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Dialogue et regards croisés en éducation populaire : co-création et pédagogie au sein d’une résidence artistique de territoire

Dialogue and cross-views in popular education: co-creation and pedagogy within a territorial artistic residency
Mikaël Fauvel et Marie Preston

Résumés

L’article « Dialogue et regards croisées en éducation populaire : co-création et pédagogie au sein d’une résidence artistique de territoire » explore les pratiques artistiques coopératives socialement engagées et leur lien avec l’éducation populaire. Écrit à quatre mains par Mikaël Fauvel, directeur de la MJC André Malraux de Montbard et Marie Preston, artiste invitée en résidence à la MJC et enseignante-chercheuse à Paris 8, il aborde les questions artistiques, éducatives et politiques, mettant en lumière l’importance de ces pratiques artistico-pédagogiques pour le renouveau démocratique et la transformation sociale, et plus spécifiquement comment cette alliance participe à inscrire son projet dans des formes d’éducation populaire à la fois mieux ancrées et plus engagées.

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Texte intégral

Introduction

1Le contexte dont émane cet article est la résidence Maisonner qui s’est déroulée de septembre 2022 à juin 2024. Elle s’est construite de manière coopérative avec quatre groupes d’habitant·es, usager·ères et/ou salarié·es de la MJC et selon différentes temporalités. D’abord à la MJC sous la forme de réunions d’équipe à l’occasion des dix-huit séjours montbardois de Marie Preston. Il s’agissait de faire le point sur les rencontres, l’avancée du travail, les perspectives. Dans ce cadre, se sont ajoutés aux réunions, deux arpentages, trois rencontres publiques et une projection. Puis au collège Louis Pasteur avec un groupe de collégien·nes pendant vingt-cinq heures. Ensuite avec bricoll’art, un atelier hebdomadaire du même nom à la MJC. Et enfin dans un quartier de la ville Le Faubourg avec un groupe d’habitant·es. Il en sera question plus en détail dans ce texte.

2Cet article a été écrit à quatre mains, celles de Mikaël Fauvel, directeur de la MJC André Malraux à Montbard, poste qu’il occupe depuis près de dix ans et formé, après de nombreuses expériences dans l’animation et l’éducation, à la direction de structures et projets socio-éducatifs et culturels, puis à la recherche socio-anthropologique. Et, par les mains de Marie Preston artiste, enseignante-chercheuse à l’Université Paris 8, travaillant notamment sur les liens entre pratiques artistiques coopératives et éducation. Marie Preston a mené les différents ateliers coopératifs et, avec les habitant·es, a donné forme aux expériences coopératives. Mikaël Fauvel a accompagné la résidence et l’a suivie sans pour autant participer au travail de création lui-même. Son statut de directeur de la MJC mobilisant la totalité de son temps a rendu difficile une contribution active aux côtés des différents groupes. Néanmoins de nombreuses discussions ont permis, dans le cadre de Maisonner à la MJC, d’analyser et de conceptualiser ensemble certaines proximités entre art et éducation populaire. Par ailleurs, les deux résidences artistiques précédentes ont également été envisagées comme des recherche-actions, dans le sens où l’équipe a analysé ses pratiques en tentant de prendre une distance critique et d’en extraire de la méthode et du savoir. Il en sera question également dans ce texte.

3Nous avons choisi d’écrire ensemble tout en conservant la singularité de nos approches. Nos rapports respectifs à cette expérience se différencient par notre implication dans le processus artistique et justifient à nos yeux de distinguer nos deux perspectives. Après avoir réfléchi à leur agencement, nous avons écrit individuellement les différents chapitres de l’article se référant à nos démarches respectives en laissant la liberté à l’autre de faire des remarques et de proposer des modifications, jusqu’à ce que l’ensemble nous satisfasse. Souhaitant rester au plus près de nos différentes expériences, nous avons écrit tour à tour en pariant sur le fait que ce choix ne nous enfermait pas dans nos statuts respectifs mais au contraire engageait, par le travail d’écriture et de lecture commun, un partage de la fonction recherche. Le travail mené pour l’écriture de ce texte est un premier pas pour une analyse partagée des rapports entre pratique artistique coopérative et éducation populaire qui prend comme point de départ la résidence, le dispositif qui l’a rendu possible et ce qui en a résulté.

4Nos méthodologies croisent, d’une part, la recherche-création entendue comme mobilisant une pratique artistique à partir de laquelle émerge des connaissances. Le processus de recherche comme pour la recherche-action se déploie dans un va-et-vient entre action et réflexions. Il a mêlé enquête de terrain, entretiens non directifs, observation du processus de création coopérative, écriture d’un journal de recherche, travail réflexif en concertation avec certain·es habitant·es et/ou les salarié·es de la MJC, lecture en arpentage, mise en perspective critique avec des outils théoriques émanant de l’histoire de l’art et des sciences sociales. D’autre part, une démarche de co-écriture, qui a elle démarré lors d’une première intervention commune au centre d’art de La Ferme du Buisson le 16 décembre 2023 lors de la journée publique « Quotidien commun » où nous avons présenté respectivement nos engagements et la résidence. Puis lors du colloque « Pratiques pédagogiques de l’éducation populaire : histoires et actualités d’un projet politique ».

Figure 1

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Geneviève Pruvost, Quotidien politique. Marie Preston. Reliure réalisée suite à l’arpentage de l’ouvrage (septembre 2022 à janvier 2023).

Photo : Gaëlle Cognée.

  • 1 Christian Maurel définit l’éducation populaire comme ceci : « L’éducation populaire, dont on peut d (...)

5Au-delà d’un retour d’expérience, cet article nous permet d’adresser un certain nombre de questions parmi lesquelles : du point de vue artistique, est-ce que les pratiques coopératives participent d’une éducation populaire ? Si oui, selon quelles modalités ? Du point de vue éducatif, comment le travail avec des artistes, et notamment les pratiques artistiques coopératives et/ou de co-création, permettent à la MJC de renouer avec une éducation populaire plus politique1 (Maurel, 2001, p. 45) et de réactiver un processus culturel et politique nécessaire au développement du pouvoir d’agir (Maurel, 2010, p. 83), favorisant aussi l’idée d’une participation à la construction d’un autre territoire, un territoire vécu et partagé ?

6Notre hypothèse est que ces deux champs gagneraient pédagogiquement, artistiquement et politiquement à se rapprocher pour participer au renouveau démocratique et à la transformation sociale à la fois nécessaires et souhaités. Nous avons construit ce texte de manière à expliciter, dans un premier temps, par la voix de Mikaël Fauvel, le contexte de création des résidences artistiques de territoire à la MJC de Montbard à partir, d’une part, de l’histoire de l’institutionnalisation de la structure et des spécificités du territoire et, d’autre part, de son positionnement pédagogique, puis Marie Preston précisera la spécificité des pratiques artistiques coopératives en lien avec l’éducation populaire, en définissant d’abord les pratiques artistiques de co-création, puis en revenant sur la scission institutionnelle entre art et éducation populaire provoquée par la création du ministère des Affaires culturelles et, enfin, en esquissant la manière dont les aspirations des conseillers techniques d’éducation populaire font écho à celles des pratiques actuelles engagées socialement. Dans un second temps, elle décrira une action menée pendant la résidence en précisant son processus et en analysant comment se sont entremêlés geste artistique et situation co-éducative pour enfin permettre à Mikaël Fauvel d’expliciter ce que ces démarches artistiques font à la MJC, c’est-à-dire les effets observés sur les participant·es et les usager·es de manière générale, à partir notamment de l’analyse de Christian Maurel sur les processus culturels de l’émancipation.

La MJC et le contexte de création des résidences

7Mikaël Fauvel : La Maison des jeunes et de la culture André Malraux de Montbard est une association d’animation socioculturelle locale, appartenant depuis sa création, et jusqu’à sa liquidation en 2020, au réseau d’éducation populaire de la Fédération Française des MJC. Aujourd’hui, elle est affiliée à la Fédération Régionale des MJC et au nouveau réseau des MJC de France qui réunit l’ex-réseau FFMJC et celui de la Confédération des MJC, confédération qui fut créée en 1987 suite à une scission.

Figure 2

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MJC, mai 2024.

Photo : Marie Preston.

  • 2 Le dernier document en date est l’annexe 1 du diagnostic social de territoire réalisé par le Cabine (...)

8La MJC de Montbard fête ses soixante ans cette année (2024). Elle a été créée en 1964 par des enseignant·es installé·es à Montbard et du personnel intermédiaire des usines sous la mandature de Louis Defer, cheminot, militant socialiste SFIO. À cette époque, c’est-à-dire dans les années 1960-1980, Montbard était très dynamique. Sa mono-industrie métallurgique tournait à plein régime et les usines comptaient environ 2500 ouvrier·es pour une population de 7700 habitant·es en 1982 (Fauvel, 2021, p. 57-62). Elle compte aujourd’hui moins de 5000 habitant·es et la Communauté de communes du Montbardois qui réunit 33 communes rurales en compte 11 000. Plus d’un tiers de sa population a disparu. Montbard a donc subi en quarante ans de lourdes transformations, qu’elles soient économiques, sociales ou urbaines, résultant de la mondialisation et du phénomène de désindustrialisation des campagnes françaises (Bost & Massaoudi, 2017). Aujourd’hui, une partie de celleux qui sont resté·es sont fragilisé·es, voire se sont fortement paupérisé·es. Les diagnostics que nous avons réalisés avec les autres acteurs sociaux l’ont plusieurs fois démontré2.

9Grâce au maintien d’une desserte TGV, un immobilier attractif, des équipements municipaux importants et un cadre de vie agréable, une nouvelle sociologie de personnes, venues essentiellement de Paris, est arrivée. Néanmoins ces arrivées n’ont pas encore permis d’inverser la tendance. La ville et le territoire poursuivent inexorablement leur déclin démographique et, dans une moindre mesure, économique et social.

10Les co-fondateur·ices, en grande majorité des hommes, comme en attestent les photos prises à cette époque desquelles les femmes sont absentes, ont nommé la MJC : André Malraux. Était-ce en référence à l’écrivain, au résistant ou au ministre de la Culture ? Difficile à dire aujourd’hui. Néanmoins nous faisons l’hypothèse qu’il s’agissait d’accentuer le C de culture des Maisons des Jeunes et de la Culture, pour défendre l’idée d’une meilleure démocratisation culturelle à Montbard et ainsi envisager une éducation et peut-être une forme d’émancipation pour cette population, essentiellement ouvrière.

11D’ailleurs les premières actions étaient selon Claude Guinchard, un des premiers adhérents de la MJC, et aujourd’hui Président de l’Office de Tourisme du Montbardois, dirigées vers le théâtre amateur, puis vers la création des Rencontres Jeunes Théâtre (1967) ; rencontres auxquelles ont participé des personnalités comme Pierre Debauche, fondateur du Théâtre des Amandiers, Marius Constant, directeur de la Musique à France-Musique, ainsi que l’écrivain Bernard Clavel (prix Goncourt en 1968). En 1970, la MJC participe également aux Rencontres Nationales du Théâtre Amateur, une première en France, qui connaît un grand retentissement. La MJC organise également à cette époque de nombreux concerts : Bill Coleman, Claude Vinci, et plus tard des chanteurs ou des groupes tels que Frédéric François, Marcel Mouloudji, les Alligators, la Compagnie Créole, etc.

  • 3 Archive de la MJC.

12Mais la MJC est déjà à cette époque, et comme l’indique cet article de la presse locale3 (1970), bien plus que cela :

« Pour l’observateur qui nous voit vivre de l’extérieur, qui juge notre action sur ce qu’il voit souvent de plus spectaculaire, ou ce qu’il lit dans les quotidiens locaux, la MJC est un foyer de jeunes où l’on peut jouer au ping-pong, aux divers jeux de société, où l’on regarde la télé, où l’on écoute des disques, etc. Peut-être perçoit-il également comme une fédération d’activités diverses où l’on accepte les adultes, et où l’on peut à prix réduit pratiquer certains sports, apprendre certaines techniques artistiques, voir des expositions, assister à des séances variées, voir des concerts, entendre parler de sujets divers lors de discussion débat […]. »

13Ne naviguait-elle pas déjà entre action, animation et éducation qu’elle soit citoyenne, populaire, artistique ou culturelle ? Sa sociologie n’était-elle pas déjà diversifiée malgré une participation importante de la classe ouvrière ? La MJC comptait plus de 700 adhérent·es dans les années 1980-1990.

14On peut certainement considérer que les Résidences Artistiques de Territoire (R.A.T.) que la MJC mène depuis 2017 s’appuient sur cet héritage culturel qui a perduré jusqu’à aujourd’hui par l’intermédiaire de certain·es administrateur·ices octogénaires encore actif·ves.

  • 4 « Le poids croissant des équipements socioculturels et la neutralisation idéologique qui les accomp (...)

15À mon arrivée en 2015, nous avons pourtant fait le choix de rompre en partie avec l’action socio-culturelle institutionnalisée (ALSH, Accueil Jeunes…) et gestionnaire4 (Besse et al., 2016) que la ville de Montbard voulait nous imposer quand notre agrément « centre social » et la convention tripartite qui nous liait depuis au moins quarante-cinq ans avec la ville et la Fédération Française des MJC furent supprimés (2014). Il s’agissait pour nous de nous réapproprier notre outil de travail, de choisir nos projets, notre manière de faire, de l’envisager de manière plus pédagogique et politique, en invitant les adhérent·es, usager·es et habitant·es à participer, à collaborer.

  • 5 Un Espace de Vie Sociale est un agrément accordé par la CAF aux structures qui souhaitent s’investi (...)

16Après la réécriture de son projet associatif en 2017, qui réaffirme notre volonté d’être une structure d’éducation populaire locale, les résidences artistiques de territoire ont émergé. La première « Femmes phares » a eu lieu en 2017. Il s’agissait collectivement de questionner, par le prisme d’une enquête et la réalisation d’œuvres artistiques, une des problématiques que nous avions identifiée lors de l’écriture de notre demande d’agrément Espace de Vie Sociale5 : la précarisation des jeunes femmes sur le territoire, qui s’est finalement très vite élargie à la condition des femmes en milieu rural. Un territoire peut-il être hostile aux femmes ? Quelle réalité de terrain pour cette problématique ? Comment la rendre visible ? Comment les femmes et les hommes se positionnent et s’expriment sur cette question ? Comment la MJC peut-elle mieux favoriser la prise de parole sur ce type de sujet ? L’art et les pratiques artistiques collaboratives socialement engagées peuvent-elles nous permettre de nous approprier ce type de question collectivement et de transformer notre perception, nos représentations ? Peut-on envisager l’art dans sa fonction universelle et émancipatrice, sans le détourner, ni l’instrumentaliser ?

  • 6 « Pour répondre à cette volonté d’agir, nous avons fait le pari de faire coexister action sociale, (...)

17Nos résidences ne sont ni issues d’un dispositif institutionnel, ni d’une commande politique locale. C’est un projet singulier d’éducation populaire, une expérience d’ouverture, une expérimentation sociale et artistique collective, collaborative, coopérative à visée de transformation sociale6 (Fauvel & Cognée, 2021, p. 63). C’est donc une démarche plutôt qu’un dispositif. Elle se situe du côté de la recherche-action et/ou de la recherche-création. Elle est processuelle et à l’image d’une « sociologie des tentatives » ou de la recherche comme expérience(s), en référence aux sociologues Louis Staritzky et Pascal Nicolas Le Strat, enseignant-chercheur à l’Université Paris 8.

  • 7 « L’œuvre, la ville comme oeuvre, le tissage de la création avec la ville, c’est l’activité partici (...)
  • 8 Une lecture collective a été réalisée par plusieurs usager·es de la MJC autour de cet ouvrage, ains (...)

18Nous les avons co-inventées et co-développées en dialogue avec les artistes invitées, l’équipe de la MJC et ses partenaires, mais aussi avec les habitant·es acteur·ices. Nous souhaitions à la fois renouer un lien fort avec les habitant·es, (re)créer du lien social, de la coopération, du dialogue, du pouvoir d’agir, inventer collectivement des nouvelles formes esthétiques à vocation émancipatrices tout en se redonnant des marges de manœuvre pédagogiques et politiques, de l’autonomie, passant ainsi d’une démocratisation culturelle à une démocratie culturelle où chacun·e peut prendre une place d’acteur·ice. Il s’agissait aussi de tenter de faire « territoire », un territoire vécu, expérimenté, partagé ; le territoire comme œuvre7 (Lefebvre, cité dans Faure, 2020, p. 9), faire territoire avec celleux qu’on ne voit pas, celleux qui « restent », dirait Benoît Coquard8 (Coquard, 2019).

19Les premiers partenaires financiers étaient la Direction Régionale aux Droits des Femmes et à l’Égalité Femmes-Hommes de Bourgogne-Franche-Comté, partenaire toujours impliquée aujourd’hui, la Direction Départementale de la Cohésion Sociale de Côte-d’Or, le Conseil Régional de Bourgogne-Franche-comté, la Caisse d’Allocations Familiales de Côte-d’Or, ainsi que la Communauté de Communes du Montbardois, via des appels à projets.

20Depuis d’autres partenaires publics et privés ont suivi, que ce soit pour une aide au projet ou de l’aide au fonctionnement, notamment le Ministère de la Culture, et d’autres institutions plus exceptionnelles telles que l’École Universitaire de Recherche ArTeC ou encore la Fondation de France sur l’axe « l’art comme expérience » du programme Création et Société.

  • 9 Parisse, J., & Porte, E. (2022). Les démarches d’aller-vers dans le travail social. Une mise en per (...)

21Nos outils sont très variés et différents selon les pratiques des artistes avec lesquelles nous collaborons. Néanmoins, on peut dire qu’il existe un socle autour de l’enquête ethnographique qui favorise « l’aller-vers9 » (Parisse & Porte, 2022, p. 9). Il y a également de nombreux ateliers collectifs, collaboratifs, qui se sont transformés aujourd’hui en atelier de co-création. Nous organisons également des événements publics, des rencontres, des débats. Nous avons également créé un groupe de lecture en arpentage, et écrit cet article commun. Il s’agit de se donner collectivement les moyens de se réapproprier une question, une idée, une situation, mais également des formes, de laisser la possibilité aux gens de s’exprimer, de prendre la parole, parfois intimement, pour inventer le plus collégialement possible de nouveaux récits émancipateurs, de nouveaux imaginaires. C’est aussi une manière de se réapproprier l’acte démocratique en invitant l’individu, le citoyen, la citoyenne à (re)prendre la parole et à s’engager en incluant aussi celleux qui n’ont pas le droit de vote puisqu’ici tout le monde est bienvenu.

22La seconde résidence a eu lieu en 2019. Nous l’avions nommée « À propos des femmes et du travail ». Elle a donné naissance au livre Jeanne déployée Sans emploi écrit en collaboration avec l’artiste invitée Gaëlle Cognée. Aujourd’hui nous achevons la troisième résidence dite « Maisonner », avec Marie Preston.

23Nous avons choisi de faire alliance avec des artistes qui croient au rôle social et pédagogique de l’art et, comme nous, à son pouvoir émancipateur, en contrepoint d’un art médiatique et dominant (Depoil, 2022) :

« Construire une pédagogie, c’est s’intéresser non pas à la méthode, ni à la technique et encore moins au dispositif, mais à la volonté de passer de la posture de technicien du système social à la posture d’éducateur, éducatrice et pédagogue populaire agissant aussi bien sur la capacité à penser, que celle d’agir. »

24Mikaël Fauvel et Marie Preston : La manière dont les résidences ont été pensées puis créées, procède d’une démarche proche de l’art coopératif. Il s’agit de travailler à partir des désirs d’un groupe. Ici la volonté d’une équipe de se doter d’un outil pour l’aider à la mise en œuvre d’une démocratie culturelle. Par ailleurs, le livre Jeanne déployée Sans emploi permettait de transmettre publiquement l’engagement de la MJC à l’égard de la situation sociale des femmes ainsi qu’envers les pratiques artistiques contemporaines dans une perspective d’éducation populaire. Ce socle constituait avant même que nous « travaillions à notre commun » pour reprendre la formulation du sociologue Pascal Nicolas-Le Strat (2016), des préalables partagés. Ainsi la proposition de Marie Preston de travailler dans une perspective coopérative autour de questions liant femmes et écologie pouvait se développer dans un contexte particulièrement propice qui accueillait par ailleurs avec enthousiasme des méthodologies qui « intéressaient » la MJC. Dans son ouvrage Le commun par l’usage (Chenin, 2024), l’artiste et sociologue Mathilde Chenin propose de se saisir des concepts élaborés par Laurent Thévenot (cité dans Chenin, 2024) pour comprendre la manière dont les artistes font commun. Pour Thévenot, la première est de composer le commun par la « référence à des principes supérieurs ». Malgré nos différents champs d’exercice, notre commun s’est d’abord composé à partir de notre adhésion à la coopération, au féminisme, à la démocratie culturelle.

Co-création et éducation populaire

  • 10 Voir Le Pommier et le Douglas, exposition réalisée à la suite d’une résidence Hors les murs au Parc (...)

25Marie Preston : La première fois que je découvre la MJC, elle est plongée dans le brouillard de septembre. Le bâtiment est de plain-pied, longère des années 1960, fidèle à l’image que je m’en faisais imaginant les jeunes en train de débattre dans un conseil de maison, assis devant la cheminée qui trône au centre de la pièce centrale. Je découvre aussi un lieu où se pensent, depuis le champ social, les pratiques artistiques coopératives. C’est suffisamment rare pour le mentionner. J’y retrouve l’anthropologue et directrice de la Maison du Patrimoine Oral de Bourgogne, Caroline Darroux, pour participer à une journée organisée par la fédération régionale des MJC de Bourgogne-Franche-Comté autour de la co-création10. Depuis plusieurs années, des pratiques artistiques à la lisière entre les beaux-arts, la médiation et l’animation socio-culturelle se développent et s’institutionnalisent. Avec Céline Poulin et Stéphanie Airaud, depuis nos activités respectives à l’époque de commissaire d’exposition, responsable des actions culturelles d’un musée et d’artiste, nous avons choisi d’appeler « co-création » les processus artistiques où la responsabilité du contenu et de la structure de l’œuvre est partagée entre l’artiste et les participant·es devenu·es co-auteur·ices. Nous les distinguons des formes « coopératives » qui impliquent que l’artiste ait, au préalable, proposé une structure dont le contenu est ensuite complété, nourri par des contributeur·ice·s qui y engagent leur subjectivité. Que ces expériences soient de « co-création » ou « coopératives », ce qui importe est le chemin parcouru collectivement, les formes de relation et d’expériences qu’elles font naître ainsi que des objets forts et médiateurs (Preston, 2011) qui en résultent. Une recherche récente m’a conduite à les définir également comme co-éducatives. Ces pratiques artistiques s’inscrivent dans la tradition de la « critique sociale » (plutôt que de ce que Luc Boltanski et Ève Chiapello appellent la « critique artiste ») en s’opposant aux valeurs bourgeoises et élitistes qui excluent toute dimension éthique ou pédagogique à l’œuvre (Mahiou, 2023).

26En 2017, Stéphanie Airaud, Céline Poulin et moi-même (2019) invitions Christian Maurel dans le cadre d’une recherche sur les héritages et modalités des pratiques artistiques coopératives car nous pressentions l’importance des initiatives qui se sont construites en parallèle du champ dit « de l’art », depuis les démarches d’éducation populaire. Nous en avons conclu que ces pratiques partageaient des processus s’inscrivant dans la durée, une indétermination initiale permettant aux contributeur·ice·s d’être réellement acteur·ice·s du projet et non un·e simple participant·e, le travail collectif, l’importance accordée à la parole et la nécessité d’analyser nos processus considérés comme praxis. Enfin, j’ajoute qu’elles ont en commun ce que la philosophe et sociologue Irène Pereira appelle « un agir éthique » (2020), une des balises curriculaires de la pédagogie freirienne impliquant le refus de la réification qui, selon le vocabulaire de Paulo Freire, est le fait de « considérer [l’opprimé] comme un sujet dans le processus d’apprentissage en refusant la pédagogie bancaire » et en « refusant la manipulation dans le processus d’action collective » (Pereira, 2024, p. 44). Il me semble aujourd’hui nécessaire d’ajouter au constat que nous faisions alors un rappel historique de la douloureuse scission qui s’est effectuée dans les années 1950 entre ce qui relevait des pratiques d’artistes professionnelles et de ce qui avait trait à l’éducation populaire puis à l’animation artistique socio-culturelle afin de situer les pratiques artistiques coopératives dans les controverses qui continuent d’animer le monde de l’art, le champ social et militant.

27Le militant de l’éducation populaire Franck Lepage (2007) raconte très bien la mise à l’écart de cette dernière par l’État et la manière dont la modeste « Direction de l’Éducation populaire et des Mouvements de Jeunesse » qui consistait à former à l’esprit critique, à l’exercice de la démocratie, au politique a été rattachée en 1948 à la grande « Direction de l’Éducation physique et des Activités sportives » et comment les instructeurs d’éducation populaire mécontents réclamèrent un « Ministère de la culture ». Il est important de rappeler que ce sont les instructeurs d’éducation populaire, des artistes pour la plupart, qui demandent la création de ce ministère pour poursuivre leur engagement visant à former, avec les outils de l’art, sa pratique collective, sa mise en débat à la distance critique, à la démocratie. Ce ministère est finalement créé mais André Malraux décide que ce sera celui des artistes. L’éducation populaire n’est pas la bienvenue, elle est donc renvoyée au Ministère de la Jeunesse et des Sports. Lepage montre parfaitement comment s’est construite la hiérarchie entre les cultures entendues au sens large et l’Art (la majuscule est ici importante), entre amateur·ices et professionnel·les, entre action culturelle et éducation populaire. L’action culturelle aura alors comme devoir d’éduquer tout·es celleux qui n’ont pas accès au « grand art ». Ainsi pour mener à la conscientisation, à l’expression, à l’action, un seul type d’action est privilégiée, une éducation descendante depuis les œuvres du « répertoire », plutôt que la multitude de techniques inventées, développées et portées par l’éducation populaire avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale.

28Dans ce contexte, il paraît ambitieux de vouloir retisser des liens entre les beaux-arts et l’éducation populaire. Encore en 1980, on peut lire dans les Cahiers de l’animation : « Le créateur semble n’avoir que faire de l’animateur et l’animateur ignore la création au nom de la créativité propre à chaque individu. » (Poujol, 1980, p. 3). Quand certain·es défendaient la vertu éducative de l’accès à des oeuvres (à décrypter grâce à l’action culturelle créée par les artistes), d’autres luttaient pour faire entendre le fait que la culture (et l’art) n’étaient pas une prérogative de quelqu’un·e et que la reconnaissance des savoirs expérientiels était un premier pas vers la démocratisation. Christian Maurel (2001) définit l’action socioculturelle comme une action qui suppose de partir « des populations, des groupes sociaux spécifiés par leurs identités culturelles, leurs logiques de sociabilité, leur comportement original [pour en] faciliter l’expression sociale, ethnique, culturelle, artistique, politique ». Il existe une proximité importante des pratiques artistiques coopératives socialement engagées et pratiquées par des artistes professionnel·les avec l’animation (artistique) socioculturelle, en particulier dans la coopération avec des personnes en présence en partant de la rencontre. Les artistes engagées socialement dans des pratiques coopératives aujourd’hui se situent donc du côté des animateur·ices d’alors. Les artistes défendant ces pratiques s’inscrivent dans une histoire de l’art autre que celle défendue par l’action culturelle d’alors. Ceci étant dit, il est intéressant de noter que les critiques adressées à l’animation socio-culturelle n’émanaient pas uniquement des partisan·es de l’action culturelle mais progressivement des militant·es de l’éducation populaire elleux-mêmes quand l’animation socioculturelle s’est coupée de ses velléités artistiques (les instructeur·ices artistiques sont devenu·es des animateur·ices formé·es aux sciences sociales), de son engagement politique (le financement de l’État et l’institutionnalisation obligent), en somme quand l’animation artistique socioculturelle a rompu ses liens avec la démarche d’éducation populaire. Ce désir de dépasser les mésententes entre pratiques artistiques coopératives et éducation populaire politique participe d’un retour de la question de l’engagement aussi bien du côté de certaines pratiques artistiques que de l’éducation populaire. Le terme « politique » renvoie ici « à se reconnaître autant sujets politiques que ceux qui ont été élus et à mettre en question collectivement l’ordre hiérarchique du monde social sur différents terrains de critique de la société selon l’actualité et les valeurs portées. » (Morvan, 2011, p. 92). Notre réflexion s’inscrit donc dans l’analyse faite par Alexia Morvan dans le cadre de son doctorat intitulé Pour une éducation populaire politique. Une recherche-action de l’éducation populaire en Bretagne. Quand les artistes (de l’art coopératif et de co-création) se défendent aujourd’hui de faire de l’animation socioculturelle, ils oublient son histoire politique.

29La philosophe de l’art Agnès Lontrade propose de considérer une esthétique qui permet de faire dialoguer pratiques artistiques coopératives et formes pédagogiques. Elle s’appuie sur les pédagogies critiques développées par John Dewey et Paolo Freire dans leur rapport à l’éthique et à l’esthétique où « la formation de soi [est entendue] comme créativité et liberté. » (Lontrade, 2024, p. 135). Elle écrit : « Entre la démagogie du divertissement, la consommation ostentatoire de l’art, et l’élitisme du grand art, les artistes font le choix de la pédagogie du non-art pour redonner à l’art sa fonction première, celle d’une pratique de vie. » La pédagogie du non-art à laquelle elle se réfère est celle par exemple de l’artiste états-unien Allan Kaprow qui défendait, dans son ouvrage éponyme, l’art et la vie confondus. Il a été l’inventeur à la fin des années 1950 des happening, forme performative très en vogue dans les années suivantes et en particulier par des artistes promoteurs de l’art collectif ‒ je pense au Living Theater par exemple ‒ à propos desquels Jean Caune (Caune, 1999, p. 238) écrit : « Ces équipes, confrontées à la nécessité d’exister collectivement, engagées dans la recherche d’un nouveau public peu sensibilisé à la diffusion de l’oeuvre, ont repris les objectifs de l’animation culturelle pour les intégrer à leur processus de création. » Ce détour par l’esthétique nous permet d’expliciter la dimension émancipatrice recherchée par l’art coopératif et de co-création. Les démarches artistiques et pédagogiques s’entremêlent dans un souci du travail des formes : de rencontre, de relation, de transmission, d’expérience par le biais de l’art. Nous retrouvons ici les ambitions des instructeur·ices nationaux d’éducation populaire qui, dans les années 1950, visaient à « former de jeunes adultes pour développer leur sens critique et exercer pleinement leur citoyenneté [en utilisant] tous les moyens d’expression en vue de conduire un projet politique de formation de citoyen conscient, actif et émancipé avec l’éducation populaire comme pédagogie. » (Besse, 2024). Ces instructeurs revendiquent une double autonomie artistique et pédagogique. Le témoignage de Jean-Pierre Daniel, conseiller technique et pédagogique Cinéma, nommé en 1964 à la Direction régionale d’Aix-Marseille, est éloquent : « La question pour moi n’est pas d’être ou pas un artiste mais que nous puissions tous vivre dans notre vie quotidienne cette dimension essentielle, vitale de notre humanité : faire l’expérience de l’art. Cette capacité à imaginer, à questionner le réel, à ouvrir une perspective de l’ordre de l’imaginaire. » (Jean-Pierre Daniel, 2024). Les mots avec lesquels il définit les stages de réalisation pourraient être repris aujourd’hui pour définir ce qui a été en jeu au sein du projet Maisonner : « une expérience artistique concrète, partagée et sa mise en débat collective », le travail de réflexion critique permettant le processus éducatif.

Maisonner

30Le point de départ du travail avec chacun des groupes était d’enquêter artistiquement et socialement par le prisme de l’écoféminisme sur les pratiques de subsistance à Montbard. Né au milieu des années 1970, l’écoféminisme est un courant de pensée qui considère que la crise écologique est reliée structurellement au système patriarcal, que la destruction et le pillage des ressources naturelles sont concomitants des différentes formes de domination que subissent les femmes. L’arpentage de l’ouvrage de Geneviève Pruvost Quotidien politique, Femmes, écologie, subsistance (2011), puis la rencontre avec l’autrice ont été une grande source d’inspiration et nous ont permis de nous former collectivement à ces questions. Le néologisme « maisonner » qui donne son nom à la résidence a été formé à partir de la lecture de son livre en référence à l’idée de « maisonnée » qui désigne une forme de relation qui se structure par des « relations suivies, précises, denses, organisées autour de la subsistance commune. » (Pruvost, 2023, p. 40).

Figure 3

Figure 3

Vue de l’installation Baumes du ruisseau, Savonnier, saponaires, jonc nain, jonc fleuri, salicaire et menthe aquatique, Acacia, feutre de jute et chanvre, 786 x 40 cm. Marie Preston et Vincent Nodale avec la complicité des habitant·es du Faubourg, de Charlotte Tyrode et des services des espaces verts de la Mairie de Montbard. Et On est le fil rouge, Coton, lin et chanvre, 400 x 160 cm. Marie Preston avec Claudine Alberti, Nicole Blanc, Colette Copin, Simone Garzo, Justa Lopez et Léonore de Saint Gerand.

Photo : Gaëlle Cognée.

31L’installation qui résulte de Maisonner au Faubourg comprend un jardin et une bannière installés dans le lavoir de la rue de la Fontaine à Montbard construit en 1808, puis agrandi en 1842 et utilisé jusqu’en 1990. Le lavoir compte deux bassins dont un est couvert en impluvium permettant de collecter l’eau de pluie. Il est alimenté par le ruisseau des tanneries. Le jardin, réalisé avec Vincent Nodale, est dans le bassin du lavoir couvert, planté dans un bac de sept mètres sur cinquante centimètres accolé à une des margelles et mesurant la totalité de la longueur du bassin. Nous y avons planté un savonnier et des saponaires en mémoire des laveuses et de la fabrication artisanale de savon, ainsi que des plantes aux vertus phyto-épuratrices. Ce choix résulte de la découverte de la pollution du ruisseau par les cultures de colza installées sur le bassin versant. Les saponaires qui poussaient dans les jardins environnants permettaient de laver le linge dans l’eau du lavoir ; aujourd’hui les végétaux aident à laver l’eau que l’agriculture intensive salie. La bannière est quant à elle installée face aux plantations et apparaît comme un décor. Nous pouvons y lire, inscrits sur des toiles de lin et de chanvre, des extraits de témoignages de quatre femmes habitantes du quartier nées respectivement entre 1932 et 1942. La bannière a été imaginée et cousue collectivement avec ces dernières ainsi qu’avec deux autres habitantes complices, Claudine Alberti et Léonore de Saint Gerand. Les toiles de chanvre et de lin reprennent la forme de modèles de pantalons déployés sur un grand pan de coton violet. La découverte du lavoir, la création du jardin et de la bannière ont été rendus possibles par un processus qui a mêlé rencontres individuelles et collectives, dans la rue, les jardins privés, à la MJC, par des discussions organisées et d’autres informelles, des échanges de textes, de livres, de photos, par des retranscriptions d’entretiens, des envois postaux, des papillons déposés dans des boîtes aux lettres, des demandes d’autorisation à la municipalité, par la création d’une carte du quartier, par des balades et une tentative d’écriture collective.

Figure 4

Figure 4

Maisonner au Faubourg, Papillon, journaux muraux, 420 x 594 cm. Quatre journaux muraux sont collés dans le quartier du Faubourg. Ils sont tirés de courriers envoyés à un groupe d’habitant·es entre juin 2023 et février 2024.

  • 11 Cette citation permet de marquer une différence avec l’idée que la rue serait nécessairement le lie (...)

32La première rencontre a eu lieu à la MJC et a regroupé quatre personnes : Flore Collombon qui était alors animatrice à la MJC et avec qui nous avons imaginé de « maisonner » au Faubourg, Jean-Claude qui fréquentait quotidiennement le lieu avec un groupe d’hommes jouant aux cartes, Léonore une habitante du Faubourg ayant participé à l’arpentage de Quotidien politique et Vincent lui aussi du quartier très investi dans l’association MJC dont il sera quelques mois plus tard administrateur. Nous avons commencé à identifier les lieux dont nous discutions sur une grande feuille où Vincent avait tracé le plan du quartier. L’étape suivante a été une visite concrète de ce dernier. Cette exploration nous a permis de rencontrer de nouveaux et nouvelles habitantes. Notre groupe a vite été repéré, nous discutions sur les pas de porte. Pour continuer de faire connaître notre initiative, nous nous sommes installées dans l’espace public sur une grande table fleurie. En amont une invitation, nommée « papillon », avait été déposée dans les boîtes aux lettres. La carte était augmentée progressivement de nouveaux lieux. Pour permettre des échanges plus intimes et favoriser ce que l’historienne de l’art Véronique Goudinoux (2010, p. 91) appelle la création de mondes intermédiaires « réduits, protecteurs et temporaires, qui […] tentent de ne pas reproduire les relations de pouvoir qui régissent aujourd’hui tout autant la sphère privée, familiale ou domestique, que le monde économique et le domaine politique11 », nous nous sommes donné rendez-vous à deux ou trois chez les femmes qui acceptaient de nous raconter le quartier, leur vie et les pratiques de subsistance, en particulier Nicole Blanc, Colette Copin, Simone Garzo et Justa Lopez. Est-ce important de mentionner que toutes les portes auxquelles j’ai tapé ne se sont pas ouvertes ?

Figure 5

Figure 5

Vidéogramme, Les laveuses, Vidéo, sonore, 15’10 min. Marie Preston avec Claudine Alberti, Nicole Blanc, Colette Copin, Simone Garzo, Marie Preston et Léonore de Saint Gerand.

  • 12 C’est-à-dire distinctes de ce que Jean Caune appelle le triptyque création-diffusion-animation.
  • 13 Guy Sioui Durand définit ainsi l’art communautaire : « Des projets qui offriront une approche globa (...)
  • 14 Pour une analyse complète de cette œuvre voir Lamoureux, E. (2009). Art et politique. Nouvelles for (...)

33Quand Michelle Perrot, dans les années 1970, s’interroge pour savoir si « une histoire des femmes est possible » (Perrot, 1984), les historiennes et les anthropologues y répondent positivement par le collectage de récits oraux (Van de Casteele-Schweitzer & Voldman, 1984). La dynamique de l’enquête autour des pratiques du lavoir a permis à celles qui n’en avaient jamais connu l’usage d’en apprendre davantage sur son fonctionnement et sur la vie des laveuses. Parallèlement les femmes qui ont mis en récit leurs souvenirs se sont engagées subjectivement et leur écoute partagée a permis une mise en perspective critique de leurs différents vécus. Les réunions-ateliers ont conduit à décider de réaliser une bannière collective pour mêler leurs dires. « Donner la parole » est un lieu commun de la création coopérative et des pratiques artistiques documentaires soucieuses de produire de l’information. Elles partagent cette façon de faire avec celles et ceux qui ont souhaité dès les années 1970 penser d’autres formes d’action culturelle12 (Caune, 1999, p. 248) pour « permettre l’épanouissement de la personne, la prise de conscience et le développement de l’esprit critique et la reconnaissance de l’identité culturelle de chaque groupe social » (Caune, 1999, p. 249). L’artiste québécoise Devora Neumark raconte à propos d’un travail d’art communautaire13 (Guy Sioui Durand, 2003) mené avec des personnes âgées que « ce type de récit participatif d’une expérience de vie, [mettant] en lumière certains événements et leur signification, est l’un des mécanismes les plus puissants d’engagement personnel et social ainsi que l’un des instruments les plus actifs de démocratie participative14 » (Neumark, 2003). Néanmoins, il est important de prendre en considération l’appel à la vigilance de Jean Caune à propos du « jaillissement d’une parole dans laquelle les groupes sociaux pourront se reconnaître », qui insistait sur le fait de penser sa « circulation », sa « signification » et sa « mise en valeur » (Caune, 1999, p. 222). Dans le cas de Maisonner au Faubourg, le travail de création a justement consisté à décider comment nos échanges et ce qui s’était élaboré dans l’espace intermédiaire pouvait être partagé dans l’espace public. Par exemple, pour que nos échanges puissent résonner au dehors, j’ai réalisé en concertation avec un petit groupe d’habitant·es des gazettes que j’envoyais à une vingtaine d’habitant·es. Iels pouvaient ainsi être informé·es de nos points d’attention, grâce à des retranscriptions de discussions, mais aussi de ce que l’on apprenait ensemble, de ce que l’on lisait : Zola et l’Assommoir, Yvonne Verdier et Façons de dire, façons de faire. Ces gazettes sont devenues, pour l’exposition, des journaux muraux. Nous sommes donc passés de la MJC à la rue, puis de la rue à l’espace domestique pour finalement réinvestir le dehors.

34De nombreuses situations d’apprentissage mutuel ont ainsi été provoquées par l’enquête collective. L’installation mêlant le jardin et la bannière permet à celui et celle qui en feront l’expérience d’entendre les voix des femmes après que leur regard se soit posé sur les saponaires, sur l’eau du ruisseau, sur la margelle lustrée par les corps qui s’y sont penchés. L’installation permet de relier le travail des femmes à l’actualité des destructions causées par l’agriculture intensive, de donner voix aux pratiques de reproduction, de faire du lavoir une boîte à outils conceptuelle sur la condition des femmes et l’écologie environnementale.

Figure 6

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On est le fil rouge, Coton, lin et chanvre, 400 x 160 cm. Marie Preston avec Claudine Alberti, Nicole Blanc, Colette Copin, Simone Garzo, Justa Lopez et Léonore de Saint Gerand.

Photo : Gaëlle Cognée.

35Marie Preston et Mikaël Fauvel : Pour reprendre la nomenclature proposée par Thévenot, le commun qui s’est composé avec ce groupe correspond aux « communs d’affinités personnelles à des lieux communs ». Comment mieux nommer le lavoir que comme un lieu commun chargé d’affects divergents mais porté par une affinité partagée ? Ce commun ne préexistait pas à l’expérience, il s’est construit au fil de la relation et du processus artistique et réflexif. Avec l’équipe de la MJC, c’est la résidence elle-même comme processus qui est devenu notre commun par les multiples agencements instituants qui l’ont rendue singulière : en prolongeant de quelques mois son déroulement, en la présentant publiquement dans des contextes à la fois liés à l’art contemporain et à l’éducation populaire, en se déplaçant dans l’espace public. Le sociologue Pascal Nicolas-Le Strat nomme ce processus le travail du commun. Ce dernier est « un travail situé […] car un “commun” est conçu et construit par une communauté de personnes concernées qui s’engagent à produire et à administrer une ressource en tant que ressource commune, qui restera donc conséquemment l’affaire de tous·tes tout en veillant à toujours intéresser chacun·e. » (Nicolas-Les Strat, 2016, p. 287).

Ce que les résidences font à la MJC

  • 15 « Prise de conscience individuelle et civique, le développement de l’esprit critique et d’initiativ (...)

36Mikaël Fauvel : Selon la « boîte à outils conceptuelle15 » définie par Christian Maurel (2001), est-il possible de dire que les résidences artistiques de territoire nous ont permis de « renouer avec une éducation populaire plus politique et de réactiver un processus culturel et politique nécessaire au développement du pouvoir d’agir favorisant aussi la construction d’un autre territoire, un territoire vécu et partagé ? ». Marie Preston nous a montré, dans les deux précédents chapitres, comment elle manie différentes postures (artistique et pédagogique) pour œuvrer « aussi bien sur la capacité à penser, que celle d’agir », pour reprendre Mathieu Depoil (2022), et comment les pratiques artistiques socialement engagées, les pratiques de co-création, sont des espaces de co-éducation qui, tout en renouvelant les pratiques pédagogiques et artistiques, s’inscrivent à la fois dans l’histoire de l’éducation populaire mais aussi pleinement dans ce que l’on appelle le renouveau de l’éducation populaire, une éducation populaire plus politique soutenue par le travail d’Alexia Morvan notamment ou de Franck Lepage et que nous avions également identifiées dans Jeanne déployée Sans emploi (Fauvel, 2021, p. 63).

37Mais que dire de l’ensemble de ces trois expériences menées pour la MJC, c’est-à-dire pour ses usager·es, ses adhérent·es, ses bénévoles, ses militant·es, son conseil d’administration, son équipe de salarié·es permanent·es, et bien sûr pour son projet social, éducatif, culturel et territorial ? Ont-elles permis une évolution culturelle, pédagogique et politique ? Le projet, les usager·es et les pratiques se sont-elles étoffées ? En quoi ? Ont-elles permis par exemple d’améliorer notre gouvernance, les conflits, la gestion démocratique de la structure, que plus de monde s’expriment par exemple et/ou prennent des décisions ? Ont-elles permis de renforcer notre sentiment d’appartenance, notre communauté, notre réseau, notre visibilité ? Plaident-elles pour plus d’animation et d’éducation populaire en milieu rural ? Mettent-elles en avant des manques, des besoins ? Invitent-elles comme nous avions pu le dire dans Jeanne déployée Sans emploi à entrer dans une démocratie plus dialogique où l’on n’oppose plus systématiquement savoir profane et savant, politique et citoyen, professionnel et amateur, considérant chacun·e capable et singulier (Fauvel, 2021, p. 64) ?

38Même s’il semblerait que oui, il est difficile aujourd’hui pour nous de répondre à toutes ces questions. Malgré l’envie et la nécessité de faire recherche à partir de ces expériences de terrain, de passer d’acteur-chercheur à chercheur-acteur, comme nous le disions en introduction, le temps et de bonnes conditions pour prendre le recul nécessaire sont difficiles à trouver.

39Néanmoins, dans le temps que nous arrivons à dégager, ce que nous constatons de plus évident est que les résidences, par l’intermédiaire des artistes invitées et « l’aller vers », nous ont permis de nous ouvrir et de faire entrer à la MJC de nouvelles personnes qui ne sont pas nos usager·es régulier·es, comme des élèves du collège, leurs professeur·es, le personnel non enseignant du collège, des parents d’élèves, de nouveaux habitant·es de Montbard et/ou de la Communauté de Communes du Montbardois et des non adhérent·es. À travers les partenariats que nous avons initiés, nous avons également touché les usager·es d’autres institutions locales (Centre social, Mission locale, Bibliothèque-médiathèque, etc.). Le premier apport, c’est donc l’élargissement considérable de notre « public », celleux qui fréquentent dorénavant la structure, que ce soit au niveau social, culturel et géographique, participant donc aussi de l’élargissement de notre territoire d’intervention.

40Cette diversité renouvelée est une grande richesse pour la structure car elle favorise un meilleur débat d’idées, plus éclectique, encourageant ainsi une démocratie plus vivante. Cela permet aussi de mieux entrer en pédagogie, de parler à chacun·e, et d’adapter nos outils afin d’aider chaque individu « à agir “pour”, “avec”, et “à travers” le milieu dans lequel il intervient » (ICEM cité dans Depoil, 2022, p. 109-110).

41Deuxièmement, il semblerait que les résidences permettent de parler de soi, de son intimité, de disposer d’un nouvel espace d’écoute et de dialogue sur des sujets souvent difficiles qui peuvent avoir trait aux violences domestiques, conjugales, aux assignations, etc., très souvent invisibles voire invisibilisées, d’autant plus en milieu rural. C’est donc aussi la possibilité de rompre avec une certaine solitude, un potentiel isolement, de la détresse affective et sociale. C’est aussi la possibilité d’une prise de conscience qui permettra peut-être par la suite d’enclencher des décisions individuelles, des changements et des formes d’émancipation.

Figure 7

Figure 7

Visite du Faubourg, vernissage de l’exposition, 29 juin 2024.

Photo : Gaëlle Cognée.

42Les résidences favorisent également les rencontres et de nouvelles sociabilités en créant un espace propice au « penser et agir ensemble » au sein d’interactions diverses : artiste-equipe, artiste-équipe-partenaires, artiste-habitant·es, équipe-habitant·es, habitant·es-habitant·es. Ces nouvelles interactions facilitent l’émergence de nouvelles initiatives, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du projet ; dans le cadre de Maisonner au Faubourg, par exemple, la dynamique qui a été produite par la résidence a mené les habitant·es à la création dans le quartier d’un jardin partagé autonome permettant aux un·es et aux autres de (re)nouer et d’entretenir un lien, aux nouveaux·elles de mieux s’intégrer.

43Mais elles ont permis également d’autres engagements individuels ou collectifs pour la structure : implications diverses par du bénévolat, entrée au Conseil d’administration et au Bureau, nouvelles propositions d’actions, d’activités, de projets, mise en réseau, etc. Les résidences ont chacune engagé activement au moins une cinquantaine de personnes et, à chaque fois par la suite, quelques-unes s’engagent plus durablement. Depuis que la MJC est en « expérience », dans une démarche de projets collaboratifs, elle est passée de 250 adhérent·es à plus de 430 adhérent·es aujourd’hui. Alors même que le territoire continue à décroitre, la MJC a quasi doublé son effectif en sept ans.

44Les R.A.T. permettent également à celleux qui y participent de se confronter individuellement et collectivement à des idées nouvelles, de s’emparer de sujets sociétaux, d’en débattre (notamment la condition des femmes, les stéréotypes de genre, le patriarcat), de s’ouvrir à de nouvelles pratiques artistiques, de partager et de s’approprier de nouveaux outils organisationnels, analytiques, communicationnels, intellectuels et de s’auto-organiser, comme a pu le montrer Marie Preston : lectures collectives, prises de parole, recherches documentaires, interviews, partages d’idées, débats, lectures scientifiques, petites annonces, supports de communication, créations, etc. Elles sont en effet des espaces d’apprentissage collectif et commun, de co-éducation et de formation pour les participant·es au projet, pour les usager·ères de la MJC et pour les professionnel·les que nous sommes. Elles permettent nous semble-t-il de mettre au travail les dimensions culturelles de notre action, principalement collective : valeurs, croyances, normes, traditions, symboles et pratiques partagées. Ces dimensions culturelles partagées jouent un rôle crucial dans le développement de notre structure, de ses actions et du projet global. Elles nous permettent de mieux définir nos identités collectives, nos objectifs communs, nos moyens (communication, coordination), nos choix, nos stratégies. N’est-ce pas cela renouer avec l’éducation populaire politique, c’est-à-dire tenter de renverser un processus de domination et de violence symbolique ? Il semble aussi se dessiner d’autres enjeux à travers ces pratiques : (re)politiser l’animation socioculturelle, augmenter notre capacité à agir collectivement par un meilleur partage d’expérience, (re)faire territoire, réveiller la contradiction et le conflit tout en prônant le dialogue, et enfin transmettre aux Collectivités locales et à l’État la nécessité pour la démocratie d’augmenter les moyens attribués à l’éducation populaire.

Conclusion

45Inscrite dans l’histoire de la MJC André Malraux, la démarche engagée par la résidence de territoire Maisonner a permis une coopération artistique avec des habitant·es de Montbard et l’équipe de la MJC ainsi qu’une poursuite de la réflexion critique sur les liens entre les pratiques artistiques coopératives et l’éducation populaire, s’inscrivant dans la certitude du rôle social et du pouvoir émancipateur de l’art et de la pédagogie.

46Ce que cette résidence confirme d’un point de vue théorique est d’abord la nécessité d’une invitation ouverte à l’indétermination initiale de manière à permettre à chacun·e d’y trouver ou d’y construire sa place. Les temps réflexifs qui ont ponctué très régulièrement la résidence ont permis de conserver un lien étroit avec l’équipe au-delà des simples préoccupations organisationnelles. L’importance accordée à l’élaboration d’une culture partagée autour des enjeux soulevés par la résidence a beaucoup contribué aux échanges, aux débats et notamment avec des personnes qui n’étaient pas directement concernées par le travail artistique. Cela permet de souligner la valeur de la prise en compte des différentes implications et de ménager des espaces de dialogue et de participation de différentes natures. Le fait que les questionnements soient abordés au plus près des réalités quotidiennes vécues par les participant·es était également fondamental. Si des affinités de pensée préexistaient à l’invitation en résidence, les personnes qui s’y sont impliquées partageaient simplement le fait d’habiter un même territoire. Dans L’école des communs, Jean-François Dupeyron écrit « Les communs reposent donc sur une communauté de ceux qui, à la limite, n’ont rien en commun, excepté le fait d’avoir à vivre ensemble » (Dupeyron, 2024, p. 24). La constitution du groupe de Maisonner au Faubourg s’est faite au gré des rencontres, en travaillant semaine après semaine le commun de celleux qui n’avaient a priori rien en commun.

47L’alliance entre art et éducation populaire que nous appelons de nos vœux facilite l’élargissement de nos horizons culturels et intellectuels, favorisant un dialogue interculturel et intergénérationnel enrichissant. Il renforce également notre capacité à remettre en question les normes et les conventions établies, créant ainsi des espaces de réflexion et de contestation féconds. La production de formes artistiques semble également jouer un rôle politique en donnant une voix aux individu·es, mettant en lumière les possibles injustices et les luttes sociales. En s’engageant activement dans la création artistique, artistes, habitant·es, équipe, usager·es, contribuent à une meilleure compréhension des enjeux sociaux et politiques et ainsi à promouvoir, par un retour de la conflictualité, les valeurs démocratiques.

  • 16 Voir en particulier le travail mené par le Centre d’art contemporain d’intérêt général de Brétigny- (...)

48Nous poursuivons en précisant qu’il nous faut accepter de travailler à une échelle micropolitique en arguant que nos démarches s’inscrivent dans un projet plus global, par exemple celui engagé par un certain nombre de centres d’art sur la valorisation de ces pratiques sur la voie d’une recherche-action-création16. Cette voie pourrait également concerner les structures et les mouvements d’éducation populaire dans le but de « relancer une véritable dynamique comme mouvement social, à imposer le repositionnement des différents acteurs » (Richez, cité dans Depoil et al. 2022, p. 96, note 1), tout en acceptant de bricoler et d’improviser, avec les prises de risque que cela génère.

49Nous pourrions également, pour mieux saisir l’impact socio-culturel de ces expérimentations, envisager une piste de recherche sociologique autour, par exemple, de l’étude des parcours des participant·es devenu·es acteur·ices de l’expérience pour tenter de percer jusqu’où les changements et les transformations peuvent aller. Une autre piste possible serait de travailler à partir des outils théoriques proposés par Christian Laval et Francis Vergne dans leur ouvrage Éducation démocratique La révolution scolaire à venir pour analyser les processus éducatifs que ces expériences de création collective élaborent. Enfin, pour continuer, nous nous demandons : comment pérenniser ces projets dans le temps ? Avec l’appui de quelles tutelles ? Nous nous interrogeons également sur la manière dont la formation des animateur·ices pourrait intégrer la recherche-action et la dimension artistique. Enfin, politiquement, comment co-construire un territoire d’expérimentation et d’émancipation alors même que pour beaucoup il est un territoire d’oppression ? Nous pensons que ce type d’alliance permettra de renforcer la création de système-espaces pédagogiques, artistiques et dialogiques au profit des habitant·es et du territoire d’autant plus qu’il y a urgence, notamment dans les territoires ruraux, à faire vivre le débat démocratique et à se réengager dans l’espace public.

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Bibliographie

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Notes

1 Christian Maurel définit l’éducation populaire comme ceci : « L’éducation populaire, dont on peut dire qu’elle est historiquement à l’origine de l’action culturelle et de l’animation socioculturelle, garde ses objectifs et ses pratiques propres : prise de conscience individuelle et civique, développement de l’esprit critique et d’initiative, acquisition d’outils d’analyse, pratique du pouvoir collectif selon des règles jugées démocratiques et engageant la responsabilité de l’individu. Alors que l’action culturelle part des œuvres pour aller au public, l’animation socioculturelle des groupes dont il s’agit de faciliter l’expression, l’éducation populaire, elle, part beaucoup plus des individus pour les préparer à être des citoyens actifs et responsables d’une communauté vivante. »

2 Le dernier document en date est l’annexe 1 du diagnostic social de territoire réalisé par le Cabinet FR consultant dans le cadre de la mise en œuvre d’une Convention Territoriale Globale entre la Caisse d’allocations familiales de Côte-d’Or et la Communauté de communes du Montbardois, janvier 2023.

3 Archive de la MJC.

4 « Le poids croissant des équipements socioculturels et la neutralisation idéologique qui les accompagne entraînent un déclin relatif de l’importance accordée à la pédagogie au profit d’une dimension gestionnaire ».

5 Un Espace de Vie Sociale est un agrément accordé par la CAF aux structures qui souhaitent s’investir dans l’animation de la vie sociale et culturelle de leur territoire.

6 « Pour répondre à cette volonté d’agir, nous avons fait le pari de faire coexister action sociale, éducative et culturelle en se réappropriant l’idée que le travail de la culture est avant tout un outil de transformation sociale. Ce que certain·es appellent aujourd’hui “l’éducation populaire politique” ».

7 « L’œuvre, la ville comme oeuvre, le tissage de la création avec la ville, c’est l’activité participante, quand l’art restitue le sens de l’œuvre ; il donne de multiples figures de temps et d’espace appropriés : non subis, non acceptés par une résignation passive, métamorphosé en œuvre ». Cet ouvrage collectif est né de la rencontre d’artistes, de chercheur·es et d’habitant·es qui a eu lieu dans le cadre d’une recherche-action portant sur la place des femmes dans l’espace public.

8 Une lecture collective a été réalisée par plusieurs usager·es de la MJC autour de cet ouvrage, ainsi que deux rencontres avec l’auteur.

9 Parisse, J., & Porte, E. (2022). Les démarches d’aller-vers dans le travail social. Une mise en perspective. Cahiers de l’action, 59(2). https://doi.org/10.3917/cact.059.0009

10 Voir Le Pommier et le Douglas, exposition réalisée à la suite d’une résidence Hors les murs au Parc Saint-Léger - Centre d’art contemporain entre 2011 et 2013 en collaboration avec notamment la Maison du Patrimoine Oral de Bourgogne.

11 Cette citation permet de marquer une différence avec l’idée que la rue serait nécessairement le lieu le plus propice pour accompagner des processus d’émancipation.

12 C’est-à-dire distinctes de ce que Jean Caune appelle le triptyque création-diffusion-animation.

13 Guy Sioui Durand définit ainsi l’art communautaire : « Des projets qui offriront une approche globale visant à interpeller toute l’échelle sociale, à agir sur les différences de pouvoir créées par la société actuelle et à redonner voix aux personnes en situation de pauvreté et d’exclusion ».

14 Pour une analyse complète de cette œuvre voir Lamoureux, E. (2009). Art et politique. Nouvelles formes d’engagement artistique au Québec. Écosociété.

15 « Prise de conscience individuelle et civique, le développement de l’esprit critique et d’initiative, l’acquisition d’outils d’analyse, la pratique du pouvoir collectif selon des règles jugées démocratiques et engageant la responsabilité de l’individu ».

16 Voir en particulier le travail mené par le Centre d’art contemporain d’intérêt général de Brétigny-sur-Orge dès la nomination de Céline Poulin à sa direction en 2016.

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Table des illustrations

Titre Figure 1
Légende Geneviève Pruvost, Quotidien politique. Marie Preston. Reliure réalisée suite à l’arpentage de l’ouvrage (septembre 2022 à janvier 2023).
Crédits Photo : Gaëlle Cognée.
URL http://journals.openedition.org/trema/docannexe/image/10044/img-1.png
Fichier image/png, 756k
Titre Figure 2
Légende MJC, mai 2024.
Crédits Photo : Marie Preston.
URL http://journals.openedition.org/trema/docannexe/image/10044/img-2.png
Fichier image/png, 1,3M
Titre Figure 3
Légende Vue de l’installation Baumes du ruisseau, Savonnier, saponaires, jonc nain, jonc fleuri, salicaire et menthe aquatique, Acacia, feutre de jute et chanvre, 786 x 40 cm. Marie Preston et Vincent Nodale avec la complicité des habitant·es du Faubourg, de Charlotte Tyrode et des services des espaces verts de la Mairie de Montbard. Et On est le fil rouge, Coton, lin et chanvre, 400 x 160 cm. Marie Preston avec Claudine Alberti, Nicole Blanc, Colette Copin, Simone Garzo, Justa Lopez et Léonore de Saint Gerand.
Crédits Photo : Gaëlle Cognée.
URL http://journals.openedition.org/trema/docannexe/image/10044/img-3.png
Fichier image/png, 1,7M
Titre Figure 4
Légende Maisonner au Faubourg, Papillon, journaux muraux, 420 x 594 cm. Quatre journaux muraux sont collés dans le quartier du Faubourg. Ils sont tirés de courriers envoyés à un groupe d’habitant·es entre juin 2023 et février 2024.
URL http://journals.openedition.org/trema/docannexe/image/10044/img-4.png
Fichier image/png, 1,6M
Titre Figure 5
Légende Vidéogramme, Les laveuses, Vidéo, sonore, 15’10 min. Marie Preston avec Claudine Alberti, Nicole Blanc, Colette Copin, Simone Garzo, Marie Preston et Léonore de Saint Gerand.
URL http://journals.openedition.org/trema/docannexe/image/10044/img-5.png
Fichier image/png, 1,4M
Titre Figure 6
Légende On est le fil rouge, Coton, lin et chanvre, 400 x 160 cm. Marie Preston avec Claudine Alberti, Nicole Blanc, Colette Copin, Simone Garzo, Justa Lopez et Léonore de Saint Gerand.
Crédits Photo : Gaëlle Cognée.
URL http://journals.openedition.org/trema/docannexe/image/10044/img-6.png
Fichier image/png, 696k
Titre Figure 7
Légende Visite du Faubourg, vernissage de l’exposition, 29 juin 2024.
Crédits Photo : Gaëlle Cognée.
URL http://journals.openedition.org/trema/docannexe/image/10044/img-7.png
Fichier image/png, 404k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Mikaël Fauvel et Marie Preston, « Dialogue et regards croisés en éducation populaire : co-création et pédagogie au sein d’une résidence artistique de territoire »Tréma [En ligne], 63 | 2025, mis en ligne le 11 avril 2025, consulté le 28 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/trema/10044 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13r5d

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Auteurs

Mikaël Fauvel

MJC André Malraux de Montbard

Marie Preston

Université Paris 8 / AIAC – TEAMeD

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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