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Le spectre de l’histoire de la pédagogie en France1

Xavier Riondet

Résumés

L’histoire de la pédagogie constitue en France une tradition d’intervention et de publication très ancienne dans les sciences de l’éducation et de la formation. Cet article se propose de revenir sur la spécificité de cette historiographie dans le champ de l’histoire de l’éducation et sur ses évolutions au sein de cette discipline universitaire, en s’intéressant à trois moments différents : la science de l’éducation sous la IIIe République, les premières années de l’institutionnalisation des sciences de l’éducation à partir de 1967 et la période contemporaine.

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Texte intégral

  • 1  Je dédie cette contribution à Danielle Morali qui m’a transmis sa passion pour cette histoire et m (...)
  • 2  Cf. Planchard (1968). Ce recensement de références n’est évidemment pas exhaustif.
  • 3  Si, au niveau éditorial, l’histoire de la pédagogie n’est peut-être plus aussi visible qu’elle ne (...)
  • 4  À l’heure actuelle, on peut considérer qu’au sein de l’histoire de l’éducation, l’histoire de la p (...)
  • 5  En tant que l’histoire est « connaissance par traces » (Prost, 1996, p. 67).

1Si l’histoire de la pédagogie a généré des ouvrages en langue française et dans différentes langues (Messer, 1930 ; Dilthey, 1944 ; Plancke, 1950 ; Avanzini, 1981)2, elle ne fait pas nécessairement partie aujourd’hui des thématiques les plus attractives du champ éditorial3. Pourtant, cette forme d’histoire est encore présente dans les bibliothèques des chercheurs et celle des universités. Ce fantôme de bibliothèque rôde également dans les maquettes de formation en sciences de l’éducation et de la formation sous des formes très diverses (via des intitulés d’enseignement explicites, parfois par des références en cours). Dans le prolongement de plusieurs productions sur l’histoire de l’éducation4 (Depaepe, 2007, 2008, 2013 ; Le Cam, 2013 ; Hofstetter et al., 2014 ; Wagnon, 2018 ; Poucet, 2020 ; Riondet, 2020 ; Ruolt, 2020), cet article s’intéresse à l’histoire de la pédagogie en tant que forme spécifique d’histoire de l’éducation en sciences de l’éducation. Nous regroupons sous cette formulation une série d’énoncés relativement proches : histoire des idées, des œuvres, des figures, des doctrines et des théories pédagogiques. L’enjeu de cette contribution est de revenir sur la généalogie de cette forme d’histoire particulière et de rendre compte des évolutions récentes de ce qui apparaît comme une tradition d’intervention et de production dans le champ des sciences de l’éducation françaises. Il ne s’agit pas ici de réfléchir, en philosophe, à ce que pourrait être l’histoire de la pédagogie, mais de repérer les traces de cette histoire5, ses enjeux et ses évolutions. La singularité de cet article est de proposer une approche épistémologique dont l’objectif est de comprendre les différentes formes prises par cette histoire et sa réception au sein du champ des sciences de l’éducation. Seulement, ces formes ne peuvent être abordées sans prendre au compte, même a minima, le profil des acteurs, le rôle et les destinataires des productions qui caractérisent ce genre spécifique de l’histoire de la pédagogie.

2Après avoir décrit le contexte dans lequel se déploie l’histoire de la pédagogie à la fin du XIXe siècle et les enjeux que porte ce déploiement, nous nous attarderons sur les spécificités de cette forme d’histoire de l’éducation lorsque sont institutionnalisées à partir de 1967 les sciences de l’éducation dans l’université française et nous essaierons d’identifier les processus qui ont permis à l’histoire de la pédagogie de traverser les décennies et d’être toujours présente actuellement dans le paysage universitaire.

L’émergence de l’histoire de la pédagogie dans le contexte de la science de l’éducation républicaine

3Pour tenter de comprendre à quoi répondent certaines évolutions récentes de l’histoire de la pédagogie francophone, il faut revenir sur quelques repères historiques. Nous pouvons rappeler ici que l’histoire de la pédagogie a, en France, une présence institutionnelle, académique et éditoriale dès la fin du XIXe siècle dans le contexte de la science de l’éducation républicaine et des écoles normales supérieures dans lequel sont prodiguées à des futurs enseignants des conférences de pédagogie au sens large. Les travaux de Jacqueline Gautherin (2002) ont permis de montrer que la très grande majorité de ces cours sont portés par des agrégés de philosophie et qu’il y avait, parmi ces enseignements, de l’histoire de la pédagogie.

4Dans les intitulés d’enseignement de science de l’éducation, dans les programmes des écoles normales et dans les contenus en jeu dans les écoles normales supérieures, l’histoire de la pédagogie est une « thématique » visible. Parmi les enseignants en charge de ces contenus, l’exemple le plus connu est celui de Gabriel Compayré. Agrégé de philosophie, enseignant de lycée puis professeur de philosophie à la Faculté de Toulouse à partir de 1876 et chargé du cours de pédagogie à l’École Normale Supérieure d’institutrices de Fontenay-aux-Roses (Dubois, 2002, p. 57), il se spécialise dans les cours d’histoire de l’éducation et publie plusieurs ouvrages, notamment Histoire critique des doctrines de l’éducation en France depuis le XVIe siècle (1879) et Histoire de la pédagogie (1883). Compayré ne constitue pas un cas isolé. Il existe également des exemples moins connus, comme on peut l’observer dans le recensement des Livres scolaires en usage dans les écoles primaires publiques (Musée pédagogique, 1889b), dans la série « Éducation - pédagogie - enseignement général », où l’on retrouve d’autres références, comme L’histoire universelle de la pédagogie de Jules Paroz (1883) ou L’histoire de la pédagogie de Pierre Vincent. Chaque territoire, ou presque, a son spécialiste. C’est le cas, par exemple, d’Alexandre Martin, un des rares intervenants dans ce cadre à se prévaloir d’une autre agrégation que celle de philosophie (Riondet, 2020). Après avoir circulé dans diverses académies, il est professeur de rhétorique en lycée puis inspecteur d’académie avant de récupérer, pendant quelques années (entre 1885 et 1887), la charge des conférences de pédagogie à la faculté de Nancy. Sa leçon d’ouverture s’intitule L’enseignement de la pédagogie (1885) et elle prolonge une série d’études sur l’histoire des doctrines pédagogiques chez les Grecs que l’enseignant avait préalablement publiée dans la Revue pédagogique (Martin, 1879).

5L’histoire de la pédagogie est alors un genre éditorial qui correspond à des enseignements de type conférence. De quelles autres caractéristiques peut se prévaloir cette histoire de la pédagogie ? On trouve dans la deuxième édition Dictionnaire Buisson une entrée « Pédagogie » / « Histoire de la pédagogie » rédigée par Gabriel Compayré (1911) qui peut nous éclairer. Selon cet auteur, l’histoire de la pédagogie ne doit pas être envisagée uniquement comme « un spectacle agréable », mais comme une « école d’éducation » et comme « une des sources de la pédagogie définitive » (id.). Il y a dans ce petit texte l’idée que les pédagogues, à travers les âges et dans les œuvres pédagogiques, ont « saisi », chacun à leur manière, et sans doute à leur échelle, « une part de vérité », si bien que l’histoire de la pédagogie c’est le regroupement de ces découvertes et des victoires qui composent la pédagogie en elle-même.

6La préface de la septième édition de l’Histoire des doctrines de l’éducation en France depuis le seizième siècle est représentative de cette histoire prenant la forme d’un récit se présentant comme un escalier du progrès pédagogique :

« Le but de ce livre est d’exposer le mouvement et le progrès de la pédagogie française, depuis les brillants initiateurs du seizième siècle jusqu’aux réformateurs contemporains. En un temps où l’éducation n’est plus seulement une affaire domestique, où elle est devenue un problème social, il y a quelques utilités à examiner l’histoire des systèmes, pour y chercher les vérités durables et y recueillir les éléments d’une théorie définitive » (1904, p. I)

  • 6  Dans le cadre du contexte scolaire de la IIIe République, Prost (1968) distingue l’école du peuple (...)
  • 7  Baudelot et Establet (1971) distinguent un réseau de scolarisation Primaire-Professionnel et un au (...)
  • 8  On peut ici repenser à cette citation de Maurice Halbwachs : « Il n’est pas de grande administrati (...)

7L’histoire de la pédagogie contribue ici à l’enseignement de la pédagogie ; elle a un rôle à jouer et une place à occuper dans les études que doivent mener les futurs éducateurs, notamment ceux destinés à œuvrer dans l’enseignement primaire. Pour Compayré (1911), cette histoire de la pédagogie repose sur des idées et des faits, et la tâche de l’historien de la pédagogie est d’organiser un panorama chronologique des pédagogues en « [interrogeant tout à tour les grands professeurs ou les grands théoriciens, en demandant à chacun d’eux comment il a résolu pour son compte les diverses parties du problème pédagogique » (id.). Outre le « profit intellectuel » que l’on peut en faire, l’histoire de la pédagogie permet surtout à l’éducateur de retrouver des « trésors d’instruction morale » et un « exemple de vertus pédagogiques » (id.). Dans ce contexte où l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire forment deux types d’écoles distinctes6 et deux réseaux différents7, il faut bien saisir que l’histoire de la pédagogie est produite par des anciens enseignants du secondaire et qu’elle aspire à contribuer à l’éducation, la sensibilisation, l’acculturation du futur éducateur du primaire à une époque où l’École républicaine doit contribuer à diffuser un certain esprit et transmettre des contenus et des valeurs. Cependant, l’histoire de la pédagogie est aussi traversée par une dimension éthique et une préoccupation déontologique : fournir des modèles pour les futurs éducateurs et contribuer, indirectement, à l’élaboration de leur identité professionnelle. En s’attardant notamment sur les représentations de l’enfance en jeu dans les œuvres pédagogiques, l’histoire de la pédagogie repose sur une forme d’écriture spécifique, profondément marquée par la philosophie, cherchant à contribuer à la formation des enseignants du primaire, et en particulier au sujet des enjeux éthiques de leur présence et de leurs actions8.

« 1967 », création des sciences de l’éducation9 et nouvelles traces d’histoire de la pédagogie

  • 9  Sur ces questions, cf. notamment Marmoz (1988) et plus récemment Laot et Rogers (2015).
  • 10  Le premier tome du Traité de sciences pédagogiques énumère en ces termes les possibilités de choix (...)
  • 11  Dans le contexte de la science de l’éducation, l’histoire de la pédagogie est présente, au niveau (...)

8L’arrêté créant la licence et la maîtrise des sciences de l’éducation dans les universités paraît dans le Journal officiel du 11 février 1967. Les sciences de l’éducation apparaissent enfin, au bout de plusieurs années de processus complexes. La maîtrise de sciences de l’éducation est pensée sur le modèle des maîtrises à quatre certificats qui doivent être préparés sur les deux années composant le second cycle de l’enseignement supérieur. Lors de la première année, les étudiants préparent tout d’abord le Certificat de pédagogie générale (C1) et le Certificat de psychosociologie de l’éducation (C2), puis, lors de la deuxième année, le Certificat de pédagogie appliquée (C3) et un Certificat qu’ils choisissent au sein d’une liste conséquente en fonction de ce que la Faculté est en mesure de délivrer10. Dans ce premier cadrage, l’histoire de la pédagogie est présente sous une forme spécifique (en tant qu’histoire et philosophie de l’éducation)11. En première année, par exemple, le Certificat de pédagogie générale repose sur deux épreuves écrites : une composition sur les problèmes de l’éducation dans le monde actuel et une composition sur l’histoire des doctrines et des institutions dans le domaine de l’éducation (Marmoz, 1988, p. 32).

  • 12  On perçoit ces liens entre pédagogie et psychologie dans la trajectoire des trois grandes figures (...)

9Dans ce contexte des années 1960 et 1970 marquées par un relatif consensus au sujet de la nécessité d’une réforme pédagogique d’ampleur à réaliser (Prost, 2013, p. 141) l’histoire de la pédagogie reste dans le prolongement de cette histoire, à destination de praticiens, qui a perduré dans les écoles normales, puisque la sociologie des premiers publics dans ces formations se compose pour les deux tiers des étudiants de salariés dont beaucoup sont issus du monde de l’enseignement (Léon, 1972, p. 195). Néanmoins, l’histoire de la pédagogie à cette époque est également le prolongement de l’enseignement de pédagogie au sein de la psychologie universitaire dans laquelle les philosophes sont encore présents dans les années 1960. Le cas de Georges Snyders est représentatif de ce processus. S’il représente une figure bien connue des sciences de l’éducation parisiennes dans les années 1970, ce philosophe de formation est assistant en psychologie à la faculté de Nancy lorsqu’est publié son ouvrage La pédagogie en France au XVIIe et au XVIIIe siècle (1965). À cet égard, la présence de l’histoire de la pédagogie en 1967 est moins une nouveauté qu’un prolongement. Les personnages-clefs de ces sciences de l’éducation (re)naissantes sont parfois issus de la psychologie universitaire tout en affichant des liens avec la pédagogie12 et en pouvant, parfois, se prévaloir d’une formation en philosophie. Il n’est pas illégitime d’estimer que l’histoire de la pédagogie dans ce contexte est encore potentiellement une affaire de philosophe, d’autant qu’une proportion importante des premiers enseignants et chercheurs des sciences de l’éducation sont issus de la philosophie (Fontbonne, 2017).

  • 13  Henri Delacroix (1873-1937).
  • 14  « De toutes les études sur l’éducation qui ont pris un caractère scientifique, l’histoire de la pé (...)
  • 15  « L’histoire de la pédagogie a grandi, comme les autres sciences historiques, au XIXe siècle, avec (...)
  • 16  « Elle a les mêmes exigences méthodologiques, c’est-à-dire que les règles de la méthode historique (...)
  • 17  En évitant l’« illusion rétrospective » (p. 8) et en refusant de « monter en épingle de ressemblan (...)

10Lorsqu’on lit rétrospectivement Snyders, les finalités attribuées à l’histoire de la pédagogie semblent ne pas avoir changé : « Il est donc important, écrit-il, de persuader les enseignants qu’il y a bien une histoire de la pédagogie, c’est-à-dire des progrès, mais dont chacun à son tour exige un dépassement » (1974, p. 24). Seulement, n’y a-t-il pas quand même une volonté de faire évoluer l’histoire de la pédagogie en jeu à cette époque ? Au sujet de cette histoire et de ce qu’elle pourrait alors devenir, des éléments intéressants sont présents dans un des volumes du Traité des sciences pédagogiques qui constituent une tentative de délimitation du périmètre des différents champs en jeu dans cette discipline universitaire naissante. C’est plus particulièrement Maurice Debesse qui rédige les pages consacrées à cette question. Il s’agit d’une figure emblématique dont on associe souvent le nom à la psychologie de l’éducation, mais qui est un ancien enseignant d’histoire qui a réalisé sa thèse avec un philosophe13. Ces quelques pages sont à la fois un état des lieux et une déclaration d’intention. Si l’histoire de la pédagogie est un champ d’études présent depuis plusieurs décennies, elle n’en est pas moins traversée par des questions cruciales14, car elle est en train de muer, notamment dans son rapport à l’épistémologie historique15, ce qui est peut-être susceptible d’en changer les perspectives. Pour Debesse, aucun doute : les règles de la méthode historique doivent y être en jeu16. Ensuite, il donne à cette histoire plusieurs objectifs spécifiques : « rendre plus intelligible la connaissance actuelle par la connaissance du passé »17 et « comprendre les changements profonds » du monde éducatif. Certes, il faut comprendre, mais en laissant des marges de manœuvres, puisqu’il s’agit également de « faire connaître la variété éducationnelle correspondant à la variété des civilisations d’autrefois » (Debesse, 1971, p. 7). Chez Debesse, l’histoire de la pédagogie n’est jamais très loin de la pédagogie comparée. Debesse formule néanmoins une remarque sur les limites de cette histoire : « On connait en effet beaucoup mieux l’histoire des doctrines de l’éducation exprimées dans des textes durables que celles des pratiques pédagogiques qui repose sur des documents souvent peu nombreux » (ibid., p. 9). Il complète : « [l’histoire de la pensée pédagogique et l’histoire de la pratique pédagogique] sont inégalement connues, […] mais en outre leurs rapports sont difficiles à préciser » (ibid., p. 10).

  • 18  Paul Juif, directeur de l’École Normale des Bouches du Rhône, et Fernand Dovero, chargé d’enseigne (...)
  • 19  Depuis quelques années, plusieurs collègues ont repris ce chantier de l’histoire des sciences de l (...)
  • 20  Agrégée de philosophie, Geneviève Lombard a été professeure à l’École normale d’institutrices de C (...)
  • 21  Cet inventaire n’est évidemment pas exhaustif.

11Qu’en est-il de la réalité du terrain ? Les contours concrets de l’histoire de la pédagogie semblent en fait assez imprécis. L’ouvrage Guide de l’étudiant en sciences pédagogiques (1972) de Paul Juif et de Fernand Dovero18 permet d’accéder à quelques intitulés d’enseignements lors des premières années de mise en place des sciences de l’éducation, à défaut d’en savoir davantage sur les contenus réellement abordés19. À la Sorbonne où les Sciences de l’éducation sont structurées dans une Unité d’Enseignement et de Recherche spécifique, une Unité de Valeur (UV) est entièrement consacrée à l’histoire de l’éducation. On y retrouve deux figures importantes : Georges Snyders, pour deux enseignements (« La pédagogie en France au XIXe siècle, d’après les textes, de Guizot à Jaurès » et « Travaux pratiques : initiation à l’étude de documents d’archives ») et Antoine Léon (avec un cours intitulé « La pédagogie au temps des révolutions de 1789 à 1871 ») (ibid., p. 188). À Bordeaux, où les certificats semblent avoir résisté à la mise en place des UV, on peut recenser dans le Certificat de pédagogie générale des enseignements de Geneviève Lombard-Navarri20 qui abordent l’histoire de la pédagogie avec une partie intitulée « Rousseau et l’éducation nouvelle », où il est question également de « pédagogie libertaire » et de « pédagogie populaire », et une autre partie « Socialisme et pédagogie », se penchant sur la question de l’utopie (de Considérant à Marx), l’éducation en URSS (dans les démocraties populaires) et les problèmes pédagogiques dans une perspective communiste (ibid., p. 194). Dans ce même Certificat, l’enseignement de Pierre Artemenko aborde les « Pédagogues et pédagogies de langue allemande », pendant que les cours donnés par Henri Boiraud portent sur l’histoire des institutions pédagogiques (en remontant jusqu’au XVIIIe siècle) et l’éducation comparée (notamment avec les contextes du « Tiers-Monde ») et ceux de Daniel Cormier renvoient à l’histoire de l’éducation où il est question de « Rome, Platon, Makarenko » (id.). Enfin, on peut également retrouver des traces d’histoire de la pédagogie à Grenoble avec la mention d’un enseignement de Pascal, « Histoire des doctrines et des institutions pédagogiques »21 (ibid., p. 197).

  • 22  Liste des sous-thématiques : I. Philosophie Psychologie, Sociologie, Politique et Éducation ; II.  (...)
  • 23  Le fascicule du Musée pédagogique intitulé Livres scolaires en usage dans les écoles primaires pub (...)
  • 24  Liste des sous-thématiques : I. Ouvrages généraux et manuels ; II. L’Antiquité ; III. Le Moyen Age (...)

12S’il ne s’agit que d’intitulés d’enseignement, cette première cartographie permet de faire quelques constats : la formulation « histoire de la pédagogie » cohabite avec l’appellation « histoire de l’éducation » (et parfois « histoire des institutions »), mais sans que la distinction semble particulièrement claire, et les contenus d’histoire de la pédagogie s’inscrivent de manière prédominante dans la partie « Pédagogie » du curriculum. Quelques années plus tôt, en 1968, Paul Juif et Fernand Dovero avait publié Manuel bibliographique des sciences de l’éducation alors que les sciences de l’éducation venaient tout juste d’être créées. Cet ouvrage est particulier : ce n’est pas une synthèse des bibliographiques des livres de formation, mais un ensemble de bibliographies, réalisées avec des services compétents, en lien avec ce qu’il se joue, du point de vue des auteurs, dans les sciences de l’éducation. Ce manuel est pensé à partir de thématiques et à destination d’un public large d’usagers : « futurs instituteurs, étudiants en psychologie et en pédagogie, maîtres, enseignants de tous niveaux, éducateurs de l’enfance inadaptée, étudiants en médecine, médecins pédiatres, conseillers d’orientation scolaire et professionnelle, psychologues scolaires, juges des enfants, inspecteurs de l’Éducation Nationale, administrateurs, etc. » (ibid., p. 1-2). Les catégories par lesquelles les bibliographies ont été constituées correspondent potentiellement à la manière dont le catalogage en bibliothèques était pensé à l’époque, et on s’aperçoit que l’histoire de la pédagogie est particulièrement visible dans les quatorze thématiques identifiées. Cependant, elle n’apparait pas dans la catégorie « Pédagogie » (VIII)22 alors même que c’est souvent dans le Certificat de Pédagogie générale que les enseignements d’histoire de la pédagogie ont existé d’un point de vue institutionnel et que la pédagogie et l’histoire de la pédagogie ont souvent été confondues dans d’autres catalogages plus anciens23. Dans l’ouvrage de Juif et Dovero, l’histoire de la pédagogie est donc autonome, puisqu’il y a une catégorie spécifique intitulée « Histoire de la pensée, des doctrines pédagogiques et des institutions scolaires » (VI)24. Cependant, les références présentées par les auteurs dans cette catégorie restent très hétérogènes. Certaines références d’ouvrages généraux et de manuels sont relativement attendues : L’histoire critique des doctrines de l’éducation en France de Compayré, L’histoire de l’instruction et de l’éducation de François Guex, L’histoire de la pédagogie de Georges Chevallaz, Histoire de la pédagogie de René Hubert, et même L’évolution pédagogique en France d’Émile Durkheim. Elles coexistent pourtant avec des publications du philosophe Joseph Leif : Histoire des institutions scolaires (avec Rustin) et Les doctrines pédagogiques par les textes (avec Biancheri). Cependant, lorsque l’on observe les sous-catégories (par période ou par thème), on constate que sont mélangées les références de publications historiques (réalisées par des historiens de formation, comme Marrou ou Riché), des références de philosophie de l’éducation (comme L’Émile de Rousseau ou encore Le traité de pédagogie de Kant), et des références liées aux thématiques mentionnées (références sur les réformes, la planification, etc.) et aux acteurs de la pédagogie eux-mêmes (par exemple, des écrits de Claparède, Freinet, Montessori ou Decroly), qui ne sont donc pas stricto sensu des travaux historiques.

13Un constat s’impose : les délimitations bibliographiques sont complexes et les limites entre la philosophie, l’histoire et même les biographies sont alors moins claires qu’on ne pourrait le croire. Ces difficultés n’apparaissent pas dans les années 1960, puisqu’on peut repérer parfois dans certains fonds d’archives des échanges entre auteurs et responsables de documentation au sujet de ces problèmes. C’est le cas, par exemple, de Boghoss Kévorkian, un historien de la pédagogie d’origine arménienne passé par la Suisse et évoluant pendant quelques années à Chypre (Riondet, 2024b) interpelant le chef du Service Bibliographique du Bureau International d’Éducation à Genève par rapport au classement de son livre L’Émile de Rousseau et l’Émile des Écoles Normales (1948) :

  • 25  Lettre de Boghoss Kévorkian au Chef de Service Bibliographique du Bureau International d’Éducation (...)

« Mon livre, qui n’a aucun rapport avec la vie de Jean-Jacques, est mis sous la rubrique : Biographies (page 6). Cela a été le cas aussi en ce qui concerne mon précédent ouvrage : Froebel devant la pédagogie scientifique qui est loin d’être une biographie de Froebel. La rubrique : « Histoire de la pédagogie », ne leur conviendrait-elle pas mieux ? J’avoue, toutefois, que mon ignorance en matière de classification des ouvrages est complète »25.

L’histoire de la pédagogie en sciences de l’éducation : entre transformation et disparition ?

  • 26  Cf. Caplat (1978).
  • 27  Dans le contexte contemporain, ce terme de « professionnalisation » signifie, dans la pratique, le (...)

14En France, l’émergence des sciences de l’éducation a précédé une des phases les plus importantes de la structuration du champ disciplinaire de l’histoire de l’éducation puisque le Service d’Histoire de l’Éducation est créé en 197026, quelques années avant la revue Histoire de l’éducation, ouvrant une nouvelle période dans l’évolution de l’histoire de l’éducation, où on assiste à une professionnalisation de ces recherches spécifiques en lien avec les normes de la recherche historique (Poucet, 2020)27. Cet élément contextuel est important à saisir. Au début des années 1970, l’histoire de l’éducation en sciences de l’éducation qui oscille entre histoire des institutions et histoire des œuvres pédagogiques, et dont les contours sont assez flous, coexiste avec un processus de structuration de l’histoire de l’éducation, où, au contraire, on se spécialise à une pratique historiographique spécifique. La recherche en histoire de l’éducation est alors disséminée dans différents contextes institutionnels et ce qu’il se passe en sciences de l’éducation est donc une situation très particulière. Une enquête de Pierre Caspard (1979) permet d’évaluer ces différents flux : sur 128 chercheurs travaillant en histoire de l’éducation recensés à la fin des années 1970 dans l’enseignement supérieur et les centres et instituts de recherches, 20 officient en sciences de l’éducation (ibid., p. 9).

15François Jacquet-Francillon (2007) est revenu sur les différences entre l’histoire de l’éducation propre aux sciences de l’éducation et cette histoire de l’éducation se développant souvent en dehors des sciences de l’éducation. La première, qui prend souvent la forme d’une histoire des institutions et des doctrines éducatives, revêt une forme traditionnelle d’historiographie centrée sur les institutions et les grands pédagogues. C’est une histoire des idées, s’intéressant aux auteurs, aux œuvres en privilégiant les discours, le déclaratif et les origines, et cherchant à mettre en valeur des aboutissements et des concrétisations : la politique scolaire républicaine, les méthodes pédagogiques modernes. C’est l’histoire d’un consensus progressif qui se trouve réalisé dans le présent : « Il y a un sens dans l’histoire et un sens de l’histoire » (ibid., p. 134). Selon Jacquet-Francillon, la seconde forme d’histoire, qui se présente davantage comme une histoire sociale et culturelle de l’éducation, est plus novatrice et suit les avancés de l’histoire sociale, de l’histoire culturelle, sans se focaliser sur quelques individus, en étant attentif aux ruptures et à différents phénomènes, comme la question de la culture scolaire et des savoirs scolaires, ou encore celles des pratiques.

  • 28  Nous remercions Marie Vergnon pour nous avoir fait part de ce document.
  • 29  On pourra ici détourner une célèbre phrase de Canguilhem demandant à la psychologie en plein essor (...)

16Cette coexistence a parfois donné lieu à des tensions. On le perçoit à travers certains comptes-rendus d’ouvrage dans la revue Histoire de l’éducation. Lorsque Pierre Caspard, figure emblématique du Service d’Histoire de l’éducation, revient en 1987 sur l’Introduction aux sciences de l’éducation du Guy Avanzini, il évoque « cette “vrai-fausse” présence » de l’histoire de l’éducation parmi les sciences de l’éducation. Quelques années plus tard, il s’indigne de la qualité d’un ouvrage de sciences de l’éducation, intitulé Histoire de l’éducation, et qui, aux yeux de Caspard, ne s’appuyait pas sur le développement de la recherche en histoire de l’éducation. À cette occasion, il signe un des comptes-rendus28 les plus courts de l’histoire de la revue. Après avoir montré que la bibliographie utilisée était mince et n’avait pas été actualisée, il écrit : « Ce petit dessin nous dispensera d’infliger un long discours, où il aurait été question de goût de poussière et d’odeur de rance » (1996, p. 148). Pour se représenter virtuellement la scène en présence29 on pourrait formuler la question suivante : l’histoire de l’éducation en sciences de l’éducation se destine-t-elle à de la vulgarisation, voire de la patrimonialisation, ou se projette-t-elle vers une forme de recherche historique sur archives ? C’est en effet ce qui a été longtemps été au cœur des critiques ; en rester aux grands pédagogues, les consacrer et trouver des débouchés à leur production, aux mépris de l’évolution de l’historiographie et de la pratique historienne. Rien ne dit que ces constats par ailleurs légitimes soient encore totalement d’actualité dans le sens où, de plus en plus, l’histoire de la pédagogie s’effectue en se rapprochant des usages des pratiques historiennes. Comment l’expliquer ?

  • 30  Ce ne fut pas sans certains quiproquos, à l’image de cette citation de Jean-Luc Le Cam, un histori (...)

17Premier élément pour saisir les évolutions de l’histoire de la pédagogie : cette histoire est de moins en moins une aventure individuelle mais une démarche de recherche au sein d’un champ relativement structuré. Si, institutionnellement, le Service d’Histoire de l’éducation n’est plus, d’autres acteurs collectifs ont pris le relais, à l’instar de l’Association Transdisciplinaire pour les Recherches Historiques sur l’Éducation (ATHRE) qui, même si sa création fut parfois interprétée comme une volonté de structurer l’histoire de l’éducation en sciences de l’éducation30, a sans doute permis, avec d’autres acteurs et réseaux, de faire perdurer le champ de l’histoire de l’éducation dans le paysage universitaire francophone. Comme le faisait remarquer Antoine Prost, le nombre de publications en histoire, et notamment en lien avec l’éducation, a littéralement explosé (2019, p. 11). Les nouvelles générations de chercheurs travaillant en histoire de la pédagogie ont en réalité « grandi » dans ce cadre.

  • 31  Il faudra un jour étudier les liens avec les recherches francophones sur l’histoire de l’Éducation (...)

18Deuxième élément pour réfléchir aux évolutions de l’histoire de la pédagogie : on peut estimer que le développement des études sur l’Éducation Nouvelle, d’un point de vue historique, a sans doute contribué à encourager les historiens de la pédagogie à re-penser leurs pratiques. En effet, on pourrait sans doute reprendre la formulation de François Dosse « L’histoire en miettes » et parler d’« histoire de l’éducation en miettes » pour évoquer de la pluralité de territoires qui se jouent maintenant en histoire de l’éducation. Incontestablement, les études historiques sur l’Éducation nouvelle représentent l’un de ces territoires. La 26e session de l’International Standing Conference for the History of Éducation (ISCHE), intitulée « L’Éducation nouvelle, genèse et métamorphoses » (Magnin & Hofstetter, 2006), qui s’est déroulé à l’Université de Genève, représente la territorialisation de cet objet dans l’histoire de l’éducation à l’échelle internationale. Dans l’espace francophone, les travaux universitaires, les congrès, les numéros de revue scientifiques et les ouvrages collectifs consacrés à cet objet sont légion depuis une vingtaine d’années (Ohayon et al., 2004 ; Hofstetter & Schneuwly, 2006 ; Gutierrez, 2011 ; Gutierrez et al., 2012 ; Riondet et al., 2018). Sans restreindre l’histoire de la pédagogie à l’histoire de l’Éducation Nouvelle, on peut faire l’hypothèse que le recours aux archives et à la méthodologie historique en histoire de la pédagogie a profité de cette montée en puissance de l’histoire de l’Éducation Nouvelle francophone31. Depuis quelques années, différentes publications montrent la nature de ces évolutions dans l’histoire de la pédagogie contemporaine au-delà du simple recours à l’archive : l’utilisation de l’épistémologie des transferts culturels en histoire de la pédagogie (Fontaine, 2015 ; Fontaine & Goubet, 2016) ; la réflexion sur les trajectoires et les champs pour rompre avec les travers du genre biographique pour travailler sur les pédagogues et les pédagogies (Riondet et al., 2018), la centration sur les processus circulatoires et les connections (Droux & Hofstetter, 2015 ; D’Enfert et al., 2023 ; Alix & Kahn, 2023), qui renvoient à de nombreuses réflexions épistémologiques au cœur de la recherche historique contemporaine.

  • 32  On doit à Henri Louis Go une réflexion importante sur cette question des pratiques correctes. Cf. (...)
  • 33  En collaboration avec plusieurs enseignants-chercheurs dont notamment Pierre Gégout, Frédérique Ma (...)
  • 34  Relire Freinet ou Montessori dans des collectifs, comme d’autres s’évertuèrent à relire Marx dans (...)

19Un autre aspect témoignant de cette nouvelle configuration de l’histoire de la pédagogie au sein des sciences de l’éducation et de la formation françaises contemporaines est le prolongement de cette histoire dans des dialogues intra-disciplinaires (à l’intérieur des sciences de l’éducation) et inter-disciplinaires (en confrontant des approches disciplinaires distinctes : ethnographie, didactique, histoire, philosophie, etc.) dans le cadre d’études compréhensives des pédagogies dites « historiques ». L’histoire de la pédagogie se constitue d’œuvres pédagogiques qui se sont concrétisées dans des styles pédagogiques spécifiques définis par la référence à un « nom propre » (pédagogie Freinet, pédagogie Montessori, pédagogie Decroly, etc.) qui ont survécu à leurs fondateurs. Décrire, objectiver et comprendre ces pédagogies « historiques » et leurs pratiques spécifiques est devenu une nécessité pour être en mesure de distinguer les pratiques « correctes »32 des pratiques déformées de ces pédagogies. C’est ce qui a permis de structurer certaines recherches sur la pédagogie Freinet, centrées sur l’École Freinet à Vence, dans le prolongement du travail d’Henri Louis Go33. Le raisonnement à l’œuvre était le suivant : « La question des pratiques correctes doit être traitée de deux façons : d’abord en consultant l’histoire de ces pratiques, ensuite en les étudiant sur le terrain » (Go & Riondet, 2020, p. 614-615). La volonté d’objectiver la spécificité de ces styles pédagogiques, à la fois du point de vue théorique mais également pratique, a profité de plusieurs événements et possibilités : accessibilité de fonds d’archives, développement de l’observation ethnographique, usage de films d’étude de situations d’apprentissage analysés à partir de concepts didactiques, étude philosophique collective des œuvres34. Les recherches menées par Bérengère Kolly (2018, 2019, 2020) sur la pédagogie Montessori s’inscrivent dans la même lignée épistémologique. Ces recherches qui mobilisent l’histoire de la pédagogie sans s’y restreindre, permirent notamment de retravailler, suite à certaines observations ethnographiques, certains aspects que les lectures historiques habituelles avaient laissées sur le côté (par exemple, la part du paysage – et du paysagement – comme composante de la pédagogie Freinet), et de documenter, par l’analyse historique et philosophique, certains débats contemporains, qui n’étaient pas simplement des différents entre personnes mais des controverses épistémologiques et didactiques cruciales (la question du corps et de la santé dans l’éducation scolaire, l’évolution de la dénomination des techniques Freinet, mais également des questions relatives aux temps de récréation). On pourrait ainsi dire que l’histoire de la pédagogie a pu opérer sa mue, d’un point de vue épistémologique et méthodologique, en ne restreignant plus aux seuls écrits des pédagogues pour en faire l’histoire et en tirant profit de techniques d’enquêtes variées. Dans ce contexte, l’historien de la pédagogie n’est plus seulement un philosophe dans un bureau, mais un chercheur qui consulte les archives et se rend sur le terrain des pratiques.

  • 35  Devenu par la suite École Supérieure du Professorat et de l’Éducation (ESPE) puis Instituts Nation (...)
  • 36  Dans la pratique, il en fut souvent autrement, car, à moyens constants, il fut difficile de déploy (...)
  • 37  L’histoire de la pédagogie a été portée par d’illustres collègues (dont Snyders, Avanzini, Hamelin (...)

20Si ces précisions permettent d’observer des changements importants dans la manière d’aborder l’histoire de la pédagogie, ces évolutions restent cantonnées à des petits réseaux de chercheurs qui ne sont pas nécessairement en positionnement dominante dans la discipline. Il manque donc un élément pour comprendre la survivance de l’histoire de la pédagogie dans le paysage institutionnel contemporain. Un dernier point est à relever est lié à l’évolution de la discipline des sciences de l’éducation en France. Une évolution en deux temps. Tout d’abord, cette discipline qui ne commençait qu’en troisième année post-bac (après l’obtention d’un DEUG) a vu dans les années 1990 et 2000 ses flux d’étudiants croître en lien avec une stratégie : obtenir une licence où l’on aborde des questions relatives à la pédagogie et à l’École avant de passer le concours pour entrer à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres35. Puis, dans un deuxième temps, avec la demande ministérielle de faire de véritable licence de sciences de l’éducation en trois ans36, ces offres de formation servirent de plus en plus, non pas de préparation formelle aux métiers de l’enseignement, mais de formation à une culture pédagogique afin de faire office de première sensibilisation aux thématiques en jeu dans les institutions éducatives et notamment dans le monde de l’enseignement. C’est en réalité dans ce contexte que le spectre de l’histoire de la pédagogie a pu perdurer car les réflexions autour des maquettes de formation ont fait émerger cette nécessité d’évoquer quelques figures pédagogiques ou thématiques fondamentales de la pédagogie. Cette survivance reste néanmoins traversée par un paradoxe : les contemporains ont encore besoin d’histoire de la pédagogie, mais le problème, c’est qu’il n’y a presque plus d’historiens de la pédagogie dans les structures de formation37.

  • 38  La différence se situerait peut-être dans la dimension « dissensuelle » que l’on place, ou non, au (...)

21Faut-il parler de disparition ou de transformation ? Il est indéniable qu’une sociologie bien spécifique des historiens de la pédagogie est apparue dans notre étude lorsqu’il était question de la science de l’éducation. Nous avons pu ensuite observer comment ce profil initial très spécifique d’historien de la pédagogie a perduré pendant plusieurs décennies dans des contextes différents. Aujourd’hui, quelques collègues de plus en plus isolés au sein d’une discipline universitaire qui s’est métamorphosée se distinguent encore, sinon par une formation philosophique, au moins par un rapport à la philosophie, et s’intéresse toujours aux pédagogues et aux œuvres pédagogiques dans le but de faire évoluer les pratiques éducatives contemporaines. Ce type de profil semble néanmoins se raréfier, ou tout du moins se reconfigurer. Pour autant, et malgré ce qui apparaît comme un déclin, les licences de sciences de l’éducation, en tant que formation universitaire très prisée par les étudiants souhaitant passer le concours de professorat des écoles, restent des espaces hantés par ce spectre de l’histoire de la pédagogie dans le sens où les grands pédagogues et les pédagogies dites historiques sont toujours évoqués, mais parfois par d’autres profils d’acteurs qui peuvent être des intervenants professionnels, des psychologues ou des sociologues. Ce serait peut-être donc moins une disparition de l’histoire de la pédagogie qu’une transformation de ce champ d’enseignement et de recherche. L’avenir dira évidemment ce qu’il adviendra de cette histoire de la pédagogie sans historiens de la pédagogie. On peut faire l’hypothèse qu’il existe peut-être une différence de conjoncture : les historiens de la pédagogie des années 1960 intervenaient pour faire infléchir les normes éducatives qui ne faisaient pas assez de place à l’enfance alors qu’aujourd’hui les discours sur la pédagogie à l’université semblent parfois davantage compatibles avec les normes dominantes38, ce qui constituerait peut-être un élément à documenter plus en détails.

Conclusion : L’histoire de la pédagogie, une histoire pour non historiens avec des finalités spécifiques ?

22L’histoire de la pédagogie autrefois en position dominante était initialement marquée par une forme de production particulière : le manuel, la conférence ou la leçon de philosophe circulant à travers les textes pédagogiques et s’adressant à de futurs praticiens destinés à œuvrer dans les institutions. Plusieurs décennies plus tard, cette histoire de la pédagogie a fait face à plusieurs défis. Pour comprendre ces évolutions, ces quelques lignes de Georges Snyders produites en 1965 sont instructives :

  • 39  Je souligne ce passage car il me semble important.

« L’histoire de la pédagogie ne semble pas être tellement en honneur aujourd’hui, du moins en France ; les travaux ne sont pas si nombreux qui sont consacrés à tel pédagogue du passé, ni non plus ceux qui s’efforcent d’étudier un courant pédagogique, un système d’éducation. Outre les difficultés de la tâche et la double compétence qui y serait nécessaire (et, pour notre part, nous avons durement éprouvé notre manque de formation au travail d’historien39), n’y-a-t-il pas à ce dédain une raison de fond ? La pédagogie d’aujourd’hui, si soucieuse – et à bon droit – de s’appuyer sur la psychologie de l’enfant, ne semble pas éprouver le besoin de prendre appui sur son propre passé, ne semble pas attendre de son passé qu’il puisse l’aider à résoudre ses problèmes actuels. C’est peut-être que, pour beaucoup, la notion même d’histoire de la pédagogie n’a pas pris une existence réelle » (Snyders, 1965, p. 2-3).

23Snyders évoquait avec lucidité la crise épistémologique au cœur de l’histoire de la pédagogie (le respect de l’épistémologie historique) et le peu d’entrain pour cette histoire, tout en suggérant l’intérêt qu’elle pouvait présenter : contribuer à la compréhension de formes pédagogiques spécifiques. C’est ce qui fut le programme intellectuel de ce philosophe durant les années 1970 : déceler la part progressiste en jeu dans différentes expériences et réflexions pédagogiques (pédagogie Freinet, pédagogie institutionnelle, non-directivité, etc.) dans un contexte de crise de l’institution scolaire jugée trop immobiliste et conservatrice (Riondet, 2022). Même si l’histoire de la pédagogie a perduré durant toutes années, ces défis épistémologiques sont restés des enjeux majeurs au sein de ce champ (Riondet, 2024a).

  • 40  Une conférence du célèbre historien Charles Seignobos sur l’enseignement de l’histoire portait sur (...)

24Pour conclure, on peut se demander, par-delà les évolutions qui se sont jouées dans ce champ, si ce qui fait le cœur de cette histoire spécifique n’est pas l’utilité qu’elle vise implicitement depuis toutes ces années : c’est une forme d’histoire qui, en s’adressant à des futurs praticiens qui n’ambitionnent pas de devenir historien, cherche à produire des « effets utiles indirects »40. Sans le dire précisément, cette forme d’histoire veut encourager l’entrée de ces futurs praticiens dans les institutions éducatives, en faisant en sorte qu’ils soient prêts à faire vivre certaines valeurs en recherchant un juste milieu, le progressisme éducatif sans la démagogie. Une question demeure : jusqu’à quand tiendra ce champ de l’histoire de la pédagogie ? Redoutable interrogation d’autant que l’on peut déjà identifier plusieurs obstacles.

  • 41  Par rapport à d’autres sous-champs de l’histoire de l’éducation, comme l’histoire sociale ou cultu (...)
  • 42  Les éducateurs doivent prolonger l’œuvre de leurs ainés en s’en inspirant, ils doivent habiter et (...)

25La première difficulté, c’est que l’histoire de la pédagogie n’est pas nécessairement dans une position favorable dans la conjoncture actuelle où la recherche en éducation est davantage dominée par d’autres approches, qu’elles soient sociologiques, psychologiques ou didactiques, et même au sein du champ de l’histoire de l’éducation où elle est parfois un genre minoritaire41. Cette histoire de la pédagogie, qui suggère des marges de manœuvres en s’intéressant aux pratiques et aux théories et qui repose initialement sur le postulat de l’agentivité des éducateurs42, est également fragilisée par d’autres processus. On sous-estime souvent un fait : l’âge de gloire de l’histoire de la pédagogie correspond à la mise en place de la science de l’éducation dans le contexte des politiques scolaires de la IIIe République et du développement de l’édition et des bibliothèques. À cette époque, l’histoire de la pédagogie était, d’une certaine manière, le livre de chevet de l’éducateur se destinant à l’enseignement primaire. Aujourd’hui, l’usage croissant de la connaissance psychologique par le pouvoir politique pour dire les bonnes pratiques et dissuader le tâtonnement des éducateurs relègue sans doute les ouvrages d’histoire de la pédagogie aux armoires poussiéreuses de certaines bibliothèques, d’autant qu’il n’est pas sûr que les sciences de l’éducation, dans lesquelles on retrouve la référence à cette histoire de la pédagogie, seront toujours liées à la question de la formation des enseignants dans l’avenir. La seconde difficulté, c’est le renouvellement des forces vives de ce champ. En effet, la pratique de l’histoire de la pédagogie demande dorénavant non seulement un ancrage dans les sciences de l’éducation, un souci de l’épistémologie historique et des compétences en philosophie. Or, dans un contexte où un nombre conséquent de collègues spécialisés sur ces questions sont partis en retraite, ce profil atypique est devenu rare, d’autant qu’il correspond à des formations et des expériences bien différentes dans un contexte contemporain où l’on suit des études et des cursus complets, soit en histoire, soit en philosophie ou en sciences de l’éducation. Dans les concours de recrutement (et plus particulièrement ceux des maîtres de conférences), c’est donc de plus en plus un « mouton à cinq pattes » qui est recherché car tous les cursus de sciences de l’éducation ne contiennent pas de formation à l’histoire ou à la philosophie, pas plus que les cursus en histoire ou en philosophie ne proposent de travailler spécifiquement sur l’objet « pédagogie ».

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Notes

1  Je dédie cette contribution à Danielle Morali qui m’a transmis sa passion pour cette histoire et m’a fait comprendre, par sa présence, les enjeux de cette histoire de la pédagogie. Je dédie également ce texte à Rita Hofstetter et Bernard Schneuwly dont les travaux sur l’histoire des sciences de l’éducation à Genève ont été une source d’inspiration importante.

2  Cf. Planchard (1968). Ce recensement de références n’est évidemment pas exhaustif.

3  Si, au niveau éditorial, l’histoire de la pédagogie n’est peut-être plus aussi visible qu’elle ne l’était pas auparavant, certaines manifestations récentes ont contribué à lui garder une place de choix dans les réflexions sur l’actualité éducative. On peut citer notamment le colloque international du Comité Universitaire d’Information Pédagogique, intitulé « L’Éducation nouvelle : héritages, (ré)inventions, actualité » qui s’est déroulé à Paris en juin 2023.

4  À l’heure actuelle, on peut considérer qu’au sein de l’histoire de l’éducation, l’histoire de la pédagogie constitue une des sous-spécialités de ce champ global.

5  En tant que l’histoire est « connaissance par traces » (Prost, 1996, p. 67).

6  Dans le cadre du contexte scolaire de la IIIe République, Prost (1968) distingue l’école du peuple et l’école des notables.

7  Baudelot et Establet (1971) distinguent un réseau de scolarisation Primaire-Professionnel et un autre réseau Secondaire-Supérieur.

8  On peut ici repenser à cette citation de Maurice Halbwachs : « Il n’est pas de grande administration où, à côté de la technique, il n’y ait aussi des traditions, et tout homme qui entre dans une profession doit, en même temps qu’il apprend à appliquer certaines règles pratiques, se pénétrer de cet esprit qu’on peut appeler corporatif, et qui est comme la mémoire collective du groupe professionnel » (1925/1976, p. 242-243). Dans le contexte évoqué, il est indéniable que, du point de vue des historiens de la pédagogie, la pédagogie renvoie à cet « esprit » dont doivent se prévaloir les éducateurs scolaires lorsqu’ils œuvrent au sein des classes.

9  Sur ces questions, cf. notamment Marmoz (1988) et plus récemment Laot et Rogers (2015).

10  Le premier tome du Traité de sciences pédagogiques énumère en ces termes les possibilités de choix pour le C4 : Histoire et philosophie de l’éducation, éducation comparée, psychopédagogie des enfants inadaptés, psychopédagogie des adultes, socio-économie de l’éducation, techniques pédagogiques nouvelles, pédagogie expérimentale, psychologie expérimentale, psychologie pathologique, psychologie sociale, psychologie génétique, psychologie différentielle, démographie, linguistique appliquée, ethnologie, histoire des sciences et des techniques, économique politique et sociale. Une liste de certificat délivrés par d’autres Facultés est également évoquée (Dottrens & Mialaret, 1969, p. 66).

11  Dans le contexte de la science de l’éducation, l’histoire de la pédagogie est présente, au niveau local, en fonction de l’offre universitaire. Néanmoins, en 1909, on recense 12 facultés différentes proposant un cours de science de l’éducation et de pédagogie (Gautherin, 2006, p. 28). Dans le cadre des sciences de l’éducation, il n’y a pas, d’emblée, des sections (ou des départements) de sciences de l’éducation dans toutes les facultés de lettres et sciences humaines et sociales. Cependant, lorsque c’est le cas, on observe souvent un enseignement relatif à l’histoire de la pédagogie.

12  On perçoit ces liens entre pédagogie et psychologie dans la trajectoire des trois grandes figures emblématiques des premières années des sciences de l’éducation (Gaston Mialaret, Maurice Debesse et Jean Château) (Marmoz, 1988), puisqu’avant 1967, Debesse était initialement titulaire d’une chaire de pédagogie à la Sorbonne et Château titulaire d’une chaire de pédagogie et de psychologie à la Bordeaux.

13  Henri Delacroix (1873-1937).

14  « De toutes les études sur l’éducation qui ont pris un caractère scientifique, l’histoire de la pédagogie est sans doute la plus ancienne. Ce n’est peut-être pas pour autant la plus assurée, à l’heure actuelle, et, comme chacune des sciences humaines, elle a, nous le verrons, ses problèmes » (Debesse, 1971, p. 5).

15  « L’histoire de la pédagogie a grandi, comme les autres sciences historiques, au XIXe siècle, avec un léger retard, et a évolué avec elles. C’est ce que l’on constate en prenant l’exemple français, si l’on compare les ouvrages historiques sur l’éducation de Cournot, de Compayré, de Durkheim et de Hubert qui jalonnent les cent dernières années. On est passé de l’étude des événements et des hommes à une histoire plus sociologique, de l’histoire philosophique et critique à celle qui s’intéresse aujourd’hui à “l’entreprise éducation” » (ibid., p. 6).

16  « Elle a les mêmes exigences méthodologiques, c’est-à-dire que les règles de la méthode historique s’y appliquent : respect des textes, critique des documents, précision des références, rigueur de l’analyse et souci de l’objectivité. L’histoire de la pédagogie n’est pas considérée comme une réalité en soi. Elle fait partie de l’histoire de la civilisation, dans le cadre de l’histoire générale » (ibid., p. 6).

17  En évitant l’« illusion rétrospective » (p. 8) et en refusant de « monter en épingle de ressemblances fortuites, des analogies superficielles entre un passé lointain et ce qu’on observe à l’heure présente, à trouver des précurseurs aux mouvements pédagogiques actuels, des modèles historiques aux courants éducatifs les plus récents ».

18  Paul Juif, directeur de l’École Normale des Bouches du Rhône, et Fernand Dovero, chargé d’enseignement au Centre Régional de pédagogie Spéciale d’Aix.

19  Depuis quelques années, plusieurs collègues ont repris ce chantier de l’histoire des sciences de l’éducation et de la formation qui avait été entamé par certains collègues, comme notamment Louis Marmoz. Outre les travaux dirigés par Françoise Laot et Rebecca Rogers (2015) il y a quelques années et les précieuses contributions de Nassira Hedjerassi (2017a ; 2017b), on peut également faire référence aux collègues mobilisées dans la relance de la Commission Archives de l’Association des Enseignants et Chercheurs en Sciences de l’Éducation (AECSE), dont notamment Laurent Gutierrez, Sébastien-Akira Alix, Marie Vergnon et l’auteur de cet article.

20  Agrégée de philosophie, Geneviève Lombard a été professeure à l’École normale d’institutrices de Caudéran en Gironde et membre du Parti Communiste de 1952 à 1969. Elle devint assistante à la faculté de Bordeaux avant d’y occuper un poste de maîtresse de conférences jusqu’à sa retraite en 1988 (Girault, 2022).

21  Cet inventaire n’est évidemment pas exhaustif.

22  Liste des sous-thématiques : I. Philosophie Psychologie, Sociologie, Politique et Éducation ; II. Traité et manuels de pédagogie générale ; III. Problèmes généraux (A. L’éducation intellectuelle ; B. L’éducation affective et morale ; C. L’éducation esthétique ; D. Questions diverses) ; IV. Les méthodes en pédagogie (A. Ouvrages généraux ; B. Les positions de l’École active ; C. Les techniques de la pédagogie active ; D. Recherche pédagogique. Pédagogie scientifique et expérimentation ; E. Enseignement programmé, machines à enseigner et techniques diverses).

23  Le fascicule du Musée pédagogique intitulé Livres scolaires en usage dans les écoles primaires publiques (1889b) se constitue d’un catalogue de références qui ont été compilées à partir de listes de livres réalisées par les conférences cantonales d’instituteurs. Sur les dix-huit séries recensées, c’est dans la série « P » (« Éducation - Pédagogie - Enseignement général) que l’on trouve les manuels d’histoire de la pédagogie.

24  Liste des sous-thématiques : I. Ouvrages généraux et manuels ; II. L’Antiquité ; III. Le Moyen Age ; IV. La Renaissance et l’Age Classique ; V. De la Révolution à nos jours (A. Éducation de l’enfant normal ; B. Éducation de l’enfant en difficulté) ; VI. Problèmes spéciaux (A. Le « Problème scolaire » (liberté de l’enseignement, laïcité de l’enseignement) ; B. Réforme et démocratisation de l’enseignement ; C. Enseignement et planification).

25  Lettre de Boghoss Kévorkian au Chef de Service Bibliographique du Bureau International d’Éducation datant du 20 novembre 1948. Correspondance : Ke-Kh. IBE Historical Archives, 1925-1969. Archives du BIE, Genève.

26  Cf. Caplat (1978).

27  Dans le contexte contemporain, ce terme de « professionnalisation » signifie, dans la pratique, le respect des normes de la 22e section lorsqu’il s’agit de faire de la recherche en histoire de l’éducation.

28  Nous remercions Marie Vergnon pour nous avoir fait part de ce document.

29  On pourra ici détourner une célèbre phrase de Canguilhem demandant à la psychologie en plein essor après 1945 si, en sortant de la Sorbonne, elle se dirige plutôt vers la préfecture de police ou vers le panthéon : « C’est donc très vulgairement que la philosophie pose à la psychologie la question : dites-moi à quoi vous tendez, pour que je sache ce que vous êtes ? Mais le philosophe peut aussi s’adresser au psychologue sous la forme – une fois n’est pas coutume – d’un conseil d’orientation, et dire : quand on sort de la Sorbonne par la rue Saint-Jacques, on peut monter ou descendre, si l’on va en montant, on se rapproche du Panthéon qui est le Conservatoire de quelques grands hommes, mais si l’on va en descendant, on se dirige sûrement vers la Préfecture de Police » (1968, p. 381).

30  Ce ne fut pas sans certains quiproquos, à l’image de cette citation de Jean-Luc Le Cam, un historien qui rejoindra les rangs de l’ATRHE après-coup : « Tout au plus pourrait-on interpréter la formation récente de l’ATRHE […] comme une critique implicite de l’hégémonie des historiens dans les institutions d’histoire de l’éducation » (Le Cam, 2013, p. 115).

31  Il faudra un jour étudier les liens avec les recherches francophones sur l’histoire de l’Éducation Nouvelle avec les recherches sur ce même objet de recherche provenant d’autres espaces linguistiques.

32  On doit à Henri Louis Go une réflexion importante sur cette question des pratiques correctes. Cf. récemment Go et Prot (2023).

33  En collaboration avec plusieurs enseignants-chercheurs dont notamment Pierre Gégout, Frédérique Marie Prot, Thibaut Bouchet-Gimenez.

34  Relire Freinet ou Montessori dans des collectifs, comme d’autres s’évertuèrent à relire Marx dans des séminaires.

35  Devenu par la suite École Supérieure du Professorat et de l’Éducation (ESPE) puis Instituts Nationaux Supérieurs du Professorat de l’Éducation (INSPE).

36  Dans la pratique, il en fut souvent autrement, car, à moyens constants, il fut difficile de déployer des licences de sciences de l’éducation totalement autonomes sur les trois années du diplôme (c’est-à-dire sans recourir à d’autres collègues d’autres départements).

37  L’histoire de la pédagogie a été portée par d’illustres collègues (dont Snyders, Avanzini, Hameline, Soëtard, Houssaye, Peyronie, Vergnioux, Meirieu ou plus récemment Chalmel) dont les profils de poste n’ont pas toujours été conservés ou prolongés, pour diverses raisons.

38  La différence se situerait peut-être dans la dimension « dissensuelle » que l’on place, ou non, au cœur de l’histoire de la pédagogie lorsqu’on exhume des savoirs ensevelis sur la pédagogie pour les confronter aux normes éducatives dominantes à l’œuvre aujourd’hui (Riondet, 2024b).

39  Je souligne ce passage car il me semble important.

40  Une conférence du célèbre historien Charles Seignobos sur l’enseignement de l’histoire portait sur ce que l’auteur appelait déjà une vieille question (« Quel est le but de l’histoire ? ») et renvoyant une vieille réponse (« L’histoire peut servir à faire l’éducation politique des élèves ») (Seignobos, 1907, p. 1). Il expliquait que ce que l’on attendait de l’histoire, notamment dans l’enseignement primaire où à l’époque il ne s’agit pas de sensibiliser les élèves à la pratique de l’historien, est « un effet utile indirect » (ibid., p. 2). Il est intéressant de reprendre cette formulation pour saisir la nature de l’histoire de l’éducation en sciences de l’éducation, et en particulier la nature de l’histoire de la pédagogie.

41  Par rapport à d’autres sous-champs de l’histoire de l’éducation, comme l’histoire sociale ou culturelle de l’éducation.

42  Les éducateurs doivent prolonger l’œuvre de leurs ainés en s’en inspirant, ils doivent habiter et faire vivre les institutions avec un certain état d’esprit.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Xavier Riondet, « Le spectre de l’histoire de la pédagogie en France »Tréma [En ligne], 61 | 2024, mis en ligne le 15 octobre 2024, consulté le 16 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/trema/9020 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12hp0

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