vert protégé, pour accorder un permis de construire, 2024.

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Table des illustrations

Titre Photographie n° 1 : Le site Reille4
URL http://journals.openedition.org/temporalites/docannexe/image/12014/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 660k
Titre Plan n° 1 : État actuel du site Reille
Légende Source : Conseil de quartier Montsouris-Dareau Paris 14e Commission Reille5, Analyse volumétrique du projet (des promoteurs) 7-11, impasse Reille 75014 Paris, réalisée à partir des vues présentées dans le dossier de la Commission du Vieux Paris en séance du 13 avril 2023 du PLU voté au Conseil de Paris le 5 juin 2023 du projet présenté le 14 juin 2023 (3e demande de permis de construire déposée le 16 juin 2023), p. 2.
URL http://journals.openedition.org/temporalites/docannexe/image/12014/img-2.png
Fichier image/png, 517k
Titre Photographie n°2 : Le couvent des franciscains, monument inscrit dans le 14e arrondissement
URL http://journals.openedition.org/temporalites/docannexe/image/12014/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 1,4M
Titre Figure n° 1 : Tract en faveur de la patrimonialisation du site Reille
Crédits Source : Commission Reille, mai 2024.
URL http://journals.openedition.org/temporalites/docannexe/image/12014/img-4.png
Fichier image/png, 1,4M
Titre Photographie n°3 : La bagagerie pour les sans-abris lors de l’occupation temporaire du site Reille (juin 2021)
URL http://journals.openedition.org/temporalites/docannexe/image/12014/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 720k
Titre Photographie n° 4 : Le réfectoire collectif du couvent Reille durant l’occupation temporaire (juin 2021)
URL http://journals.openedition.org/temporalites/docannexe/image/12014/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 611k
Titre Plan n° 2 : La proposition alternative des habitants mobilisés pour le site Reille
Crédits Source : Commission Reille, février 2024.
URL http://journals.openedition.org/temporalites/docannexe/image/12014/img-7.png
Fichier image/png, 717k
Titre Photographie n° 5 : L’aqueduc Médicis inclus dans un parcours patrimonial, à immédiate proximité du site Reille
URL http://journals.openedition.org/temporalites/docannexe/image/12014/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 528k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Géraldine Djament, « Une possible ouverture patrimoniale de futurs inédits au-delà du présentisme »Temporalités [En ligne], 39 | 2024, mis en ligne le 14 octobre 2024, consulté le 24 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/temporalites/12014 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12hx7

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Auteur

Géraldine Djament

Faculté de géographie de l’université de Strasbourg UMR 7363 SAGE (Sociétés, Acteurs et Gouvernement en Europe)
Associée à l’EA 7337 EIREST (Équipe Interdisciplinaire de Recherches sur le Tourisme de l’université Paris 1)
djament@unistra.fr

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