1Avec cet ouvrage, Loïc Seron nous propose son interprétation visuelle de l’œuvre de Mario Rigoni Stern, un remarquable écrivain qui nous est présenté par les trois textes liminaires qui l’accompagnent. Ceux-ci brossent d’abord un portrait de l’homme, et ils louent la capacité d’écoute, la générosité, l’intelligence d’un écrivain qui était avant tout un montagnard, lequel « ne faisait qu’un avec l’Altipiano, avec ses récits et avec ses choix » (p. 11) : le haut plateau d’Asiago dans la Vénétie, jadis théâtre des combats acharnés de la Grande Guerre qu’un autre écrivain, Emilio Lussi, a magistralement retracés dans Un anno sull’altipiano (1938).

2Mario Rigoni Stern avait également commencé sa carrière littéraire avec Il sergente nella neve (1953) – un témoignage percutant sur la campagne de Russie pendant la Deuxième Guerre mondiale – avant de se faire l’éternel explorateur de sa terre, où les merveilles de la nature n’effacent pas les marques de l’œuvre destructrice de la guerre. Ses livres peignent l’Altipiano avec sa forte identité – celle d’un monde clos, la « petite patrie » où on s’intègre au cycle rural, mais aussi une « terre de frontière » qui, à travers les deux guerres, a tissé un lien avec l’universel : la Première a ravagé le plateau, la Deuxième a envoyé ses jeunes hommes mourir au loin –, ils sont une invitation à faire preuve de courage et à résister, à garder sa dignité et son intégrité morale dans les pires difficultés. La tension vers l’universel se retrouve aussi sur le front de l’émigration – qui est le thème de fond de son autre grand livre (Storia di Tönle, 1978) –, car ses habitants sont longtemps partis travailler vers les pays de l’Europe du Nord et de l’Europe centrale, plus proches d’Asiago que les grandes villes de la péninsule italienne.

3Loïc Seron ne l’a rencontré qu’une fois (en 2007), mais sa sensibilité humaine et artistique, au diapason de celle de Rigoni Stern, l’a conduit à imaginer ce projet photographique, en parcourant à pied le haut plateau aux quatre saisons, pendant plusieurs années, pour réaliser un magnifique reportage photographique des lieux. L’itinéraire suivi pour « cheminer avec Mario Rigoni Stern » est ordonné en cinq petits chapitres qui retracent la vie de l’écrivain, ou bien reprennent les thèmes essentiels de son œuvre. Ils sont illustrés par ses photos, apparaissant ici sur une page ou sur deux, souvent en regard d’extraits de ses mémoires de guerre et de ses écrits plus intimes, notamment ses recueils de textes brefs sur les animaux, les végétaux, les hommes et les paysages de l’Altipiano qui l’ont nourri, apaisé et réconcilié avec la vie. Dans une relation profondément harmonieuse avec l’écrivain italien, L. Seron fait résonner les messages constants de Rigoni Stern : celui de l’humanisme et de la fraternité, et celui d’une entente possible entre l’homme et la nature, dans une communion avec le grand tout.