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2024

Transports touristiques contre mobilités touristiques ? Démoder et dé-modaliser l’approche géohistorique du tourisme

Touristic transportation vs. touristic mobility? Demystifying and demodalizing the geo-historical approach to tourism
Étienne Faugier

Notes de l’auteur

Que soient remerciés ces spécialistes du tourisme que sont : Laurent Tissot, professeur émérite de l’Université de Neuchâtel ; Léopold Lucas, maître de conférences de l’Université du Littoral Côte d’Opale ; Steve Hagimont, maître de conférences à l’Université de Versailles-Saint-Quentin ; Mathis Stock, professeur ordinaire à l’Institut de géographie et durabilité à l’Université de Lausanne ; et Émeline Hatt, maître de conférences en aménagement et urbanisme à l’Université Aix-Marseille, pour leurs remarques et nos échanges ayant permis d’améliorer cette chronique.

Texte intégral

« Au final, voyage et tourisme ne formeront-ils qu’un seul mot à l’avenir ? », Isabel Babou et Philippe Callot, Que serait le tourisme sans le pétrole ?, Paris, L’Harmattan, 2012, p. 14.

Introduction

1Soit un touriste, quel que soit son point géographique d’origine, qui part de son domicile – en voiture, à pied, à vélo ou encore en transport public. Peu importe qu’il passe par une agence de voyages ou bien qu’il organise lui-même son périple touristique. Il va rejoindre sa destination finale par le biais de divers modes de transport – voiture, transport public terrestre, maritime, aérien, installations montagnardes pour rejoindre les hauteurs (remonte-pentes, ascenseurs, téléphériques notamment). Une fois sur place, il mobilise divers modes de locomotion pour rayonner autour de son ou ses hébergement(s).

2Cette brève description de l’expérience du déplacement touristique, ou dit autrement de la mobilité touristique, s’applique peu ou prou pour la période du xviiie siècle comme pour celle du xxie siècle – pour le dire vite, de Stendhal ([1938], 1981) à Blanc-Gras (2021 et 2024). Pour autant, les approches scientifiques des chercheurs ont été relativement différentes pour analyser le phénomène du déplacement des touristes. En effet, deux orientations prédominent, celle s’intéressant aux transports et celle analysant les mobilités. C’est ce décalage conceptuel que nous aimerions expliciter, analyser et critiquer.

3Ces deux approches trouvent leur origine aux xixe et xxie siècles, respectivement. Au xixe et au xxe siècle, le paradigme était davantage celui des transports. En 1982, la loi d’orientation sur les transports intérieurs est votée. Les acteurs du transport développent leur activité en silo, soit selon une activité mono-modale. Au xxie siècle, il semblerait que l’on soit entré de plein pied dans le paradigme de la mobilité (Urry, 2000, 2005). La SNCF se présente depuis plusieurs années comme une entreprise de mobilité – et non plus de transport ferroviaire. Les applications numériques comme SNCF Connect et Île-de-France Mobilités proposent la plurimodalité et l’intermodalité. En 2018 est créée la « maison de la mobilité et du tourisme » à Annemasse, tandis qu’en 2019 est adoptée la Loi d’orientation des mobilités (LOM). Le tournant de la mobilité, ce que les anglo-saxons appelle le mobility turn, débute autour des années 2000. Il entend, pour les historiens, dépasser l’approche modale des transports en faveur d’une approche plurimodale, celle des mobilités (Flonneau et Guigueno, 2009) ; pour les géographes, il s’agit davantage d’appréhender les flux, l’expérience du déplacement et la façon d’habiter les lieux touristiques (Stock, Coëffé et Violier, 2021). Ces deux approches ont pour ambition de mieux appréhender les déplacements des individus.

4Ce changement de paradigme, des transports aux mobilités, dans le domaine des sciences humaines et sociales est source de fertilité – politique, économique, sociale, culturelle. Notre propos ici est de se concentrer sur le tourisme. Car comme le dit André Siegfried, « le tourisme était fils de la vitesse et de la démocratie » (1955, p. 107). Il était donc commun, à l’époque, de parler de « transport touristique ». Que signifie, désormais, parler de « mobilité touristique » ?

5Dans cette chronique, nous posons la question suivante : en quoi l’approche par les mobilités permet-elle d’analyser plus adéquatement le tourisme ? Sous-entendu, pourquoi, et faut-il, abandonner l’approche par les transports ?

6Pour ce faire, nous arguons, tout d’abord, que le transport constitue un élément indispensable, voire fondateur du tourisme. Puis, nous questionnons l’analyse mono-modale et le séquençage de la pratique touristique par types de transport dans les études scientifiques – principalement géographiques et historiques. Enfin, nous théorisons l’analyse des mobilités touristiques telle qu’elle pourrait être au xxie siècle.

7Pour des raisons de proximité disciplinaire, nous nous concentrons sur l’analyse des travaux d’historiens et de géographes. Quelques travaux de sociologues et d’économistes sont inclus dans l’analyse, mais ces deux disciplines devraient faire l’objet d’une analyse dédiée sur le sujet des mobilités touristiques.

Les moyens de transport, un implicite au cœur du tourisme ?

8D’emblée, nous définissons l’expression « moyen de transport » comme un système socio-technique (Hughes, 1998, p. 839-857) qui comprend un mobile, un immobile – soit une infrastructure accueillant le mobile –, un cadre normatif et des pratiques de déplacement. Chaque moyen de transport – marche à pied, bicyclette, automobile, avion, bateau, chemin de fer, etc. – produit un système socio-technique. Le déploiement des moyens de transport permet, pour les touristes, l’accessibilité au lieu ; pour ce dernier, l’accès au marché touristique ; et pour le système touristique, son expansion mondiale. La mobilité, quant à elle, désigne la capacité des individus à se déplacer à l’aide de plusieurs moyens de transport. Dans le cadre du tourisme, c’est la capacité des touristes à recourir, relativement aisément, aux divers moyens de transport leur permettant d’aller sur les sites touristiques et de s’y déplacer.

9La définition du tourisme a évolué depuis son apparition, dans le dernier tiers du xviiie siècle, jusqu’à nos jours. Pour autant, malgré les différentes reformulations, les ajouts, les suppressions, plusieurs éléments de définition demeurent stables et inamovibles. Le transport est l’un d’entre eux.

10Faisons l’exercice d’analyser antéchronologiquement les définitions relatives au tourisme. L’une des dernières définitions officielles est celle de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), en 2020, qui définit le tourisme comme suit :

Le tourisme est un phénomène social, culturel et économique qui implique des mouvements de personnes vers des pays ou des lieux situés en dehors de leur environnement habituel intervenant pour des motifs personnels ou pour affaires et motifs professionnels. Ces personnes sont appelées visiteurs et peuvent être des touristes ou des excursionnistes ; des résidents ou des non-résidents ; le tourisme englobe leurs activités, dont certaines impliquent des dépenses touristiques1.

11Ce qui nous intéresse ici, c’est bien l’expression « qui suppose [implique, en anglais entails] des mouvements […] » ; soit des changements de position dans l’espace. Cette définition affirme le lien entre déplacement et tourisme, dans la mesure où elle considère comme condition intrinsèque les « mouvements ». C’est ce premier critère qui définit le tourisme et ses pratiquants.

12Si l’on continue notre voyage dans le temps à la source du tourisme, parmi les nombreuses définitions du géographe et spécialiste du tourisme Rémy Knafou, retenons celle qu’il en donne en 1997 :

Le tourisme est un déplacement, c’est-à-dire un changement de place, un changement d’habiter : le touriste quitte temporairement son lieu de vie pour un ou des lieux situés hors de la sphère de sa vie quotidienne. Le déplacement opère une discontinuité qui permet un autre mode d’habiter. (Knafou et al., 1997, p. 198).

13Cette définition purement géographique, où de fait l’espace est omniprésent, met précisément l’accent sur le « déplacement », qui ne peut être occasionné qu’à l’aide de transport(s). C’est parce qu’il y a dé-placement – soit un changement de place – (« hors de sa sphère de vie ») que le tourisme peut s’épanouir puisque l’on touche ici à l’exotisme et au dépaysement.

14Les historiens sont très peu nombreux à s’être intéressés à l’étude du tourisme (Spode, 2010). Parmi eux, Marc Boyer, grand spécialiste du tourisme propose en 1982 la définition suivante :

Ensemble des phénomènes résultant du voyage et des séjours des personnes hors de leur domicile quand ces déplacements tendant à satisfaire, dans le loisir, un besoin culturel de la civilisation industrielle. (dans Stock, Coëffé et Violier, 2021, p. 29).

15Ce dernier nous parle de « voyage » et de « déplacements », mais il met davantage l’accent sur les pratiques touristiques sur site que sur les pratiques de déplacement des touristes.

16En 1942, Walter Hunziker et Kurt Krapf, deux professeurs de tourisme, membres de l’Académie suisse de sciences humaines, proposent la définition suivante :

Le tourisme est l’ensemble des relations et des phénomènes qui résultent du voyage et du séjour des personnes, le lieu de séjour n’étant ni le lieu de travail ni le domicile principal permanent. (dans Demen-Meyer, 2005, p. 11)

17Ici, le mot qui nous importe est « voyage ». Il s’agit d’un déplacement dans l’espace hors de son domicile avec l’intention d’y revenir. Ce concept se rapproche de celui de « déplacement » même s’il est chargé d’une connotation historique plus forte – on pense particulièrement au voyage que fait Ulysse à la fin du viiie siècle av. J.-C. dans L’Odyssée d’Homère. Dans le Dictionnaire de l’Académie française (1932-1935), le tourisme est défini laconiquement comme l’« action de voyager pour son plaisir » (Gay, s.d.). Là encore, le transport est sous-jacent au voyage, mais n’est pas évoqué directement.

18Ces diverses définitions, à travers le temps et l’espace, emploient divers mots, « mouvements », « déplacement », « voyage », pour qualifier le tourisme. Toutefois, aucune de ces définitions, en français ou traduites en français, n’emploie le mot « transport ». Serait-ce l’une des raisons de la relative lenteur avec laquelle les spécialistes du transport se sont intéressés au tourisme ? – nous développerons ce point plus bas. On constate en revanche qu’en anglais certaines définitions utilisent le mot « transporting ». Par exemple, C. A. Gunn, en 1972, définit le tourisme autour de cinq critères : les « gens », les « activités », les « services et commodités », les « informations et guidages » et les « transports » : « transportation… moves people to and from the attraction destinations » (dans Demen-Meyer, 2005, p. 13). Cette approche systémique, incluant directement les transports, explique partiellement, selon nous, que les anglophones aient privilégié l’analyse conjointe tourisme et transport davantage que les francophones.

19À travers cette brève historiographie de la définition du tourisme, on s’aperçoit que les transports ne sont pas immédiatement évoqués, ce qui conduit selon nous à un relatif manque d’intérêt des chercheurs, principalement francophones, pour cette thématique. Mais il faut souligner avec force qu’il n’existe pas, depuis le Grand Tour, de tourisme sans transport, alors que l’inverse n’est pas vrai ! Le transport porte – parmi d’autres choses – le tourisme (Bigras et Dostaler, 2013 ; Tissot, 2006, p. 31-37). Il existe donc une réelle dépendance du tourisme aux divers modes de déplacement. C’est ce qu’il nous faut évoquer à présent.

20Certains transports et certaines infrastructures de mobilité ont été ou sont expressément construits et développés pour les touristes. Dit plus simplement, dans ces cas-là, le transport fait le tourisme : à la fois moyen de déplacement et mode d’expression du tourisme. Ce faisant, ils ont fait l’objet d’études par les chercheurs. Ainsi, plusieurs chercheurs ont analysé les pratiques touristiques en lien avec l’essor de l’alpinisme à la fin du xixe siècle (Hansen, 1991 ; De Bellefon et Hagimont, 2015 ; de Baecque, 2016). Si les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle étaient initialement privilégiés par les pèlerins, depuis les années 1920 et notamment depuis les années 1960, ils sont aussi empruntés par les touristes marcheurs (Manuel Santos, 2017). À travers le mode ferroviaire s’expriment deux orientations touristiques : des lignes de train créées pour desservir des stations nouvelles, comme Arcachon en 1855, et des lignes qui servent d’attraction touristique, comme la crémaillère du Rigi en Suisse en 1871 (Gigase, 2014), l’Orient-Express de Paris à Istanbul, le Train bleu, train de déplacement touristique reliant les lieux d’habitat et les lieux de villégiature, entre le nord de la France à la Méditerranée (Marchi, 2007 ; Blancheton et Marchi, 2011) ou encore la Compagnie du Midi qui développe des innovations à visée touristique (Bouneau, 2015). C’est également le cas de certaines routes touristiques pour automobiles qui apparaissent au début du xxe siècle, comme la route des Alpes (1910), la route des Pyrénées (1911) ou la construction d’une route par l’Automobile Club du Rhône, inaugurée en 1933, permettant la valorisation d’un circuit touristique autour du mont Thou (Faugier, 2013a). D’autres routes, préexistantes, deviennent également touristiques, c’est le cas de la route nationale 7 en France ou encore de la route 66 aux États-Unis, que les automobilistes, les caravanistes et les motards notamment empruntent (Bourdeau et Marcotte, 2015). Durant les années 1960, les aérogares étaient également des lieux où les touristes venaient voir décoller et atterrir les avions ; c’est le cas de l’aéroport d’Orly, en 1965, qui était l’un des lieux les plus visités de France avec 4 millions de visiteurs (Knafou, 2012). À partir des années 1970, les croisières constituent un autre mode de transport touristique. Les paquebots de croisière opèrent dès 1844, avec la compagnie maritime P&O Ferries reliant l’Angleterre à l’Égypte (Howarth et Howarth, 1986). On en trouve par la suite en Méditerranée, dans la mer des Caraïbes, la Baltique et l’espace maritime nordique et asiatique. Ces paquebots condensent en un même lieu les éléments définissant le tourisme : le dépaysement d’être comme sur une île, le déplacement, les services et hébergements, les attractions touristiques ou récréatives. Ils constituent l’un des meilleurs exemples du all inclusive dans la mesure où, lors de certaines croisières, les touristes ne prennent même pas la peine de descendre du paquebot pour se rendre sur les territoires environnants. La découverte de l’immense navire et des diverses activités qui y sont proposées semblent suffire à combler les attentes de certains touristes (Daum et Girard, 2018). C’est un peu moins vrai pour le tourisme fluvial, qui apparaît dès la fin du xviiie siècle. En 1927 est publié le premier guide de navigation sur voie fluviale. Ici, c’est par la déambulation sur le fleuve que les touristes rayonnent dans les régions environnantes (Damien, 2001). Les fleuves font donc office d’axe de développement touristique des territoires, comme en témoigne le cas spécifique de la région Pays de Loire (Violier, 1993). Plus récemment, on a assisté au retour du cyclotourisme – apparu au tournant du xxe siècle, notamment sous l’impulsion du Touring club de France. Chaque pays, région, département voire municipalité déploie des pistes cyclables pour les touristes et parfois même pour les migrations pendulaires des habitants. En France, parmi les voies cyclables touristiques, on peut citer la Loire à Vélo initiée dès les années 1990 (Coupy et Pinson, 2015), la ViaRhôna reliant le lac Léman à la Méditerranée dès la fin des années 2000 et, à l’échelle européenne, les dix itinéraires EuroVelo qui traversent la France.

21Certains modes de transport, qui expriment des pratiques touristiques, n’ont fait l’objet que de peu de recherches et constituent les grands oubliés des approches historiques et géographiques des transports (Baldasseroni et al., 2022 ; Libourel et al., 2022). Un mode de transport très discret dans les travaux des chercheurs est par exemple l’ascenseur (Humair et al., 2014). Des recherches récentes ont fait apparaître que les hôtels touristiques sont le lieu d’innovations pionnières : c’est le cas du Grand Hôtel à Paris qui s’équipe en 1862 de machines élévatoires à vapeur et hydraulique (Tessier, 2014 ; Lapointe Guigoz, 2011), tout comme l’hôtel Beau-Rivage à Genève en 1873. Avant d’être une pratique récréative et touristique, le ski tout comme la luge ont été des modes de transport pour se déplacer durant l’hiver dans les pays européens nordiques (Quin et al., 2023 ; Busset et Marcacci, 2006). Il serait donc utile d’analyser leurs usages, le passage du mode de transport au mode récréatif, de déterminer si la frontière entre les deux pratiques est imperméable et d’évaluer les mutations engendrées par ces pratiques sur les autres modes de transport (Barton, 2014 ; Denning, 2014 ; Morales, 2007). Dans le cadre des territoires mis en tourisme, été comme hiver, l’installation de remonte-pentes et de téléphériques va permettre de valoriser économiquement les pratiques de ski dès les années 1930. Initialement mobilisé par les militaires au début du xxe siècle – dans les Vosges et en Italie par exemple –, le téléphérique est utilisé en parallèle pour le transport de marchandises, d’individus et le déplacement des touristes (Tinet, 2019). Ainsi, l’un des pionniers du téléphérique aux États-Unis, Barney Joseph Gagnier, installe en 1893 le premier téléphérique touristique à Knoxville, au-dessus du fleuve Tennessee ; en 1894, il tente de faire de même aux chutes du Niagara, mais la technologie était encore fragile et des accidents remirent en question le projet (Berne, 2023), qui ne voit finalement le jour qu’en 1916. Chamonix s’équipe en 1924 d’un téléphérique pour les premiers Jeux olympiques d’hiver. À cela, il faudrait ajouter des modes de transport touristiques plus contemporains, tels les autobus panoramiques, les navettes fluviales opérant principalement dans l’espace urbain (Paris en 1867 et Lyon en 1863), les téléphériques et télécabines touristiques, les navettes routières automobiles, les petits véhicules touristiques comme les vélos-taxis, tuk-tuks ou rickshaws (Cerema, 2015).

22S’agissant de ces différents modes, il serait intéressant d’en apprendre davantage sur les réactions qu’ils suscitent, leurs usages, leurs évolutions et les conséquences de leur déploiement sur les individus et les autres modes de transport. Ainsi, ce sont à la fois le mobile (cheval, train, vélo, bateau, paquebot, avion, ski, luge) et/ou l’immobile (route, fleuve, aérogare, aéroport) qui sont mobilisés comme source et ressource de tourisme. Ils deviennent des lieux touristiques recherchés par les touristes à l’instar de « lieux immobiles » tels que la côte d’Azur, la tour Eiffel ou encore le Machu Picchu. Parce qu’ils mettent en avant un paysage spécifique, une manière de se déplacer originale, des activités particulières, certains modes de transport constituent simultanément le mouvement et le tourisme.

23Paradoxalement, les chercheurs en sciences humaines et sociales ne sont pas si nombreux à avoir croisé transports et tourisme dans leurs recherches. Il faut tenter d’en expliciter les raisons.

Recherches sur les transports et le tourisme : un relatif impensé ?

24Avant d’aborder les recherches traitant des transports et celles traitant du tourisme, signalons un chemin de traverse possible : celui de l’histoire des voyages. Plusieurs chercheurs ont pris cette tangente, liant potentiellement tourisme et transports. Daniel Roche a ouvert ce champ des voyages et du tourisme, à cheval notamment, lorsqu’il s’est intéressé aux récits de voyage des jeunes nobles faisant le Grand Tour au siècle des Lumières. Il évoque, en quelques pages, les voyages touristiques, mais les transports sont quelque peu absents de cette étude basée principalement sur la littérature (Roche, 2003 et 2011). Sylvain Venayre rappelle, quant à lui, sur davantage de pages, l’importance des déplacements à pied et à cheval – en malle poste ou en diligence – pour les touristes anglais et français notamment (Venayre, 2012). Mais dans ces deux approches du voyage, le voyage touristique demeure un voyage parmi d’autres et pour lequel les transports sont relativement peu explicités.

25Parmi les spécialistes des transports, l’approche touristique fait office de cinquième roue du carrosse. Elle constitue souvent le dernier chapitre d’une thèse, dans lequel l’auteur survole les mutations engendrées par le type de transport étudié – l’auteur de cette chronique ne dérogeant pas à la règle (Faugier, 2013b). Cela tient au fait que l’approche socio-culturelle est somme toute récente au sein des études relatives aux transports ; elle débute à la fin des années 1990. Les spécialistes de l’histoire ferroviaire ont mis en exergue les mutations engendrées par le tourisme sur le chemin de fer et vice-versa (Simmons, 1991 et 1986). Ils évoquent notamment les excursions touristiques ferroviaires du dimanche des ouvriers, particulièrement pour aller voir des matchs sportifs. En 2023, Laurent Tissot publie un ouvrage décisif pour l’histoire des transports et du tourisme, intitulé La Suisse se découvre. Trois siècles de tourisme en question (1730 à nos jours) : « Le parti pris de ce livre est d’explorer l’histoire du tourisme en Suisse dans ses enchaînements technico-chronologiques. Il suit l’évolution des moyens de transport dans cette quête d’exotisme offert par l’espace national. » (Tissot, 2023, p. 11). L’historien, spécialiste des transports et du tourisme, dresse un panorama du tourisme depuis 1730 jusqu’à nos jours à travers une variété de moyens de transport : à pied, en mulet, en diligence, en bateau, en train, en vélo, en moto, en voiture, en autocar (pour la première partie), en automobile, train, bateau, autocar, avion et hélicoptère et de manière multimodale (pour la seconde partie). L’auteur ne tombe pas dans le schéma une époque = un mode, mais propose plutôt un tuilage des modes avec comme point de rupture commun, la Seconde Guerre mondiale. On a ainsi un aperçu des divers modes de transport utilisés pour des pratiques touristiques, chose totalement novatrice dans l’historiographie du tourisme. Il manque toutefois l’approche mobilitaire qui, selon nous, n’apparaît pas seulement à partir de 1975 mais dès les débuts du tourisme au xviiie siècle.

26Les sources relatives aux acteurs d’un ou plusieurs modes de transport évoquent souvent l’essor des pratiques touristiques. On peut penser aux sources du Touring club de France qui vante le cyclotourisme dès les années 1890 (Girod, 2011) ; aux acteurs du monde ferroviaire qui publicise de nouveaux territoires touristiques accessibles en train ou en autocar (Paris-Lyon-Méditerranée [PLM] en France) (Pégé-Defendi, 2003) ; aux Automobile Clubs au niveau national et départemental qui développent le tourisme automobile (Faugier et Gardon, 2009) – on utilise l’expression de « voiture de tourisme » (Bertho-Lavenir, 1997) ; aux compagnies aériennes et maritimes promouvant les destinations extracontinentales et insulaires (Llinares, 2009).

27Au sein des diverses revues spécialisées en transport, les études traitant du tourisme sont très peu nombreuses depuis les années 2000. Cela est par exemple visible dans le Journal of Transport History. À l’instar des revues spécialisées en tourisme, on y trouve quelques articles épars analysant le transport sous l’angle touristique. Les approches privilégiées traitent d’une infrastructure spécifique – une route par exemple – dédiée au tourisme (Bertilsson, 2020). C’est un peu moins le cas dans le Journal of Transport Geography qui, au-delà des quelques articles relatifs au tourisme et aux transports, consacre un numéro à cette thématique en 2007 (Robbins et Thompson, 2007). Dans la revue Mobility in History, lancée par l’association Transport, Traffic & Mobility, qui s’attache à produire des bilans historiographiques par pays, thématiques de recherche, objets, une part des articles est consacrée au tourisme. Quatre articles évoquent les liens entre mobilités, transports et tourisme dans les Caraïbes, en Chine, en Uruguay et au Brésil (Sheller, 2015 ; Mo, 2015 ; Schossler, 2015 ; Campodonico, 2015). À la lecture de ces revues, on s’aperçoit que l’approche plurimodale n’est que peu valorisée, voire passée sous silence – excepté pour la dernière, qui en appelle à dépasser l’approche modale (Schossler, 2015). Il semblerait que l’histoire des mobilités touristiques vue par les historiens du xxie siècle permette davantage de mettre l’accent sur une histoire genrée, sur une histoire liant le tourisme à l’esclavage et aux études subalternes, ou sur une approche transnationale (Sheller, 2015 ; Mo, 2015), permettant à l’histoire du tourisme de sortir de l’approche économique en faveur d’une approche socioculturelle (Campodonico, 2015). Ainsi, au sein même de l’histoire des mobilités, l’étude du tourisme s’ouvre sur davantage que la plurimodalité, ce qui fait que les historiens n’y accordent pas tous la même importance bien qu’elle soit très récente – voire n’en font pas nécessairement un axe d’étude principal (Sheller et Urry, 2004) !

28Par ailleurs, au sein des conférences dédiées aux transports, quelques sessions ont mis en avant le tourisme. C’est le cas d’une session intitulée « Mobility and Wilderness Park » lors de la conférence internationale de l’association Transport, Traffic & Mobility (T²M) organisée en 2008 à Ottawa (Canada)2. Les trois présentations de cette session s’attachent à analyser les enjeux autour de l’essor des automobiles dans les parcs nationaux canadiens au xxe siècle. Le titre de la session est quelque peu trompeur dans la mesure où il s’agit davantage d’une approche modale que d’une approche mobilitaire. Quoi qu’il en soit, cette thématique a été particulièrement étudiée par Paul S. Sutter dans son étude liant l’essor du mouvement de protection de la wilderness et l’augmentation du nombre de véhicules à moteur aux États-Unis (Sutter, 2005). Ben Bradley a quant à lui étudié la transformation du paysage de Colombie-Britannique sous l’effet de la motorisation en évoquant notamment l’essor du tourisme automobile et son rapport à la wilderness (Bradley, 2017).

29Certains ouvrages ancrés dans le domaine des transports traitent également du tourisme. En France, l’ouvrage qui fait référence est celui de Catherine Bertho-Lavenir, qui propose une histoire du tourisme à travers l’évolution des modes de transport (Bertho-Lavenir, 1999). Sa démarche est similaire à celle des géographes Jean-Christophe Gay et Véronique Mondou, dans laquelle chaque mode de locomotion a son « moment touristique », tout comme il existe des « moments de lieux » (Équipe MIT, 2005), du vélo jusqu’à l’aérien. Cela donne une impression de progrès : toujours plus vite, plus loin, moins cher. Cette démarche, que l’on peut qualifier d’évolutionniste, est intéressante, car présentant un panorama des modes de transport influencés par le tourisme ou l’influençant. On la retrouve dans un cours enseigné, depuis plusieurs années, par Jean-Christophe Gay aux étudiants de licence 3 de la Mauritius Chamber of Commerce and Industry3. Mais, dans la réalité, on assiste davantage à une accumulation des modes de transport en tout temps avec, à certains moments ou dans certains lieux, des dominations modales – l’avion pour les territoires insulaires par exemple. L’étude de Léopold Lucas se focalise ainsi sur un mode dominant une pratique touristique urbaine en étudiant les pratiques touristiques en bus à Los Angeles (Lucas, 2018), bien que cela reste une géographie des transports plutôt qu’une approche mobilitaire – plurimodale. Côté anglophone, les travaux sont plus nombreux. Certains chercheurs en transport ont analysé les liens entre l’agencement architectural des paquebots et l’expérience touristique des individus depuis le xixe siècle (Braasch et Müller, 2020). D’autres s’appuient sur les récits de voyage des touristes pour appréhender le déplacement en transport (Mo, 2021).

30Il existe, depuis les années 1960 environ, des travaux associant transports et tourisme, avec un prisme penchant vers l’un ou l’autre des champs historiographiques. Toutefois, un récent renouvellement a eu lieu, au début des années 2000, venant des études sur les transports : le mobility turn (Mom, 2009). Dans cette nouvelle orientation, les problématiques transversales sont particulièrement favorisées pour analyser plusieurs modes. En cela, les thématiques comme la sécurité, la vitesse, l’infrastructure, le patrimoine sont particulièrement fécondes. Ce devrait être le cas du tourisme.

  • 4 En témoigne le peu de sessions et communications qui lui sont consacrées dans des arcanes scientifi (...)

31Les recherches traitant du tourisme (Spode, 2010 ; Boyer, 2002), comme celles relatives aux transports (Flonneau et Guigueno, 2009 ; Baldasseroni et al., 2022), débutent dès les années 1970-1980. De plus, le tourisme, même en 2023, n’est pas nécessairement considéré comme un objet sérieux, quelle que soit la discipline scientifique ; ainsi peu de chercheurs s’attardent à l’analyser4. C’est le premier argument qui peut expliquer que les deux champs ne se soient pas réellement rencontrés. Ces deux champs étant en cours de développement depuis moins d’un demi-siècle, les avenues n’ont pas toutes été explorées, même celles qui semblent les plus évidentes, telles que l’étude des liens entre transports et tourisme. Les chercheurs en tourisme s’intéressent aux mutations territoriales et économiques, aux actions marketing, aux littératures touristiques, aux conflits politiques et sociétaux. Les chercheurs en transport analysent les transformations économiques, les structurations des politiques et les impacts socio-culturels. Dans les deux cas, le transport et le tourisme sont abordés ponctuellement et secondairement, mais pas directement et principalement.

32Si l’on regarde à présent du côté des différentes revues scientifiques dédiées au tourisme, peu d’articles traitent des transports. Au sein des Annals of Tourism Research, quelques articles sont consacrés aux transports dès le milieu des années 1980. Souvent le fruit du travail d’un chercheur individuel et se concentrant sur un mode de transport sur une période relativement courte, il s’agit le plus souvent d’études alliant tourisme et transport, par exemple l’automobile (Jakle, 1981). Dans le Journal of Tourism History, quelques articles abordent de front les liens entre tourisme et transport à partir de la décennie 2010. Il y est question des voyages en bateaux à vapeur au milieu du xixe siècle, des effets des mutations ferroviaires sur le tourisme au xixe siècle, de l’essor des vols aériens touristiques en 1930 et des pratiques touristiques qui se développent avec l’essor de la motorisation (Cerchiello et Vera-Rebollo, 2015 ; Pirie, 2009 ; Kaiserfeld, 2010 ; Wagner, 2013 ; Østby, 2013 ; Greenwood, 2011 ; Symes, 2015). Il s’agit d’articles de chercheurs individuels, de par le monde, et non d’un numéro spécifique dédié à cette thématique ; preuve que la thématique ne fédère pas encore assez de chercheurs. De plus, ces articles mettent l’accent sur une période spécifique du développement du mode de transport ou du territoire étudié, sans donner le panorama plus global de l’essor du mode de transport en question et de ses multiples impacts. Il semble donc que les chercheurs s’intéressent aux divers modes de transport lorsque ceux-ci recoupent la pratique touristique : or, le transport est tourisme ; et pas uniquement un moyen de se déplacer pour accéder aux lieux touristiques. On retrouve sensiblement le même schéma dans les Annals of Tourism Research où l’accent est mis sur les mutations du tourisme en lien avec l’essor du train à grande vitesse, de l’aérien, de la croisière maritime et, plus récemment, sur l’impact potentiel des véhicules autonomes sur le tourisme urbain (Papatheodorou, 2021 ; Dwyer et Forsyth, 1998 ; Cohen et Hopkins, 2019 ; Castillo-Manzano et al., 2018). Le même constat pourrait être fait s’agissant des revues suivantes : Tourist Studies, Journal of Tourism and Cultural Change, International Journal of Tourism Anthropology, Tourism Geographies, Journal of Heritage Tourism, Tourist Review, ou encore la revue Mondes du tourisme. Il semblerait qu’il n’y ait pas eu de réelle initiative de dédier un numéro de ces revues aux relations entre transports et tourisme. Signalons tout de même une exception, à notre connaissance. La revue Téoros. Revue de recherche en tourisme a consacré en 2013 un numéro à ce sujet (Bigras et Dostaler, 2013) ainsi qu’un autre, dix ans plus tôt, au sujet des « routes à thèmes » (Geronimi, 2003). Peut-on y voir un regain d’intérêt de la part des chercheurs pour l’analyse des liens entre tourisme et transport ? C’est possible, mais les dix ans qui nous séparent de cette publication n’ont pas encore confirmé que le tournant a été pris. L’article de John Walton, intitulé « Transport, travel, tourism and mobility: a cultural turn? » et publié en 2006, constitue à cet égard une borne significative (Walton, 2006).

33En ce qui concerne les ouvrages consacrés à cette thématique, ils sont très peu nombreux, et davantage anglophones que francophones. Cette différence trouve son explication dans le développement plus précoce des transports et du tourisme en Angleterre, puis aux États-Unis. L’ouvrage principal est celui de Stephen Page, intitulé sobrement Transport and tourism et publié en 1999 (Page, 1999). Page est professeur spécialiste du tourisme en Angleterre et l’auteur de nombreux ouvrages sur le tourisme et les loisirs. Il s’agit d’un ouvrage majeur, réédité plusieurs fois : en 2005 et en 2009 (Page, 2009). Il aborde, en dix chapitres, les enjeux et orientations du transport et du tourisme ; le rôle des politiques, entre régulation et privatisation ; l’analyse de la demande en voyage touristique qui impacte les transports ; les offres et enjeux des transports pour répondre à cette demande ; le rôle des infrastructures de transport sur l’aménagement du territoire, tels les aéroports ; les problématiques entourant le changement climatique ; et la prospective relative aux transports et aux voyages touristiques. Le livre de Page fait office de manuel, à l’image de celui de Sven Gross et Louisa Klemmer, intitulé Introduction to Tourism Transport (2014). Cet ouvrage étudie le tourisme et ses futurs selon les divers modes de locomotion – aérien, terrestre (automobile, autobus, ferroviaire), maritimes (croisière, ferry). Ainsi, on constate deux modèles d’écriture et d’analyse : soit l’approche thématique autour de l’offre, de la demande et des enjeux des transports touristiques ; soit l’approche modale où l’on explore chaque mode de transport. En France, un numéro des Cahiers de géographie, s’appuyant sur un colloque organisé à Chambéry en 2006, s’intitule Transport et tourisme (Bernier et Gauchon, 2006). Les différents contributeurs analysent les interactions entre transport et tourisme, l’accès aux destinations touristiques, les déplacements dans les espaces touristiques, les réseaux de transport comme éléments de la ressource touristique, les synergies et conflits entre transport, développement touristique et territoires. On retrouve, à l’instar des études des historiens, l’approche modale évolutive et les transformations engendrées par les transports sur les lieux et pratiques touristiques. Comme évoqué précédemment, les géographes Jean-Christophe Gay et Véronique Mondou ont également publié une étude retraçant deux siècles d’interactions entre le transport et le tourisme (Gay et Mondou, 2017). À travers cinq chapitres, ils analysent la façon dont les transports ont favorisé le tourisme, le rôle des opérateurs de transport dans le développement du tourisme, l’essor des voyages à bas prix et l’aménagement des lieux touristiques par les transports (Faugier, 2020). Les auteurs de ces trois ouvrages proviennent du marketing, de l’économie et de la géographie. À notre connaissance, les sociologues et historiens n’ont pas entrepris d’étudier, dans un ouvrage dédié, les liens entre transports et tourisme.

Pour dé-modaliser les mobilités touristiques

34Dans l’une des premières études francophones approchant le tournant de l’histoire des transports vers une histoire de la mobilité, le tourisme demeure appréhendé par l’approche modale (Faugier et Gardon, 2009). Dans un article programmatique bien antérieur aux deux ouvrages précités (Gay et Mondou, 2017 ; Tissot, 2023), l’historien Mathieu Flonneau invitait, dès 2012, à s’intéresser aux mobilités touristiques (Flonneau, 2012). Celui-ci, comme le confirme nos analyses, n’a été que très peu suivi par les historiens. Dix ans plus tard, dans le manuel d’histoire des transports et des mobilités, l’analyse touristique demeure celle des modes de transport, abordés les uns après les autres, alors même que le chapitre s’intitule « Mobilités touristiques » (et non « transports touristiques » !) (Bertho-Lavenir, 2022). Cela nous informe sur la difficulté qu’il y a, pour les chercheurs, notamment les historiens, à effectuer le saut qualitatif de l’approche modale à l’approche plurimodale. Signalons toutefois l’initiative récente, en 2022, de deux chercheurs spécialistes des mobilités qui ont élaboré un cours en ligne intitulé « Tourism Mobilities : Critical Perspectives5 ». Il est intéressant de noter que les lectures conseillées pour ce cours à visée historique sont peu nombreuses à avoir été rédigées par des historiens ; preuve que les historiens des mobilités sont encore peu nombreux à avoir publié sur cette thématique. Et plus largement, les chercheurs qui se sont intéressés aux mobilités durables n’ont pas encore inclus le tourisme dans leurs analyses (Reigner et Brénac, 2021).

35Du côté des géographes, l’expression « mobilités touristiques » fait référence à l’économie présentielle – qui résulte des mobilités touristiques – qui est constituée de la consommation (non pas des lieux), c’est-à-dire de l’ensemble des dépenses effectuées par les personnes non résidentes (Bouron, 2023). En 2007 paraît l’Atlas des mobilités touristiques en France métropolitaine (Potier et Terrier, 2007). Preuve que pour les géographes mobilité ne signifie pas transport, l’analyse dans cet ouvrage fait l’impasse sur l’ensemble des modes de transport pour présenter les mobilités des touristes français par région. Il y a bien quelques cartes relatives aux flux, mais celles-ci ne sont pas expliquées par le prisme des transports et de leurs infrastructures. Il est intéressant de noter que l’Équipe MIT, dans les trois ouvrages dédiés au tourisme publiés entre 2008 et 2011, évoque, brièvement (15 pages sur 900 environ), les transports plus que les mobilités. Ce dernier mot, peu employé à l’époque chez les géographes, est compris dans ses acceptions de déplacement (un changement de place) et de transport (Knafou, 2018). Le chapitre s’intitule « Transports de joie » et propose une approche modale du tourisme – vapeur, automobile, aérien (Équipe MIT, 2011). L’approche plurimodale n’est donc pas réellement présente chez les géographes non plus. En témoignent les deux éditions de l’ouvrage Géographie des transports en 2010 et en 2022 (Bavoux et al., 2010 ; Libourel et al., 2022). Les géographes renouvellent leur attachement au concept de transport. Dans le premier ouvrage, les auteurs débutent par la définition du concept de mobilité mais ne la lie finalement pas à celle du tourisme, tandis que dans le second, quelques pages sont consacrées au tourisme selon une approche modale. Les travaux de Mathis Stock traitent des relations entre mobilités et habiter, et entendent « penser par et avec les mobilités » (Stock, 2001). Toutefois, ce qui l’intéresse est davantage le changement de lieux (Stock, 2021, p. 265-271) et ce que cela fait aux touristes que ce que font les transports et les mobilités aux touristes. L’accroissement des mobilités est l’élément déclencheur de la multiplicité des formes d’habiter : Mathis Stock étudie le second phénomène plutôt que le premier ou manque d’analyser ces deux phénomènes contigus. Car, comme il le dit, les pratiques touristiques sont des activités de déplacement et il faudrait davantage mettre l’accent sur les transports et les mobilités des touristes : au cœur de l’habitus touristique réside l’habitus mobilitaire ; les deux ne sont pas à dissocier (Stock, 2005). C’est pourtant ce qui apparaît dans le chapitre rédigé par Jean-Baptiste Frétigny (2024) à propos des « Mobilités touristiques ». Par ailleurs, un projet mené à l’Université de Genève au sein du département de géographie, financé par le Fonds national suisse (2023-2027) et coordonné par Jean-François Staszak6, a pour sujet « Faire le Monde – Premiers tours du Monde touristiques (1869-1914) ». Il sera intéressant de voir si l’approche de la mobilité, telle que nous la développons ici, fera l’objet d’attention, car pour faire le tour du monde (touristique), il faut emprunter plusieurs modes de transport. En ce sens, un sujet tel que celui-ci a tout le potentiel pour valoriser une histoire des mobilités (touristiques) à l’échelle mondiale.

36Enfin, dans l’ouvrage consacré au Nouveau monde de la mobilité publié en 2018, rassemblant chercheurs, élus, ingénieurs, start-ups et acteurs institutionnels (Landau et Diab, 2018), il est surprenant de ne pas trouver un chapitre consacré au tourisme ! Notamment quand on sait que l’économie touristique constitue près de 7 % du PIB et emploie plus de 2 millions de personnes en France, en 2019.

  • 7 Site de l’association Transport, Traffic & Mobility : https://t2m.org/ (consulté le 25/09/2023).

37On le voit, l’approche plurimodale des pratiques des mobilités touristiques peine à éclore en sciences humaines et sociales. À la décharge des chercheurs, le champ de la mobilité est relativement récent et sa structuration toujours en cours7. En effet, la mobilité touristique est appréhendée comme l’essence du déplacement, notamment par les géographes, tandis que l’étude de la dimension touristique d’un transport est en quelque sorte l’apanage des historiens. Reste que l’étude plurimodale de la pratique touristique des transports, soit une approche globale et intégrée, n’a pas encore été réellement mise en œuvre par les chercheurs en sciences humaines. Comme nous avons essayé de l’expliquer, les transports sont à la base du tourisme. Ils permettent les pratiques touristiques, que ce soit l’avion qui emmène à destination, l’autobus reliant l’aéroport à l’hébergement, ou les déplacements pédestres, vélocipédistes ou en transports en commun sur le territoire pour explorer les divers sites touristiques. Si la pratique du tourisme s’est accrue avec la démocratisation des modes de transport et la multiplication des mobilités post-1945, particulièrement en Occident, elle trouve toutefois ses origines dès les débuts du Grand Tour au xviiie siècle.

38Il semble donc nécessaire de dépasser l’approche modale pour aller vers une analyse plurimodale touristique afin d’être en capacité d’appréhender au plus près cet objet d’étude qu’est le touriste. Nous souhaiterions proposer plusieurs pistes pour encourager les chercheurs à démoder et dé-modaliser leur approche.

39Si l’on s’en tient à la question des sources, en histoire comme en géographie, elles existent. Les récits de voyages (touristiques) en sont une (Bertho-Lavenir, 2023). Un autre moyen d’analyser les mobilités touristiques est à rechercher du côté des entreprises de mobilité, comme les compagnies ferroviaires (la compagnie du Paris-Lyon-Méditerranée a recours à des trains comme à des véhicules motorisés), les constructeurs automobiles (Michelin, Citröen), la SNCF, qui aujourd’hui comme par le passé propose divers modes de transport pour réaliser l’activité touristique (Harp, 2008 ; Urbain, 2015). Les journaux, les périodiques et les revues spécialisées, croisés, permettent également d’éclairer sur les pratiques mobilitaires touristiques. En effet, les clubs automobiles ne se contentent pas d’encourager la pratique du tourisme automobile, mais aussi celle en autobus (Faugier et Gardon, 2009). Les sources gouvernementales et des politiques publiques peuvent être sollicitées pour appréhender la politique touristique et les mesures concernant les divers types de transport (Mouret, 2023 ; Robert, 2024). Par exemple, pour le Québec, le tourisme est géré par le ministère de l’Industrie et du Commerce et non plus par le ministère de la Voirie comme c’était le cas auparavant (Faugier, 2013b). L’approche géographique, sociologique ou anthropologique peut également mobiliser des entretiens avec des touristes et des acteurs économiques du tourisme sur l’ensemble du séjour touristique. En ayant recours aux questionnaires, aux cartes mentales et dynamiques, les chercheurs pourraient mieux appréhender les mobilités touristiques (Bernier, 2023). Si l’autorisation est faite, le recours aux données des opérateurs de mobilités serait d’une grande pertinence : les applications TCL pour Lyon ou Île-de-France Mobilités pour Paris et sa région, ou SNCF Connect parmi d’autres. Au regard de ces diverses sources, la méthodologie privilégiée est l’analyse qualitative afin de mieux circonscrire les pratiques de mobilités touristiques : quels modes de transport sont mobilisés ? Combien de temps chacun ? Quels regards (touristiques) depuis ces modes de déplacement ? Quelles influences sur les comportements ? La méthode quantitative pourrait être mobilisée sur la base des données collectées à partir des applications numériques. Ces données devraient éclairer sur les ruptures de charge entre les modes, les rapports au temps et au déplacement (accélération, vitesse, lenteur).

40Pourquoi proposer une approche visant à dé-modaliser les mobilités touristiques ? Quelles plus-values pour la recherche ? Plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, il s’agit de mieux suivre les individus dans leur activité touristique. Comme dit précédemment, les touristes empruntent rarement un seul mode de transport, si ce n’est pour les croisières maritimes, les routes touristiques ferroviaires et les cyclo-routes – encore que, parfois, il y a souvent plusieurs modes mobilisés pour arriver ou partir de ces territoires, ou d’autres modes sollicités pour faire son séjour. L’approche dé-modalisée permettrait de nuancer la vision historique évolutive des transports évoquée précédemment. Comme « un train peut en cacher un autre », la fausse domination d’un mode de transport durant une période n’exclut pas les autres modes, ni l’intermodalité existante. Par exemple, si le xixe siècle est associé à l’essor massif des chemins de fer, cela n’empêche pas le tourisme maritime, équestre et vélocipédique. Même chose pour le xxe siècle avec l’automobile et l’avion, qui ne gomment pas les autres modes. Il y a superposition des modes de transport plutôt que suppression de modes de transport touristique. Il faut donc dépasser ce récit en termes de « temps de chaque mode de transport » pour déplier la complexité des mobilités (touristiques). Dans les pratiques touristiques, les modes de déplacement semblent davantage en coopération qu’en confrontation – surtout au xxie siècle avec les technologies du numérique qui agrègent tous les modes en un même lieu virtuel.

41Cette approche, qui se veut véritablement novatrice, porte en elle plusieurs limites. Comme évoqué çà et là dans ce texte et la revue de littératures proposée, c’est d’abord la difficulté pour les chercheurs à croiser les sources pour analyser plusieurs modes sur un même espace touristique. Autre point d’attention pour les historiens : la rareté potentielle des sources qui évoquent les pratiques de mobilités touristiques dans le passé. Très souvent, les historiens peuvent faire appel aux archives d’entreprises pour appréhender leur rôle dans les mobilités touristiques, avoir recours aux sources gouvernementales, administratives locales et statistiques afin d’analyser les politiques touristiques déployées, mais n’avoir finalement que peu de documentation informant des pratiques de mobilité par les touristes eux-mêmes.

Conclusion

42Cet article programmatique a pour ambition d’encourager historiens et géographes, et plus largement les chercheurs en sciences humaines, à étudier les mobilités touristiques selon une approche plurimodale des pratiques touristiques. Cela pourrait se résumer par l’expression de « géohistoire socioculturelle des mobilités touristiques ». Pour ce faire, nous avons montré, par l’étude de l’historiographie que, d’une part, les chercheurs en histoire et en géographie du transport ont peu analysé le tourisme, ce qui constitue en soi un faille historiographique surprenante étant donné le poids des transports dans l’industrie du tourisme. Ceux-ci se sont principalement penchés sur les transports, de façon séquentielle et non de manière intégrée. D’autre part, appréhender la pluralité des modes de transport est pertinent au regard des pratiques touristiques et des sources disponibles pour les historiens et géographes. Finalement, l’approche des mobilités touristiques a relativement ignoré les transports, notamment en géographie ; de fait, nous proposons d’engager des études analysant la pratique touristique plurimodale des transports. À cela s’ajoute la nécessité d’appréhender ce que l’accroissement de la vitesse des transports a produit sur les mobilités touristiques en général. En effet, l’élaboration de « paysages mentaux » (Desportes, 2005) du voyage (touristique), le raccourcissement de l’espace-temps (Ollivro, 2000), l’agencement de l’industrie touristique et ses possibles re-modifications sous l’influence de la « pétrolisation » (Le Naour et Becot, 2022, p. 10-12) contribuent à transformer les manières de faire du tourisme et d’être touriste. Il faudrait d’ailleurs que les chercheurs se penchent sur la possible fin du pétrole et ses impacts sur le tourisme : peut-il exister un tourisme de masse sans pétrole pour l’alimenter ?

43En ce qui concerne les disciplines historiques et géographiques, plusieurs préconisations méritent d’être soulignées. Tout d’abord, en ce qui concerne la géographie, il y aurait tout intérêt à lier la géographie des transports, un peu passéiste car centrée sur l’expérience des lieux (plutôt que sur les impacts qu’ils produisent), et la géographie des mobilités, plus contemporaine, pour mieux appréhender les expériences de déplacement en mobilisant à la fois la manière dont les touristes habitent les lieux, les transports et les interrelations entre ces deux éléments – ce que ni l’une ni l’autre ne font suffisamment individuellement. Dans une démarche consistant à analyser la réalité de l’expérience de déplacement touristique au plus près, il s’agirait donc de ne pas abandonner la géographie des transports, mais de la mobiliser conjointement avec la géographie des mobilités. Ensuite, pour l’approche historienne, l’approche par le tourisme constitue une porte d’entrée dont devraient s’emparer les historiens des transports et de la mobilité afin d’analyser l’intermodalité et la plurimodalité et la façon dont ces deux notions se sont traduites dans le passé. Ce faisant, il y aurait alors la possibilité pour les chercheurs d’appréhender plus finement les liens entre tourisme et relations internationales à travers des approches de géopolitique et d’histoire politique des mobilités en questionnant la sécurité, le rôle, l’influence et les statistiques de l’OMT ou de l’Union européenne. Prenons l’exemple des événements sportifs et culturels de dimension internationale : comment s’effectue le transport de supporters et de spectateurs ? On peut certes penser à la coupe du monde du Rugby et aux Jeux olympiques de Paris 2024 qui occupent l’actualité du moment, mais cela s’applique également, par le passé, aux Expositions universelles qui accueillent plusieurs millions de personnes issues de dizaines de pays à partir de celle de Londres en 1851, ou encore aux compétitions de football qui déplacent des foules (Dietschy, 2013). Il existe une réelle manne financière autour de ces mobilités touristiques qui impliquent la palette la plus vaste des moyens de locomotion pour rendre ces méga-événements accessibles (Riffaud et al., 2021). À cela s’ajoutent les voies de traverse que prennent ou pourraient prendre les chercheurs pour aborder les mobilités touristiques par genre, classe sociale ou espace géographique notamment. Pour les historiens, avant l’essor des guides automobiles au début du xxe siècle, les guides touristiques étaient plurimodaux ; il serait donc pertinent de relire ces guides à travers le prisme des mobilités (Petermann, 2022). Parallèlement, comment sont appréhendées les mobilités dans les guides automobiles ? Citons par exemple le cas du Green Book aux États-Unis : quelle modélisation du tourisme propose-t-il en lien avec les divers modes de transport étatsunien ? On peut également imaginer des grilles d’entretien et des observations de terrain pour les géographes du tourisme qui veulent faire une géographie sociale par exemple.

  • 8 Institut supérieur du tourisme de l’hôtellerie et de l’alimentation de l’Université de Toulouse Jea (...)

44Enfin, l’objectif de cet article est également de dépasser la recherche pour créer des synergies avec le monde contemporain. En effet, le xxie siècle, avec l’accélération (Rosa, 2010) de la mondialisation, se nourrit des mobilités et prospère grâce à elles. Le tourisme en est une démonstration éclatante, entre slow tourism et fast tourism, entre city breaks d’un week-end et voyages d’immersion de plusieurs semaines dans des territoires, entre surtourisme (Duhamel, 2023 ; Knafou, 2023) et sous-tourisme. Il apparaît qu’avec les enjeux d’énergie, de décroissance (Parrique, 2022), de démobilité (Damon, 2013), de détourisme (Venayre, 2020), les acteurs de l’industrie du tourisme souhaiteraient monter en compétences sur les sujets de mobilité. À cet égard, le « challenge territorial » relevé par les étudiants du master 2 tourisme et développement de l’ISTHIA8 est révélateur. Le parc naturel régional des Pyrénées Ariégeoises et l’agence de développement touristique Ariège Pyrénées ont demandé aux étudiants de réfléchir aux enjeux de mobilité des touristes sur ces territoires, avec des analyse portant sur Couserans sans voiture, l’itinérance décarbonée autour du chemin du Piémont Pyrénéen et une réflexion sur les mobilités autour de l’agglomération du Pays Foix-Varilhes (Besson et al., 2023 ; Amardejh et al., 2023 ; Carrier et al., 2023). Ces trois enquêtes, qui peuvent être généralisées à l’ensemble des territoires touristiques (Lardy, 2023 ; Leroy, 2023), pointent les enjeux rencontrés par les acteurs du tourisme à l’égard des mobilités touristiques, notamment la question de la place de la voiture dans le séjour et celle de la décarbonation des pratiques touristiques liées aux mobilités (The Shift Projet, 2022 ; Cerema, 2024). En effet, la part modale de la voiture est la plus conséquente dans le mix des transports en France au début du xxie siècle (face au train, à l’avion et autres modes de transport).

45Le souhait est donc ici d’insister davantage sur l’analyse des pratiques touristiques au sein des sciences humaines et sociales afin que celles-ci appréhendent plus largement qu’elles ne le font déjà les transports dans une perspective mobilitaire. L’un des enjeux pourrait être, dans l’approche plurimodale, d’analyser de façon commune mais différentielle les transports – pour habitants et touristes – et les transports touristiques. Un autre angle d’analyse géographique consiste à étudier conjointement offre culturelle et offre de transport, par exemple via les « city pass » (Faugier, 2023). Favoriser cette approche plurimodale nous semble indispensable pour aiguiller les acteurs politiques, économiques et socioculturels face aux enjeux du xxie siècle. Nous en appelons ainsi à une approche des pratiques touristiques plus élastique et au plus près des expériences de mobilités touristiques (Faugier et Lucas, 2024).

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Notes

1 https://www.unwto.org/fr/glossaire-de-tourisme (consulté le 18/08/2023).

2 Voir : https://t2m.org/conferences/ottawa-2008/2008-conference-program/ (consulté le 29/08/2023). Les trois présentations de cette session étaient : H.V. Nelles, « Car Park: The Automobile and the Evolution of Banff National Park » ; Ben Bradley, « The Greatest Gobbler of Park Acreage That Exists: Automobiles, Highways and the Provincial Parks of British Columbia, 1940-1960 » ; Kathy Rettie, « Road Ecology in Banff National Park. Concepts and Applications for Integrating Ecology into Sustainable Transportation System ».

3 Voir : http://www.mgm.fr/ARECLUS/page_auteurs/Gay.html (consulté le 25/09/2023).

4 En témoigne le peu de sessions et communications qui lui sont consacrées dans des arcanes scientifiques telles que le Congrès international d’histoire des entreprises en France (session « Les gouvernances dans le tourisme et les sports : quelles relations et quelles influences ? », organisée à l’initiative de Laurent Tissot en 2023, voir : https://businesshist23.sciencesconf.org/data/Programme_CIHE_20230616V2.pdf [consulté le 13/03/2024]).

5 Voir : https://each.usp.br/turismo/docs/TUR5025_Final_program_2022.pdf?fbclid=IwAR1OUXngfYL3ztJNBWdIjEA0ty9nLS1QnBl-qrtmFyxeIA6GAuUnSlepQLo (consulté le 13/03/2024).

6 https://www.hesge.ch/head/projet/faire-monde-premiers-tours-du-monde-touristiques-1869-1914 (consulté le 15/04/2024).

7 Site de l’association Transport, Traffic & Mobility : https://t2m.org/ (consulté le 25/09/2023).

8 Institut supérieur du tourisme de l’hôtellerie et de l’alimentation de l’Université de Toulouse Jean Jaurès.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Étienne Faugier, « Transports touristiques contre mobilités touristiques ? Démoder et dé-modaliser l’approche géohistorique du tourisme »Mondes du Tourisme [En ligne], Carte blanche & perspectives, mis en ligne le 09 juillet 2024, consulté le 05 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/tourisme/6868 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11yp5

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Auteur

Étienne Faugier

Maître de conférences en histoire
UFR Temps et territoires, Université Lumière Lyon II
Laboratoire d’études rurales
Association Passé-Présent-Mobilité (P2M) 
etienne.faugier[at]univ-lyon2.fr

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