L’éducation populaire est-elle toujours d’actualité ?
Texte intégral
1Née au XIXe siècle comme « la dimension culturelle du mouvement ouvrier » (Luc Carton), l’Éducation populaire pourrait apparaître aujourd’hui dépassée. En effet, le contexte politique et social, mais aussi technologique et géopolitique, a radicalement changé. Des problèmes nouveaux se posent comme la crise écologique ou l’emprise des réseaux sociaux. Pourtant à y regarder de près, il est bien possible que les promoteurs de l’Éducation populaire aient plutôt été en avance sur leur temps. Ainsi peut-on lire dans le Manifeste de Pontigny, rédigé en 1937 par des organisations ouvrières venue de toute l’Europe :
« Il ne s’agit pas de diffuser un nouveau catéchisme, même un catéchisme populaire. Il s’agit de former des hommes capables d’esprit critique. Avoir l’esprit critique, c’est vouloir comprendre avant d’accepter, pouvoir juger pour choisir. (…) Persuadés du rôle primordial des faits économiques dans l’évolution des sociétés, certains en étaient venus à méconnaître les facteurs psychologiques et sociaux. Ils oubliaient qu’il ne servirait à rien de bâtir un monde économique nouveau si l’on ne préparait pas dès maintenant des hommes capables d’y bien vivre. Sinon l’équipe gouvernante changera peut-être, mais l’oppression et l’injustice renaîtront d’elle-même… Il faut, en particulier, que nous puissions nourrir les aspirations des jeunes, que nous puissions offrir à leur énergie autre chose que l’exaltation de telle vedette, ou la haine partisane née dans l’aveuglement, ou même une déification sommaire du sport… »
2Ce programme est évidemment plus que jamais d’actualité. Non que la question économique ait disparu ; elle est plus présente que jamais et les inégalités se creusent. Mais il semble bien que la montée des populismes qui menacent toute l’Europe oblige à rebattre les cartes. Il faut, plus que jamais, s’interroger sur les facteurs culturels et sur la manière de contrecarrer les idéologies figées et dogmatiques qui caricaturent le monde et désignent des boucs émissaires. Comme dans les années 1930, on ne peut ignorer ni la montée des thèses d’extrême droite ni l’attraction qu’elles exercent sur les droites traditionnelles. D’autant plus que cela est aujourd’hui massivement relayé par des médias influents qui parviennent à phagocyter le débat démocratique.
3C’est pourquoi il faut revisiter les fondamentaux de l’Éducation populaire. Et d’abord l’articulation entre la pensée et l’action : contre l’abandon de la réflexion à une élite et pour permettre à toutes et tous, sur tous les lieux de vie, d’accéder aux savoirs qui permettent d’élargir leur capacité d’agir. Mais aussi l’articulation entre la politique et la pédagogie : contre « la misère symbolique du capitalisme pulsionnel » (Bernard Stiegler) et pour une réelle formation tout au long de la vie, permettant, partout, de faire vivre la démocratie. Et, enfin, l’articulation entre l’émancipation individuelle et la construction du commun : contre toutes les formes de repli individualistes et communautaristes et pour la mise en place de vrais collectifs solidaires.
4Lien vers vidéo : https://video.umontpellier.fr/video/21012-philippe-meirieu-leducation-populaire-est-elle-toujours-dactualite/
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Titre | Figure 1 |
URL | http://journals.openedition.org/trema/docannexe/image/9357/img-1.png |
Fichier | image/png, 391k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Philippe Meirieu, « L’éducation populaire est-elle toujours d’actualité ? », Tréma [En ligne], 63 | 2025, mis en ligne le 11 avril 2025, consulté le 28 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/trema/9357 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13r4y
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