• 1 Revue Mondes du tourisme, juin 2022 : https://doi.org/10.4000/tourisme.4900.
• 2 À l’exemple des multiples digressions utilisées par ce chercheur pour disqualifier l’ouvrage. Pour (...)

1À la lecture du compte-rendu critique de mon ouvrage réalisé par Hassen Slimani1, on ne peut que noter la pertinence et la justesse des analyses effectuées par ce sociologue. Sans aucun doute, il a lu en profondeur l’ouvrage pour en effectuer une étude critique très approfondie. Il maîtrise à merveille le cadre d’analyse qu’il propose, qui puise ses fondements dans la sociologie bourdieusienne. Dès lors, l’objectivé scientifique de son propos est relative à une position scientifique dans le champ des paradigmes scientifiques existant en sociologies générale et sportive. En aucun cas, il ne s’agit de s’inscrire dans le projet de recherche du chercheur, proposé dans cet ouvrage, qui consiste à étudier la transition et les cultures récréatives telles que celles-ci prennent forme dans la société contemporaine. Pourtant, dans l’introduction du livre (p. 18-19), il est annoncé que la démarche consiste à étudier les formes culturelles présentes dans le champ des pratiques récréatives, considérées comme un ensemble d’éléments matériels et immatériels, technologiques et symboliques, corporels et institutionnels qui s’inscrit dans un cadre commun d’approche des pratiques. Au niveau de la méthode, la référence à une approche formiste (mi-spéculative, mi-empirique) qualifie l’intention de convoquer les écrits scientifiques de différents chercheurs pour présenter leur proximité avec une forme et les principes culturels actifs dans chaque forme étudiée. À partir de différentes observations de terrain et de lecture des transformations du champ récréatif, la démarche consiste à faire état d’une dynamique sociale, institutionnelle, économique, géographique et politique, propre à chacune. Le cadrage scientifique d’une forme relève d’un montage culturel protéiforme qui laisse de la place à des approximations possibles tant la lecture des cultures récréatives relève d’un exercice scientifique complexe. Dès lors, on ne peut que s’exposer à de multiples critiques de la part de tous ceux qui voudraient s’appuyer sur un cadre métrique, quantitatif et quadrillé pour étudier et qualifier cet objet de recherche. C’est le risque d’une approche formiste des formes culturelles2…

• 3 Analyse en composantes principales. (NdlR)

3Mais notre intention et notre projet scientifique ne sont pas de cette nature. La finalité, dans la première partie de cet ouvrage sur le décryptage des formes culturelles, est de faire état des dominantes et caractéristiques sociales, culturelles et géographiques qui animent la fabrique d’une forme culturelle et qui orientent les préférences des individus pour telle ou telle forme culturelle. En aucun cas, notre propos ne consiste à faire le lien entre les formes culturelles et l’espace des styles de pratique. Nous avons consacré un ouvrage complet (1996) à montrer les liens entre les formes culturelles des pratiques sportives de l’escalade et de la montagne et l’espace des styles de pratique en lien avec des enquêtes aussi bien quantitatives (ACP3) que qualitatives. Toute cette approche structuraliste des pratiques sportives a déjà été réalisée. Approches formiste dans un premier temps et structuraliste dans un deuxième temps, tout en décrivant la transformation du système des pratiques d’escalade, modifiant le jeu des acteurs et des institutions au sein de cette nouvelle organisation. De même, Slimani a raison de dire, à l’appui de Passeron, que tout ne bouge pas sans arrêt et que les structures sont stables. C’est exactement ce que nous montrons dans cet ouvrage ; les formes culturelles bougent, mais les structures, en référence à la théorie des opinions de Pages, ne bougent pas ! Et c’est à partir de cette étude des styles de pratique que les jeux de position entre groupes sociaux s’observent et se répartissent par différence dans l’espace des styles. Son analyse est tout à fait juste, mais ce n’est pas l’enjeu ni le projet de cet ouvrage.

• 4 Voir : Fatia Terfous, Ludovic Falaix et Jean Corneloup, « Marketing en ligne du surf et pouvoir éro (...)

5Concernant la critique de l’emploi de la notion de « récréatif », l’idée est de comprendre que ce terme regroupe toutes les pratiques du temps libre qui ont un lien avec une forme culturelle. D’une part, parce que la coupure entre loisir et tourisme n’est pas (ou plus) pertinente pour étudier les styles de pratique et, d’autre part, parce que les individus s’adonnent à de multiples pratiques qui combinent sport, art, gastronomie, religion, pratiques politiques et logiques sociales. Cette coupure moderne, qui a compartimenté les pratiques par ministères, services et institutions, ne traduit pas la présence de formes culturelles communes au sein de ces pratiques. Dès lors, l’enjeu sociologique n’est pas d’étudier les pratiques, mais la forme culturelle par laquelle le chercheur analyse les principes culturels activés. Qu’il s’agisse des pratiques numériques, télévisuelles ou en nature, ou de l’étude de sites internet et de brochures promotionnelles, l’analyse est la même pour qualifier la forme culturelle présente. Là encore, ce chercheur voudrait imposer son cadre théorique d’étude, qui n’est pas adapté au projet de l’ouvrage. Les formes culturelles sont un objet d’étude en tant que tel, sans considérer que seule la théorie bourdieusienne est pertinente pour les étudier. Cependant, on peut la solliciter dans l’étude des liens entre formes culturelles et marketing culturel, par exemple : l’étude des sites internet et des brochures commerciales a permis de saisir les différences entre les marques Roxy et Quiksilver pour dévoiler les processus de genre agissant à l’encontre des femmes en surf. Sans la connaissance des cultures du surf (en lien avec les formes culturelles), pas de possibilité de comprendre les jeux de différences marketing et de discrimination présents (articles publiés dans une revue de sociologie et dans un ouvrage sur le surf4)…