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Chroniques

La Chronique des Archives et Musée de la littérature

Vincent Radermecker
p. 115-116

Texte intégral

Fonds Sara Huismans

1Acquis en 1992 par l’intermédiaire d’une amie de la disparue, le fonds Sara Huysmans est d’origine assez mystérieuse. Il semble qu’il ait été délaissé et que seul le soin de cette personne ait permis de le sauver.

2Née à Saint-Josse, le 17 décembre 1897, Sara Huysmans est fille de l’homme d’État socialiste Camille Huysmans (1871-1968). Après la première guerre mondiale, elle étudie au King’s College à Londres et à la London School of Economics and Political Sciences (nos archives conservent deux cahiers scolaires de cette époque). En 1920, elle accepte un modeste emploi au Ministère du Travail, pour obtenir, quand son père devient Ministre des Sciences et des Arts en 1925, sa mutation dans cette administration. Elle y restera de longues années, attachée au département des arts d’un ministère qui deviendra le Ministère de l’Instruction publique, puis de l’Education et de la Culture. En 1947, elle est nommée inspecteur des théâtres et des concerts, poste important qu’elle conserve jusqu’en 1954, année de sa nomination comme Conseiller-Chef de Service pour les Beaux-Arts. Cette fonction est la plus haute qu’une femme ait occupée jusque-là au sein d’un Ministère. (Voir B.-J. Baudart, « Profil de femme belge : Sara Huysmans », dans Conseil National des Femmes belges, n°68, Bruxelles, novembre-décembre 1967, pp. 11-12)

3Si son père, premier ministre de 1945 à 1947, et ministre de l’Instruction publique de 1947 à 1949, contribue à ses choix de carrière et à ses mutations — elle veillera beaucoup sur lui dans son grand âge —, il s’avère toutefois, comme nos documents le prouvent, que Sara Huysmans fut femme d’initiative. C’est elle qui a initié plusieurs projets culturels de l’entre-deux-guerres et d’après 1944 : la création de l’Orchestre National de Belgique (1936), la fondation d’orchestres symphoniques permanents locaux ainsi que la mise sur pied des Concerts de Midi (1940), des Midis de la Poésie (1949) et du CEBEDEM, le Centre Belge de Documentation pour la Musique (1951). Elle occupe également le poste de secrétaire de l’Orchestre National de Belgique ainsi qu’après la guerre, celui de secrétaire des commissions du Théâtre national flamand et du Théâtre national de Belgique au moment où se négocie la création de ces deux institutions.

4Parmi ces étoiles de notre ciel artistique, les Midis sont sans doute ses plus chers enfants. Créée en 1940, en veilleuse pendant la guerre, l’a.s.b.l. « les Concerts du Midi » est fondée par Mlle Huysmans qui en occupe la présidence de 1948 à 1956. Un temps au Résidence Palace où ils côtoient le Théâtre National, ces concerts se donnent aujourd’hui au 4e étage de l’Albertine. Fondés également en a.s.b.l et inaugurés le 15 janvier 1949, les Midis de la Poésie ont Sara Huysmans comme cofondatrice et comme présidente de 1941 à 1971. Elle en a eu l’idée, dit-elle, suite à un article peu obligeant qui, à propos des Concerts, notait : « Pourquoi toujours de la musique, et jamais de la poésie ! » Ces nouveaux Midis se fixent pour 20 ans au Résidence avant de trouver place dans la grande salle du Musée des Beaux-Arts où l’on peut encore aujourd’hui les écouter. En 15 ans, les Midis de la Poésie donneront 252 séances « françaises » pour 78.000 auditeurs, et 152 séances « néerlandaises » pour 36.500 auditeurs. Après plus de 40 ans d’existence, ces chiffres sont largement dépassés.

5Élevée en partie en anglais, s’exprimant en français et connaissant le néerlandais — son père a longtemps été bourgmestre d’Anvers —, Sara Huysmans est une représentante de ces personnalités culturelles et politiques, rarissimes aujourd’hui, qui se sentaient appartenir tant au sud qu’au nord du pays. C’est pourquoi sa tristesse fut profonde quand, en 1976, on parla de scinder l’Orchestre National de Belgique qu’elle avait contribué à fonder. Restée célibataire et sans enfants, elle s’éteignit, après une vieillesse active, en 1983, à l’âge de 86 ans.

6Les archives ont été dépouillées en deux temps.

7La première partie (MLT 895 ; MLT 902-911 ; MLT 915–MLT 916) contient essentiellement 133 programmes de pièces jouées dans différents théâtres d’Anvers de 1908 à 1939, ainsi que des archives touchant Camille Huysmans : correspondance, notes personnelles et officielles à propos, notamment, de l’implantation d’un Théâtre national néerlandophone (MLT 910/2), coupures de presse concernant divers de ses écrits : Quatre types. Le Renard et Ulenspiegel. Le Démon et le Diable ainsi que Lettre à un jeune socialiste. On y trouve aussi des notes de Mlle Huysmans en vue de réformes ou améliorations à apporter, fin des années 50, à l’éducation et à la vie musicale du pays, à l’enseignement des arts plastiques et dramatique — création de l’INSAS en 1962 — ainsi que de la documentation visant une réforme du statut et des pensions des comédiens… Des rapports de voyages de fonction (Danemark, Autriche, France, Grande-Bretagne, Italie, Hollande) sont compilés dans la farde, MLT 916.

8La seconde partie (MLT 1226-MLT 1291) prolonge les témoignages sur ses initiatives, tant au Ministère des Sciences et des Arts (création de l’Orchestre de l’I.N.R. et de l’Orchestre National de Belgique) que comme attachée au Ministère de l’Instruction publique (création et gestion de bibliothèques publiques au Congo ; création d’orchestres permanents à Liège, Gand et Anvers ; gestion des théâtres ; fondation de chaires musicologiques dans les Universités de l’État ; mise sur pied du CEBEDEM visant la promotion des compositeurs de chez nous). Des dossiers concernent aussi ses fonctions ultérieures comme inspecteur des théâtres et des concerts (subventions aux sociétés, statistiques, …) et comme conseiller-chef du service de l’enseignement artistique (rapports de congrès, notes de travail, …). La majeure partie de ces papiers est cependant constituée de ses écrits personnels, qu’ils soient d’ordre officiel (brouillons de discours : MLT 1241-MLT 1263) ou privé (petits récits : MLT 1264-1270 ; journal intime : MLT 1271 ; pièce de théâtre, Diogène : MLT 1272 ; esquisses pour deux ballets : Hallewyn et La femme du pêcheur : MLT 1273-1277 ; poésies versifiées : MLT 1278-1281). S’y ajoutent un article, Women’s Suffrage in Belgium, publié dans « The Labour Magazine » de novembre 1924, des cahiers d’étudiants, ainsi que de la documentation sur son parcours personnel et ses centres d’intérêt : le théâtre, la musique, le ballet et l’opéra.

9Outre les documents qui, dans ce fonds, nous éclairent sur diverses réalisations et projets concernant la vie artistique de notre pays au 20e siècle, ces archives mettent en lumière l’ambition littéraire de Sara Huysmans. D’une facture classique, d’une écriture soignée, ses écrits de circonstance attestent une intense passion pour la musique. Elle traite son sujet via l’histoire, l’éthologie, la musicologie… Si ses petits récits et sa pièce de théâtre sont sans grande prétention, si ses ébauches de ballet n’ont pas reçu, vu l’absence de collaboration musicale, le fini et l’ampleur souhaités, ses poésies sont certainement ce qu’elle considérait comme le plus propre à être publié. 160 d’entre elles sont classées par année et, pour la plupart, dactylographiées.

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Pour citer cet article

Référence papier

Vincent Radermecker, « La Chronique des Archives et Musée de la littérature »Textyles, 22 | 2003, 115-116.

Référence électronique

Vincent Radermecker, « La Chronique des Archives et Musée de la littérature »Textyles [En ligne], 22 | 2003, mis en ligne le 30 octobre 2020, consulté le 06 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/textyles/2322 ; DOI : https://doi.org/10.4000/textyles.2322

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Auteur

Vincent Radermecker

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