1Si lors d’un séjour en Suisse vous en venez, au détour d’une conversation, à aborder l’histoire du tourisme, votre interlocuteur ou interlocutrice, pour peu naturellement qu’il ou elle ait quelques connaissances en la matière, ne manquera sans doute pas de faire allusion à l’âge d’or qu’a connu l’hôtellerie helvétique avant 1914. Le souvenir des alpinistes anglais, qui ont fait du pays le lieu de villégiature favori des élites européennes (Tissot, 2000), reste en effet vivace. Quant aux imposants palaces-hôtels datant de la Belle Époque, ils témoignent aujourd’hui encore du formidable luxe qui prévalait alors (Ott, 1990). Restée dans la mémoire collective comme un temps béni, même si la prospérité apparente reposait parfois sur des fondations fragiles (Tissot, 1998), cette période faste prend brutalement fin avec la Première Guerre mondiale, qui provoque une diminution brutale du trafic international des voyageurs, plongeant ainsi l’hôtellerie dans la tourmente (Senn, 1918 ; Barberini, 1929). À l’issue du conflit, les difficultés économiques que connaît l’Europe, de même que les obstacles mis à la libre circulation des personnes, empêchent un retour à la normale (Narindal, 2012). Ce n’est qu’à partir de 1924, avec le redémarrage de l’économie mondiale, que les touristes étrangers reprennent en masse le chemin de la Suisse, entraînant une rapide augmentation des nuitées, qui atteignent en 1928 un volume comparable à celui de la Belle Époque. La crise des années 1930 met toutefois un terme à ce renouveau. Confrontée à une concurrence exacerbée et souffrant d’un manque de compétitivité structurel, l’hôtellerie suisse se retrouve dans l’impasse. Il faut attendre la dévaluation du franc, en 1936, qui remet le séjour en Suisse à la portée des bourses étrangères, pour que l’espoir renaisse (Schumacher, 1997). La reprise significative initiée par cette mesure est de courte durée : en 1939, avec le début de la Seconde Guerre mondiale, les hôteliers suisses sont une nouvelle fois privés d’une grande partie de leur clientèle. En définitive, c’est seulement à compter de 1950 que l’hôtellerie suisse connaît à nouveau une période de croissance durable. Profitant pleinement de l’extraordinaire phase de prospérité des Trente Glorieuses, le secteur finit par dépasser, dans les années 1960, son niveau d’avant 1914 (Tissot, 2013, 2021).
2L’intervention de l’État fédéral constitue la caractéristique centrale des « dark ages » (Schumacher, 1997, p. 81) dans laquelle la Première Guerre mondiale fait entrer l’hôtellerie (Tissot, 2013). Pour prévenir la ruine de la branche, les autorités fédérales prennent, à partir de 1915, une série de mesures provisoires, à la fois juridiques et financières, qui en viennent à former au fil du temps un dispositif d’aide connu sous le nom d’Hotelhilfsaktion (Krapf, 1955). Durant le conflit, le Conseil fédéral accorde aux hôteliers des délais pour le paiement de leurs dettes hypothécaires (Narindal, 2012). Afin d’éviter que le déséquilibre entre l’offre et la demande n’empire, le gouvernement s’arroge par ailleurs le droit d’autoriser ou non la construction de nouveaux hôtels ainsi que l’agrandissement d’établissements existants. La persistance de la crise, une fois la guerre terminée, conduit l’État à renforcer les mesures de secours. En 1920, une procédure de concordat hypothécaire spécifique à l’hôtellerie est instituée : contre paiement comptant, les hôteliers bénéficient d’une remise sur les intérêts de leur dette (Jaeger, 1947). Ce processus nécessite toutefois de l’argent frais, raison pour laquelle est créée en 1921 la Société fiduciaire suisse pour l’hôtellerie (SFSH), issue d’un partenariat entre l’État, l’hôtellerie et le monde bancaire (Jaeger, 1947). Dotée de fonds publics, elle contribue à l’assainissement du secteur en fournissant aux hôteliers des crédits à des conditions favorables. Censé à l’origine être provisoire, le dispositif d’aide multiforme à l’hôtellerie est reconduit et élargi au début des années 1930 pour faire face à la Grande Dépression. En dépit de l’appui de la SFSH, qui bénéficie de plusieurs crédits étatiques, la situation du secteur ne cesse pourtant de se dégrader. L’idée selon laquelle la crise est passagère et que la prospérité d’antan ne manquera pas de revenir commence à être remise en question sur la scène politique (Schumacher, 1997). D’aucuns se demandent s’il est vraiment raisonnable de continuer à soutenir une hôtellerie qui semble dépassée par les changements structurels du tourisme. Au sein même de la branche, la Société suisse des hôteliers (SSH) est mise sous pression par l’arrivée d’Hotelplan, une coopérative visant à redynamiser l’hôtellerie suisse sans aide de l’État, en rendant le tourisme accessible au plus grand nombre (Humair et Narindal, 2014).
3C’est dans ce contexte, alors que la situation semble sans issue, qu’intervient la dévaluation de 1936. Du jour au lendemain, l’hôtellerie suisse retrouve sa compétitivité internationale, ce qui se traduit par une réjouissante reprise du trafic touristique. Néanmoins, la viabilité de la branche reste compromise par le poids de ses dettes. Aussi l’annulation d’une partie des sommes dues apparaît-elle comme le seul moyen de la redresser financièrement. Le directeur de la SFSH, Franz Seiler, qui se penche dès 1937 sur les modalités d’une telle exonération, élabore un projet de loi en la matière. Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, qui contraint l’État à prendre dans l’urgence de nouvelles mesures d’aide, en retarde toutefois la concrétisation. Ce n’est qu’en septembre 1944 que la loi fixant les conditions du désendettement de l’hôtellerie est finalement adoptée. Dans la foulée, d’importants fonds publics sont débloqués, afin de permettre à la SFSH d’accorder des crédits d’assainissement et de rénovation. L’Hotelhilfsaktion atteint alors son extension maximale. Or, quelques années plus tard seulement, à l’aube des années 1950, tandis que la reprise de l’immédiat après-guerre connaît un brusque à-coup, la politique hôtelière de la Confédération est remise en question.
- 1 Société de droit privé contrôlée par l’État, la SFSH est de toute évidence un organisme atypique. S (...)
- 2 Je travaille actuellement à une thèse de doctorat consacrée à la mise en place par l’État central d (...)
4La présente contribution, qui se fonde sur les résultats intermédiaires d’une recherche en cours, principalement basée sur les archives de la SFSH, esquisse les enjeux et les modalités de la politique hôtelière suisse entre 1937 et 1950, une période bien moins connue que la Belle Époque (Humair et Tissot, 2011 ; Gigase et al., 2014 ; Humair, 2014) ou, a fortiori, que l’entre-deux-guerres (Schweizer, 1989 ; Schumacher, 1997) et qui, à bien des égards, apparaît comme décisive. Centrée sur les politiques respectives de la SSH et de la SFSH, deux corps intermédiaires1 ayant contribué à modeler l’intervention étatique, elle participe à ce titre, sur le plan méthodologique, d’une « méso-histoire ou histoire de l’entre-deux » (Bouneau, 2016, p. 13). En l’occurrence, l’objectif est non pas de proposer une analyse déjà aboutie de la politique hôtelière suisse durant le laps de temps considéré, mais de dégager, de manière encore superficielle, certaines de ses inflexions significatives, que nous comptons approfondir dans un futur travail2.
- 3 Dans tout l’article, les sommes sont exprimées en francs suisses.
5En 1937, au lendemain de la dévaluation, force est de constater que le dispositif d’aide à l’hôtellerie instauré à la suite de la Première Guerre mondiale, puis développé durant la crise économique mondiale, ne saurait permettre à l’hôtellerie de sortir de l’ornière. Si les mesures prises depuis 1915 ont permis de freiner l’accroissement de la dette hôtelière, elles n’ont pas réduit la dette globale qui grevait le secteur. Au contraire, entre 1914 et 1936, cette dernière a augmenté de quelque 300 millions de francs3, pour atteindre 1,2 milliard de francs (Seiler, 1937). Dans un article publié en avril 1937, Franz Seiler, le directeur de la SFSH, avance toutefois qu’avec la reprise, la réduction de la dette est désormais possible (ibid.). Il souhaite en l’occurrence éliminer les dettes non couvertes par la valeur de rendement de l’hôtellerie, soit un montant de 500 à 600 millions de francs, afin de rétablir un équilibre raisonnable entre chiffre d’affaires et taux d’endettement. Alors que le dispositif juridique jusqu’ici déployé par l’État central a avant tout profité aux sociétés par actions, il convient désormais de penser aux propriétaires d’hôtels. De fait, d’après Seiler, seul le maintien d’un corps hôtelier dynamique, caractérisé par un fort esprit d’entreprise, peut garantir à long terme l’excellence de l’industrie hôtelière suisse. Le redémarrage économique ayant pour effet de renflouer les caisses des instituts financiers engagés dans l’hôtellerie, ceux-ci devraient être prêts à certains sacrifices. En raison de la situation financière délicate de la Confédération, le directeur de la SFSH recommande en revanche de ne pas recourir à des fonds publics.
- 4 AFS, E9500.266#2010/262#247*, lettre du Bureau central de la Société suisse des hôteliers au Départ (...)
6En janvier 1938, à l’instigation de Franz Seiler, qui juge le moment opportun, la SSH demande au gouvernement de prendre des mesures permettant l’assainissement de l’hôtellerie4. À la suite de cette requête, la SFSH est chargée d’examiner la question et d’élaborer un projet de loi sur le désendettement. Appuyé par l’ancien juge fédéral Carl Jaeger, artisan des précédentes mesures d’aide au secteur, Franz Seiler établit alors les modalités d’un effacement des créances hypothécaires non couvertes (Jaeger, 1947). Il est alors prévu que les hôteliers remboursent peu à peu, pendant une dizaine d’années, une partie de la dette excédant la valeur de rendement de leur établissement. Le créancier devrait quant à lui renoncer à un montant égal à la somme récupérée, sa perte maximale s’élevant à 50 %. Il recevrait alors un certificat de perte, qu’il pourrait faire valoir ultérieurement. Le projet de loi autoriserait la SFSH à accorder aux hôteliers un prêt d’amélioration doté d’une garantie privilégiée. Permettant d’effectuer des rénovations ou de renouveler le mobilier, celui-ci pourrait atteindre jusqu’à 20 % de la charge hypothécaire totale. Dans l’ensemble, le texte prévoit un renforcement considérable des prérogatives de la SFSH. Ainsi, l’association obtiendrait un droit de regard sur toute nouvelle charge hypothécaire contractée par un hôtelier ayant bénéficié de son aide durant les dix ans suivant la fin du délai d’amortissement.
- 5 AFS, E9500.266#2010/262#39*, Protokolle des Verwaltungsrates der Schweizerischen Hotel-Treuhand-Ges (...)
7Présenté au conseil d’administration de la SFSH en mai 1938, le projet de loi concocté par Carl Jaeger, à l’initiative de Franz Seiler, suscite de vives critiques de la part des représentants du monde bancaire5. Ces derniers redoutent que d’autres secteurs économiques ne veuillent bénéficier d’avantages similaires. Les dispositions envisagées leur semblent propres à affaiblir la morale de paiement. Par ailleurs, le projet pourrait déstabiliser les établissements encore bien portants, en octroyant un avantage concurrentiel aux entreprises assainies. Si les créanciers devaient être contraints de renoncer à une partie de leur dû, l’État devrait fournir les moyens financiers nécessaires au désendettement. De manière intéressante, le magnat de l’hôtellerie Friedrich Frey-Fürst n’est lui non plus pas du tout enthousiasmé par le projet. Pour relever l’hôtellerie, il conviendrait selon lui avant tout d’éliminer les nombreux hôtels non viables, qui gâtent les prix. Malgré ces critiques, le conseil d’administration finit par accepter le projet, sans grandes modifications. À cet égard, l’opposition manifestée par les représentants des banques, qui proviennent de cantons touristiques, semble somme toute avant tout destinée à éviter de céder plus de terrain. Tandis que la SFSH travaille sur le projet de loi, des dispositions sont prises afin de prolonger les mesures juridiques existantes, qui arrivaient à terme à la fin de l’année 1938.
- 6 AFS, E9500.266#2010/262#247*, Protokoll der Sitzung des Zentralvorstandes vom 6. und 7. Oktober 193 (...)
- 7 AFS, E9500.266#2010/262#247*, « Die Frage der Neuordnung von Hotelsanierungen », [s.d.].
- 8 AFS, E9500.266#2010/262#247*, « Die Frage der Neuordnung von Hotelsanierungen », [s.d.].
- 9 « Entschuldung der Hotellerie », Schweizer Hotel-Revue, no 43, 27.10.1938
- 10 AFS, E9500.266#2010/262#39*, Protokolle des Verwaltungsrates der Schweizerischen Hotel-Treuhand-Ges (...)
- 11 « Du comité central », Schweizer Hotel-Revue, no 49, 08.12.1938.
8Alors que les représentants du monde bancaire siégeant au conseil d’administration de la SFSH se sont ralliés au projet de loi, la SSH juge, une fois consultée, que celui-ci ne va pas assez loin6. Pour l’association, l’ensemble des hôteliers dont le rendement est trop faible par rapport à leur taux d’endettement devraient bénéficier des mesures d’assainissement, pas seulement ceux ayant épuisé toutes leurs ressources7. Les taux d’intérêts devraient également être abaissés. Au vu de l’ampleur de la crise, la SSH considère que le processus de désendettement n’est pas réalisable sans l’aide de l’État : « une contribution fédérale d’au moins 50 millions de francs, étalée sur 10 à 15 ans environ, serait de mise8 ». En revanche, l’association ne veut pas que les hôtels soient soumis à des contrôles de longue durée, qu’elle considère comme une tutelle indigne. De son côté, l’hôtelier et conseiller national bernois Fritz von Almen préconise la création d’un institut de cédules hypothécaires hôtelières rattaché à la SFSH, auquel l’État avancerait un capital de 200 millions de francs9. Par l’intermédiaire de cet organisme, les hôteliers auraient la possibilité de contracter de nouveaux prêts hypothécaires, à hauteur de 30 % de la valeur moyenne de rendement de leur établissement, calculée sur les dix dernières années. Les tensions entre la SFSH et la SSH, pourtant dirigée par Hermann Seiler, l’oncle de Franz Seiler, sont telles que la SFSH annonce retirer son projet de loi et laisse à la SSH le soin d’élaborer son propre plan de désendettement10. Mise sous pression, l’association fait finalement marche arrière et indique qu’elle accepte le projet de la SFSH comme base de discussion11.
- 12 Hubert Gölden, « Vorschläge zur Fremdenverkehrspolitik der Kriegszeit », Schweizer Hotel-Revue, no (...)
9Anéantissant tous les espoirs de reprise, la Seconde Guerre mondiale plonge à nouveau l’hôtellerie dans la tourmente. En 1940, le volume des nuitées est inférieur de 25 % à son niveau de 1936, qui a pourtant été la pire année de la crise des années 1930 (Ritzmann-Blickenstorfer, 1996). Dans ce contexte, il n’est plus possible d’envisager un assainissement de l’hôtellerie. Pour parer au plus pressé, les mesures existantes visant à freiner l’endettement sont prorogées et étendues. Tout au long du conflit, des conditions toujours plus avantageuses sont offertes aux hôteliers, aux dépens de leurs créanciers. Pour les dirigeants de la SSH, la sauvegarde du secteur passe, comme lors des crises précédentes, par le maintien de prix aussi élevés que possible. Toutefois, le succès de la politique de crise de l’association dépend de sa capacité à augmenter sa représentativité, en intégrant les auberges et les pensions. Pour venir à bout des outsiders, l’association souhaite recourir à l’État. Ainsi, elle n’aspire rien de moins qu’à une institutionnalisation de son cartel, attendant des autorités qu’elles rendent ses prix minima contraignants pour l’ensemble du secteur. La SSH aimerait également que les fonds de secours octroyés à la SFSH puissent être employés afin de fermer définitivement certaines entreprises. L’association plaide en outre pour une application plus stricte de la clause limitant la construction ou l’agrandissement de nouveaux hôtels et demande la restriction de l’hébergement par des privés12.
- 13 Hermann Seiler, « Que faire pour l’hôtellerie ? Une proposition à discuter », Schweizer Hotel-Revue(...)
10À ces idées de la première heure, qui constituent le prolongement naturel de la politique de crise menée par la SSH durant la Grande Dépression, vient s’ajouter un projet plus radical, ayant pour but, dans une logique d’économie de guerre, de rationaliser l’offre hôtelière dans son ensemble. Ainsi, en novembre 1939, Hermann Seiler suggère que le gouvernement fédéral donne la possibilité aux hôteliers de se réunir au sein de coopératives de défense obligatoires13. Si un tiers des propriétaires d’hôtel d’une commune ou d’une région demandait la création d’une telle organisation, une assemblée des propriétaires devrait être convoquée. Du moment que la moitié des intéressés, possédant au moins la moitié des lits, plébiscitent l’idée, tous les hôtels, y compris les pensions et les logements privés devraient alors y adhérer. La coopérative prendrait toutes les mesures nécessaires à protéger les intérêts de l’hôtellerie dans la région concernée. Sa priorité serait en l’occurrence de réduire le nombre de lits disponibles, que ce soit en fermant certains hôtels ou en ne les ouvrant que partiellement. Le bénéfice éventuel devrait ensuite être divisé entre toutes les entreprises. La coopérative pourrait décider de financer des mesures publicitaires ou de contracter des prêts de roulement. Si Hermann Seiler est bien conscient que son idée ne manquera pas de susciter des oppositions, y compris au sein de la SSH, il estime qu’elle mérite d’être discutée, la crise promettant selon lui d’être longue.
- 14 AFS, E4110A#1000/1828#1072*, lettre de l’Union Helvetia au Département fédéral des postes et des ch (...)
11L’administration fédérale se saisit des demandes de la SSH. Durant l’été 1940, le travail en vue d’édicter des prescriptions visant à réguler l’offre d’hébergement et les prix d’hôtels se poursuit. En revanche, face à l’opposition qu’il suscite au sein même de la SSH, le projet de coopératives de défense est rapidement mis sous le tapis. L’abandon de cette mesure n’est pas sans décevoir l’Union Helvetia, le syndicat des employés de l’hôtellerie14. De fait, cette organisation est, elle aussi, favorable à une régulation plus poussée du secteur. Toutefois, s’il y a une convergence entre les velléités régulatrices des deux associations, leurs objectifs diffèrent. La SSH entend se servir de l’État pour faire respecter ses normes, dans une dynamique de substitution. Afin d’éviter que les mesures d’aide étatiques ne profitent qu’aux patrons, l’Union Helvetia veut quant à elle une régulation beaucoup plus poussée, et surtout plus neutre, que la SSH. Les normes contraignantes régleraient ainsi non seulement les prix et la participation des logeurs privés à l’hébergement des étrangers, mais également, entre autres, les salaires des employés, la politique de réserve et d’amortissement ou encore l’exclusion des sociétés anonymes du secteur hôtelier. Pour le syndicat, il n’est plus question de soins palliatifs : le secteur doit s’adapter coûte que coûte aux nouvelles règles du jeu du monde touristique.
- 15 AFS, E8100B#1971/137#85*, lettre du Département des finances du Canton du Valais au Département féd (...)
- 16 Sur la régulation de l’hôtellerie suisse à cette période, voir Narindal, 2016.
- 17 « Du Comité central. Séance du 1er avril à l’Hôtel Schweizerhof à Berne », Schweizer Hotel-Revue, n(...)
12Alors que les chances pour la SSH d’obtenir que la location privée soit restreinte et que ses prix soient déclarés obligatoires semblaient, de prime abord, plutôt bonnes, le processus administratif s’enlise. La majorité des cantons s’oppose à l’idée de donner à l’État central la possibilité de réglementer strictement la location de logements privés. Le canton du Valais, pourtant un haut lieu du tourisme, est l’un d’entre eux. Ainsi, les autorités valaisannes ne veulent ni priver les populations de montagne d’un revenu auxiliaire, ni empêcher les populations modestes de bénéficier de vacances à bas prix15. Si, en 1941, les mesures régulant l’offre d’hébergement hôtelière sont bel et bien prorogées jusqu’en 1946, et même légèrement durcies, à la grande satisfaction de la SSH, cette dernière échoue à faire adopter la législation espérée en matière de location de chambres privées : le gouvernement se limite à donner aux cantons la possibilité d’interdire une telle activité si nécessaire (Schweizer Hotelier-Verein, 1942)16. Sur le plan tarifaire, la SSH subit également une déconvenue. Fin 1940, le gouvernement avait laissé la porte ouverte à la réglementation des prix voulue par l’association, qui avait préparé une grille tarifaire en collaboration avec la Société suisse des cafetiers et restaurateurs et l’Union Helvetia. Cependant, en 1942, des considérations politiques conduisent les autorités à renoncer à une telle mesure17.
- 18 AFS, E9500.266#2010/262#44*, Protokolle des Verwaltungsrates der Schweizerischen Hotel-Treuhand-Ges (...)
- 19 AFS, E9500.266#2010/262#44*, Protokolle des Verwaltungsrates der Schweizerischen Hotel-Treuhand-Ges (...)
13Une fois passé le paroxysme de la crise, les acteurs de l’hôtellerie commencent à préparer l’après-guerre (Schumacher, 1997). En 1942, à l’initiative de l’architecte et conseiller national lucernois Armin Meili, les autorités commanditent un inventaire de l’hôtellerie suisse, qui doit permettre de planifier le futur du secteur. En 1943, Franz Seiler et Carl Jaeger présentent quant à eux au conseil d’administration de la SFSH un nouveau projet de loi sur le désendettement18. En raison de la crise, une grande partie des créanciers, en particulier les banques, qui redoutent de perdre toute leur mise, sont prêts à effacer une partie des dettes de leurs débiteurs en échange du paiement comptant d’un certain montant. Dans ce contexte, le moment est venu de mettre en action le plan de désendettement global mis en veille en 1939. Il convient d’agir avant que les hôtels ne redeviennent rentables et que la bonne volonté des créanciers ne disparaisse. Comme dans sa version antérieure, le projet prévoit une remise sur les créances non couvertes ainsi que l’octroi de prêts d’amélioration. Désormais, contrairement à 1939, le recours à des fonds publics pour financer l’assainissement est toutefois considéré comme indispensable. Jaeger sait que, comme pour le précédent projet, certaines dispositions déplairont à la SSH, mais il observe qu’un projet qui satisferait tous les hôteliers serait « un enfant mort-né19 ».
- 20 AFS, E9500.266#2010/262#44*, Protokolle des Verwaltungsrates der Schweizerischen Hotel-Treuhand-Ges (...)
- 21 Sur la dynamique familiale de l’hôtellerie suisse, voir Narindal, 2019.
14Le directeur de la SFSH, qui remercie vivement l’ancien juge fédéral pour la rédaction du projet, attend beaucoup de sa concrétisation, qui constitue selon lui la base d’une reprise du secteur20. Ne pas agir ne ferait que prolonger la dépendance du secteur vis-à-vis de l’État et mettrait en péril le travail déjà accompli. Selon Seiler, le programme de désendettement doit permettre de réparer l’injustice faite aux hôteliers-propriétaires, qui ont moins souvent pu compter sur la bienveillance de leurs créanciers que les sociétés par actions, et qui n’ont pas autant bénéficié des mesures d’aide juridiques que ces dernières. Au cœur du projet, il y a donc l’idée de redynamiser la composante familiale de l’hôtellerie suisse, considérée comme garante des valeurs du secteur, une préoccupation qui apparaît souvent durant la Seconde Guerre mondiale21. D’après Seiler, venir en aide à cette frange de l’hôtellerie est d’autant plus important, sur le plan économique, que les petits et moyens hôtels ont dans l’ensemble mieux résisté à la crise que les grands établissements contrôlés par les banques. Sur le plan comptable, le directeur de la SFSH, qui évalue à quelque 125 millions de francs le montant des créances non couvertes, estime que l’État devrait consentir des crédits de 25 à 30 millions de francs pour permettre le désendettement et de 25 millions de francs pour financer la rénovation du secteur.
- 22 « Le “Plan Cottier” pour l’assainissement de l’hôtellerie suisse », Schweizer Hotel-Revue, no 26, 0 (...)
- 23 « Du Comité central. Séance du 2 et 3 septembre 1943 au Bellevue-Palace à Berne », Schweizer Hotel- (...)
15Tandis que la SFSH réactive son projet de loi sur le désendettement, un autre projet visant à rétablir la capacité financière de l’hôtellerie voit le jour. Raphaël Cottier, directeur de l’Office fédéral des transports, l’organe chargé de coordonner la politique touristique fédérale, émet en effet l’idée de créer un fonds de secours de l’hôtellerie alimenté par les hôteliers eux-mêmes, au moyen d’une redevance sur les nuitées22. Cette taxe permettrait de contracter un prêt de 114 millions de francs, somme à laquelle viendrait s’ajouter une contribution de l’État. L’argent serait injecté dans la SFSH, qui serait ainsi transformée en banque hôtelière. Présenté par son initiateur devant l’assemblée des délégués de la SSH, le « plan Cottier » est décrit par Max Riesen, directeur du bureau central de l’association, comme une « brillante et hardie tentative d’adapter l’hôtellerie aux conditions actuelles23 ». Le projet en lui-même est qualifié de « fort séduisant » et de « sympathique », car basé sur le principe de l’entraide. Riesen émet toutefois de « sérieuses réserves » sur sa faisabilité et indique que la SSH attendra le verdict des autorités avant de se prononcer. Somme toute, le bon accueil fait au projet semble davantage lié à la satisfaction de voir enfin reconnus les besoins financiers massifs de l’hôtellerie qu’à la nature du projet, qui induirait une nouvelle charge pour le secteur.
- 24 AFS, E9500.266#2010/262#44*, Protokolle des Verwaltungsrates der Schweizerischen Hotel-Treuhand-Ges (...)
16L’impossibilité légale d’introduire les redevances prévues par le projet Cottier, ainsi que les réticences de l’hôtellerie conduisent à l’abandon de cette variante. Le terrain est donc libre pour le projet de la SFSH. Comme l’avait prédit Jaeger, la SSH est déçue par les modalités d’assainissement prévues24. L’association estime que la portée du désendettement est trop faible et que les limites posées à la liberté des hôteliers sont inacceptables. N’ayant pas abandonné l’idée d’étendre son emprise cartellaire, la SSH souhaite en outre que la SFSH fasse respecter ses règles tarifaires aux établissements assainis. Le projet de loi n’en est pas moins adopté, sans modifications majeures, le 28 septembre 1944. Outre la remise de certaines dettes, le texte permet aux hôteliers d’ajourner certaines obligations et de bénéficier d’un taux d’intérêt réduit ou variable sur leurs emprunts hypothécaires. Le 28 décembre 1945, par le biais d’un arrêté secret, l’État débloque ensuite, pour les années 1945 à 1949, une enveloppe totale de 65 millions de francs, qui doit permettre à la SFSH d’octroyer les crédits nécessaires à l’assainissement et à la rénovation de l’hôtellerie. C’est en 1945 également qu’est publié le rapport final relatif à l’assainissement technique des hôtels et des stations touristiques suisses (Meili, 1945). Les bases de la politique hôtelière de l’après-guerre sont ainsi jetées. Ayant réussi à faire accepter le principe d’une aide financière étatique au redressement du secteur, la SSH sort gagnante de la guerre.
- 25 AFS, E9500.266#2010/262#294*, Protokoll über die Konferenz zur Behandlung der Lage der schweizerisc (...)
17Si la SSH a pensé durant les premières années de la Seconde Guerre mondiale être en mesure de profiter d’une régulation accrue du marché, dans un contexte favorable à une dévolution du pouvoir étatique aux associations professionnelles, ce processus en vient à poser un problème à l’association. Le contrôle des prix instauré par l’État à partir de 1936 afin de freiner l’inflation entre toujours plus en contradiction avec sa politique tarifaire. Durant les dernières années du conflit mondial, ainsi que dans l’immédiat après-guerre, alors que le trafic touristique connaît une belle reprise, la SSH doit batailler ferme avec les autorités afin qu’elles acceptent des augmentations de prix (Narindal, 2016). L’hôtellerie n’est cependant pas définitivement sortie de la tourmente. En 1949, l’essor du tourisme est interrompu par un à-coup significatif. La vague de dévaluations qui traverse l’Europe plombe une nouvelle fois la compétitivité de l’hôtellerie suisse. Profitant de la force du franc, les touristes suisses se tournent quant à eux vers l’étranger. La SSH, dont Franz Seiler a pris la tête en 1946, demande alors que des mesures d’accompagnement soient prises. Et en mai 1950, les autorités fédérales organisent à Lucerne des assises de l’hôtellerie, afin d’identifier les points forts et les faiblesses de la branche et d’esquisser des solutions d’avenir25. Les exposés que Franz Seiler et Oscar Michel, son successeur à la tête de la SFSH, font à cette occasion sont particulièrement édifiants.
- 26 AFS, E9500.266#2010/262#294*, « Zum Referat von Dr. Franz Seiler, Zentralpräsident des Schweizer Ho (...)
18Franz Seiler défend l’idée que la crise de 1949 n’est que temporaire26. Trop strict, le contrôle étatique des prix a empêché le secteur de tirer pleinement profit du retour des beaux jours. Confrontée à un marché international concurrentiel, soumise aux restrictions monétaires de certains États et souffrant des protections accordées à la production nationale, l’hôtellerie est exsangue. D’après le président de la SSH, les remèdes ne manquent pourtant pas. Il s’agit avant tout d’obtenir une libéralisation du trafic international des paiements en adhérant à une union des paiements européenne. Il convient ensuite d’intensifier la publicité, de stimuler le trafic aérien et d’encourager les Suisses à rester au pays. En ce qui concerne l’extension du dispositif d’aide à l’hôtellerie déjà existant, il souligne la nécessité de soutenir la rénovation du parc hôtelier, tant pour maintenir sa compétitivité que pour créer des places de travail. Selon Franz Seiler, l’assainissement financier de l’hôtellerie passe par une privatisation du crédit hôtelier : pour aider l’hôtellerie, l’État devrait se contenter de garantir les intérêts des prêts contractés sur le marché privé, ce qui réduirait son engagement financier effectif. Les avantages juridiques dont profitent les hôteliers, qui effraient les investisseurs potentiels et constituent un frein à la relance, ne devraient plus être applicables aux nouveaux crédits et être limités autant que possible pour ce qui est des engagements existants.
- 27 AFS, E9500.266#2010/262#295*, « Wo steht unsere Berghotellerie? (Referat von Dr. Oscar Michel) », 2 (...)
19Contrairement à Franz Seiler, Oscar Michel avance que les problèmes rencontrés par l’hôtellerie sont structurels27. Rappelant que même durant la saison d’été 1937, pourtant considérée comme bonne, le taux de fréquentation des hôtels n’avait été que de 27 %, il juge que des changements de fond se sont produits depuis la Belle Époque. Tandis que Franz Seiler place ses espoirs dans une libéralisation de l’économie, le directeur de la SFSH relève que la détresse du secteur est précisément le résultat du libre-marché. Sans la gestion désastreuse et les excès qui avaient prévalu avant la Première Guerre mondiale, l’hôtellerie ne se serait jamais retrouvée dans de telles difficultés. Estimant que l’âge d’or ne reviendra pas, même en cas de libéralisation du trafic touristique, Oscar Michel redoute au contraire qu’un fléchissement de la conjoncture intérieure n’aggrave à l’avenir dramatiquement la situation de l’hôtellerie de montagne. Une réduction massive de l’offre, qui se heurterait toutefois à des oppositions quasiment insurmontables, constituerait selon lui le meilleur moyen d’assainir financièrement le secteur. Contrastant radicalement avec l’exposé somme toute optimiste de Seiler, l’intervention d’Oscar Michel est l’expression d’un profond désarroi. Si le directeur de la SFSH doute désormais de l’utilité des « mesures de transition, fondées sur l’espoir de temps meilleurs », qui ont été prises jusque-là, il ne voit cependant pas d’alternative acceptable.
- 28 AFS, E9500.266#2010/262#404*, Unterlagen zur Skischulaktion.
- 29 AFS, E9500.266#2010/262#405*, Unterlagen zur Bergführeraktion.
- 30 AFS, E9500.266#2010/262#296*, Franz Seiler, « Gedanken über die Anpassung und Neugestaltung der Hil (...)
20Les divergences entre la SSH et la SFSH se manifestent clairement au lendemain de la conférence de Lucerne. Désireuse de reconquérir les touristes étrangers, la SSH souhaite utiliser une partie des fonds attribués à la SFSH à des fins promotionnelles. À la demande de l’association hôtelière, le Conseil fédéral contraint l’institut d’aide à appuyer financièrement une campagne visant à encourager la pratique du ski durant l’hiver 1950-195128. L’été qui suit, la SFSH est forcée de contribuer à une action similaire, en faveur des guides de montagne29. Convaincu de la nécessité de réactiver le crédit privé, Franz Seiler n’abandonne pas l’idée de confier aux banques, plutôt qu’à la Confédération, la tâche d’alimenter financièrement l’hôtellerie30. Si son projet de créer un nouvel institut de crédit hôtelier, financé par les banques hypothécaires des régions touristiques, dont l’État se contenterait de garantir les prêts, n’aboutit pas, le concept fait son chemin. En 1956, la Coopérative suisse de cautionnement pour l’hôtellerie saisonnière (CCH), une institution privée ayant pour fonction de garantir des prêts bancaires, voit le jour. Ses moyens, réduits, limitent cependant son efficacité. La CCH et la SFSH, qu’une franche rivalité oppose, coexistent jusqu’en 1967, année où elles se fondent dans un nouvel organisme, la Société suisse de crédit hôtelier (SCH), dans le cadre d’une réorganisation générale de la politique touristique suisse (Virchaux, 1983).
21La brève fenêtre d’observation choisie dans la présente contribution permet de mettre en évidence, quoique superficiellement, une transition fondamentale dans les rapports entre l’hôtellerie et l’État en Suisse.
22La loi sur le désendettement du 28 septembre 1944, à laquelle Franz Seiler a commencé à réfléchir en 1937, constitue l’aboutissement d’un long processus entamé en 1915, qui visait à préserver les hôteliers des conséquences ruineuses de chocs externes (guerre, puis crise économique). À cet égard, si la Seconde Guerre mondiale, qui replonge l’hôtellerie dans une logique de crise dont elle semblait enfin sortie grâce à la dévaluation, constitue de toute évidence une épreuve difficile, elle n’en a pas moins un aspect positif pour le secteur : elle justifie en effet l’extension de l’Hotelhilfsaktion, notamment sur le plan financier, chose qui n’aurait pas été envisageable avant 1939. La politique adoptée par la SSH durant la Seconde Guerre mondiale, qui vise à intensifier la régulation du marché, s’inscrit, elle aussi, dans la dynamique des crises précédentes. Sans surprise, l’association hôtelière ne plébiscite cependant une intervention accrue de l’État que lorsque celle-ci va dans son intérêt et qu’elle garde toute sa liberté de manœuvre. De ce point de vue, l’exemple des prix d’hôtels est parlant. Si la SSH souhaite que les autorités rendent son règlement tarifaire contraignant pour l’ensemble du secteur hôtelier, elle lutte contre le contrôle des prix imposé par l’État dans le cadre de la lutte contre l’inflation. Au plus fort de l’interventionnisme, les hôteliers demeurent ainsi fondamentalement anti-étatistes.
23En 1950, à l’occasion de la conférence de Lucerne, Franz Seiler, devenu président de la SSH, critique certaines modalités de la loi sur le désendettement, dont il a pourtant été à l’origine. Certes, l’homme a changé de casquette, mais, surtout, le contexte est différent. Désormais, le nouvel équilibre mondial ouvre des perspectives favorables à l’hôtellerie suisse qui, pour rester compétitive, doit moderniser ses infrastructures. Dans ces conditions, les prescriptions protégeant les hôteliers de la faillite (remise de dette, ajournement, intérêts réduits ou variables), qui découragent les investisseurs, sont contreproductives. Pour le leader hôtelier, la meilleure manière d’encourager les banques à prêter est de faire jouer à la Confédération le rôle de garant. Ce n’est pas l’Hotelhilfsaktion qui est remise en question : la SSH, qui appelle par ailleurs de ses vœux l’octroi de subventions à fonds perdu à l’hôtellerie de montagne et défend le maintien des prescriptions restreignant l’ouverture de nouveaux hôtels, n’entend pas renoncer à l’appui de l’État. C’est simplement qu’avec le retour des beaux jours, certaines mesures de protection, naguère saluées, sont perçues comme un carcan. À partir de 1950, l’enjeu pour le secteur est de dynamiser le crédit, avec l’aide de l’État, tout en s’émancipant des contraintes qu’implique le recours à des fonds publics. Dans ce contexte, le système du cautionnement finit par s’imposer, avec la création de la SCH en 1967.
24Sur le plan touristique, l’intervention de la Confédération durant la période examinée témoigne de la volonté de faire perdurer le « modèle d’excellence » (Tissot, 2004) sur lequel reposait l’hôtellerie suisse à la Belle Époque, en privilégiant la préservation des infrastructures existantes plutôt que le développement d’une offre nouvelle (Tissot, 1998). Le formidable essor que connaît le tourisme à partir de 1950 semble en l’occurrence donner raison aux optimistes, tel Franz Seiler, qui estimaient que le salut de la branche viendrait d’une hausse des nuitées plutôt que d’une réduction du nombre d’hôtels. En dépit de cette période de haute conjoncture, qui entraîne la levée progressive du dispositif juridique d’aide à l’hôtellerie mis en place à partir de 1915, le principe d’un soutien financier public au secteur demeure. Quoique chantre du libéralisme, l’hôtellerie bénéficie ainsi de la politique économique active de l’État social issu de la Seconde Guerre mondiale.