Human Choice and Computers : un cinquantenaire de questions socialement vives
- 1 M Mumford, E., Sackman, H. (eds.) Human Choice and Computers, Proceedings of the Conference on Huma (...)
Sous l’égide de l'International Federation for Information Processing (IFIP), était organisée, voici cinquante ans, la première conférence sur les ordinateurs et les choix humains (Human Choice and Computers - HCC)1. L'une des problématiques séminales soulevées lors cette première conférence fut le constat d’une pression exercée en faveur de l’utilisation jugée « déshumanisante » des ordinateurs. Les participants à cette première conférence HCC ont soutenu une orientation selon laquelle la résolution des problèmes sociotechniques devait mettre en avant les intérêts des travailleurs et des communautés d’usagers, les besoins humains primant ainsi sur les considérations technologiques et économiques.
- 2 Le code d’éthique et de conduite professionnelle de l’IFIP. Quelques éléments de contexte, de conte (...)
- 3 Code d’éthique et de conduite professionnelle de l’international federation for information process (...)
Aujourd’hui, nous assistons à un essor fulgurant d’outils tels que ChatGPT, généralement désignés sous le vocable d'intelligence artificielle générative (IAgen). Cependant, comme le montre récemment la publication du Code d’éthique et de conduite professionnelle de l’IFIP 2et sa traduction en français3, les préoccupations de la conférence initiale demeurent des questions socialement vives au sein de l’IFIP, irriguant de ce fait les thématiques de cette 16e édition d’HCC.
Alors que d’aucuns promeuvent une informatique 5.0 davantage centrée sur l'humain, ces innovations technologiques, parmi d'autres, viennent bouleverser un certain nombre d’interactions entre ordinateurs et humains, menaçant les équilibres existants et partant des acquis sociaux. Largement relayés par les médias d’information généralistes, parfois précisément documentés par la critique universitaire, ces questions socialement vives se situent à la confluence des dynamiques sociétales, d'une part, et des considérations technologiques et économiques, d’autre part. Si les technologies ont évolué, les préoccupations exprimées il y a 50 ans semblent toujours d'actualité sans que ne soit pour autant tranché le débat sur la pertinence sociétale, tant économique et sociale, des innovations introduites.
Certains experts mettent en exergue les avantages dévolus à l’IA, soulignant que les développements et les innovations de cette nouvelle technologie ne sauraient être annihilés par décret. Bien qu'ils puissent potentiellement supplanter certaines capacités humaines créatives, ces artefacts sont eux-mêmes le produit d'innovations si fécondes que rien ne paraît pouvoir en entraver le cours. D’autres experts s’avouent profondément perplexes quant au bilan sociétal des technologies de l'IA, craignant que ces outils ne fragilisent des équilibres critiques dans de nombreux domaines où les capacités humaines sont chevilles ouvrières, comme l'éducation, le journalisme, la recherche, l’administration des biens et la gouvernance des sociétés, sans omettre le champ de la criminalité (force est malheureusement d’en constater la permanence) … Alimentant les controverses entre écoles de pensée, de nouveaux outils de détection des artefacts générés par l'IA ont vu le jour, eux-mêmes fondés sur cette technologie, suscitant dès lors un « vertige » conceptuel devant ce cycle d’innovations et de contre-innovations qui apparaît autant inéluctable qu’irrépressible.
Ainsi que l'appel à contributions de la précédente conférence HCC15 l’avait anticipé, l'influence croissante des systèmes basés sur l'apprentissage automatique menace d'ancrer de façon difficilement réversible les problèmes sociétaux hérités du passé, les consolidant parfois plutôt que de les dissoudre … en intégrant les biais inhérents aux données d’apprentissage. Il est donc à craindre que ces nouvelles technologies, tout en résolvant certains problèmes, en exacerbent bien d'autres, pour le moins tout autant préoccupants.
D’ores et déjà, s’ouvre un large éventail de questions éthiques intrinsèquement associées aux usages de l’IA offrant ainsi à la recherche en sciences humaines et sociales une constellation de questions socialement vives et potentiellement fécondes.
Pour plus d’informations, confère le programme d’HCC 2024, édité par Robert M. Davison (City University of Hong Kong) et David Kreps (University of Galway) :
Programme - IFIP TC9 - Human Choice and Computers HCC 2024 Conference (hcc16.org)
auquel participe notre collègue, Dominique Desbois, en tant que représentant français au Comité technique ICT and Society (TC9) de l’IFIP.
Notes
1 M Mumford, E., Sackman, H. (eds.) Human Choice and Computers, Proceedings of the Conference on Human Choice and Computers (HCC-1), Vienne (Autriche), 1–5 avril, 1974, Elsevier, North-Holland.
2 Le code d’éthique et de conduite professionnelle de l’IFIP. Quelques éléments de contexte, de contenu et de réflexion. D. Desbois, Terminal n° 128, 2020, https://doi.org/10.4000/terminal.6402
3 Code d’éthique et de conduite professionnelle de l’international federation for information processing, traduction de D. Desbois et C. Gossart, Terminal n° 132-133, 2022, https://doi.org/10.4000/terminal.8463
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