- 1 En considérant une population de 53 millions d’Internautes en 2018. Source : Médiamétrie, l’année I (...)
1Avec une population internaute d’environ 13,8 millions d’individus, les 8-24 ans représentent 21 % de la population française, et 26 % de la population internaute1. Importants par le nombre, ces 8-24 ans le sont d’autant plus par leurs pratiques culturelles en ligne, qui concourent, voire se substituent aux pratiques culturelles dites traditionnelles.
2L’analyse attentive des usages numériques de ces jeunes internautes, en particulier de ceux âgés de 8 à 14 ans, permet de mieux anticiper les évolutions à venir des pratiques culturelles de l’ensemble des Français. Plus largement, la compréhension des rapports des jeunes internautes aux biens culturels en ligne et à la création donne des clés de lecture nécessaires pour appréhender l’adaptation de l’industrie des contenus à de nouvelles attentes, pour de nouveaux publics.
3Les 8-14 ans vivent dans des foyers multi-équipés : compte tenu de leur âge, leurs parents sont jeunes – de 30 à 50 ans pour la majorité d’entre eux – et disposent de plus d’équipement que la moyenne des foyers français. Si les enfants de 8 à 14 ans ont un même niveau d’accès, au sein de leur foyer, que la moyenne des individus de 15 ans et plus en ordinateurs, en téléphones mobiles ou en téléviseurs, on note en revanche un sur-équipement significatif en tablettes (78 % des foyers équipés contre 25 % en moyenne pour les individus de 15 ans et plus) et en consoles de jeux, tant de salon (73 % contre 33 % en moyenne) qu’en consoles portables (59 % contre 20 %).
Figure 1 : taux d’équipement des foyers avec au moins un enfant âgé de 8 à 14 ans
Sources : Hadopi, les pratiques culturelles dématérialisées des 8-14 ans, 2018 / baromètre des usages, 2018 sauf * : INSEE, 2017 (taux d’équipement en magnétoscope ou lecteur DVD, ensemble des ménages dont la personne de référence a 16 ans ou plus.
4Le smartphone symbolise l’émancipation numérique des jeunes internautes de 8 à 14 ans. À la différence de l’ordinateur ou du téléviseur, équipement collectif, le smartphone est un équipement individuel.
5Alors que l’organisation de l’école tend à lisser la vie en un flux continu – en témoigne l’organisation de la scolarité par cycle, dont le cycle 3 (CM1-6e) à cheval entre école primaire et collège – il est possible d’envisager la possession du premier smartphone comme accompagnant le rite de passage de l’entrée au collège, symbole de transition de l’enfance à la pré-adolescence.
- 2 Arcep, Conseil général de l’économie et Agence du numérique, Baromètre du numérique 2018, 2019.
6Si 57 % des enfants de 8 à 14 ans se servent d’un smartphone, son usage progresse au fil des années : 32 % des enfants de 10 ans en utilisent un, ils sont 89 % à l’âge de 14 ans. Quant aux 18-24 ans, 98 % en possèdent personnellement un2.
7L’âge moyen de possession du smartphone est de 12,4 ans – l’âge moyen de son usage étant un peu plus faible (11,7 ans), les enfants pouvant se servir de celui de leurs parents. Son usage progresse à partir de 12 ans, au détriment des autres équipements : cette substitution touche en particulier la tablette qui peut, certes, être utilisée par les enfants de manière autonome, mais reste principalement un équipement du foyer partagé entre ses membres.
Figure 2 : usages des équipements audiovisuels par les enfants de 8 à 14 ans selon l’âge
Source : Hadopi, les pratiques culturelles dématérialisées des 8-14 ans, 2018.
8Les jeunes internautes ont des pratiques en ligne à la fois massives et relativement peu diversifiées, le visionnage de vidéos et la communication (usages des réseaux sociaux, principalement) en étant les deux piliers.
9Les pratiques culturelles dématérialisées sont de même très fortes, touchant tous les biens culturels : musique, livres, films, séries, etc., dont l’enjeu est de savoir s’il s’agit d’une complémentarité ou d’une substituabilité avec des pratiques physiques.
- 3 Baromètre du numérique 2018, op. cit.
10L’accès aux réseaux sociaux progresse avec l’âge de l’enfant : 32 % des 8 ans déclarent avoir eu accès à un réseau social ; ils sont 87 % dans cette situation à 14 ans. Au-delà de 15 ans, l’usage des réseaux sociaux devient totalement banalisé : on l’estime à 93 % pour les seuls 18-24 ans3.
11Le développement de ces pratiques suit de manière quasi parallèle la courbe d’équipement individuel en smartphone, avec un point d’inflexion à 11 ans : les réseaux sociaux permettant de développer la sociabilité de l’enfant, leur utilisation impose un équipement individuel, disponible en quasi permanence, que seul le smartphone autorise.
12En termes de diversité des réseaux exploités, on observe une véritable spécificité des usages des 8-14 ans. Si Facebook et YouTube sont les deux réseaux sociaux mondialement dominants, on note une prédominance de l’utilisation de Snapchat qui progresse au moment de l’adolescence : 61 % d’utilisateurs de Snapchat ont 14 ans contre 47 % pour YouTube, 46 % pour Facebook et 43 % pour Instagram.
13En revanche, les 15-24 ans semblent préférer YouTube et Facebook : le vieillissement de cette classe d’âge de 8-14 ans permettra de vérifier, dans quelques années, si Snapchat bénéficie d’un effet de génération (une classe d’âge – ou cohorte – se met à l’utiliser jeune et poursuit son utilisation au fil de sa vie) ou au contraire d’un effet d’âge (on l’utilise à 14 ans, mais moins à 18).
Figure 3 : inscription à des réseaux sociaux par les enfants de 8 à 14 ans selon l’âge
Source : Hadopi, les pratiques culturelles dématérialisées des 8-14 ans, 2018.
Figure 4 : taux d’usage des réseaux sociaux, de 8 à 24 ans, en moyenne par tranche d’âge
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8-14 ans
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15-24 ans
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Snapchat
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31 %
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73 %
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YouTube
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30 %
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93 %
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Facebook
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22 %
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90 %
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Instagram
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18 %
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69 %
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Source : Hadopi, les pratiques culturelles dématérialisées des 8-14 ans, 2018 / mesure d’audience Médiamétrie, avril 2018.
14Bien que les pratiques en ligne des enfants de 8 à 14 ans se diversifient au fil de l’âge, le visionnage de vidéos reste l’activité en ligne la plus pratiquée, par 84 % d’entre eux, et ce dès le plus jeune âge, puisque 78 % des enfants de 8 ans regardent des vidéos en ligne. Plus qu’un simple contenu, la vidéo est la porte d’entrée d’Internet pour ces nouveaux internautes : à la différence d’une recherche par mot-clé sur un moteur de recherche, la vidéo présente l’avantage de la simplicité et de la compréhension immédiate, dès 8 ans, voire avant.
15La vidéo est devenue le vocabulaire de base de cette nouvelle génération, à la fois pour des raisons de génération – ces jeunes internautes ne sont pas des digital native, mais des youtube native - , pour des raisons d’âge, la vidéo jouant le rôle qu’a tenu la télévision pour les enfants des années 1980, et du fait d’un effet d’époque, la vidéo étant présente partout sur Internet (sites de vidéos, mais aussi sites de journaux en ligne, réseaux sociaux, etc.).
16Parmi les autres pratiques en ligne, on distingue deux catégories d’activités :
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des activités qui se développent fortement au fil de l’âge, comme faire des recherches sur Internet, souvent dans le cadre de travaux scolaires à domicile, qui concerne 36 % des enfants de 8 ans, mais 73 % de ceux de 14 ans. L’envoi de messages, une pratique qui s’inscrit dans le développement de la sociabilité en ligne, au travers de l’usage des réseaux sociaux, comme évoqué précédemment, progresse encore plus fortement, passant de 15 % à 8 ans à 69 % à 14 ans ;
-
des activités qui progressent plus faiblement avec l’âge de l’enfant, et qui semblent atteindre un premier palier au début de l’adolescence. Il s’agit de pratiques qui ne devraient pas devenir massives : c’est le cas de l’email, dont l’utilisation triple entre 8 et 14 ans (concernant 32 % des enfants de 14 ans) mais reste largement supplanté par les messageries instantanées des réseaux sociaux (Snapchat, Whatsapp, etc.) ou de la production de contenus mis en ligne, que ce soit des photos, des vidéos ou des commentaires de blogs et forums. D’autres études de l’Hadopi réalisées auprès de publics adultes montrent que la mise en ligne de contenus reste une pratique minoritaire parmi les internautes.
Figure 5 : activités pratiquées en ligne par les enfants de 8 à 14 ans selon l’âge
Source : Hadopi, les pratiques culturelles dématérialisées des 8-14 ans, 2018.
17L’analyse détaillée des pratiques culturelles en ligne des 8-14 ans et des 15-24 ans, par rapport aux adultes de 25 ans et plus, montre l’intensité de ces usages numériques.
18Les pratiques culturelles en ligne concernent la quasi-totalité des jeunes internautes de moins de 25 ans (97 % à 98 % d’entre eux) contre les trois quarts (73 %) des internautes de plus de 25 ans.
19La vidéo est le premier contenu culturel consommé : 77 % des 8-14 ans regardent des vidéos de courte durée, telles qu’on peut les trouver sur les plateformes de partage de vidéos de type YouTube ou Dailymotion. Plus largement, un nombre important d’entre eux regarde tous les types de vidéos : 65 % des vidéos clips (ou écoutent simplement de la musique), 45 % des films et dessins animés, 28 % des séries TV – cette dernière pratique est plus faible, les séries étant majoritairement destinées à un public a minima adolescent.
20Les 15-24 ans ont des pratiques audiovisuelles en ligne similaires, mais dans des proportions plus grandes encore : 87 % regardent des vidéos clips (ou écoutent simplement de la musique), 83 % des films et dessins animés, 78 % des séries TV.
- 4 Hadopi, Baromètre des usages 2019.
21Les autres habitudes sont plus minoritaires : le jeu vidéo en ligne concerne 48 % des 8-14 ans et 46 % des 15-24 ans, soit par un même nombre de jeunes internautes, quel que soit leur âge. Enfin, la lecture de livres dématérialisés (BD ou livres) reste relativement faible, 22 % y ont recours d’après le dernier baromètre des usages de l’Hadopi4 : seulement 8 % des 8-14 ans lisent des livres dématérialisés, mais cela concerne 26 % des 15- 24 ans – une lecture numérique tirée entre autres par la lecture de BD, mangas et comics en format numérique.
Figure 6 : pratiques culturelles en ligne des internautes de 8 ans et plus, selon l’âge
Sources : Hadopi, les pratiques culturelles des 8-14 ans / baromètre des usages 2018.
22Ces pratiques sont relativement homogènes quel que soit le milieu social d’origine – si les individus issus de foyer PCS+ peuvent avoir des intensités de pratique légèrement supérieures, c’est surtout sur les contenus en soi que les différences se font (ce point n’étant pas étudié ici). En revanche, pour les seuls 8-14 ans, la présence de grand frère ou sœur a un impact significatif sur la consommation de la plupart des biens dématérialisés : vidéos de courte durée (82 %), jeux vidéo (52 %), séries TV (32 %).
23Cette très forte dématérialisation des pratiques culturelles est rendue possible par un écosystème numérique parfaitement optimisé reposant sur trois piliers :
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un équipement, le smartphone, très largement diffusé auprès des jeunes internautes dès 10/11 ans, comme évoqué précédemment ;
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une offre de services/plateformes culturels larges et variés, proposant tous les types de contenus, selon différents modèles d’accès – gratuit ou payant, paiement à l’acte ou sur abonnement, etc. À titre d’exemple, l’Hadopi recense sur son site Internet 479 plateformes apparaissant comme légales et proposant des biens culturels dématérialisés5 ;
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un accès à Internet en mobilité bénéficiant, d’une part, d’une augmentation des débits mobiles avec la 4G, et qui devrait encore s’améliorer avec la diffusion de la 5G et, d’autre part, la multiplication des points Wifi gratuits. Il est désormais possible de se connecter à Internet via son smartphone non seulement facilement dans la rue mais aussi, de plus en plus, dans les transports en commun (métro, bus, train), les espaces publics, etc.
24Ce nouveau point d’équilibre technologique a d’importantes conséquences sur la consommation de biens culturels : parce qu’on y accède plus qu’on ne les possède, les internautes ont désormais accès à une offre démultipliée, ce qui aboutit à un phénomène de longue traîne, suscitant des comportements de consommation variés pour orienter leurs choix (recours à des suggestions émanant d’algorithmes des plateformes, suivi en ligne d’influenceurs ou d’experts référents, échanges entre pairs de recommandations, etc.).
- 6 Jeremy Rifkin, L'âge de l'accès : la nouvelle culture du capitalisme, La Découverte, 2005.
25L’âge de l’accès théorisé (Rifkin, 2005)6 est devenu une réalité, les jeunes internautes privilégient l’accès aux œuvres plutôt que leur possession, suivant en cela l’évolution des offres d’abonnement qui proposent l’accès à plusieurs dizaines de millions de titres.
26Ainsi, 78 % des 8-14 ans ont recours au streaming (audio ou vidéo), privilégiant YouTube (par 81 % des utilisateurs de streaming) ; cette pratique est très régulière, quotidienne pour 40 % d’entre eux.
27Les 15-24 ans seuls consommateurs de musique, films et séries en ligne ont un comportement très similaire, 76 % d’entre eux faisant du streaming au moins une fois par semaine. Les deux autres modes d’accès, téléchargement et pair à pair, sont largement moins utilisés.
Figure 7 : modes d’accès des œuvres en ligne en 2018
Note de lecture : pour les 8-14 ans, il s’agit du mode d’accès général. Pour les 15-24 ans et 25 ans et plus, il s’agit du mode d’accès utilisé au moins une fois par semaine par les consommateurs de biens culturels, de films, séries ou musique en format dématérialisé.
Source : Hadopi, Stratégies d’accès 2018, avril 2018 / les pratiques culturelles des 8-14 ans.
28Dans ce contexte de surabondance d’offres et de biens culturels, les comportements des jeunes internautes se caractérisent par un besoin de satiété toujours plus rapide : si l’industrie culturelle s’est longtemps caractérisée par une économie de la rareté (réelle ou provoquée), elle est désormais placée sous le signe de la fast culture, une ère d’abondance dont le smartphone est à la fois le symbole et le medium :
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immédiateté de la consommation, du fait de l’immédiateté de l’accès en streaming ;
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facilité, rendue là aussi possible par les terminaux mobiles en particulier ;
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- 7 Il en est de même pour les jeux vidéo en ligne, certains proposent des modèles de type freemium per (...)
gratuité apparente des contenus, pour certaines catégories de biens7 : les plateformes de partage de contenus (YouTube, Dailymotion), mais aussi les offres de streaming légales (comme Deezer, Spotify, etc.) proposent toutes des offres gratuites, financées par la publicité ;
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rapidité de consommation des œuvres, adaptée au support mobile sur lequel les formats courts sont privilégiés ; c’est le cas de la vidéo (vidéos de bloggers), du jeu vidéo avec des jeux plus adaptés au format mobile et au temps de partie réduit. De même, l’écoute de playlist et de morceaux à l’unité favorise une plus grande rapidité d’écoute de la musique.
29Contrairement aux idées reçues, les jeunes internautes de 15 à 24 ans ne vivent pas dans le paradigme d’un Web intégralement gratuit : leur propension à payer pour des contenus culturels dématérialisés est supérieure à celle des internautes âgés de 25 ans et plus.
- 8 Marianne Serfaty et Marion Ozanne, « Consommation culturelle en ligne des 15-24 ans : une propensio (...)
30Ainsi, comme les travaux de l’Hadopi l’ont montré8, en 2018, 61 % des internautes de 15-24 ans étaient abonnés à une offre culturelle dématérialisée, contre 42 % des internautes de 25 ans et plus. Cette différence est particulièrement marquée concernant l’abonnement aux plateformes de VàDA (42 % contre 19 %), ce qui s’explique par une consommation particulièrement élevée de films et séries en ligne, comme évoqué précédemment.
- 9 Les perceptions et pratiques de consommation des « digital natives » en matière de biens culturels (...)
31Néanmoins, cette propension à payer n’est cependant pas similaire pour tous les internautes de 15-24 ans : d’après une étude qualitative de l’Hadopi consacrée aux pratiques culturelles de cette tranche d’âge, l’acceptation à payer pour des contenus évolue avec l’âge9. On distingue ainsi trois grandes étapes au fil du temps :
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les adolescents de 15 à 18 ans payent peu, en premier lieu parce que leur pouvoir d’achat est très faible, faute de revenus mais surtout parce qu’ils revendiquent une certaine agilité numérique, qui passe, entre autres, par leur capacité à accéder à des contenus sans payer (utilisation de YouTube pour écouter de la musique, stream ripping, etc.) ou en ayant recours à des services illicites. Cela s’explique aussi par le fait qu’ils ne sont pas toujours le titulaire de l’abonnement à des offres en ligne : ce peut être leurs parents qui en sont les titulaires principaux et qui payent l’abonnement. Leur consommation en ligne, plus spécifique, peut aussi justifier un moindre intérêt à payer des contenus : à la suite des 8-14 ans, ils sont encore fortement consommateurs de vidéos de courte durée, qui sont gratuites en ligne. L’appétence pour les films et séries croît avec l’âge – les séries des sites de VàDA en particulier étant plus destinées à un public de jeunes adultes ;
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les jeunes adultes de 18 à 21 ans sont tiraillés entre leur habitude du tout gratuit et leur intérêt grandissant pour des abonnements par lassitude de la débrouille ;
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enfin, les jeunes adultes de 22 à 24 ans commencent à bénéficier de revenus en propre, leur permettant de souscrire à des offres payantes. S’ils revendiquent toujours une certaine capacité à trouver des contenus gratuits, ils commencent à valoriser le confort des sites et services légaux payants, leur proposant une expérience de meilleure qualité que les sites illicites.
- 10 Olivier Donnat, Les pratiques culturelles des Français à l’ère du numérique : éléments de synthèse (...)
32Les pratiques culturelles sont souvent cumulatives ; dans la dernière étude des pratiques culturelles des Français publiée en 2008, Olivier Donnat analysait l’impact de l’arrivée d’Internet dans les pratiques culturelles. Pour O. Donnat, s’il était encore possible à cette époque de « relativiser l’impact de la révolution numérique sur les pratiques culturelles (…), nombreux sont les indices qui laissent entrevoir la profondeur du changement en cours quand on quitte le niveau général pour s’intéresser aux comportements des jeunes générations10 ». Dans l’attente de la publication d’une prochaine vague de cette étude, prévue pour 2020, l’analyse des pratiques concernant le cinéma et la télévision des jeunes internautes permet de mieux comprendre l’impact du numérique sur des pratiques « traditionnelles ».
33L’évolution de la structure du public du cinéma sur la période longue montre le moindre intérêt relatif des jeunes de moins de 25 ans pour cette pratique culturelle, dans une période de progression de la fréquentation du cinéma. Entre 1993 et 2018, le nombre d’entrées est passé de 133 millions à 201 millions, avec des records supérieurs à 210 millions (2011 : 217 millions d’entrées ; 2016 : 213 millions). Mais dans le même temps, la part des entrées réalisée par le public de moins de 25 ans est passé de 48 % du nombre d’entrées à seulement 27 % sur la même période.
Figure 8 : évolution du nombre d’entrées au cinéma entre 1993 et 2018
Source : CNC.
- 11 INSEE, bilan démographique 2018.
34Cette tendance s’explique en premier lieu par l’évolution de la structure démographique de la population française : d’après l’Insee, si le nombre d’individus âgés de 0 à 19 a progressé sur cette période, passant de 15,9 millions en 1993 à 16,3 millions en 2018, leur part relative a diminué dans la population, du fait d’un vieillissement global de la population française. En 1993, les 0-19 ans représentaient 27 % de la population – et les 65 ans et plus, 14,4 % ; en 2018, les plus jeunes ne pèsent plus que 24,3 % et plus âgés représentent désormais 19,7 % de la population11.
- 12 CNC, l’évolution du public des salles de cinéma 1993-2011, juillet 2012.
35Mais la seule explication démographique ne suffit pas à expliquer cette diminution, ce que constate le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) dans une étude sur l’évolution des publics sur la période longue12 : entre 1993 et 2011, le taux de fréquentation du cinéma a progressé pour toutes les tranches d’âge de public, à l’exception des 6-10 ans, pour lesquels il a diminué de 0,9 point (cf. ci-dessous).
36Plus précisément, sur la seule période 2002-2011 analysée en détail par le CNC, le taux de pénétration du cinéma moyen est passé de 61 % à 68,8 %. S’il a diminué pour les 6-10 ans, passant de 83,4 % à 78,2 %, il a progressé d’autant plus fortement que les individus étaient âgés : quasi-stagnation de 89,3 % à 89,5 % pour les 11-14 ans, puis réelle progression pour les autres tranches d’âge, de 86 à 91,9 % pour les 15-19 ans, 86,3 à 90,9 % pour les 20-24 ans, jusqu’aux plus de 60 ans pour lesquels le taux de pénétration a bondi de 35,3 % à 57,3 %.
37Ainsi, dans une période faste pour le cinéma, alors que le nombre de salles a cru fortement (construction de multiplexes aux salles plus nombreuses et plus grandes) et que l’offre a de même progressé (avec toujours plus de sorties hebdomadaires), les jeunes de moins de 25 ans n’ont que très faiblement, voire pas du tout accompagné ce mouvement.
Figure 9 : évolution 2011/1993 de la pénétration du cinéma par tranche d’âge (points)
Source : CNC - Médiamétrie Enquête 75 000 Cinéma - 6 ans et plus.
38Plus précisément, ils sont au mieux allés autant au cinéma qu’avant, mais pour les 15-19 ans, la période 2002-2011 se traduit par une baisse importante du nombre moyen d’entrées par an, passant de 6,5 à 5,5. La situation est un peu meilleure pour les 20-24 ans, pour lesquels le nombre moyen d’entrées ne passe que de 8 à 7,7.
39Pour la seule la période 2002-2011, on pourrait raisonnablement parler d’accumulation des pratiques, la baisse de fréquentation des jeunes restant très limitées. Or, ces résultats en 2018 montrent une forte baisse du nombre d’entrées par personne, par rapport à 2011 et plus encore, par rapport à 2002. Celle-ci s’observe au niveau global, et peut s’expliquer par le fait que le taux de pénétration du cinéma progressant, de nouveaux spectateurs, peu assidus, viennent dans les salles, mais peu souvent : très logiquement, ces nouveaux spectateurs ne vont que très occasionnellement au cinéma.
40Or, le taux de pénétration du cinéma a très peu progressé auprès des plus jeunes : il y a peu de nouveaux spectateurs occasionnels de moins de 25 ans. Et c’est auprès de ces jeunes publics que la baisse du nombre moyen d’entrées est la plus forte : une moyenne de 4,2 entrées annuelles pour les 11-14 ans en 2018, soit une baisse de 13 % par rapport à 2002, mais surtout 3,7 pour les 15-19 ans (- 43 %) et 5,6 pour les 20-24 ans (- 30 %), comparée à une baisse globale de 11 %.
41Ainsi, alors que l’offre de films et son accessibilité ne cessaient de s’améliorer, les jeunes générations semblent être restées insensibles et ont préféré regarder des films en ligne, sur Internet : la pratique cinéma des jeunes de moins de 25 ans ne s’est pas effondrée, mais on peut parler de forte cannibalisation du cinéma par l’offre dématérialisée auprès de ces jeunes publics.
Figure 10 : nombre moyen d’entrées selon l’âge
Point 2018 :1e tranche d’âge élargie aux 3-10 ans.
Source : CNC - Médiamétrie Enquête 75 000 Cinéma - 6 ans et plus. 2018 : bilan annuel du CNC.
42Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a réalisé en 2018 une étude économétrique visant à estimer l’impact de la consommation de vidéo en ligne sur la consommation de télévision des jeunes internautes âgés de 4 à 14 ans.
43Il ressort de cette étude que les jeunes populations regardent moins la télévision que les autres catégories d’âge. Ainsi, entre 2000 et 2016, la durée d’écoute de la télévision (DEI) des 4 ans et plus est passé de 193 minutes quotidiennes à 223 minutes, soit une hausse globale de 15,5 %. Dans le même temps, la DEI des seuls jeunes de 4 à 14 ans a diminué de 131 minutes quotidiennes à 113 minutes, soit une baisse de 13,4 %.
Figure 11 : durée d’écoute individuelle en moyenne annuelle de 2000 à 2016 (minutes)
Source : CSA à partir de données Médiamétrie, Médiamat annuel.
44Si les jeunes ont complété la pratique cinéma par le visionnage de vidéos à domicile, ils regardent moins la télévision « traditionnelle » au profit des nouveaux écrans et de nouveaux modes de consommation en ligne.
45La licéité des pratiques culturelles dématérialisées, parfois méconnue, souvent ignorée, soulève des questions de culture numérique et d’éducation de ces jeunes internautes.
46Ces digital voire smartphone natives de moins de 25 ans peuvent recourir à des sites illicites pour subvenir à leur intense consommation de biens culturels dématérialisés. Parmi les 8-14 ans, 13 % en moyenne ont déjà utilisé un site ou une application illicite pour accéder à des biens culturels dématérialisés, cette pratique connaissant une forte accélération à partir de 13 ans (20 % de 13- 14 ans ayant déjà eu des pratiques illicites).
Figure 12 : fréquentation de sites illicites selon l’âge au sein des internautes âgés de 8 à 14 ans
Note méthodologique : recueil via une question fermée avec liste de sites illicites proposés.
Source : Hadopi, les pratiques culturelles des 8-14 ans
47Ces pratiques illicites témoignent d’une meilleure connaissance d’Internet et paraissent assumées par les enfants : 31 % n’ont jamais entendu parler de sites légaux ou illégaux, alors qu’à l’inverse, 32 % d’entre eux savent expliquer la différence entre sites légaux et illégaux.
48Or, parmi les internautes de 8 à 14 ans ayant des usages illicites, seulement 14 % n’ont jamais entendu parler de sites légaux ou illégaux tandis que 52 % savent expliquer la différence entre ces deux catégories de sites, soit une différence de 20 points par rapport à la moyenne. La moitié des enfants qui ont des pratiques illicites le ferait donc en connaissance de cause, fort de leur excellente connaissance d’Internet et de l’offre culturelle en ligne.
49De même, si 23 % des 8 à 14 ans déclarent savoir ce qu’est le droit d’auteur et arriver à l’expliquer, ce sont 40 % des enfants ayant des pratiques illicites qui se trouvent dans cette situation, soit une différence de 17 points par rapport à la moyenne.
Figure 13 : niveau de connaissance des différences entre sites légaux et sites illégaux
Source : Hadopi, les pratiques culturelles des 8-14 ans.
50Les enfants aux pratiques illicites déclarent une bien meilleure connaissance du droit d’auteur et une plus fine acuité à distinguer offre légale et site illicite.
51L’étude de l’Hadopi auprès des 8-14 ans comprenait aussi une interrogation des parents, en particulier sur leurs propres pratiques culturelles en ligne. Il ressort de cette double interrogation que 24 % des enfants, dont au moins un des parents a des pratiques illicites, a lui-même des pratiques illicites, soit près du double de l’ensemble des internautes de 8-14 ans (moyenne de 13 %).
52L’influence des parents est forte, il ressort de l’étude que si 10 % des parents en moyenne recherchent régulièrement des contenus culturels pour son enfant sur des sites illicites, cela concerne 27 % des enfants aux pratiques illicites.
53Ce contre-exemple parental est d’autant plus frappant que 43 % des parents d’enfants ayant des pratiques illicites ont conscience de celles-ci : les pratiques numériques illicites des enfants semblent donc découler de celles de leurs parents, ceux-ci appartenant à une génération ayant connu les débuts des sites illicites de pair à pair, tels que Napster ou Bittorent.
54Le rôle des parents est déterminant dans la transmission de pratiques culturelles légales aux enfants et, plus largement, dans l’éducation numérique. L’encadrement de l’accès à Internet des enfants s’avère nécessaire, or, dès le plus jeune âge, certains sont livrés à eux-mêmes en ligne : si les trois quarts des enfants de 8 ans naviguent accompagnés ou avec un dispositif de contrôle, ils sont déjà 28 % à accéder seuls à Internet. La proportion des jeunes internautes naviguant seuls sur Internet, sans dispositif de contrôle, progresse fortement à partir de 10 ans (45 % des enfants) pour concerner les deux tiers des adolescents de 14 ans (66 % précisément).
Figure 14 : Encadrement de la navigation Internet des enfants
Source : Hadopi, les pratiques culturelles des 8-14 ans.
55La propension d’une part importante de parents à laisser leurs enfants naviguer seuls sur Internet se vérifie par un autre indicateur : l’utilisation des réseaux sociaux. Comme on l’a vu précédemment, environ un tiers des enfants de 8 à 10 ans possèdent un compte sur un réseau social, et environ 70 % à 12 ans. Or, la plupart des réseaux sociaux précisent dans leurs conditions générales d’utilisation que leur usage est réservé à des individus âgés d’au minimum 13 ans – voire plus pour certains sites.
56Différentes raisons peuvent justifier l’inscription de ces enfants de moins de 13 ans sur les réseaux sociaux, en premier lieu la pression sociale qui peut inciter les parents à autoriser leur utilisation sous certaines conditions ; d’autres privilégieront une navigation encadrée sur les réseaux sociaux, en étant « ami » avec leur enfant, afin de suivre leurs activités en ligne. Enfin, il est probable que de jeunes internautes s’y inscrivent aussi à l’insu de leurs parents.
57Internet n’est pas un espace sécurisé, ces jeunes internautes peuvent y être exposés à des contenus dangereux, tels que des malwares, virus et autres escroqueries, mais aussi à des contenus inappropriés. Il ressort de l’étude de l’Hadopi que 82 % des enfants de 8 à 14 ans interrogés se déclarent être sensibles à ces risques. Les parents ont un rôle à jouer dans l’éducation numérique de leurs enfants, en les accompagnant sur Internet et en les orientant vers des sites adaptés, tout comme l’école, qui doit jouer un rôle d’éducation, y compris dans la culture numérique.
58La consommation illicite de biens culturels des 15-24 ans est la plus élevée de toute les tranches d’âge : 37 % sont des consommateurs illicites réguliers et 34 % ont des pratiques mixtes, alliant consommation légale et illicite, soit un total de 71 % de consommateurs illicites au total, contre seulement 26 % au total parmi les consommateurs de plus de 25 ans (se répartissant de manière homogène entre 13 % de consommateurs illicites réguliers et 13 % de consommateurs mixtes).
Figure 15 : légalité de la consommation de biens culturels dématérialisés – 15- 24 ans par rapport aux plus de 25 ans
59Cette très forte consommation illicite des 15-24 ans, qui n’exclut pas une plus forte propension à payer pour des contenus en ligne, s’explique principalement par un manque de compréhension de l’équilibre économique du secteur de la création au sens large. Les 15-24 ans ayant des pratiques illicites sont 52 % à considérer que « quand ils téléchargent ou streament, ils ne volent personne », contre 44 % des internautes de plus de 25 ans ayant des pratiques illicites.
- 13 Marianne Serfaty, Les 15-24 ans : un rapport paradoxal à la création, entre valorisation des "petit (...)
60Les différentes études, en particulier qualitatives, que l’Hadopi a pu conduire depuis le début des années 2010 confirment cette perception erronée du droit d’auteur par les jeunes13. Ils opposent d’un côté la création, symbolisée par l’artiste, perçu dans son individualité (le chanteur ou le réalisateur par opposition à l’équipe technique nécessitant la création d’un disque ou d’un film), dont il convient de soutenir l’activité, faisant de son activité artistique son travail, et par là-même méritant une récompense (financière) à l’industrie culturelle prise dans son ensemble, représentée par des grandes entreprises (Majors de l’industrie musicale, grands studios), produisant et distribuant les œuvres de stars nécessairement riches.
- 14 Les perceptions et pratiques de consommation des digital natives en matière de biens culturels déma (...)
61Pour résumer, consommer de manière illicite les œuvres « de l’industrie » tandis qu’il faudrait soutenir l’artiste indépendant : « Titanic en streaming ça va pas leur poser de gros problèmes, mais le film hyper petit qui est sorti il y a pas longtemps je préfère participer »14.
62Ces jeunes internautes sont parfaitement conscients de la licéité de leurs actes, comme certains ont pu l’exprimer dans l’étude qualitative déjà évoquée : « Je sais que c’est clairement illégal », « quand je recherche un dessin animé ou un film je vais le télécharger. Je sais que c’est pas bien… ». Mais ils assument moralement leurs pratiques illicites, compte tenu de la méconnaissance des circuits économiques de l’industrie culturelle et, plus largement, du rejet de l’industrie culturelle en tant qu’industrie : « La culture est très médiatisée, très monétisée aussi, toute production culturelle est dans le but de faire du bénéfice ».
- 15 Christiaan de Beukelaer, développer les industries culturelles : leçons du palimpseste de la pratiq (...)
63Si l’objet de la présente étude n’est pas de retracer l’histoire de la perception de la culture par rapport à l’industrie culturelle, il convient de noter néanmoins un débat récurrent et persistant en France qui opposerait la Culture, noble, généreuse, désintéressée, à l’industrie culturelle, bassement mercantile. À la différence des pays anglo-saxons, pour lesquels le mot entertainment permet de caractériser ce grand secteur au croisement des loisirs (parcs d’attraction), de l’industrie des contenus (télévision, musique, cinéma, jeux vidéo, etc.) et de la création artistique, la France ne possède pas cette distinction sémantique et les termes d’industries culturelles ou d’industries des contenus sont socialement peu acceptés. Comme l’évoque l’universitaire Christiaan de Beukelaer15 « le contraste romantique entre culture et industrie (ou développement) fournit un terreau fertile aux visions pessimistes telles qu’Adorno et Horkheimer les formuleront plus tard », dans leur ouvrage La dialectique de la raison.
- 16 EY, panorama des industries culturelles et créatives, 2015.
- 17 EY, le piratage de contenus audiovisuels en France, 2018.
64Que l’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, il est nécessaire de reconnaître aujourd’hui l’importance de ces industries culturelles ou de contenus dans l’économie française : d’après le cabinet de conseil EY, les industries culturelles au sens large représentaient en 2013 un poids économique de 83,6 milliards d’euros (dont 72,7 milliards de revenus directs) pour un total de 1,3 million d’emplois16. Or, les pratiques de consommation illicite de biens culturels dématérialisés provoquent un manque à gagner pour toute l’industrie culturelle, et, par un effet de cascade, ont des répercussions au niveau de l’économie nationale et des finances de l’État (manque à gagner fiscal, pertes sociales, etc.). Toujours d’après le cabinet de conseil EY, le manque à gagner pour l’industrie audiovisuelle s’élèverait en 2017 à 1,18 milliard d’euros, dont 408 millions d’euros de pertes en recettes fiscales17.
65Expliquer les liens entre culture, création et industries culturelles est un enjeu pédagogique important, en particulier auprès des internautes adolescents, afin de déconstruire une vision mythifiée de l’artiste-démiurge s’opposant à l’industrie culturelle.
66Les pratiques culturelles dématérialisées des jeunes internautes, massives et banalisées, révèlent paradoxalement une certaine méconnaissance du numérique, comme le prouve le rapport à la consommation illicite de biens culturels. L’aisance naturelle des digital natives à utiliser des applications sur leur smartphone ne signifie pas qu’ils comprennent les ressorts et les règles du numérique et d’Internet.
67La sensibilisation des jeunes internautes à des pratiques culturelles responsables est une nécessité, s’inscrivant dans une éducation au numérique au sens large. Il ne s’agit pas seulement d’une question de lutte contre le piratage, mais d’un véritable enjeu civique et citoyen : pour devenir un adulte responsable, les jeunes internautes doivent dépasser leur position de simple utilisateur – voire de consommateur d’Internet – pour en comprendre ses spécificités (l’effet réseau, le phénomène de longue traîne), les jeux d’acteurs (le poids et le rôle des plateformes de partage de contenus et des réseaux sociaux, par exemple), ses règles (la régulation numérique), etc.
68L’usage d’Internet se développant dès le plus jeune âge, cette éducation au numérique devrait intervenir au plus tôt, au niveau de l’école primaire. Mais au-delà des enfants, les parents aussi, du fait du rôle qu’ils jouent dans la transmission des pratiques culturelles, doivent être concernées par cette éducation à un Internet culturel responsable.