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Bloc-notes

BITCOIN. La monnaie acéphale

Dominique Desbois
Référence(s) :

BITCOIN. La monnaie acéphale

Jacques Favier et Adli Takkal Bataille, préface de Jean-Joseph Goux

CNRS éditions, Paris, 2023 (seconde édition), 288 pages, 25 euros.

Texte intégral

1Écrit par un historien et un linguiste, spécialisés dans le numérique, cet ouvrage entend décrire l’univers du bitcoin, cet actif immatériel souvent désigné comme une « crypto-monnaie ». L’ambition affichée par les auteurs est d’apporter au lecteur une meilleure compréhension des enjeux techniques et politiques du bitcoin.

2La première partie analyse la genèse de cette crypto-monnaie présentée comme « un projet sociétal autant que technique », se passant d’intermédiaires et d’autorité, d’où le choix du sous-titre de « monnaie acéphale ». Le système organisant le bitcoin est présenté comme « un exploit conceptuel » générateur d’une confiance « sans police ni garant » et un « instrument de transaction à l’anonymat relatif et à la transparence incontestable ». Les propriétés du bitcoin sont qualifiées d’« admirablement fluides ». La blockchain est identifiée comme « un rouage indispensable du protocole bitcoin ». Pour les auteurs, la genèse du bitcoin constitue « un renversement des idées reçues sur la monnaie » ; l’enjeu principal pour une monnaie « sans État et sans banque » est celui d’une « confiance inédite ». À la lecture de ce premier chapitre, le lecteur comprendra que les auteurs sont proprement subjugués par leur objet, un bitcoin qualifié de « sidérant ».

3La seconde partie entend expliquer au lecteur les fondements technologiques des aspects monétaires du bitcoin. Pour décrire « l’ingénieux assemblage » que constitue le bitcoin, l’ouvrage nous explique que la blockchain est « un livre de compte avant tout » avec « une multitude d’utilisations promises dès sa création ». Les auteurs se penchent alors sur les « propriétés numériques » du bitcoin en tentant de vulgariser les processus d’horodatage et de minage ainsi que les « propriétés monétaires » de cet actif numérique. Cependant, les auteurs accumulent les faits sur les « usages hétéroclites » du bitcoin agrémentés de références parfois anecdotiques pour avouer une « interrogation ardue » sur la valeur du bitcoin. Sans parvenir à distinguer clairement les attributs monétaires de cet actif numérique pour ce qui concerne la question des échanges, ils ne réussissent pas réellement à mettre en évidence son utilité en tant que numéraire. Le lecteur pourra cependant retrouver des éléments de réponse disséminés dans les sections présentant le bitcoin comme une monnaie « programmable » voire comme une « méta-monnaie » pour le rôle qu’il joue désormais dans le cyberespace aux marges de la sphère financière.

4La troisième partie prétend, de façon provoquante, dresser l’histoire et la légende d’une monnaie « jeune et universelle ». Revenant sur les « mythes fondateurs », les auteurs alimentent leur propos de la chronique d’une « turbulente adolescence » parsemée des différentes ruptures de cours de la crypto-devise occasionnées par un certain nombre de rumeurs de blanchiment, d’annonces de rendements faramineux et in fine, parfois, de scandales financiers. Cependant, les auteurs considèrent que « le discours officiel agrège et déforme les choses », en renvoyant à « la réalité de la monnaie des États fondée sur la dette, la contrainte et la surveillance » : un parallèle d’autant plus paradoxal qu’il n’est guère davantage argumenté.

5Ainsi, le bitcoin est présenté comme « un laboratoire des alternatives », faisant du « code » numérique un texte sacré. Cependant, les auteurs concèdent que « Bitcoin effleure le monde réel ». Pour eux, le bitcoin est une expérience représentant le « futur des possibles ».

6Dans leur avertissement à cette seconde édition, les auteurs avouent aimer les mots et les anecdotes, cependant cet amour dessert l’ouvrage tant il finit sur certains points par obscurcir leur propos. En outre, le lecteur est confronté à une synthèse d’articles de blog assemblés au sein d’une structure éditoriale rendue énigmatique par le choix des titres. La dynamique discursive du texte déroute par ses nombreux renvois et d’incessantes digressions, dont le lien avec l’objet de l’ouvrage est souvent circonstanciel et parfois ténu. Les conséquences des tentatives des réglementations récentes promulguées dans la zone OCDE, comme celle de la loi PACTE en 2019 pour la France, ne sont pas analysées. Contestable au sens poppérien du terme, la théorie libertarienne sous-jacente à leurs interprétations n’est pas toujours clairement assumée par l’argumentaire resserré qu’on serait en droit d’attendre. Il n’en reste pas moins que cet ouvrage contribue à combler le déficit d’informations en la matière.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Dominique Desbois, « BITCOIN. La monnaie acéphale »Terminal [En ligne], 136 | 2023, mis en ligne le 15 avril 2023, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/terminal/9300 ; DOI : https://doi.org/10.4000/terminal.9300

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Auteur

Dominique Desbois

Comité de rédaction de Terminal

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