1L’objet de l’approche proposée est d’identifier, à partir du paradigme d’accueil et des nécessités de gestion des spécificités du secteur touristique, les éventuelles modifications du « relationnel » entre acteurs de la transaction touristique et, partant, les changements de perception qualitative par le client ou l’usager.
- 1 Parmi les ouvrages qui abordent les aspects de spécificité de la prestation touristique, soulignons (...)
2Les caractères de spécificité de l’offre de prestations touristiques sont soulignés par de nombreux auteurs1. C’est ainsi que cette spécificité peut être identifiée à partir des composantes techniques d’un séjour, de la nature des systèmes de production de la « filière tourisme » ou des spécificités politiques et stratégiques mises en œuvre par les opérateurs qui interviennent sur le marché des prestations touristiques. Ainsi, une grande diversité d’entrées permet de mettre en évidence des caractères de spécificité des activités touristiques ; cette diversité conduit à poser la question des caractéristiques managériales et relationnelles liées à une telle spécificité de prestations et d’échanges.
3La Gestion interactive de l’offre (GIO), parfois qualifiée de management du revenu, de management du rendement ou de yield management, répond à une approche mercatique qui vise à maximiser le revenu de transaction, c’est-à-dire le produit de deux variables, « prix unitaire » multiplié par « quantités vendues ».
Au lieu de maximiser le taux d’occupation au risque de brader des places, ou de maximiser le chiffre d’affaires moyen par place au risque d’avoir un faible taux d’utilisation ou un faible développement de la quantité de places offertes, il s’agit de maximiser le revenu qui est le produit de ces deux indicateurs (Desmet, 1999).
- 2 Quelques ouvrages et articles traitent de GIO appliquée à l’univers du tourisme, dont : Daudel et V (...)
4Particulièrement mise en œuvre dans les univers de l’offre touristique2 — transports, hôtellerie, croisières, locations et prestations diverses de services touristiques —, la GIO est liée pour l’essentiel à la présence d’actifs d’exploitation fractionnés et soumis à réservation, par exemple : places d’avion, de ferry, de train, cabines de navires de croisières, chambres, location de véhicules.
5De telles pratiques se sont fortement développées au cours des dix dernières années, entraînant de multiples changements attitudinaux et comportementaux à toutes les étapes de la transaction client prestataire. Il est aujourd’hui intéressant d’analyser une telle évolution, particulièrement dans un contexte de marketing relationnel, en dépit des critiques formulées à l’égard d’un tel concept (Marion 2001). Chacun a pu constater une évolution rapide et profonde du mode de relations lié à la transaction et à la prestation touristique.
6La relation utilisateur-fournisseur de prestations touristiques semble relever de l’évolution suivante : le glissement d’un mode relationnel, traditionnellement fortement personnalisé et relativement distancié de l’aspect marchand, vers un mode relationnel moins personnalisé, de plus en plus objectivé et programmé, présentant une finalité nettement plus transactionnelle. Cette évolution touche autant le tourisme marchand que le tourisme non marchand, ce dernier relevant pourtant des pratiques d’action sociale (Froidure, 1997) et associative.
7La relation commerciale qui se développe entre les structures d’offre de prestations touristiques suit une évolution allant de formes de concurrences « dures » à des volontés de développer des stratégies plus relationnelles avec les concurrents, tout au moins certains d’entre eux. Des stratégies relationnelles faites d’alliances, d’accords et de partenariats divers conduisent à mettre en place des réseaux qui unissent tous les acteurs et les structures de la « filière tourisme » anciennement concurrents.
8Ces quelques constatations peuvent conduire à poser des questions de trois ordres :
-
- 3 Nous entendons par « industrie » un ensemble cohérent de systèmes productifs, de structures organis (...)
Dans quelle mesure l’évolution des caractéristiques relationnelles liées à une transaction est-elle une conséquence du développement soutenu d’un secteur d’activité, de son organisation en « industrie3 », le tourisme n’échappant pas à cette évolution ?
-
Est-ce que les modes de management des activités touristiques contribuent, dans le cadre d’une spécificité sectorielle donnée, à accentuer des évolutions importantes dans la nature du « relationnel » associé à la transaction et à la prestation ?
-
Ce changement relationnel peut-il être plus particulièrement noté dans le cadre d’une pratique managériale donnée, telle la gestion interactive de l’offre entendue comme moyen de maîtrise des marchés touristiques ?
9La réponse à la première question est relativement facile dans la mesure où nous nous situons dans le cadre d’une globalité sectorielle et dans des cadres relationnels et transactionnels qui caractérisent l’ensemble d’une industrie devenue la première activité planétaire. Il est incontestable que la transformation en quelques décennies d’une activité quasi confidentielle et élitiste en activité de dimension planétaire conduit immanquablement à des changements relationnels dans la dualité offre-demande, tant en ce qui concerne les protocoles d’information et de mise en marché que les pratiques relationnelles liées au déroulement de la prestation et des services « après prestation ». Le tourisme ne présente donc pas d’originalité quand on considère la globalité du changement relationnel induit par l’ampleur économique qui le caractérise actuellement.
10Répondre à la première question est donc relativement aisé et ne nécessite pas, à notre avis, de plus amples développements ; économistes, historiens et sociologues (Vellas, 1996) y ont largement répondu : le rapide et conséquent changement d’échelle économique du tourisme a entraîné des changements relationnels importants dans les rapports offre-demande. Cela est largement constaté en dépit du fait que l’offre touristique relève principalement d’exploitations de petite taille (un hôtel important de 300 chambres reste une structure d’exploitation de type PME) ; cette remarque est pour l’essentiel vérifiée dans la gestion opérationnelle d’un établissement hôtelier appartenant à une chaîne dite « intégrée ». Ainsi, l’évolution relationnelle constatée s’inscrit dans une composante d’évolution liée au contexte de changement d’échelle du phénomène tourisme.
11Répondre aux deux autres questions semble nettement plus pressant pour le gestionnaire dans la mesure où elles s’inscrivent dans le cadre d’une spécificité sectorielle marquée et prennent en compte des approches stratégiques fondées sur des procédures de gestion originales. Nous allons nous efforcer de développer ces deux aspects de la problématique de la manière suivante :
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nous commencerons par mettre en évidence les spécificités du système d’exploitation de l’offre touristique et les cadres managériaux et relationnels que ce système peut induire ;
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ensuite, nous aborderons les effets d’une stratégie donnée, la gestion interactive de l’offre (GIO), sur l’évolution du « relationnel client-offreur » et sur les « relationnels » développés entre les systèmes d’offre.
12L’objet de la mission de l’offre touristique est de réussir l’accueil d’une personne, ou d’un ensemble de personnes, hors de leur domicile habituel, à partir d’une chaîne de services plus ou moins complexe liée à une demande explicitée.
13L’objet de la transaction portant sur la prestation touristique comporte toujours une part importante d’accueil ; c’est probablement là que se situe le centre de gravité du « relationnel » offre-demande en matière de transaction et de prestation touristique. Il convient donc, dans le cadre de nos développements, de mettre en évidence le contenu, les expressions et la dynamique de cette fonction primordiale assurée par la chaîne de valeur touristique (figure1).
Figure 1 : Les quatre composantes de la mission d’accueil
Source : Balfet (2001)
14Il est difficile d’assurer efficacement la fonction accueil, car son succès exige une certaine participation du prestataire, mais également du client ou de l’utilisateur. À cette difficulté s’ajoute la particularité que l’accueil touche en premier lieu la ou les personnes reçues, mais également, et de façon indirecte, les biens de cette ou de ces personnes. Dans un contexte d’accueil, le sentiment de confort et de sécurité ressenti par le client atténue l’angoisse liée au séjour hors du domicile habituel ; le résidant doit évoluer de l’état d’« hostes » vers celui d’« hospes » (Gourand, 1994). Cette mutation d’une condition d’étranger en statut de familier constitue toute l’alchimie d’un accueil réussi. Notons que l’exercice de cette fonction s’inscrit dans le temps et dans des espaces culturels et sociaux différents ; la brièveté des contacts, une courte durée de séjour, la langue, les décalages culturels et sociaux, peuvent parasiter le succès de la mission d’accueil.
15On peut aisément percevoir toute la richesse opérationnelle que contient le concept d’accueil simplement en se référant au cadre sémantique associé au verbe « accueillir ». En effet, ce verbe présente quatre nuances significatives :
16– recevoir personnellement,
17– admettre au sein d’un groupe,
18– offrir l’hospitalité pour un temps,
19– mobiliser des capacités techniques d’accueil.
20Il devient aisé de préciser, à partir de ces quatre composantes de l’action « accueillir », le contenu de la mission d’accueil associée à la chaîne de valeur touristique.
21L’idée de recevoir est associée principalement à celle de personnaliser un accueil ; cette personnalisation n’est pas limitée au seul individu engagé directement dans la transaction, elle peut parfois s’étendre à sa famille, voire à ses proches ; une arrivée ne peut être ressentie comme un phénomène banal ; elle ne doit jamais être perçue comme un hasard, particulièrement dans les cas d’arrivées sans réservation.
22Cette phase de réception débute avant la phase de délivrance de prestations de services (information-réservation) et se termine à la prise de congé et à son suivi. Il faut enfin souligner que les dernières images perçues marquent le souvenir du client ou de l’usager.
23Il s’agit essentiellement d’induire chez l’arrivant un processus d’identification qui le conduit à se considérer « comme chez lui ». Cette intégration au sein de la structure d’accueil doit bien évidemment être menée avec courtoisie et présence ; elle doit permettre de sécuriser l’arrivant dans son nouveau cadre.
24Précisons un cas limite de l’aspect « admission » : la suspension du service ou partie de la chaîne de fonctions en cas d’indisponibilité de prestations ou en cas de saturation du système d’offre. En de telles circonstances, il ne peut être acceptable que l’information soit quémandée par le client ; l’installation d’une telle frustration peut vite dégénérer et représenter un facteur de « contre-image » dont il sera difficile d’effacer les conséquences. Certains incidents récents en matière de transport aérien ou ferroviaire en sont les sévères illustrations.
25Le prestataire va offrir pour un temps donné, dans un contexte marchand ou non, des formes d’hospitalité. Cette offre doit porter sur des prestations proportionnées à la demande et aux besoins de l’arrivant et de ses proches. La variable temps n’est pas neutre dans la mesure où la durée du séjour joue un rôle essentiel : un séjour long favorise une perception plus complète de l’offre qu’un court séjour.
26La structure opérationnelle ayant en charge la fonction « accueil » doit pouvoir mobiliser les moyens propres à assurer les prestations offertes et demandées ; offrir sans pouvoir mobiliser relève probablement des tribunaux, mais livre surtout le spectacle d’une défaillance profonde du système organisationnel de la structure d’offre. Excès de réservations par rapport à l’offre disponible, suppression intempestive de service pour insuffisance du nombre de clients ou autres dysfonctionnements, entraînent toujours de graves conséquences : à très court terme sur le plan de la gestion du « relationnel » circonstancié, à moyen terme sur celui de la gestion d’image. Les cas de « surréservation » mal maîtrisée et les cas de prestations « commercialement annulées » sans raisons nettement affichées ne sont pas rares et entraînent des difficultés relationnelles que le personnel en contact avec la clientèle a de plus en plus de mal à maîtriser.
27La mobilisation des services nécessaires à l’accomplissement de la mission d’hospitalité nécessite deux démarches : identifier les prestations qu’il convient de mobiliser pour le service de la personne considérée et mettre en action les procédures nécessaires pour assurer les prestations requises. Le schéma suivant peut nous aider à situer toute la complexité du « relationnel accueil ».
28La mission d’accueil et ses quatre composantes opérationnelles sont caractérisées par deux aspects majeurs propres aux services : la forte personnalisation de la transaction et de la prestation à tous les stades opérationnels du déroulement de la procédure et la nature intangible des prestations ainsi offertes.
29La fonction accueil est soumise aujourd’hui à une importante évolution technologique, qui bouleverse les référentiels issus de la tradition d’accueil ; cette évolution correspond à une modification profonde des incidences des contraintes « espace » et « temps » sur l’information et la communication liées à la transaction touristique. Cette évolution est la conséquence de la conception et de la mise en œuvre de nouveaux systèmes technologiques appliqués au traitement des données d’information et de transaction. Cela est particulièrement vérifié dans l’univers de saisie de l’information, de son stockage, de son traitement et de sa transmission. C’est dans ce dernier domaine que les avancées ont été les plus marquantes.
30Toutes ces innovations ont conduit à une nouvelle configuration de l’univers du management et des procédures liées à l’accueil. Il ne nous appartient pas dans le cadre de la démarche présentée de proposer un état descriptif et analytique de ces nouvelles technologies ; toutefois, il convient d’identifier les axes d’innovation et de prospective.
31Le développement généralisé des nouvelles technologies de l’information modifie la réalité opérationnelle de la « fonction accueil » dans deux directions :
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une capacité de réponse et de gestion de l’accueil accrue pour l’opérateur, au détriment d’un « relationnel » empirique, souvent improvisé mais toujours très individualisé ;
-
une amélioration de l’accès du client ou des intermédiaires opérateurs à l’information liée à un projet touristique, à sa mise en œuvre : la construction d’une proximité par la mise en place d’espaces virtuels présentant toutefois de grandes différences d’accès (Internet, systèmes informatisés de réservation, réseaux globaux de distribution de services…).
32Les activités liées au tourisme relèvent principalement du monde des services. Ce caractère n’est pas toujours parfaitement évident dans la mesure où l’on assiste à la mise en place de chaînes de fonctions touristiques de plus en plus complexes présentant des ensembles produits-services qui répondent à la recherche d’une meilleure satisfaction du client et à l’obtention d’un gain de valeur ou d’image. Ainsi, tel voyagiste commercialise une gamme de linge et de vêtements de plage, une gamme de produits bronzants et des bagages de sport ; tel hôtel propose des produits d’épicerie fine et des objets « souvenirs ». Cette dualité service-produit soulève quelques difficultés sémantiques que la pratique professionnelle accentue en utilisant fréquemment le terme « produit touristique ».
33Nous ne reviendrons pas sur les théories du service ; de nombreux ouvrages ont abordé des développements essentiels portant sur le sujet (Eiglier et Langeard, 1987). Rappelons toutefois que l’univers de la prestation de services est fondé sur un contact étroit entre la clientèle (ou l’utilisateur) et le personnel de l’entreprise (ou de la structure prestataire). La perception des caractéristiques du service par le client « repose sur la capacité du personnel de l’entreprise à communiquer efficacement, à porter la stratégie marketing établie » (Zeitoun, 2002).
34L’ensemble des prestations offertes en tourisme constitue une chaîne de fonctions, le plus souvent organisée en réseau. Cette chaîne de fonctions associe, suivant un mode opérationnel prédéterminé, une série de services qui, par leur adéquation à la demande et leur cohérence interne, constituent l’essentiel de la valeur d’un tel ensemble. Aussi, mettons-nous en évidence toute la fragilité technique de la prestation touristique, prestation qui peut connaître de multiples perceptions compte tenu des circonstances d’élaboration des moyens techniques mis en œuvre et de la compétence du prestataire ; combien de clients ou d’usagers émettent des avis très divers quant aux prestations offertes par un opérateur touristique donné ?
35Les composantes de chaîne de fonctions touristiques sont ainsi marquées par une spécificité de « service ». Cette spécificité de service présente comme caractéristique première sa correspondance à une prestation personnalisée, tant du côté de l’offre que de la demande. Soulignons aussi une deuxième caractéristique : celle d’immatérialité, d’intangibilité de la prestation.
36Par ailleurs, des facteurs de spécificité générés par les activités et les environnements dédiés au tourisme viennent s’ajouter et se combiner aux aspects de service découlant de la fonction accueil.
37Les activités touristiques sont liées, avec des nuances diverses, à la saison, au cycle d’activité de la population d’une aire géographique donnée ; par ailleurs, le rôle fondamental de l’espace se traduit, pour de telles activités, par des concentrations d’actifs fractionnés sur les sites, par des propositions de prestations et d’activités liées à une localisation ou à une destination. L’ensemble de ces caractéristiques vient conditionner les modalités d’exploitation qui permettent la délivrance de prestations.
38Enfin, l’organisation de la prestation en chaîne de fonctions, le plus souvent résultat d’une organisation complexe en réseau, construite dans le temps et l’espace, contribue à accentuer la sensibilité de l’offre aux aspects évènementiels, accidentels et environnementaux (Balfet, 1998).
39Afin d’identifier les problématiques managériales liées aux spécificités de la transaction et de la prestation touristique, nous proposons une grille permettant d’identifier les principaux questionnements qui peuvent caractériser le management d’une telle offre (tableau 1).
Tableau 1 : Les cadres spécifiques du management de la prestation touristique et les problématiques induites
40Source : L’auteur
41En reprenant les éléments de nos développements précédents, nous pouvons décomposer les caractères de spécificité en deux sous-ensembles : celui qui relève de l’idée d’un service centré sur l’accueil et celui qui relève des caractéristiques d’environnement de la prestation touristique. En croisant les six éléments de spécificité, véritables cadres de management, nous pouvons identifier pour chacune des huit intersections les grands axes des problématiques à résoudre. Tous appellent des réponses et des conséquences qui présentent des implications relationnelles internes et externes de première importance.
42La mise en évidence de huit axes de questionnement, fonction des spécificités d’une offre touristique et des caractéristiques d’une mission d’accueil, conduit à des réponses qui, pour l’essentiel, correspondent à des réponses managériales fondées sur des systèmes d’information et des systèmes relationnels.
43Nous avons choisi de développer plus particulièrement les conséquences relationnelles liées aux pratiques managériales de gestion interactive de l’offre visant à maîtriser le caractère d’intangibilité de la prestation confronté à la fluctuation importante de la demande touristique.
44La construction d’une offre différenciée, assortie d’une tarification de même nature, peut être une réponse efficace apportée à la recherche de performance économique et à la maîtrise du marché par l’organisation offreuse. Nous nous attacherons à considérer ce type de réponse dans une dimension qui peut engendrer des changements relationnels importants dans la transaction et la prestation touristique ; ces développements constitueront la deuxième partie de notre démarche.
45Les développements proposés dans le cadre de cette première partie nous ont permis de souligner plusieurs aspects.
46Le caractère de personnalisation est prédominant dans un contexte de prestation d’accueil fondé sur une transaction exigeant une forte participation des acteurs et une chaîne de fonctions mobilisant des procédures de nature essentiellement relationnelles. Il est manifeste que de telles procédures doivent évoluer dans leurs formes et leurs contenus, être simplifiées, optimisées, normalisées dans la mesure où ces chaînes se renforcent et s’allongent dans l’espace et le temps ; leur complexité et leur spécificité poussent vers une telle évolution. On peut également souligner que le « relationnel » évolue dans le sens d’un certain effacement de la personnalisation, d’un certain « gommage » du paradigme d’accueil, par la mise en place et le développement de nouvelles technologies.
47L’identification des spécificités de l’activité touristique et les questionnements managériaux induits par une volonté de développement et de maîtrise du marché, permettent de pointer les réponses techniques et les « relationnels » à construire afin de gérer au mieux l’offre touristique, mais également d’évaluer les limites et les risques portés par la modification du « relationnel » lié à la transaction et à la prestation touristique.
48L’idée de gestion interactive de l’offre est associée à un objectif politique de maximisation du revenu global de l’organisation. Que cette dernière soit entreprise, association ou autre structure d’offre, les stratégies mises en place sont fondées sur une différenciation tarifaire associée à un contingentement de classes tarifaires issues d’un historique de la demande.
49Le concept n’est pas nouveau (Anderson, 1972) tant dans son application première au transport aérien que par ses applications ultérieures à l’hôtellerie, à la location de véhicules et à bon nombre de services liés aux activités touristiques, aux loisirs et aux spectacles.
50Des formalisations mises en place dans les années quatre-vingt-dix (Desmet et Zollinger, 1997 ; Dubois et Frendo, 1995) par des chercheurs français ont permis de situer la place de la GIO dans les sciences de gestion. Par ailleurs, de nouveaux champs de recherche et d’application liés au tourisme sont apparus, particulièrement portés par le développement des nouvelles technologies en matière de moyens de communication, de traitement et d’analyse de l’information (Lehu, 2000).
51Nous pouvons résumer, au tableau 2 et dans l’énumération qui suit, les spécificités techniques et les particularités d’exploitation qui font qu’une réponse en termes de gestion interactive de l’offre est possible et peut conduire à maximiser le revenu issu de la transaction touristique.
Tableau 2 : Spécificités techniques du cadre de prestation
52Source : L’auteur
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Fluctuations importantes d’activités (saisonnières, pointes hebdomadaires, événementiel) ;
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Part importante de réservation préalable à la consommation ;
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Importance de charges fixes de structure et de logistique ;
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Flexibilité et élasticité des fonctions « revenus ». L’ensemble des éléments rappelés ci-dessus font, des univers de production du tourisme, des domaines de prédilection des stratégies de gestion interactive de l’offre.
53Une politique de maximisation du revenu peut être tentée à partir de trois stratégies possibles.
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Soit définir un prix unitaire fixé au plus haut possible du marché ; une telle stratégie d’écrémage et de sélection par le prix présente deux types de risques : un risque de faible occupation des actifs et une activité portant sur une clientèle très ciblée, peu renouvelée.
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Soit rechercher la maximisation de l’occupation par un prix unitaire positionné bas sur le marché : cette stratégie évolue donc entre des pratiques d’appel et de volume présentant le risque d’un revenu moyen faible eu égard au marché avec des conséquences à moyen et à long terme sur les dynamiques de l’entreprise (investissement, rémunération du personnel, image).
-
Enfin, rechercher la maximisation du produit « prix - occupation » par la mise en place d’une GIO.
54Mettre en place une pratique de GIO requiert la mise en œuvre et la maîtrise de procédures et d’outils fondés sur des pratiques technologiques complexes :
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un système d’information portant sur l’historique de la demande et sa projection régulièrement actualisée cette démarche conduit à la construction d’algorithmes d’offres complexes ;
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un système de tarification différenciée associé à un contingentement des classes tarifaires construit à partir de l’historique de la demande et de prévisions externes ;
-
un système de réservation et de gestion des capacités permettant de mettre en œuvre l’imbrication des classes et de déterminer les seuils de disparition de l’offre.
55Quatre aspects de ces pratiques sont à souligner. Le contingentement des classes tarifaires est issu de l’historique de la demande et de son actualisation permanente ; le principe d’imbrication des classes tarifaires, posé comme postulat opérationnel, suppose que l’effectif offert en « haute contribution » intègre les effectifs éventuellement offerts en moyenne et basse contributions. Les nécessités d’un traitement en temps réel des réservations supposent que la priorité soit donnée aux classes apportant le plus de contribution au revenu, la fermeture de la location des classes basse et moyenne contributions doit être ajustée en fonction de la demande des clients « haute contribution ». Une procédure de solde des invendus est souvent organisée ; une stratégie de « sur location », en réponse aux défaillances des clients ayant réservé, mais ne s’étant pas présentés, doit être mise en place.
56Il est donc patent que l’ensemble des caractéristiques techniques d’un yield management appliqué aux prestations touristiques entraîne des conséquences importantes sur les modalités transactionnelles et relationnelles du marché, tant entre demande et offre qu’entre les différents acteurs de l’offre. Il convient à présent d’envisager l’effet de ces pratiques sur ces deux univers relationnels.
57Nous allons nous attacher à mettre en évidence les perceptions, les attitudes et les comportements que la mise en place de pratiques managériales liées à la gestion interactive de l’offre peut entraîner pour le client utilisateur de prestations touristiques.
58Cette altération est la conséquence de la substitution d’une approche objectivée du client à des approches empiriques traditionnellement fondées sur la relation personnelle. Ce type d’approche est conditionné par la mise en place de bases de données marketing et l’utilisation de méthodes issues des pratiques de data mining. Ces démarches conduisent à la définition de prestations et de cadres d’accueil globalement objectivés laissant peu de place à la négociation et au « relationnel » authentique, tant sur le plan des modalités de la transaction que de la prestation.
59Rappelons quelques éléments techniques caractéristiques de telles démarches. La nature des données nécessaires à la constitution d’une base de données « clientèle » peut être considérée par référence à trois types de renseignements utiles :
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les données de prospection (le prospect n’est pas encore un client) ;
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les données « client » (individuel, couple, famille, groupe…) et son comportement (variables RFM) ;
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les données « environnement clients » (systèmes d’information, systèmes de commercialisation, éléments de connaissance de la clientèle des concurrents…)
60L’évaluation des besoins en information « clientèle » doit également répondre aux critères de pertinence eu égard aux objectifs recherchés : est-ce que les renseignements apportent ou sont susceptibles d’apporter un supplément de connaissances ou une explication supplémentaire au comportement du prospect ou du consommateur ? Est-ce que les renseignements apportent ou sont susceptibles d’apporter un supplément de connaissances quant aux liens du prospect ou du consommateur avec son environnement (Micheaux, 1997) ?
61Ce type de dérive est le plus souvent engendré lorsque les stratégies en amont ne sont pas suffisamment pensées et structurées. La mise en place de procédures de GIO exige en effet d’assurer une certaine participation du personnel et un niveau de formation du personnel en contact avec la clientèle compatible avec les exigences de la procédure, mais également une modification de la culture d’entreprise dans une telle perspective d’action.
62La disparition ou, tout au moins, la relative atténuation des aspects de personnalisation, conséquence de l’aspect quasi mécanique des pratiques de GIO, peut engendrer, particulièrement dans les moments de tension ou d’incidents, une frustration qui peut dégénérer en souffrance pour l’usager et parfois en violences gratuites à l’encontre du personnel en contact avec la clientèle.
63Pour exemple, les conséquences d’une surréservation mal gérée et maîtrisée peuvent engendrer, malgré les compensations financières ou techniques proposées par l’offreur, une altération durable de la relation offreur-client. C’est dans le cadre de telles difficultés que les acteurs de l’offre s’efforcent de rétablir une personnalisation du traitement de l’incident dans le but d’en atténuer l’ampleur, les risques de contre-image et d’en faire des cas strictement individuels.
64Ce « subi transactionnel » peut prendre des formes plus atténuées ; toutefois, ces dernières n’en demeurent pas moins potentiellement dangereuses quant à la sérénité des transactions. Sans entrer dans des débats portant sur le cadre juridique des contrats, il convient de mettre en évidence les conséquences d’une pratique complémentaire de la gestion interactive de l’offre par les transporteurs aériens : le partage des « codes vol » ou « code sharing » (partage de codes). Par des accords liés à des alliances stratégiques, des compagnies se partagent la mise en œuvre de la prestation proposée ; ainsi, le passager ne connaît pas l’opérateur effectif de la prestation : la compagnie Aassure le vol en dépit du fait que des clients avaient acheté des billets auprès de la compagnie B ; ce phénomène se rencontre également dans les locations de chambres d’hôtels, les croisières, les prestations touristiques diverses.
65La mise en place d’une tarification différenciée étanche est fondée sur les caractéristiques personnelles du client, sur son statut économique et social, mais également sur les circonstances de consommation. C’est probablement sur ce plan que les risques relationnels autour de la transaction peuvent se révéler difficiles à maîtriser.
66La tarification différenciée mise en place peut présenter, par l’ampleur des différences tarifaires affichées, une force discriminatoire importante, aussi bien dans l’optique de celui qui paie le tarif plein que dans celle de l’acheteur qui a bénéficié du tarif le plus avantageux.
67La pratique du yield management requiert, pour être efficace, une prestation principale identique pour chacun, quel que soit le tarif appliqué ; cela signifie que les attributs de la prestation considérés comme essentiels et disjonctifs par le client sont maintenus à un niveau strictement identique, quel que soit le prix payé par ce dernier. En revanche, les attributs de nature compensatoire peuvent être modulés en fonction des clientèles. Cette règle quasi technique présente quelques inconvénients : les éléments secondaires du contenu des transactions, éléments marginaux de différenciation des prestations, deviennent objets de conflits potentiels ou, tout au moins, génèrent des risques de « contre-images ».
68Par exemple, certains des voyageurs des lignes intérieures françaises « abonnés » et « tarif normal » qui ont des sièges à l’avant de la cabine perçoivent plutôt mal le fait de monter à bord après les classes économiques, en dépit du fait qu’ils bénéficient d’un réel avantage, en termes de temps, quand vient le temps de descendre de l’appareil. À l’opposé, les voyageurs des classes dites à « faible contribution » perçoivent mal un différentiel de prestation cabine. Leur frustration est plus importante encore quand ils ne reçoivent pas de prestations à bord et qu’un rideau sépare les passagers lors des différentes phases de prestations. Cette pratique a quasiment disparu des vols intérieurs français, en particulier des vols d’Air France ; il n’en demeure pas moins que le potentiel de ressentiment peut apparaître à toute occasion, en dépit du fait que le transport de Avers B soit l’élément majeur de la transaction.
69Par ailleurs, le sentiment de frustration peut se révéler très fort quand chacun est en mesure de situer l’importance de la différenciation tarifaire pour une prestation identique. Comment expliquer à un client d’hôtel « trois étoiles » parisien qui paie la chambre simple, réservée dans la semaine précédant son séjour, 190 euros alors que son voisin la paye 114 euros pour l’avoir réservée un mois auparavant ? Comment techniquement justifier que le prix d’un vol Paris–New York (A - R), tarif classe économique, varie de 274 euros à 1842 euros (soit de 1 à 7) selon les dates de réservations et les modalités de la transaction ? Comment, enfin, expliquer au visiteur du palais Topkapi et des ensembles connexes qu’il devra acquitter à présent 40 euros en haute saison au lieu de l’ancien tarif fixé à l’année qui correspondait à une dizaine d’euros ?
70Les différentiels importants de tarification relevés conduisent rapidement à des échelonnements qu’il devient difficile, pour un consommateur non-spécialiste, de rapprocher de la valeur effective de la prestation. Pour exemple, la pratique de différentiels prix importants, hors ou avant saison, instaurée par les offreurs de prestations d’une station de tourisme donnée, devient un élément de repère du marché, particulièrement quand la communication publicitaire s’en empare ; combien de clauses restrictives sont mal ressenties compte tenu du caractère trop limitatif des conditions d’offre ?
71Quand le consommateur se risque à des comparaisons entre le prix des produits, des équivalences étonnantes de prestation peuvent être suggérées. Par exemple, un vol plein tarif (A - R) Paris–Toulouse coûte actuellement environ 411 euros (plein tarif) ; un vol Paris–New York (A - R) peut coûter, en classe économique, moins de 300 euros… La logique tarifaire semble difficile à saisir, tout au moins en première approche. En dépit des explications techniques envisageables, on ne peut que retenir le côté déroutant d’une telle échelle de valeurs et par là même douter de l’« honnêteté relationnelle » des transactions considérées.
72L’objectif de fidélisation des clients (Mathurin, 1999) conduit à mettre en place des stratégies et des outils de plus en plus sophistiqués qui viennent compléter très directement les procédures de gestion interactive de l’offre. D’un coût de mise en place élevé, ces pratiques s’inscrivent dans un prolongement à moyen terme des effets recherchés par de telles procédures. Leur objectif est de conforter les parts de marché contrôlées par l’opérateur, mais également de gagner de nouveaux clients grâce au caractère attractif des programmes de fidélisation, particulièrement en ce qui concerne les clientèles « haute contribution ». Ainsi, en contribuant à lisser les effets de la saisonnalité, les pratiques de fidélisation contribuent à optimiser le chiffre d’affaires.
73On assiste, particulièrement dans le transport aérien et dans l’hôtellerie de chaîne, à des pratiques de fidélisation différenciées qui contribuent à institutionnaliser un traitement sélectif du client avec toutes les conséquences comportementales qui vont en découler et, partant, générer des « relationnels » très différents en fonction du statut économique du client.
74La mise en place des stratégies de gestion interactive de l’offre et des procédures managériales connexes donnent à l’entreprise ou à l’organisation offreuse un outil puissant de valorisation de son activité ; toutefois, les effets de cette dynamique fortement marchande et de nature peu relationnelle conduisent la clientèle à ressentir un certain nombre de frustrations qui peuvent, dans certaines circonstances, générer de graves problèmes de communication entre clients et prestataires. Des conséquences plus dommageables sont également liées à la mise en place de telles procédures, comme l’altération profonde des repères de choix de la clientèle et le développement du sentiment que le choix du client dans la transaction, déjà faible au demeurant, ne s’inscrit plus que dans le cadre d’un strict contrat d’adhésion.
75La mise en place de stratégies de yield management et de leurs méthodes d’accompagnement, la mobilisation des moyens logistiques nécessaires liés à l’organisation en réseau, s’accompagnent le plus souvent de nouvelles constructions relationnelles entre offreurs. Globalement, il s’agit de passer de stratégies sous-tendues par des systèmes fortement concurrentiels à des stratégies nettement plus relationnelles.
76Deux axes forts caractérisent la nouvelle configuration relationnelle entre offreurs ; la constitution d’alliances de production et la mise en place d’alliances technologiques permettant de « mutualiser » l’information clientèle, les moyens de mise en marché et la réservation.
77Les stratégies d’alliances sont la traduction tangible du passage des stratégies de confrontation à des stratégies relationnelles. Elles touchent tous les domaines des prestations à finalité touristique : transport aérien, hôtellerie, stations touristiques, prestations diverses… ; elles ont également une finalité de complémentarité entre prestations de nature différentes (transport aérien — hôtellerie — location de véhicules). Elles facilitent et confortent un management interactif de l’offre dans la mesure où elles permettent un « continuum » de prestation dans l’espace autorisant, entre autres, le développement d’une pratique de fidélisation et le drainage de clients vers les pôles d’activité des membres de l’alliance.
78Dans le domaine aérien, les alliances de production sont caractérisées par les aspects opérationnels majeurs suivants : le partage des codes de vol (« code sharing »), l’enregistrement de « bout en bout », une logistique commune (partielle ou totale), la gestion des prestations fournies à bord, la continuité des pratiques de fidélisation, la mise en place de franchises et les accords de gammes de prestations.
79Ces accords sont nés de la volonté de proposer une offre commune aussi complète que possible par le partage, entre compagnies associées, du poids de la logistique à mettre en œuvre. Il s’agit donc pour l’essentiel d’accords visant à procéder à des transferts de sièges et d’activités entre les compagnies signataires de ce type de protocoles. C’est en fait une réponse aux difficultés techniques et économiques d’extension d’une couverture aérienne. Cet aspect demeure l’avantage majeur dans la mesure où chacun des signataires de la convention a la possibilité de proposer à ses clients un réseau quasi planétaire, limitant les changements de compagnies et permettant une continuité des programmes de fidélisation. Sur un plan plus technique, en particulier pour ce qui touche les pratiques de réservation, le partage des « codes vol » est l’illustration opérationnelle la plus apparente de tels accords.
80Quatre alliances de ce type ont pris déjà une certaine avance ; des recompositions verront le jour au cours des années 2004-2005.
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STAR ALLIANCE : Air Canada, Air New Zealand, Lufthansa, Scandinavian Air System, United Airlines, Varig, British Midland, Mexicana Airlines ;
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QUALIFLYER : Sabena, Austrian Airlines, Swissair ;
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ONEWORLD : American Airlines, British Airways, Canadian Airlines, Cathay Pacific, Quantas.
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SKYTEAM : Aeromexico, Air France, Alitalia, Czech Airlines (CSA), Delta Airlines, Korean Air. Cette alliance, annoncée à New York en juin 2000, regroupe aujourd’hui plus de 6 700 vols quotidiens, desservant près de 500 destinations et plus de 100 pays. L’alliance couvre 80 % des grandes destinations du trafic mondial. Le regroupement Air France–KLM annoncé au dernier trimestre 2003 donnera probablement plus de poids à Skyteam : Hub d’Amsterdam et réseau Asie de KLM.
81Toutefois, la nature et l’importance des objectifs liés à la construction des alliances sont variables ; si nous considérons l’implication de la compagnie Air France dans de tels accords, ces derniers varient fortement suivant les partenaires :
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Implication dans Skyteam : développement du nombre de destinations offertes par l’alliance, fréquences des vols, correspondances, privilèges « grand voyageur », structures matérielles d’accueil passager dans les aéroports, procédures d’enregistrement de « bout en bout », continuité des programmes de fidélisation.
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Implication dans des accords de franchise : accords avec Brit Air, Régional, Cityjet, CCM et British European.
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Implication dans des accords de partage de codes (autres que ceux mis en place dans le cadre de Skyteam) : accords de partage de codes signés avec 32 compagnies en date de septembre 2003.
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Implication dans des partenariats de gamme de services : partenariats avec ACCOR Hôtels, Le Méridien et Hertz.
82Il est donc patent que de telles alliances apportent quelques avantages aux usagers importants des lignes aériennes ; en revanche, elles constituent pour leurs membres des outils d’internationalisation du marché.
83Ces types d’alliances concernent tous les acteurs de l’offre touristique ; de telles alliances ont été développées dans les univers du transport aérien et de l’hôtellerie. Ces alliances deviennent fréquentes aujourd’hui dans l’univers des stations de tourisme connaissant des liens géographiques, historiques, culturels ou économiques. Tournées vers la recherche de l’information client, la communication client ou la communication institutionnelle, elles contribuent à l’étude du marché et à la mise en marché et elles assurent le plus souvent la fonction de réservation.
84Les progrès des nouvelles technologies, tant en ce qui concerne les matériels et les logiciels que les compétences des développeurs, ont permis de proposer des systèmes qui assurent la gestion de sommes considérables d’information à la fois quantitative et qualitative. Ces systèmes traitent l’historique des ventes et livrent également des analyses détaillées du passé commercial récent des structures d’offre de membres de l’alliance ; nous rejoignons par ces objectifs et ces techniques la pratique des « bases de données marketing » évoquées précédemment. Le travail d’analyse des bases de données et, par voie de conséquences de leur qualité, repose sur les modalités de construction et la maîtrise de son emploi par les utilisateurs. Dans le cadre d’une finalité de connaissance et d’action mercatique, la construction d’une base de données et sa maîtrise doivent répondre à un cahier des charges précis, élaboré dans des perspectives d’analyses présentes, mais également futures.
85Le coût de mise en œuvre de telles méthodes et de tels outils dépasse rapidement les compétences et les moyens d’une structure d’offre de prestations touristiques ; l’alliance devient rapidement la procédure de choix pour créer et gérer une structure qui mutualise l’information. C’est particulièrement le cas sur le plan des organisations hôtelières telles les chaînes volontaires et les chaînes intégrées pour lesquelles des systèmes d’étude du comportement des différents segments de clientèle ont été mis en place (cas des Property Management Systems —PMS).
86Les réseaux globaux de distribution de services ont été développés par les compagnies aériennes dans le cadre d’alliances technologiques ; ils sont la conséquence organisationnelle logique de la déréglementation aérienne (Claverie, 1997), de la concurrence planétaire et de la nécessité d’optimiser une offre de services. Ces systèmes doivent assurer avec un faible taux de défaillance les fonctions essentielles suivantes : gestion des disponibilités, gestion des réservations, billetterie, information clients, services et logistique interne, services divers.
87Systèmes initialement destinés aux compagnies aériennes ayant constitué le réseau, ces derniers ont été rapidement étendus à l’offre de services complémentaires : chaînes hôtelières, grands établissements de restauration, location de véhicules, transporteurs marins et terrestres, grands spectacles internationaux, attraits évènementiels de première importance…
88La réalité matérielle des RGDS peut être appréhendée par deux versants, soit par l’approche technique et technologique, soit par l’approche fonctionnelle. Un RGDS est un système dont les sous-ensembles techniques et technologiques peuvent ainsi être identifiés :
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un ensemble de stockage de l’information sous forme de bases de données concernant, entre autres, les états des disponibilités des services proposés, les tarifications correspondantes, différentes listes : vols, hôtels, services proposés, données techniques… cela constituant un ensemble informatique important et sécurisé ;
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des systèmes de traitement et de mise à jour en temps réel de l’information gérée ainsi qu’une gestion des affichages et des accès (échelles des priorités, interdictions…) ;
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un réseau de transmission international et multiservices auquel sont connectés des « terminaux dédiés » destinés aux promoteurs du réseau et aux utilisateurs opérant comme intermédiaires commerciaux.
89Un RGDS peut également être abordé par son versant fonctionnalité ; il est générateur d’information et donc d’actions qui ont pour premier objectif d’optimiser l’offre de services ; il permet également de drainer, à l’aide d’un système très centralisé, la demande internationale. Il facilite ainsi la commercialisation de services volatils, composites, concentrés géographiquement et relevant de nombreuses variantes tarifaires ; c’est donc un outil performant de gestion interactive des capacités et un outil précieux pour asseoir des politiques et des stratégies de yield management.
90Quatre grands réseaux globaux de distribution de services dominent actuellement le marché :
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AMADEUS —SYSTEM ONE : ce réseau est le résultat de la fusion du système AMADEUS mis en exploitation par Air France, Iberia et Lufthansa avec le système de Continental Airlines. Il compte environ 140 000 terminaux.
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GALILEO —APPOLO : ce réseau est né de la fusion du système APPOLO de United Airlines avec le système GALILEO exploité par British Airways, Swissair et KLM. On estime le nombre de terminaux à 110 000.
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SABRE —AA : ce réseau totalement contrôlé par American Airlines dispose de plus de 115 000 terminaux ; SABRE a constitué le premier réseau opérationnel de RGDS.
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WORLDSPAN : ce réseau créé par Delta Airlines, North West et TWA est connecté à 46 000 terminaux et a mis en place des liens forts avec le réseau d’Extrême-Orient ABACUS ; un accord existe également avec AMADEUS.
91Technologie émergente dans les années quatre-vingt-dix, technologie clé des années quatre-vingt-quinze, le RGDS a généré jusqu’à ce jour un avantage concurrentiel déterminant, probablement réduit en ce début de siècle par l’explosion de l’usage d’Internet. Néanmoins, il constitue toujours un outil qui offre une compétence distinctive, indispensable pour réussir dans l’activité touristique.
92Compte tenu des coûts et des compétences exigées, les compagnies aériennes et leurs partenaires ont mis en place ces stratégies d’alliances technologiques pour élaborer et concrétiser leurs projets de réseaux. Le fonctionnement de ces derniers est assuré par des structures externalisées, dotées d’organisations complexes et nécessitent des investissements importants portant sur les techniques les plus avancées. Ainsi, l’objectif de ces structures externalisées des compagnies aériennes est actuellement de constituer des centres de profits et non d’assurer la seule logistique de vente à destination des compagnies aériennes et de leurs partenaires.
93La performance et l’universalité de l’outil RGDS transforment les comportements ; il devient indispensable à tout utilisateur « intermédiaire commercial », agent de voyages, voyagiste, chaîne hôtelière ou loueur de véhicules. Le service commercialisé par RGDS, quel que soit le niveau d’accès accordé, met les utilisateurs intermédiaires dans une situation de dépendance opérationnelle et cette dépendance croît avec l’augmentation des performances du système. L’adhésion à un RGDS est donc devenue pour les intermédiaires commerciaux n outil incontournable, une condition de survie.
94La dynamique du marché touristique impose par ses caractères de spécificité des réponses managériales qui tendent à mettre à mal le paradigme d’un accueil fortement personnalisé, fondement de la tradition et de la culture touristique. Toute la question est d’évaluer la validité d’un tel paradigme en ce début de siècle ; il semble que le consommateur des composantes de la prestation touristique fasse des arbitrages et reconsidère, selon ses moyens, ses goûts ou ses objectifs, la hiérarchie relationnelle des composantes de la chaîne de valeur touristique.
95C’est ainsi qu’on peut noter le développement progressif d’une offre de prestations de transport dépouillée d’une grande partie de la composante relationnelle (exemples : compagnies aériennes dites « low cost », services d’autocars économiques inter-européens, réapparition des classes de voyageurs…), des prestations d’hébergement simplifiées et réduites en centre ou en périphérie des villes, l’utilisation d’automates et de techniques de distribution automatiques appliqués à l’hébergement…
96Le « relationnel » de transaction et de prestation est intimement mêlé en tourisme ; toute la question est de savoir à quel niveau l’aspect relationnel peut s’effacer sans risquer de transformer une prestation à forte valeur ajoutée humaine en une prestation pour laquelle l’engagement du client n’aura pour seul but de lui permettre de s’auto-délivrer une composante de la prestation touristique.