Cesare Beccaria “antiprécurseur” du fascisme
Résumés
L’article aborde la question, importante du point de vue de la compréhension des stratégies culturelles du fascisme, du precursorismo, par le biais de l’analyse de la “fortune” – ou plutôt de “l’infortune” – de Beccaria durant le Ventennio. Après avoir évoqué le rétablissement de la peine de mort, réalisé en dépit de l’héritage de Des délits et des peines et de la tradition abolitionniste italienne, il reconstruit la façon dont aussi bien le fascisme nationaliste et “réaliste” d’Alfredo Rocco que le fascisme idéaliste d’Ugo Spirito tentent de contourner “l’obstacle” représenté par la pensée du disciple milanais des Lumières françaises, véritablement déchu de son identité italienne. De sorte qu’il faut attendre la chute du régime pour que, en particulier à travers l’édition de Piero Calamandrei, l’ouvrage de Beccaria redevienne un de ces « vieux livres fiables » pleinement représentatifs d’un « sonderweg » positif italien.
Texte intégral
- 1 Nous employons ici l’expression utilisée, dans un autre contexte, par J.G.A. Pocock, The Machiavell (...)
- 2 Je me permets, à propos des usages fascistes de Machiavel, de renvoyer à : X. Tabet, « Machiavel et (...)
1Le precursorismo fut, sur le plan culturel, un phénomène caractéristique du fascisme, en particulier lorsque celui-ci, après le moment “révolutionnaire” de la prise du pouvoir, se transforma en un régime désireux d’ancrer sa légitimité dans des “traditions” italiennes. Il s’agissait alors, en s’inventant des précurseurs et des “prophètes”, de reconstruire de façon téléologique l’ensemble de l’histoire italienne et de ses traditions culturelles, afin de présenter le fascisme tout à la fois comme leur héritier et leur “rédempteur”. C’est ainsi – pour ne citer qu’un exemple – qu’après le tournant de 1925 la relecture de type totalitaire de l’œuvre de Machiavel se développa au fur et à mesure que se construisait la doctrine de « l’État nouveau », le « Stato etico » dont l’auteur du Prince fut présenté comme l’un des premiers précurseurs ; et l’on peut affirmer que le fascisme s’est pensé comme un véritable « moment machiavélien »1 où la pensée du Secrétaire florentin, en tant que théoricien des mutations et de l’instabilité politique, et aussi des moyens nécessaires pour parvenir à l’instauration d’un ordre, était d’une grande actualité2. Cependant, si l’analyse du phénomène du precursorismo est importante pour comprendre le fascisme, les “absences”, et le silence qui se fait autour de certains auteurs, le sont tout autant. Or, s’il est un auteur qui fut profondément “inactuel” pour le régime, ce fut certainement Cesare Beccaria (1738-1794).
- 3 C. Beccaria, Opere scelte, R. Mondolfo (éd.), Bologne, Cappelli, 1925 (la même année, c’est-à-dire (...)
- 4 Il convient néanmoins de signaler la publication, en 1938, de l’ouvrage de C.A. Vianello, La vita e (...)
2Évoquer la fortune de l’auteur de Des délits et des peines (1764) durant le Ventennio signifie, de fait, évoquer “l’infortune” d’un “classique” que l’on peut qualifier, en employant un néologisme, d’“antiprécurseur” du fascisme. Une donnée suffit à elle seule à illustrer la façon dont le fascisme peut être considéré comme un “moment anti-beccarien”. Il est en effet significatif de constater que tandis que les éditions du célèbre traité de Beccaria furent extrêmement nombreuses au XVIIIe siècle, mais aussi au XIXe siècle, il n’y eut en revanche en Italie plus aucune édition de Beccaria depuis la publication des Opere scelte de l’antifasciste Rodolfo Mondolfo en 1925 (réalisée avant son exil en Amérique du Sud) jusqu’à celle de Piero Calamandrei en janvier 1945, juste après la libération de Florence (une édition sur laquelle nous reviendrons par la suite)3. De même, il est significatif de constater l’absence de célébrations nationales de Beccaria durant le Ventennio, comme cela aurait pu advenir en 1938 pour le bicentenaire de sa naissance4.
3En réalité, un événement fit office de “contre-célébration” du philosophe milanais : l’instauration de la peine de mort pour les délits dits “politiques”, en 1926. Le fascisme fut, à ce moment-là, contraint d’affronter la question de savoir “que faire” de ce classique italien qui incarnait, pour l’époque des Lumières, la tradition juridique d’un pays que l’on désignait souvent comme la « patrie de Beccaria ». Se posait alors, dans toute son acuité, la question des traditions à proprement parler italiennes que le régime voulait annexer, mais dont il devait cependant bien souvent s’écarter, comme lorsqu’il était amené à réfuter le plaidoyer beccarien en faveur de l’abolition de la peine de mort, qui se situe à tous égards au cœur même de la pensée du philosophe milanais. Avant d’en venir aux “usages” (ou plutôt aux “non-usages”) fascistes de son œuvre – parmi lesquels se distinguent ceux d’Alfredo Rocco, garde des sceaux du régime au moment de l’instauration de la peine de mort, ainsi que ceux du philosophe idéaliste Ugo Spirito, proche de Giovanni Gentile dans les années 1920 –, il convient d’insister tout d’abord sur cette rupture très importante que représenta l’instauration de la peine de mort en 1926 ; mais aussi d’évoquer brièvement l’argumentaire de Beccaria en matière de peine de mort, afin de saisir par la suite les particularités des lectures fascistes.
- 5 Sur le Code pénal de l’Italie postrisorgimentale, voir en particulier : Diritto penale dell’ottocen (...)
- 6 Cette expérience fut suspendue en 1790 du fait des désordres qui avaient accompagné les premiers tr (...)
4La peine de mort avait été abolie, dans l’enthousiasme, par le parlement du jeune État italien en 1876. Cette abolition fut confirmée en 1889 par le Code pénal de l’Italie unie, le Codice Zanardelli. Celui-ci était l’expression, sur le plan juridique, de l’école juridique dite “classique” (représentée, entre autres, par Giovanni Carmignani, Francesco Carrara, Pellegrino Rossi) qui, tout en récusant certains des aspects utilitaristes de sa pensée, se revendiquait néanmoins, pour l’essentiel, de la philosophie pénale de Beccaria5. Ceci faisait de l’Italie, à cet égard, un pays tout à fait singulier dans l’Europe de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. En outre, le fait est que l’abolitionnisme était une véritable tradition italienne qui remontait à l’Ancien Régime. En effet, comme on le sait, la Révolution française représente un moment très important dans l’histoire de l’abolitionnisme et de l’évolution vers la “douceur des peines” caractéristique de la philosophie des Lumières et du libéralisme. Pourtant, au moment de l’instauration du Code pénal de 1791, l’Assemblée constituante n’avait pas supprimé la peine de mort, même si elle en avait réduit les cas et “adouci” les modalités. En Toscane, en revanche, le Code pénal de 1786, le Codice leopoldino – un Code pénal en grande partie modelé sur les théories beccariennes – avait déjà, pendant un temps, aboli la peine de mort6. Si celle-ci ne saurait, à elle seule, incarner la “nouveauté” du fascisme, son établissement en 1926 fut donc bien un événement qui manifestait, dans les pratiques et du point de vue symbolique, une rupture fondamentale au regard d’une tradition italienne fondée sur les thèses de Beccaria développées dans le célèbre chapitre XXVIII du traité Des délits et des peines. Du reste, il semble que dans un premier temps Mussolini lui-même ait estimé que cette mesure était prématurée, et qu’il ne se soit décidé qu’à la suite des attentats qui eurent lieu en 1925 et 1926 contre sa personne, dont celui du 31 octobre 1926 réalisé à Bologne par un garçon de quinze ans, Anteo Zamboni, lynché sur place.
- 7 G. Vassalli, « Passione politica di un uomo di legge », in A. Rocco, Discorsi parlamentari, Bologne (...)
5Quoi qu’il en soit, la peine de mort pour les délits politiques constituait une partie essentielle des « mesures pour la défense de l’État » (25 novembre 1926). Celles-ci s’inscrivaient dans le cadre des lois dites « fascistissimes », et signifièrent de fait la transformation de l’État italien en un État totalitaire. Les « mesures pour la défense de l’État » – que l’on peut considérer comme « les mesures les plus graves de l’histoire du fascisme »7 – instauraient aussi le tristement célèbre « tribunal spécial », créé pour juger les délits contre la sûreté de l’État, c’est-à-dire en réalité pour réprimer toute forme de dissidence. De même, la reconstitution des associations et des organisations dissoutes sur ordre de l’autorité publique, ainsi que la propagande de leurs doctrines interdites, devenait un crime, même si cette propagande était l’œuvre des fuorusciti (terme que le fascisme préférait à celui d’« exilés », empreint de réminiscences patriotiques). Quant à la peine de mort, elle devait être appliquée pour certains délits graves contre la sûreté de l’État, ainsi que pour les attentats contre le roi, la reine, le prince héritier, et le chef du gouvernement (c’est-à-dire Benito Mussolini, placé désormais sur le même plan que le roi). Instaurées en théorie uniquement pour cinq ans, ces mesures furent reprises dans le Code pénal italien promulgué en octobre 1930. Dans le Codice Rocco, la peine de mort était du reste élargie à une série de crimes graves, ne relevant pas du domaine politique.
- 8 R. Mondolfo, Cesare Beccaria [1925], Milan, Nuova Accademia Editrice, 1960, p. 62.
- 9 Voir en particulier le chapitre XXVII de Des délits et des peines, intitulé « Douceur des peines », (...)
6Venons-en à présent à l’argumentation de Beccaria à propos de l’abolition et aux principes cardinaux de sa philosophie pénale. L’importance historique de Des délits et des peines réside, comme l’a écrit Roberto Mondolfo, dans la nouvelle conscience juridique qu’exprime ce court ouvrage, dans lequel s’incarnait « l’esprit du siècle »8. Or, dans l’Ancien Régime, la peine de mort constituait le point d’orgue d’une pénalité fondée sur la sévérité. Le renforcement de la sévérité des peines avait caractérisé les pratiques et les législations européennes des XVIe et XVIIe siècles. Avec Beccaria, on passait au contraire à un système fondé non plus sur la sévérité mais sur la douceur et la modération9. Les principes fondamentaux de la nouvelle législation pénale devenaient la proportionnalité ainsi que la certitude et la promptitude des peines ; mais aussi l’égalité des peines, celles-ci devant être les mêmes pour tous, fondées sur la loi, sur la légalité.
- 10 C. Beccaria, Edizione nazionale delle opere, vol. I, Dei delitti e delle pene, G. Francioni (éd.), (...)
- 11 F. Facchinei, Note ed osservazioni sul libro intitolato « Dei delitti e delle pene », s. d., s. t., (...)
- 12 J.-J. Rousseau, Du contrat social, in Œuvres complètes, vol. III, Écrits politiques, B. Gagnebin, M (...)
- 13 C. Beccaria, Edizione nazionale delle opere, vol. I, p. 87.
7Pour un auteur qui se revendiquait tout à la fois des Anglais Hume et Locke et des Français Montesquieu, Helvétius et Rousseau, le droit de punir se trouve au croisement d’une logique utilitaire et d’une logique contractualiste ; et la question de la peine de mort se situe au centre même d’une conception générale selon laquelle les peines doivent être tout à la fois « justes, utiles et nécessaires ». Or, selon le compagnon des frères Verri, la peine de mort ne saurait être juste. Dans sa vision très particulière du contrat social et de la « volonté générale », la souveraineté et les lois ne sont qu’une « somme de portions minimes de la liberté privée de chacun ». Elles représentent ce qu’il appelle la « volonté de tous », qui est pensée comme « l’agrégat des volontés particulières ». Tandis que la « volonté générale » rousseauienne est un concept abstrait qui transcende la société, la « volonté de tous » est une désignation concrète qui entend préserver l’idée qu’une société est faite d’individus particuliers dont il faut, autant que possible, respecter les libertés individuelles. Dans cette conception plutôt “minimale” du contrat, très différente de celle de Rousseau, chacun ne veut abandonner de sa liberté, en la plaçant dans le « dépôt public », que la plus petite portion possible, « seulement celle qui suffit à induire les autres à le défendre » ; de sorte que « l’agrégat de ces plus petites portions possibles forme le droit de punir ; tout ce qu’il y a en plus est abus et non justice, est fait mais non pas droit »10. Le pacte social qui instaure la société n’étant fondé que sur l’abandon de la plus petite partie possible de la liberté des individus, il ne peut, selon Beccaria, entraîner l’abandon de ce droit inaliénable que l’individu possède quant à sa propre vie. À cet égard, bien qu’il ait été qualifié de « Rousseau des Italiens » par le plus virulent de ses adversaires italiens, le moine vallombrosain Ferdinando Facchinei11, Beccaria s’oppose de façon évidente à la position de l’auteur du Contrat social (antérieur de deux ans au traité italien), qui estime au contraire que « c’est pour n’être pas la victime d’un assassin que l’on consent à mourir si on le devient », et que « tout malfaiteur attaquant le droit social devient par ses forfaits rebelle et traître à la patrie, il cesse d’en être membre en violant ses droits et même il lui fait la guerre ». Selon Rousseau, au nom de la « conservation de l’État », c’est en tant qu’« ennemi » qu’il convient de faire périr celui qui le mérite, dans la mesure où « le droit de la guerre est de tuer le vaincu » (II, 5)12. On peut ainsi considérer que c’est au philosophe genevois que répond implicitement l’italien lorsqu’il affirme que « la peine de mort est donc non pas un droit […] mais une guerre de la nation contre un citoyen, parce qu’elle juge nécessaire ou utile la destruction de son être »13.
- 14 Ibid.
- 15 L’argumentation de Beccaria s’inscrit dans une théorie de l’habitude, de matrice sensualiste. En ef (...)
8La seconde partie de l’argumentaire se situe sur le versant de l’utilité et de la nécessité, deux concepts proches mais non identiques dans la mesure où la théorie pénale de Beccaria ne se réduit pas à un utilitarisme inconditionnel, car la peine doit être utile mais aussi nécessaire ; ainsi, écrit Beccaria, « si je démontre que la mort n’est ni utile ni nécessaire j’aurai gagné la cause de l’humanité »14. Or, du point de vue de son utilité et de sa nécessité – c’est-à-dire aussi du point de vue de son caractère préventif et exemplaire –, Beccaria estime que la peine d’emprisonnement à vie a un effet plus dissuasif que la peine de mort. Cette peine, il la conçoit de façon très dure comme devant consister en un « esclavage perpétuel »15. Celui-ci transforme le coupable en une « bête de somme » qui « dédommage par ses fatigues la société qu’il a lésée » ; et cette dureté ne manquera pas, du reste, de lui attirer les critiques de ceux qui, comme Facchinei, s’évertueront à montrer les contradictions de la pensée de Beccaria, en l’occurrence ici par rapport au principe de la douceur et modération des peines.
- 16 C. Beccaria, Edizione nazionale delle opere, vol. I, p. 93.
- 17 Ibid.
9Enfin, le dernier pan de l’argumentaire de Beccaria – en rapport étroit avec l’idée de l’utilité des peines – se situe du côté de ce que l’on pourrait appeler la “barbarisation” de la société qu’induit la peine de mort. Cet « assassinat légal », comme le définira Robespierre en 1791, produit une sorte d’endurcissement de la société ; un endurcissement très néfaste, selon Beccaria, qui estime que « les lois qui modèrent la conduite des hommes ne devraient pas augmenter la cruauté de cet exemple, d’autant plus funeste que la mort légale est donnée avec une application méticuleuse »16. Après en avoir montré l’illégitimité eu égard au contrat, ainsi que l’inutilité intrinsèque du point de vue de son efficacité sociale, Beccaria insiste en effet sur le mauvais exemple que produit la « mort légale » donnée froidement, « sans répugnance et sans fureur » ; si bien que lui apparaît comme une absurdité le fait que les lois, « qui ont en horreur et punissent l’homicide, en commettent un elles-mêmes, et que, pour détourner le citoyen de l’assassinat, elles ordonnent un assassinat public »17.
- 18 Sur tout ceci, nous renvoyons à toute la deuxième partie de l’ouvrage de M. Foucault, Surveiller et (...)
- 19 C. Beccaria, Edizione nazionale delle opere, vol. I, p. 88. Cette deuxième exception, sur laquelle (...)
10Il convient néanmoins d’ajouter deux choses afin de compléter l’exposé succinct de la pensée du Milanais, car elles auront leur importance en 1926 pour ceux qui voudront justifier l’établissement de la peine de mort. D’une part, il y a un argument très important en faveur de l’abolition qui n’est pas mentionné par Beccaria dans son traité de 1764, même s’il l’évoquera par la suite dans ses textes de 1791 et 1792 lorsqu’il sera amené à revenir, une dernière fois, sur la question de la peine de mort, au moment de l’élaboration d’un projet de code pénal lombard (interrompu par les développements de la Révolution). Il s’agit d’un argument qui deviendra fondamental dans la logique pénale du XIXe siècle, lorsque l’État reprendra à son compte le rôle “pastoral” dévolu auparavant à l’Église ; à savoir le caractère “irréparable” de la peine de mort, qui rend impossible la rédemption, le rachat du condamné, dont on attribuera la fonction, au XIXe siècle, à la prison, prétendument correctrice, régénératrice18. D’autre part, il convient de rappeler que, contrairement à l’opinion commune selon laquelle Beccaria serait un partisan inconditionnel de l’abolition, celui-ci introduit tout de même deux restrictions à cette mesure. La première concerne les temps de grand désordre et d’anarchie, lorsque la survie même de l’État est en danger. Le premier cas où la peine capitale peut être conservée, estime ainsi Beccaria, « c’est quand, même privé de liberté, [le coupable] ait encore des relations et une puissance telles qu’elles intéressent la sûreté de la nation, et quand son existence pourrait provoquer une révolution dangereuse dans la forme établie du gouvernement » ; ainsi, la mort d’un citoyen peut devenir nécessaire quand la nation « récupère ou perd sa liberté », ou dans les temps d’anarchie, « quand ce sont les désordres eux-mêmes qui tiennent lieu de lois ». Quant à la seconde restriction, elle concerne le cas où la mort d’un citoyen « serait l’unique et véritable frein pour dissuader les autres de commettre des délits, ce qui est le second motif pour lequel on peut estimer juste et nécessaire la peine de mort »19.
- 20 G. Tessitore, Fascismo e pena di morte : consenso e informazione, Milan, Franco Angeli, 2000.
- 21 Le seul ouvrage spécifiquement consacré à la critique du rétablissement de la peine capitale fut ce (...)
11On pressent ici l’usage que le fascisme ne manquera pas de faire de ces restrictions, lorsqu’il devra, en 1926, justifier l’établissement de la peine de mort, dans le cadre de cet état d’exception continu qui caractérisera la législation d’un régime en état de guerre permanent contre ses ennemis internes, réels ou imaginaires. Car ce fut, sans aucun doute, à l’occasion du rétablissement de la peine capitale que le nom de Beccaria fut le plus évoqué durant le Ventennio. Il le fut par ceux qui s’y opposèrent, même si, comme l’a montré Giovanni Tessitore20, ce rétablissement s’est fait dans un climat de générale apathie, d’absence de véritables réactions, parfois même de la part de grands juristes, comme Enrico Ferri, qui avaient été depuis toujours satisfaits de l’abolition21. Mais il le fut nécessairement aussi par ceux qui devaient justifier cette mesure et contourner “l’obstacle” que constituait la renommée de l’auteur de Des délits et des peines, qui dépassait le seul cadre de l’Italie. Cette tâche revenait, en premier lieu, à Alfredo Rocco (1875-1935), qui fut de 1925 à 1932 le garde des sceaux du régime.
- 22 E. Gentile, « L’architetto dello stato nuovo : Alfredo Rocco », in Il mito dello Stato nuovo, Bari, (...)
- 23 A. Rocco, « Politica e diritto nelle vecchie e nelle nuove concezioni dello Stato » [1931], in A. B (...)
- 24 Cité par S. Battente, Alfredo Rocco…, p. 361.
- 25 A. Rocco, « La dottrina politica del Fascismo » [1925], in A. Barbera, Nazione e Stato…, p. 216.
12Du point de vue de la mise en place de l’État totalitaire, celui-ci fut le véritable « architecte de l’État nouveau »22. Après avoir été, avec son frère Arturo, un des principaux représentants du courant nationaliste, il deviendra un personnage de premier plan de la droite fasciste, éloigné tout autant des courants “révolutionnaires” du fascisme que de l’idéalisme gentilien. Fondée sur une exaltation de l’État autoritaire, sa pensée est profondément hostile à toute la tradition jus-naturaliste, mais aussi à celle du contractualisme. Il voit un facteur de « désagrégation » de la nation et de l’État dans « l’atomisation » de la société induit par « l’individualisme » moderne, héritage de la Révolution française et des Lumières. Substituant la souveraineté de l’État à celle du peuple, il estime que les théories du contrat social – contrat « dont on a jamais réussi à trouver la trace dans l’histoire et que l’on n’a jamais su justifier du point de vue logique » – ne sont que « l’instrument juridique des revendications politiques de l’individualisme »23. À tout ceci, il substitue une « conception organique et historique » de la société, qui ne doit pas être entendue comme « pluralité » et ensemble de singularités, mais comme « un organisme qui a sa vie propre et ses fins propres, qui transcendent ceux des individus »24. Il exalte ainsi le caractère « biologique » des sociétés humaines qui, considérées chacune comme « un tout ayant une vie distincte de celle des éléments qui la composent », ne sont pas, de façon atomiste et antihistorique, des « sommes d’individus », mais des successions de générations, des « fractions de l’espèce humaine »25.
- 26 Ibid., p. 225.
- 27 Ibid.
- 28 Ibid., p. 226.
- 29 A. Rocco, « Politica e diritto… », p. 235. Il est à remarquer que c’était aussi toute la tradition (...)
- 30 A. Rocco, « La dottrina politica del Fascismo », p. 212.
13Naturellement, Rocco estimait que sa conception de la société et de l’État était incarnée par le fascisme, qui seul avait su arrêter, à la suite d’une sorte de long Moyen Âge qu’aurait été l’histoire de l’Occident, le processus de désagrégation de la société et de l’État, annonçant enfin l’avènement de « l’époque de la socialité, de l’autorité, de la hiérarchie »26. Quant à ce processus, il le faisait remonter à la dissolution même de l’Empire romain, l’Église catholique, romaine et italienne ayant néanmoins constitué un des rares « éléments d’organisation », en opposition à l’esprit germanique du protestantisme, dont le libéralisme et la démocratie étaient les « enfants légitimes ». Ne trouvant ses modèles véritables que dans la Rome impériale et le catholicisme contre-réformiste, Rocco estimait en effet que le Moyen Âge avait été déjà une période de désagrégation de l’État, à travers le particularisme des villes, des corporations et des seigneurs féodaux, mais aussi à travers la victoire de « l’individualisme germanique » sur « l’esprit politique de Rome »27, celle de « l’esprit germanique » sur la « culture latine »28. Cette désagrégation se serait poursuivie lors de la Renaissance, en dépit des mises en garde de Machiavel. L’absolutisme lui-même aurait été contraint, dans l’Ancien Régime, à composer avec « ce que l’on appelle communément libéralisme »29 ; si bien qu’elle se serait poursuivie également aux XVIIe et XVIIIe siècles dans la pensée politique moderne, dont la principale caractéristique serait d’être une « conception atomiste et mécanique de la société et de l’État »30.
- 31 G. Vassalli, « Passione politica di un uomo di legge », p. 55.
14Quand il en vient à la défense de la peine de mort, Rocco reprend certes, comme l’a souligné Giuliano Vassalli en introduction à la réédition en 2005 d’un volume de Discours de Rocco, des arguments « triti e ritriti », c’est-à-dire des arguments éculés, qui n’étaient « pas à la hauteur de l’innovation »31. Selon celui que l’antifasciste Piero Gobetti avait qualifié de « candido giurista », l’établissement de la peine de mort semblait se justifier d’abord par le fait que l’opinion publique de l’époque, la « coscienza pubblica », le réclamait. Ainsi, à l’argument selon lequel la peine de mort supprime le délinquant mais pas le délit, il répond qu’en vertu de ce raisonnement c’est toute peine qui deviendrait inutile. De même, face à la question de l’irréparabilité, le raisonnement était particulièrement expéditif, même si Rocco admettait que cet argument était « peut-être le plus apte à impressionner ». « L’erreur est hélas inséparable de la nature humaine », se contentait de dire le ministre, et il ajoutait que :
- 32 A. Rocco, La trasformazione dello Stato…, p. 113.
si la crainte de l’erreur devait nous retenir d’agir, toute la vie individuelle et sociale en resterait paralysée. Les erreurs des médecins et des chirurgiens, qui causent la mort du malade, sont beaucoup plus nombreuses que les erreurs judiciaires, et pourtant personne n’a jamais songé à supprimer la médecine et la chirurgie32.
- 33 A. Rocco, « Il codice di procedura penale » [1929], in A. Barbera, Nazione e Stato…, p. 289. Sur le (...)
D’une façon générale, Rocco acceptait que soit abandonnée toute perspective de « rachat » par la peine, dans le cadre d’un système pénal inspiré des conceptions dites « technico-juridiques » qui étaient celles d’Alfredo et Arturo Rocco, et dont on ne peut ici exposer les principes et l’organisation générale mais dont on peut affirmer qu’il était fondé d’abord sur le principe de la sévérité, en opposition « [à] cette tendance générale favorable aux délinquants, fruit d’un sentimentalisme aberrant et morbide, qui a tellement affaibli la répression et favorisé le développement de criminalité »33.
- 34 C. Beccaria, Edizione nazionale delle opere, vol. I, p. 72.
15En réalité, par-delà la faiblesse des arguments, ce que refuse le ministre c’est, de façon générale, la perspective beccarienne, mais aussi kantienne, selon laquelle l’individu doit être considéré comme une fin et non comme un moyen ; ce que Beccaria avait exprimé de façon si efficace lorsqu’il avait écrit qu’« il n’y a pas de liberté toutes les fois que les lois permettent qu’en certaines circonstances l’homme cesse d’être personne et devienne chose »34. En 1929, dans son discours de présentation du projet de code pénal, il s’oppose explicitement à la conception de Beccaria selon laquelle, telle que la résume Rocco :
- 35 A. Rocco, « Il codice di procedura penale », p. 276.
le droit de punir ne serait conçu que comme un dérivé du droit naturel de liberté du citoyen et, plus précisément, comme un dépôt commun des plus petites portions de liberté naturelle auxquelles les individus ont renoncé pour constituer justement la souveraineté35.
- 36 Ibid.
- 37 Ibid.
Pour l’auteur de La trasformazione dello Stato, le droit de punir n’est donc pas ce qu’il appelle « une gracieuse concession faite par les individus à l’État, toujours changeante et révocable, et ayant comme limite la barrière indépassable du droit naturel de liberté de l’individu »36, mais il est essentiellement « un droit de conservation et de défense propre à l’État, et né avec l’État lui-même »37.
- 38 A. Rocco, La trasformazione dello Stato…, p. 105.
- 39 Ibid.
- 40 Ibid., p. 108.
16Même si Rocco avait beau jeu de citer nombre de philosophes des XVIIIe et XIXe siècles partisans de la peine capitale – entre autres Montesquieu, Rousseau, Filangieri, Kant (défini comme « le plus grand philosophe du libéralisme »), Hegel – le fait est que Beccaria continuait pourtant à représenter un obstacle. Rocco reconnaissait, du reste, que « puisque Beccaria était italien, nombreux sont ceux qui considèrent la théorie abolitionniste comme une gloire italienne, que les projets visant au rétablissement de la peine de mort amèneraient à assombrir »38. À cet égard, les stratégies de “contournement” mises en œuvre sont significatives du rapport que le fascisme entretient, de façon générale, avec les “traditions” italiennes. La première consistait à rechercher – et souvent à inventer – des “failles” dans les textes d’un auteur qui était si encombrant, même si sa pensée, loin d’être actuelle, devait uniquement être considérée, selon le garde des sceaux du régime, comme « une réaction contre les lois et les traditions médiévales qui dominaient encore dans le domaine du droit pénal au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle »39. Ainsi, s’appuyant sur les restrictions de Beccaria évoquées auparavant, Alfredo Rocco n’hésitait pas à affirmer que « Beccaria ne se prononça jamais de façon générale et permanente contre la peine de mort »40. Cette stratégie allait du reste parfois jusqu’à frôler la manipulation des textes, comme cela est le cas dans un article du frère du ministre, Arturo Rocco, qui joua à ses côtés un rôle important dans l’élaboration de la législation pénale fasciste. En 1933, celui-ci écrit en effet que :
- 41 A. Rocco, « Intorno alla pena di morte », Rivista internazionale di filosofia del diritto, no 15, 1 (...)
Beccaria lui-même, qui passe aux yeux de certains comme le plus fervent, le plus prestigieux et le plus absolu apôtre de l’abolition de la peine de mort, admettait au contraire […] la peine capitale au moins pour certains des délits les plus graves, et estimait qu’elle était sinon un droit, du moins une guerre de la nation contre un citoyen41.
- 42 C. Beccaria, Edizione nazionale delle opere, vol. I, p. 87.
Or Beccaria – soulignant le fait que la peine de mort relève toujours, en dernière instance, d’une logique d’exception – avait affirmé sans ambiguïté aucune, comme on l’a dit précédemment, que la peine de mort est « non pas un droit, mais une guerre de la nation contre un citoyen »42.
- 43 A. Rocco, La trasformazione dello Stato…, p. 105.
- 44 C. Cantù, Beccaria e il diritto penale, Florence, Barbera, 1862 (trad. fr. Beccaria et le droit pén (...)
17La seconde stratégie, plus essentielle, consistait à affirmer que Beccaria « tendait à appliquer, dans le domaine de la législation pénale aussi, les idées individualistes qui triomphaient oltr’alpe »43. Dans cette optique, Alfredo Rocco reprend de vieilles critiques à l’égard de l’œuvre de Beccaria, qui avaient consisté à dire que celui-ci aurait souvent plagié les auteurs français. Elles avaient été alimentées, au XVIIIe siècle, par l’animosité des frères Verri, mais avaient resurgi, en Italie, tout au long du XIXe siècle, par exemple chez un auteur comme Cesare Cantù, dont l’ouvrage constitue un vibrant éloge de Beccaria mais chez lequel on retrouve aussi le vieux fond antifrançais du misogallismo italien44. En exacerbant ces critiques, Rocco en arrive à présenter l’abolitionnisme comme une tradition plus étrangère qu’italienne. Celle-ci aurait pénétré en Italie par l’intermédiaire de Beccaria, dont la pensée serait l’expression de la
- 45 A. Rocco, « La legislazione », in A. Barbera, Nazione e Stato…, p. 251.
doctrine individualiste, qui se développa à partir du mouvement jus-naturaliste des XVIIe et XVIIIe siècles et qui connut une consécration concrète lors de la révolution anglaise et américaine, et surtout lors de la Révolution française ; [une doctrine] en réalité étrangère à nos propres traditions culturelles et à l’esprit italien45.
L’établissement de la peine capitale pouvait dès lors être présenté comme
- 46 A. Rocco, « Il codice di procedura penale », p. 285.
[le] signe heureux du changement d’esprit de la Nation italienne, de la libération totale de notre culture juridique et politique de l’influence d’idéologies étrangères, auxquelles l’abolitionnisme se rattache directement46.
18Ce à quoi l’on assiste, à travers la lecture des textes et discours du garde des sceaux du régime, c’est donc à une véritable “expulsion” de Beccaria. À une époque où les lois « leggi fascistissime » privent les « fuorusciti » de leur nationalité italienne, Rocco retire en quelque sorte à Beccaria sa nationalité italienne, en vertu de ce que l’on pourrait appeler un “fuoruscitismo” culturel. Ceci prouve que le « bando », le bannissement, pouvait frapper aussi les “classiques”. Ceci montre aussi toute la différence qui existe, dans le rapport aux traditions italiennes, entre le nationalisme et le fascisme. En effet, comme l’a fort bien formulé l’historien Emilio Gentile :
- 47 E. Gentile, Fascismo. Storia e interpretazione, Bari, Laterza, 2002, p. 85.
le fascisme affirma l’idée de la nation comme mythe, tandis que pour les nationalistes celle-ci était une réalité naturelle, un principe traditionaliste, un passé qui s’impose au présent. Pour le fascisme il n’y avait pas de valeurs ou de principes objectifs, valables en soi, à transmettre ou à respecter dans la tradition du passé. Dans un monde considéré comme dépourvu de sens, la vie humaine était seulement une manifestation de la volonté de puissance sans aucune justification métaphysique ou éthique47.
- 48 Dans l’après-guerre, Spirito se déclarera communiste. Comme il l’expliquera dans son autobiographie (...)
19Sur un “front” culturel bien différent de celui d’Alfredo Rocco, on retrouve, à l’intérieur de la “galaxie” fasciste, une même perspective profondément anti-beccarienne dans les écrits du philosophe Ugo Spirito (1896-1979). Durant le Ventennio, celui-ci fut l’un des représentants les plus significatifs du néo-idéalisme gentilien, dans sa version de “gauche”. Après avoir été formé dans le cadre du positivisme, il avait évolué vers l’idéalisme gentilien et était devenu un proche collaborateur de Giovanni Gentile en tant que rédacteur de l’Enciclopedia italiana, puis de Giuseppe Bottai lorsqu’il collabora aux revues Critica fascista et Primato. Dans les années trente, il défendra une conception du corporativisme proche par de nombreux aspects d’une forme de collectivisme, et il prendra des positions de plus en plus critiques à l’égard du fascisme qui avait, à ses yeux, perdu son élan révolutionnaire en se transformant en un régime. L’évolution de sa réflexion philosophique l’amènera à ce qu’il appellera un « problematicismo », un relativisme qui aboutira à une remise en doute de tous les dogmes, y compris ceux du fascisme48.
- 49 U. Spirito, Storia del diritto penale italiano : da Cesare Beccaria ai nostri giorni, Rome, De Albe (...)
- 50 U. Spirito, Il nuovo diritto penale, Florence, La Nuova Italia, 1929.
- 51 U. Spirito, « Antropologia criminale e sociologia criminale », p. 169.
- 52 U. Spirito, Storia del diritto penale italiano…, p. 184.
- 53 Selon une logique juridique typique de la législation fasciste dite du « doppio binario » (la doubl (...)
20En matière de droit pénal, l’ouvrage de fond d’Ugo Spirito est sa Storia del diritto penale italiano : da Cesare Beccaria ai nostri giorni, publié en 192549. Au cœur de la philosophie pénale de Spirito se trouve, de façon gentilienne, le problème éthique ; à savoir la nécessité de l’amendement, de la rééducation éthique du coupable. Cette conception l’induira du reste, en 1929, à critiquer le système d’ensemble de ce qui deviendra le Codice Rocco50. Après avoir récusé tout à la fois les principes de l’école classique et ceux de l’école positiviste, il repoussera « l’éclectisme ambigu » de cette « troisième école » – celle d’Alfredo et Arturo Rocco, mais aussi de Vincenzo Manzini et d’Eduardo Massari – qui entendait les concilier. Si le disciple de Gentile critique les conceptions « classiques », c’est parce qu’« on voulait juger l’individu sans juger le monde, l’esprit scindé de la nature » ; quant à l’école positiviste, elle avait le tort d’opérer une « réduction de l’individu au monde et de l’esprit à la nature »51. Or, en entendant concilier ces deux écoles, l’orientation juridique d’Alfredo Rocco aboutissait, selon Spirito, à une « abstraite conciliation de la nécessité et de la liberté »52 ; et en maintenant le dualisme entre peines et mesures de prévention53, la doctrine « technico-juridique » n’était qu’un « positivisme à la deuxième puissance », qui ne correspondait pas aux principes du « nouvel idéalisme », conçu comme union véritable de l’esprit et de la nature, de la liberté et de la nécessité.
21La vie étant « unité éthique », l’idéalisme représente pour Ugo Spirito une façon de « sentir qu’on ne fait qu’un avec le monde » et d’éprouver, sur un mode “romantique”, « la palpitation de l’univers dans l’individu » ; car, écrit-il :
- 54 U. Spirito, Storia del diritto penale italiano…, p. 233.
je ne suis pas le phénomène particulier sur lequel l’univers influe comme sur chaque minuscule particule, mais je suis au contraire l’unité pensante de l’univers lui-même, sa réalité concrète, tout à la fois microcosme et macrocosme54.
- 55 U. Spirito, « Antropologia criminale e sociologia criminale », p. 170.
- 56 Ibid., p. 173.
- 57 U. Spirito, Storia del diritto penale italiano…, p. 238.
- 58 U. Spirito, « Antropologia criminale e sociologia criminale », p. 173.
- 59 Comme l’affirme Spirito, « on ne peut parler de morale, d’unité éthique, que lorsque le principe un (...)
- 60 M.A. Cattaneo, « La filosofia penale di Ugo Spirito », p. 320. Je renvoie à ce texte important pour (...)
D’où un « sentiment de responsabilité universelle », dans la mesure où « l’homme est moralement responsable de tout car il n’est pas quelque chose de différent du tout, mais le tout lui-même »55. Ainsi, dans cette philosophie “spiritualiste”, la peine est celle que l’homme s’inflige à lui-même pour « devenir plus homme », elle est essentiellement œuvre d’« auto-éducation »56. Si l’on comprend que cette conception ne pouvait correspondre à celle qu’exprimera le Code Rocco, essentiellement répressive, il est en revanche difficile d’imaginer ce que pouvait concrètement signifier une peine conçue comme « auto-éducation universelle ». Comment pourrait, en effet, se traduire du point de vue pénal le fait que « le concept de responsabilité s’élargit jusqu’à comprendre dans la faute du délinquant la faute de tous »57, ou encore le fait que « le juge se juge et se punit lui-même en tant qu’humanité »58 ? En revanche, il est aisé de comprendre qu’en vertu de l’inquiétante assimilation entre le droit et la morale – et au nom d’une philosophie de « l’amour »59 – étaient « mises de côté les plus importantes conquêtes des Lumières juridiques »60. Cette conception du droit de punir s’inscrivait dans le cadre de la théorie gentilienne de l’État éthique, synthèse totalitaire d’autorité et de liberté ; car, comme l’écrit Spirito dans Critica fascista en juin 1924 :
- 61 Cité par G. Dessi, Ugo Spirito. Filosofia e rivoluzione, p. 50.
il ne peut y avoir d’autre volonté et d’autre liberté par-delà celle de l’État, ou, ce qui est exactement la même chose, par-delà celle des individus dans l’État61.
- 62 U. Spirito, « Antropologia criminale e sociologia criminale », p. 172.
- 63 U. Spirito, Storia del diritto penale italiano…, p. 38.
- 64 Ibid.
Elle entraînait nécessairement le « sacrifice de la particularité et de l’égoïsme »62 et allait de pair avec le refus de la tradition juridique des Lumières, fondée sur le respect des droits des individus singuliers et de leur « être particulier et égoïste », dont on retrouvait chez Beccaria la « rigoureuse expression ». Les Lumières seraient donc prises dans la contradiction entre le « moralisme abstrait » (de matrice française, cartésienne) et l’utilitarisme (de matrice anglaise, sensualiste) et reposeraient sur une sorte d’« éclectisme, de contractualisme et de jus-naturalisme »63. Retrouvant ici les critiques de Rocco, l’auteur de la Storia del diritto penale italiano refusait ces deux traditions en tant qu’expression de « l’abstraction », de « l’individualisme » et « l’atomisme » de l’Illuminisme ; et le principe de l’« unità etica » était présenté comme incompatible, en particulier, avec la perspective du contrat, ce « résidu des Lumières dont nous devons entièrement nous libérer »64.
- 65 Ibid., p. 48.
- 66 Ibid.
- 67 Ibid., p. 49.
- 68 Ibid.
- 69 Ibid., p. 44.
- 70 Ibid., p. 49.
- 71 Ibid., p. 55 sq.
22Parti de positions théoriques bien différentes, sinon opposées, Spirito rejoint donc Rocco dans un même refus des Lumières et de Beccaria, qui serait un auteur chez lequel manque la « vera eticità ». Tout en reconnaissant son importance historique, il pointait lui aussi le fait que c’était à travers Beccaria que se seraient introduits dans la péninsule les « présupposés illuministes qui ont continué à informer après lui une grande partie de la culture italienne »65. Celui-ci n’incarnait donc pas une tradition réellement italienne mais il y avait chez lui la « reconnaissance servile de la supériorité étrangère »66. La véritable tradition italienne, aux XVIIIe et XIXe siècles, était plutôt représentée, conformément au “panthéon” gentilien, par des auteurs comme Vico, Rosmini ou Gioberti ; ces derniers étaient restés à peu près ignorés en dehors de l’Italie car ils étaient « essentiellement italiens », tandis que l’ouvrage de Beccaria n’avait dû son succès à l’étranger qu’au fait qu’il ne reflétait pas une pensée d’origine « proprement italienne »67. Réduire les mérites de Beccaria ne constituait donc pas un manque de reconnaissance à l’égard d’une gloire nationale, mais une façon de contribuer à la détermination d’une tradition « véritablement italienne »68. Du reste, Spirito reprenait lui aussi à son compte la “légende” selon laquelle Beccaria avait été un homme au caractère faible, et manquant surtout d’une « véritable originalité conceptuelle »69. Il pouvait dès lors affirmer que Des délits et des peines, « loin d’être la création géniale d’un homme qui ouvre de nouvelles voies à la science », représentait « l’expression de la mentalité dominante commune, dont Beccaria est presque un instrument, qui, en tant que tel, aurait pu être remplacé plus ou moins bien par n’importe quel autre penseur des Lumières de l’époque »70. Quant à la peine de mort, le fait est que Spirito ne s’attardait pas sur la question. Il est vrai aussi que la peine capitale semble contradictoire avec le principe de la punition conçue comme « auto-éducation ». Il est tout de même significatif de constater que, dans les pages consacrées à Beccaria, il évoque de façon explicite les éléments de la critique de Facchinei, qu’il cite abondamment71. Celui-ci avait soutenu que si l’on enlève à la société le droit de punir de mort l’individu, en vertu du prétexte selon lequel l’individu n’aurait pas placé ce droit dans le « dépôt commun », on pourrait alors arguer que la peine d’emprisonnement perpétuel est elle aussi un abus ; plus encore, ce serait alors toute peine, fût-ce la plus petite, qui pourrait apparaître comme un abus dans la perspective beccarienne.
- 72 Outre les travaux de R. Mondolfo, P. Rossi et C.A. Vianello, déjà évoqués, on peut citer parmi quel (...)
- 73 A. Rocco, La trasformazione dello Stato…, p. 107.
23Certes les écrits de Rocco et de Spirito ne résument pas, à eux seuls, l’ensemble des lectures de Beccaria durant le Ventennio72. Cependant, ils “donnent le ton” à l’orientation générale du fascisme à son égard. De même, le célèbre Preludio a Machiavelli de Benito Mussolini, publié dans la revue Gerarchia en 1924, donne la tonalité d’ensemble des lectures fascistes du Prince, considéré comme « le Vademecum de l’homme de gouvernement ». Beccaria représente lui aussi – par son inactualité même – un prisme qui permet de lire “les” fascismes. Malgré la pluralité de ses “âmes”, on peut affirmer que le fascisme incarnait, d’une certaine façon, un retour à l’absolutisme, par-delà Beccaria ; et le rétablissement de la peine de mort, dans le cadre d’une sévérité renforcée, était la marque la plus significative de cette involution. Si dans l’Ancien Régime tout délit représentait, en dernière instance, une atteinte contre le corps du roi, dans la législation fasciste tout délit devenait un délit contre l’État. Celui-ci incarnait une « personnalité supérieure », un « organisme autonome » ayant des intérêts et des fins propres – des fins « juridiques, éthiques et religieuses »73 – auxquels l’individu devait subordonner son action, et parfois sa propre existence.
- 74 A. Zerboglio, « Il ritorno di padre ‘Facchinei’ », Rivista d’Italia, XXX, 1927/1. Juriste, universi (...)
- 75 Volt, « La criminologia positiva e il fascismo », Gerarchia, 1924/3. V. Fani Ciotti (1888-1927), qu (...)
24Un article publié en 1927 par Adolfo Zerboglio (1866-1952) dans la Rivista d’Italia, intitulé « Il ritorno di padre ‘Facchinei’ »74, met en évidence, quoique de façon voilée, le caractère régressif du fascisme. En dépit des précautions prises par son auteur, dont les orientations étaient positivistes, ce texte répondait à la violente charge antibeccarienne contenue dans un article de Volt publié en mars 1924 dans la revue Gerarchia et intitulé « La criminologia positiva e il fascismo »75. Dans cet article, l’écrivain futuriste et fasciste avait écrit que :
- 76 A. Zerboglio, « Il ritorno di padre ‘Facchinei’ », p. 23.
Beccaria […] fut le plus grand corrupteur du droit pénal en Europe. C’est à travers lui que la pensée individualiste et libérale s’est insinuée dans le mécanisme judiciaire, de sorte que, peu à peu, ce ne fut plus le juge mais l’avocat qui fut l’arbitre du procès, ce ne fut plus le coupable mais la société qui devint l’accusé76.
- 77 Ibid.
- 78 Volt, « La criminologia positiva e il fascismo », p. 160.
- 79 A. Zerboglio, « Il ritorno di padre ‘Facchinei’ », p. 30.
Dans un autre article, consacré à l’établissement de la peine de mort et publié dans le Popolo d’Italia du 19 octobre 1926 – un article cité lui aussi par Zerboglio comme exemple d’un « esprit rebelle de démolition » dirigé contre l’œuvre de Beccaria –, Volt se réjouissait que l’on ait enfin abandonné les « radotages humanitaires si chers aux disciples de Beccaria »77 ; et comme remède à la “dégénérescence” beccarienne, il estimait que « le droit pénal moderne aura tout à gagner […] en se rapprochant de la rude simplicité primitive de la loi du talion »78. Quant à Zerboglio, après avoir résumé la défense des accusations secrètes, de la torture et de la peine de mort opérée par Facchinei, il suggérait – sans que, prudemment, rien ne soit dit de façon explicite – que le fascisme constituait une sorte de « retour de Facchinei » ; et dans la dernière page de son article, il formulait un subtil éloge du philosophe milanais à travers l’évocation des paroles du gouverneur de Milan, le comte Firmian, qui avait estimé en 1765 que la réponse de Beccaria aux critiques de Facchinei (rédigée en réalité par les frères Verri) était « pleine de modération et faisait honneur à la moralité de l’auteur »79. Le juriste suggérait, par ce biais, l’idée que les hommes du régime étaient, en 1929, plus proches de l’obscur moine vollombrosain que du célèbre philosophe milanais.
25Il faudra, en réalité, attendre la chute du fascisme pour qu’une réponse aux lectures fascistes soit exprimée avec vigueur et clarté. C’est alors que Piero Calamandrei (1889-1956), dans la préface à son édition de 1945 de Des délits et des peines, répliquera explicitement à Ugo Spirito qui, comme on l’a dit, avait estimé que l’ouvrage du philosophe milanais n’était que l’expression de la « comune mentalità dominante » :
- 80 P. Calamandrei, « Prefazione » [1945], in Dei delitti e delle pene, Florence, Le Monnier, 1992, p. (...)
Spirito a oublié d’expliquer pourquoi c’est justement par lui, et non par quelqu’un d’autre, que ce petit livre a été écrit, et par quel miracle ce n’est que dans ces pages que la « mentalité dominante commune » a su trouver cette chaude immédiateté entraînante, sans laquelle on ne fait pas les révolutions80.
- 81 C. Beccaria, Dei delitti e delle pene, R. Sommaruga (éd.), Rome, Casa Editrice Tariffi, 1944 ; C. B (...)
- 82 Juriste et universitaire, membre à partir de 1941 de « Giustizia e Libertà », Piero Calamandrei fut (...)
- 83 P. Calamandrei, « Prefazione », p. 72.
- 84 Ibid., p. 107.
Après vingt ans d’“absence”, l’ouvrage de Beccaria redevenait un livre éminemment actuel. Au moment de la chute du régime paraissaient en effet, outre l’édition de Calamandrei, deux autres éditions : l’une préfacée par Rodolfo Sommaruga en 1944, l’autre présentée par le général Rodolfo Bianchi d’Espinosa81. Quant à l’édition de Calamandrei, elle parut en janvier 1945 à Florence, après la libération de la ville, précédée d’une émouvante préface rédigée entre décembre 1943 et décembre 1944, à une époque où le juriste s’était réfugié à la campagne, recherché par les partisans de la république de Salò82. À travers la présentation de Des délits et des peines, c’était à une évocation de tous les terribles maux engendrés par le fascisme et le nazisme que se livrait Calamandrei. La vitalité de celui qui avait voulu défendre la « cause de l’humanité » face aux « inutiles cruautés » émergeait, plus que jamais, dans les époques de « retours subits de la barbarie qui surviennent parfois dans l’histoire des civilisations »83. Or, dans les derniers temps du fascisme et du nazisme, la barbarie et l’usage de la torture, appliquée avec une « inexorable scientificité » et avec un « aveuglement général et mécanisé » – en particulier à travers les camps de concentration, évoqués par Calamandrei –, avaient atteint des degrés inimaginables pour Beccaria lui-même, lorsqu’on en était arrivé à « faire de l’extermination une industrie rationalisée »84.
- 85 Cité par A. Galante Garrone, « Introduzione », p. CXXXVIII.
- 86 P. Calamandrei, « Prefazione », p. 76.
- 87 Ibid. Dans une Italie « dévastée dans les esprits durant le Ventennio », il fallait, pour Calamandr (...)
26Des délits et des peines redevenait donc ce « libriccino eccezionale » dans lequel resplendissait, par-delà la philosophie utilitariste, l’« esprit d’humanité » avec lequel le fascisme avait voulu rompre en profondeur à travers la haine du « piétisme », du « sentimentalisme », et à travers la recherche désespérée d’un soi-disant « réalisme politique » dont on avait cru trouver les fondements chez l’auteur du Prince. Cet ouvrage, Calamandrei le définissait désormais, dans une lettre à Pietro Pancrazi de mars 1944, comme un « méprisable manuel de délinquance politique »85, à un moment où le rejet radical de Machiavel apparaît comme l’effet d’une époque où l’on avait voulu imposer « sur le visage honnête de notre peuple un masque de dureté sourcilleuse »86. À rebours d’une interprétation qui verrait en lui principalement « l’autobiographie » de la nation italienne, le fascisme représentait, selon Calamandrei, l’expression de « courants anti-humanitaires » qui avaient amené l’Italie à dévier de sa « strada maestra ». Ce « sonderweg » positif italien était incarné par Beccaria, dont l’œuvre avait résisté, mieux que d’autres, aux embrigadements et “torsions” fascistes. Il était celui d’une Italie empreinte de pietas et d’humanité, dont le fascisme se serait écarté dans le « dédaigneux refus de tous les sentiments de notre traditionnelle humanité »87. Les Italiens étaient ainsi appelés à retrouver la voie d’un renouveau spirituel, qui passait par la lecture de certains « vieux livres fiables », après que
- 88 P. Calamandrei, « Prefazione », p. 135.
pendant vingt ans, les écrivains dans lesquels on reconnaît de la façon la plus évidente le souffle de la générosité fraternelle qui constitue un bien qui nous appartient, furent considérés avec soupçon et mis de côté, quand on ne fit pas en sorte, outrage suprême, de les faire passer pour des « précurseurs »88.
27La réflexion sur l’œuvre de Beccaria fut donc pour Calamandrei, comme l’a écrit Alessandro Galante Garrone,
- 89 A. Galante Garrone, « Introduzione », p. CXXXVIII.
quelque chose de plus que le travail paisible d’un spécialiste. Ce fut d’un côté la découverte de problèmes encore cruciaux et douloureux pour les hommes de son époque […], de l’autre la réponse à des questions angoissantes89.
- 90 P. Calamandrei, « Prefazione », p. 33.
- 91 Ibid., p. 79.
- 92 Ibid., p. 27. La réévaluation de la « sentimentalité » – ce « doux sentiment de pitié et de solidar (...)
Le « libriccino » du philosophe milanais était un grand livre justement parce que son intérêt pouvait être perçu largement au-delà du cercle des spécialistes. Du reste, Des délits et des peines n’était pas l’œuvre d’un juriste de profession, mais il était né de « l’inspiration imprévue d’un esprit animé par des intérêts humanistes »90. Ce n’était pas « le commentaire d’un juriste sur une législation positive appuyée sur l’autorité, mais l’invocation d’un moraliste qui trace les grandes lignes d’une législation idéale, inspirée par le principe de la liberté »91. Cet ouvrage était fondamental parce que, plutôt que de suivre « un système logique calculé avec rigueur », il suivait « les impulsions immédiates du sentiment »92. Calamandrei estimait, du reste, que la composante « sentimentale » de la pensée de Beccaria était essentielle, et que celle-ci ne pouvait se réduire à un pur utilitarisme.
- 93 Ibid., p. 125.
- 94 Ibid.
- 95 Ibid., p. 126.
28Tout ceci apparaissait clairement à propos du plaidoyer beccarien en faveur de l’abolition de la peine de mort. À cet égard, Calamandrei affirmait que, dans la pensée de Beccaria, la seule perspective utilitaire ne suffisait pas à justifier l’abolition si « en face de la raison d’État on ne plaçait, comme barrière infranchissable, le respect de la personne humaine, considérée comme fin en soi et non comme instrument de l’intérêt public, personne et non chose »93. En s’en tenant au seul principe de l’intérêt public – un intérêt dont l’appréciation « varie selon les variations de la moralité individuelle des gouvernants qui s’arrogent le droit de parler au nom du peuple »94 –, on ne saurait, en revanche, justifier pleinement l’abolition. Ainsi, la pensée profonde de Beccaria résiderait dans le fait que les hommes, dans le secret de leur âme, « ont toujours cru que leur propre vie n’est au pouvoir de personne sinon de la nécessité, qui avec son sceptre de fer régit l’univers »95. En fin de compte, l’impératif catégorique “ne tue pas” constituait, pour Calamandrei, la seule véritable justification de l’abolition. Au lendemain de la guerre, c’est d’abord en vertu de cet impératif que le “disciple” de Beccaria défendra vigoureusement l’abolition de la peine de mort, effacée définitivement de l’arsenal pénal italien en 1947.
Notes
1 Nous employons ici l’expression utilisée, dans un autre contexte, par J.G.A. Pocock, The Machiavellian Moment : Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition, Princeton – Londres, Princeton University Press, 1975.
2 Je me permets, à propos des usages fascistes de Machiavel, de renvoyer à : X. Tabet, « Machiavel et le fascisme », in Machiavelli nel secolo XIX e XX. Machiavel aux XIXe et XXe siècles, P. Carta, X. Tabet (dir.), Padoue, Cedam, 2006. Cf. également, pour d’autres textes complémentaires à cet article : X. Tabet, « Beccaria, la peine de mort et la Révolution française », in Les écrivains italiens des Lumières et la Révolution française, C. Del Vento, X. Tabet (dir.), Laboratoire italien, no 9, 2009, sous presse ; « “L’ennemi de l’État” dans la pensée juridique et le droit pénal du fascisme », in L’Italie menacée. Figures de l’ennemi du XVIe au XXe siècle, L. Fournier (dir.), Paris, L’Harmattan, 2004.
3 C. Beccaria, Opere scelte, R. Mondolfo (éd.), Bologne, Cappelli, 1925 (la même année, c’est-à-dire juste avant le “tournant” totalitaire, cf. aussi : Dei delitti e delle pene, G. Angelo Ceriello (éd.), Milan, Signorelli, 1925) ; Dei delitti e delle pene, P. Calamandrei (éd.), Florence, Le Monnier, 1945.
4 Il convient néanmoins de signaler la publication, en 1938, de l’ouvrage de C.A. Vianello, La vita e l’opera di Cesare Beccaria : con scritti e documenti inediti, Milan, Ceschina, 1938, qui reste aujourd’hui un livre de référence, mais ne contient pas d’allusions à la réalité contemporaine.
5 Sur le Code pénal de l’Italie postrisorgimentale, voir en particulier : Diritto penale dell’ottocento. I codici preunitari e il codice Zanardelli, S. Vinciguerra (dir.), Padoue, Cedam, 1993.
6 Cette expérience fut suspendue en 1790 du fait des désordres qui avaient accompagné les premiers troubles révolutionnaires, même si la peine de mort ne fut vraiment appliquée à nouveau que durant l’occupation française, au cours du Triennio repubblicano (1796-1799). Pour l’histoire de l’abolitionnisme en Italie, voir en particulier : O. Vocca, Evoluzione del pensiero criminologico sulla pena di morte (Da Cesare Beccaria al Codice Zanardelli), Naples, Jovene, 1984. Pour une évocation générale des législations pénales italiennes dans l’Ancien Régime, cf. G. Tarello, Assolutismo e codificazione del diritto, Bologne, Il Mulino, 1976. Pour le Codice leopoldino, cf. La « Leopoldina » nel diritto e nella giustizia in Toscana, L. Berlinguer, F. Colao (dir.), Milan, Giuffrè, 1989, ainsi que M. Da Passano, Dalla ‘mitigazione delle pene’ alla ‘protezione che esige l’ordine pubblivo’. Il diritto penale toscano dai Lorena ai Borbone (1786-1797), Milan, Giuffrè, 1988 ; pour le cas de la Lombardie, cf. A. Cavanna, La codificazione penale in Italia. Le origini lombarde, Milan, Giuffrè, 1987.
7 G. Vassalli, « Passione politica di un uomo di legge », in A. Rocco, Discorsi parlamentari, Bologne, Il Mulino, 2004, p. 54.
8 R. Mondolfo, Cesare Beccaria [1925], Milan, Nuova Accademia Editrice, 1960, p. 62.
9 Voir en particulier le chapitre XXVII de Des délits et des peines, intitulé « Douceur des peines », qui précède celui qui est consacré à la peine de mort.
10 C. Beccaria, Edizione nazionale delle opere, vol. I, Dei delitti e delle pene, G. Francioni (éd.), Milan, Mediobanca, 1984, p. 31. C’est nous qui traduisons l’ensemble des textes italiens cités ici (cf. néanmoins, tout récemment : Des délits et des peines, P. Audegean [trad. et éd.], Lyon, ENS Éditions, 2009).
11 F. Facchinei, Note ed osservazioni sul libro intitolato « Dei delitti e delle pene », s. d., s. t., 1765, p. 188.
12 J.-J. Rousseau, Du contrat social, in Œuvres complètes, vol. III, Écrits politiques, B. Gagnebin, M. Raymond (éd.), Paris, Gallimard, 1964, p. 376.
13 C. Beccaria, Edizione nazionale delle opere, vol. I, p. 87.
14 Ibid.
15 L’argumentation de Beccaria s’inscrit dans une théorie de l’habitude, de matrice sensualiste. En effet, selon l’auteur des Délits et des peines, ce n’est pas « l’intensité » de la peine qui produit le plus grand effet, mais son « extension », c’est-à-dire sa durée, car notre sensibilité est ébranlée plus facilement par des impressions « minimes mais répétées » que par un mouvement « fort mais passager ».
16 C. Beccaria, Edizione nazionale delle opere, vol. I, p. 93.
17 Ibid.
18 Sur tout ceci, nous renvoyons à toute la deuxième partie de l’ouvrage de M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, consacrée à la naissance de la prison.
19 C. Beccaria, Edizione nazionale delle opere, vol. I, p. 88. Cette deuxième exception, sur laquelle beaucoup de commentateurs ne s’attardent guère, risquerait pourtant de compromettre l’ensemble de l’argumentation. En réalité les deux exceptions pourraient correspondre – dans ce passage délicat du chapitre XXVIII – à ce qui est le discours commun de « l’autorité ». Mais si l’on envisage la question avec la « raison », comme Beccaria le dit par la suite lorsqu’il évoque les objections de fond à la peine de mort, alors il apparaît que l’on pourrait accepter la première exception mais pas la seconde.
20 G. Tessitore, Fascismo e pena di morte : consenso e informazione, Milan, Franco Angeli, 2000.
21 Le seul ouvrage spécifiquement consacré à la critique du rétablissement de la peine capitale fut celui de P. Rossi, La pena di morte e la sua critica, Gênes, Bozzi, 1932. Avocat dont le cabinet fut incendié par les fascistes en 1926, Paolo Rossi (1900-1985) devint professeur de droit pénal dans l’après-guerre, député socialiste et vice-président de la Chambre des députés, ministre de l’Instruction publique de 1955 à 1957, président de la Cour constitutionnelle de 1975 à 1979. Dans un dialogue serré avec les grands philosophes partisans de la peine de mort, comme en particulier Kant et Hegel, l’auteur s’emploie à “déconstruire”, à partir de Beccaria, l’argumentaire des partisans de la peine de mort, tant du point de vue de ses justifications historiques que de celui de ses finalités, de son efficacité, et de sa moralité.
22 E. Gentile, « L’architetto dello stato nuovo : Alfredo Rocco », in Il mito dello Stato nuovo, Bari, Laterza, 1999. Sur le parcours politique et l’œuvre d’Alfredo Rocco, voir P. Ungari, Alfredo Rocco e l’ideologia giuridica del fascismo, Brescia, Morcelliana, 1963 ; A. Barbera, Nazione e Stato in Alfredo Rocco, Bari, Sveva, 2002 (ouvrage qui réunit également, dans sa deuxième partie, plusieurs discours et textes importants d’Alfredo Rocco, que nous citerons par la suite) ; G. Vassalli, « Passione politica di un uomo di legge » ; S. Battente, Alfredo Rocco : dal nazionalismo al fascismo, 1907-1935, Milan, Franco Angeli, 2005. Certains des principaux discours de Rocco relatifs à l’instauration des « leggi fascistissime » se trouvent dans : A. Rocco, La trasformazione dello stato : dallo stato liberale allo stato fascista, Rome, La Voce, 1927.
23 A. Rocco, « Politica e diritto nelle vecchie e nelle nuove concezioni dello Stato » [1931], in A. Barbera, Nazione e Stato…, p. 237.
24 Cité par S. Battente, Alfredo Rocco…, p. 361.
25 A. Rocco, « La dottrina politica del Fascismo » [1925], in A. Barbera, Nazione e Stato…, p. 216.
26 Ibid., p. 225.
27 Ibid.
28 Ibid., p. 226.
29 A. Rocco, « Politica e diritto… », p. 235. Il est à remarquer que c’était aussi toute la tradition risorgimentale italienne – une tradition que l’idéalisme gentilien était en revanche loin de rejeter en bloc – qu’Alfredo Rocco repoussait. Comme l’écrit Massimo Baioni, « l’ensemble du processus du Risorgimento devait être mis en accusation dans le cadre d’une démolition conjointe de la démocratie et du libéralisme (et à plus forte raison du socialisme), fruits de la pensée politique semée par la mauvaise graine de la Révolution française. Le Risorgimento était vu comme une manifestation de l’individualisme destructeur, destiné à céder le pas, dans la conception organique de Rocco, à une nation de producteurs fondée sur la solidarité des composantes sociales » (La ‘religione della patria’. Musei e istituti del culto risorgimentale (1884-1918), Quinto di Treviso, PAGVS Edizioni, 1994, p. 161).
30 A. Rocco, « La dottrina politica del Fascismo », p. 212.
31 G. Vassalli, « Passione politica di un uomo di legge », p. 55.
32 A. Rocco, La trasformazione dello Stato…, p. 113.
33 A. Rocco, « Il codice di procedura penale » [1929], in A. Barbera, Nazione e Stato…, p. 289. Sur le Codice Rocco ainsi que sur la logique pénale de l’école « tecnico-giuridico », voir en particulier : F. Colao, Il delitto politico fra Ottocento e Novecento. Da « delitto fittizio » a « nemico dello Stato », Milan, Giuffrè, 1986 ; M. Sbriccoli, « La penalistica civile. Teorie e ideologie del diritto penale dell’Italia unità », in Stato e cultura giuridica in Italia dall’unità alla Repubblica, A. Schiavone (dir.), Bari, Laterza, 1990 ; C. Guarnieri, « L’ordine pubblico e la giustizia penale », in Storia della stato dall’unità ad oggi, R. Romanelli (dir.), Rome, Donzelli, 1995 ; D. Petrini, La prevenzione inutile. Illegittimità delle misure praeter delictum, Naples, Casa Editrice Jovene, 1996 ; G. Neppi Modana, M. Pelissero, « La politica criminale durante il fascismo », in Storia d’Italia. Annali, vol. XII, La Criminalità, L. Violante (dir.), Turin, Einaudi, 1997 ; E. De Cristofaro, « Legalità e pericolosità. La penalistica nazifascista e la dialettica tra retribuzione e difesa dello Stato », Quaderni fiorentini per la storia del pensiero giuridico moderno, vol. 36, 2007/2, p. 1031 sq.
34 C. Beccaria, Edizione nazionale delle opere, vol. I, p. 72.
35 A. Rocco, « Il codice di procedura penale », p. 276.
36 Ibid.
37 Ibid.
38 A. Rocco, La trasformazione dello Stato…, p. 105.
39 Ibid.
40 Ibid., p. 108.
41 A. Rocco, « Intorno alla pena di morte », Rivista internazionale di filosofia del diritto, no 15, 1933/3, p. 401. C’est nous qui soulignons le point où se situe la tentative de manipulation.
42 C. Beccaria, Edizione nazionale delle opere, vol. I, p. 87.
43 A. Rocco, La trasformazione dello Stato…, p. 105.
44 C. Cantù, Beccaria e il diritto penale, Florence, Barbera, 1862 (trad. fr. Beccaria et le droit pénal, Paris, Firmin-Didot, 1885).
45 A. Rocco, « La legislazione », in A. Barbera, Nazione e Stato…, p. 251.
46 A. Rocco, « Il codice di procedura penale », p. 285.
47 E. Gentile, Fascismo. Storia e interpretazione, Bari, Laterza, 2002, p. 85.
48 Dans l’après-guerre, Spirito se déclarera communiste. Comme il l’expliquera dans son autobiographie (Memorie di un incosciente, Milan, Rusconi, 1977) – rédigée au terme d’une existence qui fut placée sous le signe de la « recherche d’un idéal de vie éclairé par le dépassement de l’individualisme » –, il s’agissait néanmoins d’un communisme bien particulier, un « communisme métaphysique » qu’il concevait comme se situant tout à la fois dans la lignée de son idéalisme et de son ancienne conception du fascisme. Sur l’œuvre et la pensée d’Ugo Spirito, voir en particulier les volumes collectifs : Il pensiero di Ugo Spirito, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1988, 3 vol. (et surtout, pour l’aspect pénal, dans le vol. II : M.A. Cattaneo, « La filosofia penale di Ugo Spirito », et A.A. Calvi, « Ugo Spirito criminalista »). Voir également : G. Dessi, Ugo Spirito. Filosofia e rivoluzione, Milan, Luini, 1999 ; A. Russo, Ugo Spirito. Dal positivismo all’antiscienza, Milan, A. Guerini, 1999.
49 U. Spirito, Storia del diritto penale italiano : da Cesare Beccaria ai nostri giorni, Rome, De Alberti, 1924. Bien que l’édition soit datée de 1924, le livre fut néanmoins publié en 1925. Il sera republié chez Bocca à Turin en 1932, puis en 1974 chez Sansoni à Florence, et il constitue encore, par-delà son orientation générale, un ouvrage de référence sur l’histoire du droit pénal moderne. Voir aussi, sur le versant de sa philosophie pénale, U. Spirito, « Antropologia criminale e sociologia criminale », Giornale critico della filosofia italiana, vol. 6, 1925.
50 U. Spirito, Il nuovo diritto penale, Florence, La Nuova Italia, 1929.
51 U. Spirito, « Antropologia criminale e sociologia criminale », p. 169.
52 U. Spirito, Storia del diritto penale italiano…, p. 184.
53 Selon une logique juridique typique de la législation fasciste dite du « doppio binario » (la double voie) – qui est à la base du Code Rocco – on tend à juxtaposer, sinon à confondre, les mesures répressives relevant d’une conception classique et « rétributive » de la faute, avec les mesures de sûreté relevant d’une conception positiviste de la prévention. Les mesures « ante delictum » sont en réalité utilisées par le régime comme des mesures punitives, des mesures de répression de l’opposition politique.
54 U. Spirito, Storia del diritto penale italiano…, p. 233.
55 U. Spirito, « Antropologia criminale e sociologia criminale », p. 170.
56 Ibid., p. 173.
57 U. Spirito, Storia del diritto penale italiano…, p. 238.
58 U. Spirito, « Antropologia criminale e sociologia criminale », p. 173.
59 Comme l’affirme Spirito, « on ne peut parler de morale, d’unité éthique, que lorsque le principe unificateur n’est pas le principe extrinsèque du contrat mais celui de l’amour » (Storia del diritto penale italiano…, p. 57).
60 M.A. Cattaneo, « La filosofia penale di Ugo Spirito », p. 320. Je renvoie à ce texte important pour une critique très articulée des conceptions pénales de Spirito.
61 Cité par G. Dessi, Ugo Spirito. Filosofia e rivoluzione, p. 50.
62 U. Spirito, « Antropologia criminale e sociologia criminale », p. 172.
63 U. Spirito, Storia del diritto penale italiano…, p. 38.
64 Ibid.
65 Ibid., p. 48.
66 Ibid.
67 Ibid., p. 49.
68 Ibid.
69 Ibid., p. 44.
70 Ibid., p. 49.
71 Ibid., p. 55 sq.
72 Outre les travaux de R. Mondolfo, P. Rossi et C.A. Vianello, déjà évoqués, on peut citer parmi quelques ouvrages ou articles explicitement consacrés à Beccaria durant le Ventennio : L. Limentani, « Studi sul pensiero del Settecento (Rousseau e Beccaria) », Rivista internazionale di filosofia del diritto, vol. 6, 1926/1 ; A. De Marchi, Cesare Beccaria e il processo penale, Turin, Bocca, 1929 ; G. Gervasoni, L’opera maggiore di Cesare Beccaria, Bergame, Tecnografia Editrice Tavecchi, 1933 ; A. Mauri, La cattedra di Cesare Beccaria, Florence, Olschki, 1934.
73 A. Rocco, La trasformazione dello Stato…, p. 107.
74 A. Zerboglio, « Il ritorno di padre ‘Facchinei’ », Rivista d’Italia, XXX, 1927/1. Juriste, universitaire, sénateur à partir de 1924, membre de la « Consulta nazionale » chargée d’élaborer la Constitution après 1945, Zerboglio sera célébré au Sénat, à sa mort, comme ayant été un opposant convaincu au régime.
75 Volt, « La criminologia positiva e il fascismo », Gerarchia, 1924/3. V. Fani Ciotti (1888-1927), qui avait pris comme pseudonyme Volt, a été journaliste, poète futuriste, mais aussi doctrinaire du fascisme. Il a collaboré à L’Idea nazionale, L’Impero, Critica fascista, Il Popolo d’Italia, Gerarchia. Il est l’auteur, entre autres, d’un volume intitulé Il programma della destra fascista, Florence, La Voce, 1924.
76 A. Zerboglio, « Il ritorno di padre ‘Facchinei’ », p. 23.
77 Ibid.
78 Volt, « La criminologia positiva e il fascismo », p. 160.
79 A. Zerboglio, « Il ritorno di padre ‘Facchinei’ », p. 30.
80 P. Calamandrei, « Prefazione » [1945], in Dei delitti e delle pene, Florence, Le Monnier, 1992, p. 66.
81 C. Beccaria, Dei delitti e delle pene, R. Sommaruga (éd.), Rome, Casa Editrice Tariffi, 1944 ; C. Beccaria, Dei delitti e delle pene, presentato ai giovani dal generale Rodolfo Bianchi d’Espinosa, Milan, Editrice Italgera, 1945. Si la préface de Sommaruga était un texte “neutre” – même s’il n’était certainement pas neutre de republier le célèbre traité en 1944 –, celle du général Bianchi d’Espinosa, adressée « aux jeunes », présentait la pensée de Beccaria comme un nécessaire antidote contre la « corruption des consciences » engendrée par le fascisme.
82 Juriste et universitaire, membre à partir de 1941 de « Giustizia e Libertà », Piero Calamandrei fut parmi les fondateurs du « Partito d’Azione ». En 1945, il devint membre de l’Assemblée constituante et participa activement aux travaux de rédaction de la Constitution. Après la dissolution du « Partito d’Azione », il entra dans le « Partito Socialdemocratico Italiano » et fut élu deputé en 1948. Pour les conditions dans lesquelles fut rédigée la préface, voir : V. Branca, « Introduzione » [1945], in Dei delitti e delle pene, Florence, Le Monnier, 1992 ; A. Galante Garrone, « Introduzione », in P. Calamandrei, Diario 1939-1945, G. Agosti (éd.), Turin, La Nuova Italia, 1997, vol. I.
83 P. Calamandrei, « Prefazione », p. 72.
84 Ibid., p. 107.
85 Cité par A. Galante Garrone, « Introduzione », p. CXXXVIII.
86 P. Calamandrei, « Prefazione », p. 76.
87 Ibid. Dans une Italie « dévastée dans les esprits durant le Ventennio », il fallait, pour Calamandrei, retrouver le souffle de « vecchi libri fidati » comme celui de Beccaria, afin de lutter d’abord contre le “cancer” engendré par le fascisme. En dépit de l’action purificatrice de la Résistance en 1943-1944, celui-ci avait consisté en ce que Calamandrei appelait en 1945 la « desistenza », à savoir le désintérêt pour la chose publique, généré par le fascisme lui-même. Dans ces années sombres, lui-même avait pu craindre, du reste, d’en être atteint ; et il éprouvait un certain remords pour sa participation, en 1939-1940, à la rédaction du code civil de 1942, et pour sa collaboration avec le ministre de la Justice du régime, Dino Grandi. À propos de l’activité de Calamandrei dans l’immédiat après-guerre, voir : Piero Calamandrei e la costruzione dello stato democratico : 1944-1948, S. Merlini (dir.), Bari, Laterza, 2007 ; M. Isnenghi, Dalla resistenza alla desistenza. L’Italia del ‘ponte’ (1945-1947), Bari, Laterza, 2007.
88 P. Calamandrei, « Prefazione », p. 135.
89 A. Galante Garrone, « Introduzione », p. CXXXVIII.
90 P. Calamandrei, « Prefazione », p. 33.
91 Ibid., p. 79.
92 Ibid., p. 27. La réévaluation de la « sentimentalité » – ce « doux sentiment de pitié et de solidarité envers ceux qui souffrent » – allait également de pair, chez Calamandrei, avec un éloge du style de Beccaria. Le style “libre” de Des délits et des peines correspondait à nouveau aux temps de la liberté italienne. Par son aspect apparemment négligé, privilégiant le contenu sur la forme, et par ses gallicismes mêmes, il se situait aux antipodes de la rhétorique fasciste.
93 Ibid., p. 125.
94 Ibid.
95 Ibid., p. 126.
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Référence papier
Xavier Tabet, « Cesare Beccaria “antiprécurseur” du fascisme », Transalpina, 12 | 2009, 69-92.
Référence électronique
Xavier Tabet, « Cesare Beccaria “antiprécurseur” du fascisme », Transalpina [En ligne], 12 | 2009, mis en ligne le 05 mai 2022, consulté le 15 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/transalpina/2804 ; DOI : https://doi.org/10.4000/transalpina.2804
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