1Du 25 février au 28 juillet 2024, le Metropolitan Museum of Art, a présenté l’exposition The Harlem Renaissance and Transatlantic Modernism qui mettait à l’honneur les contributions des artistes, écrivains et intellectuels du mouvement d’avant-garde « New Negro » du début du xxe siècle, longtemps marginalisées dans l’histoire de l’art. Le commissariat en a été assuré par la conservatrice générale Denise Murrell. Suite à la Grande Migration, le quartier de Harlem, galvanisé par le déplacement de la population noire américaine qui migre du Sud rural ségrégé vers d’autres régions du pays et s’installe dans des villes industrielles du Nord comme New York dans l’espoir d’une vie meilleure, est devenu le théâtre d’une révolution artistique et littéraire sans précédent. À l’origine de ce mouvement de la Harlem Renaissance, un dîner au Civic Club de New York, le 21 mars 1924, réunissant artistes et intellectuels, noirs et blancs, allait offrir aux artistes noirs de nouvelles opportunités, incarnées par la quintessence du « New Negro », un concept de fierté raciale interprété dans les écrits du philosophe et écrivain Alain Locke (1885-1941) dans la revue politique Survey Graphic, dont il édite le numéro de mars 1925 consacré au thème Harlem Mecca of a New Negro (« La Mecque du renouveau noir »). Ce sont ainsi quelque 160 peintures, sculptures, photographies, dessins, livres, posters et clips de films, couvrant la période des années 1920 à 1940, qui ont été présentées dans cette vaste exposition, offrant un long et riche parcours thématique structuré à travers 13 salles qui illustraient les différents aspects du mouvement avec des figures connues comme Aaron Douglas, Augusta Savage, Jacob Lawrence, et d’autres, moins connues et mis en lumière, comme Laura Wheeler Waring, William H. Johnson ou Richmond Barthé. Les espaces de chaque salle étaient aérés et accompagnés de textes introductifs sur des cimaises aux tons pastel mauve, jaune, vert, bleu, des cartels fournis (complétés parfois d’un audioguide), et une scénographie ingénieuse permettant des mises en parallèle intéressantes. En somme, l’exposition donnait à voir sous les traits d’un élan transcontinental, transculturel et transatlantique, un large éventail d’approches stylistiques de la vie des Noirs qui englobait aussi bien des représentations sur les épreuves endurées pendant et après l’esclavage, que la vie nocturne de l’époque du jazz, des portraits individuels ou collectifs, en passant par des paysages. Elle rendait également compte de la multiplicité du mouvement à travers la vision concurrente de ces deux principaux architectes, avec d’un côté un art à des fins politiques plébiscité par l’activiste, historien et sociologue W. E. B. Du Bois (1868-1963), et de l’autre l’accent sur l’esthétique avant-garde (mélange de modernisme européen, d’art africain) prôné par Alain Locke. Présente aux États-Unis durant toute la période de l’exposition et l’ayant visitée à plusieurs reprises, je peux témoigner qu’elle a été accueillie avec grande ferveur et à animé de nombreuses activités connexes et programmes publics rassemblant artistes, commissaires d’exposition, universitaires et chercheurs. Et comme en attestent les chiffres officiels du Metropolitan Museum of Art, 437 000 visiteurs sont venus la découvrir.
Fig. 1. Graphic. Volume LIII, No. 11, March 1, 1925. Harlem: Mecca of the new negro.
The Metropolitan Museum of Art, New York, donation : Friends of the Thomas J. Watson Library (F128.9.N3 H35 1925)
© Metropolitan Museum of Art
Fig. 2. Vue d’installation de l’exposition The Harlem Renaissance and Transatlantic Modernism, galerie 00, « Les penseurs ».
Crédit photographique : Anna-Marie Kellen, the Metropolitan Museum of Art
2Une exposition qui présente l’art de la Harlem Renaissance est en tout point historique dans l’histoire muséographique américaine et plus particulièrement au Metropolitan Museum of Art. Depuis Harlem Renaissance: Art of Black America au Studio Museum in Harlem en 1987, c’était la première exposition à New York à offrir un panorama complet sur ce mouvement artistique et intellectuel. Et c’était seulement la deuxième fois dans l’histoire du musée qu’il dirigeait son regard institutionnel vers le quartier du nord de Manhattan. En 1969, il organisait une exposition intitulée Harlem on My Mind: Cultural Capital of Black America, 1900–1968, sur l’histoire vibrante de Harlem, toutefois elle suscita une vague de protestations de la communauté artistique noire, via l’organisation Black Emergency Cultural Coalition, car elle ne présentait pas une seule peinture ou sculpture par des artistes afro-américains et montrait une vision ethnographique constituée d’affiches et d’archives de textes. The Harlem Renaissance and Transatlantic Modernism revêt une signification importante à la lumière de l’exclusion manifeste par l’institution des œuvres d’artistes noirs dans Harlem on My Mind. Elle pouvait ainsi donner l’impression d’être une correction institutionnelle, qui plus est avec une ouverture durant le Black History Month. Mais j’y ai aussi vu une continuité des travaux de l’historienne de l’art Denise Murrell sur l’expansion des récits de l’histoire de l’art. Sa thèse de doctorat fut à l’origine de l’exposition Le Modèle noir de Géricault à Matisse au Musée d’Orsay en 2019 à Paris, portant sur l’évolution des modes de représentation de la figure noire dans l’art moderne des deux côtés de l’Atlantique, et incluait déjà les portraits de divers artistes de la Harlem Renaissance. Avec cette nouvelle exposition, les corps noirs sont majoritairement les sujets et les auteurs de leur représentation, leur histoire, et s’affranchissent des stéréotypes culturels racistes à travers les domaines interdisciplinaires de l’art, de la littérature, de la musique et de la danse. Comme le souligne Denise Murrell dans le catalogue de l’exposition, la démarche poursuivie est d’inscrire la Harlem Renaissance comme le premier mouvement afro-américain d’art moderne international et de souligner son rôle central dans le modernisme américain et européen. Si le Metropolitan Museum of Art a élargi sa collection d’œuvres d’artistes afro-américains depuis Harlem on My Mind, les cartels ont mis en évidence qu’il a dû compter en grande partie sur des prêts exceptionnels de pièces provenant d’universités noires (Historically Black Colleges and Universities, HCBUs), telles que Howard et Clark Atlanta, restées invisibles pendant des décennies, ainsi que de collections privées familiales, jamais exposées.
Fig. 3. Vue d’installation de l'exposition The Harlem Renaissance and Transatlantic Modernism, galerie 00, The Thinkers, « Les penseurs ».
Crédit photographique : Anna-Marie Kellen, the Metropolitan Museum of Art
3En ouvrant le parcours par une section intitulée « Les penseurs », l’exposition rappelait que la Harlem Renaissance est d’abord littéraire et débutait par des représentations magistrales du philosophe Alain Locke et du poète Langston Hughes (1902–1967) par le peintre et graphiste blanc d’origine allemande Winold Reiss (1886-1953), dont la présence en début d’exposition et de manière récurrente tout au long du parcours témoignait de l’histoire transculturelle et multiraciale du mouvement. Ces portraits faisaient face au centre de la salle à des vitrines présentant les écrits philosophiques, poétiques, littéraires de ce courant telle que l’anthologie de référence d’Alain Locke New Negro (1925), le recueil de poésie de Langston Hughes One Way Ticket (1949) sur la Grande Migration ou encore l’ouvrage Their Eyes Were Watching God (1937) de l’anthropologue et écrivaine Zora Neale Hurston (1891-1960) qui traite du droit des femmes et de la vie des Noirs dans le Sud. Pendant tout le parcours, des vitrines similaires témoignaient de la riche littérature de la période incluant les journaux afro-américains The Crisis (fondé par la National Association for the Advancement of Colored People en 1910) ou Opportunity (fondé par Urban League en 1923).
Fig. 4. James Van Der Zee (1886-1983), Couple, Harlem, 1932
20.3 × 25.2 cm. James Van Der Zee Archive, The Metropolitan Museum of Art; don : Donna Van Der Zee, 2021, 2021.446.1.2
© James Van Der Zee Archive, The Metropolitan Museum of Art
4Le parcours nous plongeait ensuite dans les différentes facettes de la vie à Harlem avec l’univers du photographe James Van Der Zee (1886-1983) et ses créations intimes de la vie afro-américaine. Dans l’une de ses photographies en noir et blanc, Tea Time at Madam C. J. Walker’s Beauty Salon (1929), il nous introduit dans le salon de beauté de Madam C. J. Walker (1867-1919), l’une des pionnières de l’entrepreneuriat féminin outre-Atlantique avec son empire de la cosmétique. Une des autres œuvres marquantes était son célèbre portrait Couple, Harlem (1932). On y voit un couple élégant vêtu de manteaux de fourrure poser devant une Cadillac luisante, faisant écho à leur prospérité, avec en arrière-plan urbain une rue résidentielle de Harlem. Par contraste avec ces représentations de la bourgeoisie noire et de la réussite sociale, la toile poignante The Janitor Who Paints (1937) du peintre Palmer Hayden (1890-1973) représentait un artiste noir qui peint le profil d’une femme et d’un bébé dans un espace exigu borné par une poubelle, montrant ainsi les difficultés économiques et frustrations que pouvaient traverser les artistes. Une autre œuvre, The Pool Parlor (1942), du peintre Jacob Lawrence (1917–2000), reconnu pour son style cubiste dynamique de formes plates et de lignes angulaires, représentait de manière satirique le sentiment communautaire d’un groupe d’hommes réuni dans un salon de billard à Harlem.
Fig. 5. Laura Wheeler Waring (1887-1948), Girl in pink dress, ca. 1927.
Huile sur toile, 92 x 66,50 cm. Laura Wheeler Waring Family Collection.
© Laura Wheeler Waring / Crédit photographique : Juan Trujillo, the Metropolitan Museum of Art
5L’exposition était dominée par une prépondérance de portraits en tous genres, complexes, subtils, humains, qui témoignaient d’un changement radical par rapport à la manière dont les Noirs avaient été historiquement représentés dans la culture populaire américaine, comme les minstrels shows. Parmi les œuvres les plus captivantes, les peintures des artistes Laura Wheeler Waring (1887-1948) et Archibald Motley Jr. (1891–1981) jalonnaient de nombreuses salles du parcours. Dans ces espaces emplis de bustes et visages noirs, les portraits de femmes Girl in Pink Dress (1927) et Marian Anderson (1944) de Laura Wheeler Waring, empreints d’un style réaliste académique, commandaient l’attention par leur grâce, tandis que les scènes vibrantes et bondées d’Archibald Motley Jr. illustrant la culture des Afro-Américains avec des couleurs vives fluorescentes se distinguaient par leur vivacité dans les salles. En outre, la récurrence des œuvres de ces deux artistes soulignait et rappelait que la Harlem Renaissance était un phénomène national qui s’est étendu au-delà de New York : Laura Wheeler Waring travaillait à Philadelphie et Archibald Motley était basé à Chicago.
Fig. 6. Vue d’installation de l'exposition The Harlem Renaissance and Transatlantic Modernism, galerie 4, « Philosophie culturelle et peinture d’histoire ».
Crédit photographique : Anna-Marie Kellen, the Metropolitan Museum of Art
6Un des accrochages les plus marquants du parcours était située dans la galerie intitulée « Philosophie culturelle et peinture d’histoire » réunissant sept œuvres du muraliste Aaron Douglas (1899-1979), de gauche à droite des cimaises, avec ses silhouettes au style art déco se détachant sur des fonds de lavande et d’ocre qui ont fait sa signature. Aspects of Negro Life: From Slavery to Reconstruction (1934), une des quatre fresques de sa célèbre série Aspects of Negro Life, conservée au Schomburg Center for Research in Black Culture à Harlem, était solennellement présentée sur une cimaise distincte afin de pouvoir pleinement visualiser les différentes couches du récit narratif sur la toile, qui dépeint, comme son titre l’indique, le rôle des Afro-Américains dans l’histoire depuis l’esclavage jusqu’à la Reconstruction. Au côté des fresques de Douglas étaient disposées des reproductions de pièces emblématiques et d’envergures des sculptrices pionnières : Maquette for Ethiopia Awakening (1921) de Meta Vaux Warrick Fuller (1877-1968) est la première œuvre d’une artiste afro-américaine à s’inspirer de l’art africain à travers l’imagerie de l’Égypte ancienne ; et Lift Every Voice and Sing (The Harp) (1939) d’Augusta Savage (1892-1962), représentant une harpe en bronze avec douze chanteurs noirs, rend hommage à l’hymne national afro-américain du même titre écrit en 1900 par le poète James Weldon Johnson (1871-1938).
Fig. 7. Vue d’installation de l’exposition The Harlem Renaissance and Transatlantic Modernism, galerie 5, « Un langage de la liberté artistique ».
Crédit photographique : Anna-Marie Kellen, the Metropolitan Museum of Art
7Il était également intéressant d’observer que dans la salle adjacente aux fresques héroïques de Douglas sur l’histoire afro-américaine, le mur parallèle faisant face à Aspects of Negro Life: From Slavery to Reconstruction était composé d’un accrochage de scènes de natures mortes par des artistes femmes. Il incluait notamment une toile de la peintre Loïs Mailou Jones (1905-1998) exécutée dans un style traditionnel, Cauliflower and Pumpkin (1937), lors de son année d’études à Paris à l’Académie Julian. Ces natures mortes montrent ces artistes exprimant leur liberté de dépeindre et de décrire des sujets qui les intéressent, même s’ils sont non figuratifs et plus conventionnels.
Fig. 8. Vue d’installation de l’exposition The Harlem Renaissance and Transatlantic Modernism, galerie 6, « Motley à Paris : Le nouvel artiste “noir” à l’étranger ».
Crédit photographique : Anna-Marie Kellen, the Metropolitan Museum of Art
8La résonance mondiale de la Harlem Renaissance était mise en exergue dans la section « Modernisme européen et diaspora transatlantique » qui montrait les représentations de la diaspora africaine (le poète martiniquais Aimé Césaire et la journaliste belgo-congolaise Elvire Van Hyfte) par des artistes européens comme Pablo Picasso (1881-1973) et Henri Matisse (1869-1954), permettant aux visiteurs de comparer des œuvres contemporaines sur des sujets parallèles. Paris a également été un lieu d’accueil, de passage, et une source d’inspiration pour les artistes noirs américains : un espace était entièrement dédié aux remarquables représentations du Paris de l’ère du jazz d’Archibald Motley tandis que la section « Vie nocturne » était introduite par un large écran suspendu dans les airs projetant des extraits du film français Zouzou (1934) avec la danseuse Joséphine Baker (1906-1975), figure afro-américaine majeure du spectacle parisien. Il faut également citer, tout au long du parcours, les toiles colorées impressionnistes, expressionnistes, et folks de William H. Johnson (1901–1970), qui a émigré de Caroline du Sud à New York et a beaucoup vécu en France et en Scandinavie.
Fig. 9. William Henry Johnson (1901–1970), Jitterbugs V., ca. 1941-1942.
Huile sur bois, 99.1 × 53.3 cm, Hampton University Museum Collection, Hampton, VA.
Fig. 10. Vue d’installation de l’exposition The Harlem Renaissance and Transatlantic Modernism, galerie 4, « Un langage de la liberté artistique ». Germaine Casse, Société des Artistes Antillais First Salon 1924, 1924.
120 × 80 cm, Archives Nationales d’Outre Mer.
Crédit photographique : Anna-Marie Kellen, the Metropolitan Museum of Art
9L’ampleur diasporique du mouvement dans les Antilles était également mise en avant avec le travail peu connu de la peintre Germaine Casse (1881-1967), une artiste active à Paris durant l’entre-deux guerres, qui a créé en 1924 l’affiche de la première exposition de la Société des artistes antillais à Pointe-à-Pitre, encourageant les femmes à se distinguer dans le domaine des arts.
Fig. 11. Vue d’installation de l’exposition The Harlem Renaissance and Transatlantic Modernism, galerie 10, « Famille et Société ».
Crédit photographique : Anna-Marie Kellen, the Metropolitan Museum of Art
- 1 Henry Louis Gates Jr. “The Black Man’s Burden,” in Fear of a Queer Planet: Queer Politics and Socia (...)
10Les thèmes plus politiques apparaissaient en fin de parcours. Dans un essai souvent cité de 1993 intitulé The Black Man’s Burden, l’historien Henry Louis Gates Jr. a écrit à propos de la Harlem Renaissance qu’elle était « sûrement aussi gay que noire 1». Ignorés ou méconnus, les modes d’expression du mouvement se sont étendus, à des degrés divers, au genre et à l’identité sexuelle, favorisant l’éclosion d’une sous-culture queer florissante avec notamment des bals de drag-queens extravagants dans les années 1920 et 1930 à Harlem. L’exposition montrait cette identité queer et culture LGBTQ à travers quelques œuvres mises en scène dans l’espace de manière triangulaire : une peinture aux couleurs extatiques de l’auteur James Baldwin (1924-1987) nu dans Dark Rapture (James Baldwin) (1941) peint par son ami artiste de longue date Beauford Delaney (1901–1979) ; la pièce en bronze représentant le danseur sénégalais Feral Benga (1906-1957), icône des cabarets et partenaire de danse de Joséphine Baker dans le Paris des années 1930, par le sculpteur Richmont Barthé (1901–1989) qui mettait particulièrement l’accent sur le nu masculin en tant que thème central de sa production ; la photographie de Van Der Zee, Person in Fur-Trimmed Ensemble (1926), montrant un drag-queen vêtue de fourrure. L’essai de l’historien de l’art James Smalls dans le catalogue d’exposition permet toutefois de mieux approfondir l’histoire queer d’Harlem. L’une des images fortes dans les dernières galeries incluait Mother and Daughter (1927) de Laura Wheeler Waring qui capture et met en contraste les profils d’une mère à la peau brune et de sa fille à la peau claire, confrontant ainsi le sujet complexe et tabou des familles métissées à l’époque.
Fig. 12. Laura Wheeler Waring (1887-1948), Mother and Daughter, ca. 1927.
Huile sur toile. 48.3 × 40.3 × 3.2 cm; collection Roberta Graves.
© Laura Wheeler Waring / Crédit photographique : Juan Trujillo, the Metropolitan Museum of Art
Fig. 13. Vue d’installation de l’exposition The Harlem Renaissance and Transatlantic Modernism, galerie 11, « L’Artiste en tant qu’activiste ».
Crédit photographique : Anna-Marie Kellen, the Metropolitan Museum of Art
11La Harlem Renaissance a également semé les graines du mouvement des droits civiques en dénonçant les conditions de vie et les injustices des Noirs dans une Amérique en proie à la ségrégation raciale et au lynchage (les lois Jim Crow). La section « L’Artiste en tant qu’activiste » mettait en évidence le thème de la violence raciale, abordé à travers la sculpture en plâtre peinte de Meta Vaux Warrick Fuller, In Memory of Mary Turner as a Silent Protest Against Mob Violence (1919), en hommage à Mary Turner (1899-1918), une jeune femme enceinte atrocement lynchée en 1918, ou encore le subtil dessin Scottsboro Boys, réalisé par Aaron Douglas en 1935, qui est un double portrait de deux adolescents–Clarence Norris (1912-1989) et Haywood Patterson (1913-1952)–accusés à tort d’avoir agressé une femme blanche en 1931. La peinture de William H. Johnson Moon over Harlem (1943-1944), réalisé dans un style cru et folklorique, commémorait quant à elle les émeutes de Harlem en 1943, en réaction à la mort d’un soldat noir, tué par un policier blanc.
Fig. 14. Vue d’installation de l’exposition The Harlem Renaissance and Transatlantic Modernism, galerie 12, « Coda ».
Crédit photographique : Anna-Marie Kellen, the Metropolitan Museum of Art
12Le parcours s’achevait avec une œuvre monumentale de 5 mètres de long constituée d’un assemblage de 6 panneaux individuels fait de collage et de peinture, The Block (1971), réalisé par l’artiste Romare Bearden (1911–1988) en hommage à Harlem. Il était difficile de se résoudre à quitter cette dernière salle tant il s’agit d’une œuvre documentaire et architecturale riche de détails. L’artiste y offre au spectateur des points de vue multiples de blocs d’immeubles, qui nous permettent de voir simultanément des scènes de vies d’intérieur et d’extérieur, ainsi que les interactions publiques et privées des résidents du quartier. Le choix de Bearden et de cette œuvre produite bien des années après le mouvement de la Harlem Renaissance pour clôturer l’exposition était judicieux afin de montrer le pont et l’héritage qui s’est opéré avec les générations suivantes d’artistes dont le travail s’inscrivait dans la même lignée.
13Une chose est sûre, chaque nouvelle exposition consacrée à la Harlem Renaissance permet aux visiteurs d’approfondir et d’élargir leur compréhension du mouvement. The Harlem Renaissance and Transatlantic Modernism représentait une chance rare de voir rassemblées dans un seul lieu quelques-unes des plus belles œuvres produites par les figures de cette période foisonnante. Elle offrait une vision positive et célébratrice du mouvement afro-américain qui ouvre la voie à de futures réflexions et conversations sur les thématiques présentées, ainsi qu’à l’exploration du travail des artistes mis à l’honneur au travers de nouvelles expositions monographiques.