L’école, entendue dans cet appel comme l’ensemble des établissements préscolaires à la fin du secondaire, n’est pas un lieu ordinaire ; c’est un « monde habité » (Payet & Franchi, 2010, p. 100). Elle constitue en soi une microsociété structurée spatialement, socialement et temporellement. En tant qu’espace de vie, elle accueille et génère des dynamiques multiples, façonnées par une pluralité d’acteurs – élèves, enseignants, administratifs, médico-sociaux, direction, parents, etc. – qui l’investissent selon des modalités et temporalités diverses (Lefebvre, 1974 ; Lazzarotti, 2006).
Dans cette approche, l’espace scolaire est bien plus qu’un simple cadre physique : il est à la fois structuré par les usages et interactions des individus qui l’occupent et, en retour, façonne leurs pratiques et représentations. Monnard (2015) illustre cette relation dialectique en démontrant que l’habiter scolaire influe sur les dimensions sociopsychologiques des usagers – en mobilisant notamment des expériences cognitives, sensorielles et affectives.
Cette perspective justifie une approche spatiale de l’école, attentive aux multiples dimensions – physiques, sociales et symboliques – que véhicule l’espace scolaire. D’ailleurs, des recherches menées dans d’autres secteurs montrent que des espaces adaptés jouent un rôle important dans le renforcement des dynamiques collaboratives, l’amélioration de la performance et l’optimisation du bien-être des usagers (van de Leemput, 2016). Une approche holistique et pluridisciplinaire s’impose donc pour (re)penser la conception des espaces scolaires en tenant compte des besoins, des pratiques, de la pluralité d’acteurs qui habitent l’école.
L’espace scolaire ne se limite pas à une entité matérielle figée ; il constitue une production sociale dynamique, façonnée par les interactions et représentations des usagers (Foucault, 1997 ; Lefebvre, 1974 ; Lussault, 2009 ; Massey, 2005). Henri Lefebvre (1974) propose une conceptualisation tripartite de l’espace, distinguant :
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Les représentations de l’espace, correspondant aux discours institutionnels et aux conceptions formalisées par les acteurs politiques et éducatifs (espace conçu).
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La pratique spatiale, qui renvoie aux usages quotidiens et aux dynamiques matérielles (espace perçu).
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Les espaces de représentation, englobant les expériences subjectives et vécues des usagers (espace vécu).
Cette triplicité met en évidence la dimension à la fois construite et structurante de l’espace, révélant ses effets sur les interactions sociales et les conditions de travail des enseignants. Loin d’être un cadre neutre, l’espace scolaire reflète et produit des tensions entre pratiques effectives, représentations dominantes et expériences subjectives (Monnard, 2017).
L’analyse de ces dimensions offre une grille de lecture pertinente pour comprendre comment les établissements éducatifs sont à la fois façonnés par les pratiques sociales et générateurs de nouvelles dynamiques relationnelles. L’espace scolaire constitue ainsi un champ d’étude essentiel pour analyser les interactions entre environnement matériel, organisation sociale et pédagogie.
L’espace de travail se définit en grande partie par les activités qui s’y déroulent, structurant un environnement propre aux pratiques qui s’y inscrivent (Monjaret, 1996). Dans le cadre des bâtiments scolaires, cet espace relève d’une construction humaine dont la finalité première est d’accueillir et de structurer les activités d’enseignement et d’apprentissage (Lermigeaux, 2018). Sa singularité repose sur plusieurs paramètres : la configuration et l’usage des locaux, le nombre et l’âge des occupants, la durée d’occupation, ainsi que les modalités d’appropriation des lieux par les usagers (Vermeulen Steyaert, 2025). Ces derniers évoluent dans un environnement partagé, générant des dynamiques spécifiques de cohabitation et d’articulation des besoins, parfois divergents (Vermeulen Steyaert, 2025). Cette complexité confère à l’espace scolaire un statut d’environnement de travail particulier, marqué par des enjeux à la fois fonctionnels, relationnels et organisationnels.
Comprendre les enjeux contemporains des espaces scolaires suppose d’examiner l’histoire de leur évolution, reflet des transformations des pratiques pédagogiques et des mutations sociétales (Barthelemy & Jeannin, 2019). Par exemple, au XXe siècle, l’influence des théories hygiénistes a favorisé des conceptions architecturales axées sur la salubrité, la ventilation et l’éclairage naturel (Châtelet et al., 2003). Après la Seconde Guerre mondiale, la reconstruction massive d’établissements s’est orientée vers des bâtiments standardisés, optimisant les ressources mais parfois au détriment du confort et de la sécurité (Bellesi, 2023 ; Musset, 2015).
Aujourd’hui, la conception des écoles intègre davantage la flexibilité des espaces et le bien-être des usagers, en prenant en compte de multiples paramètres architecturaux et ergonomiques (par exemple, luminosité, acoustique, accès à la nature ; Barrett et al., 2015 ; Lippman, 2010). Ces évolutions illustrent la manière dont les espaces éducatifs sont à la fois produits par des dynamiques sociétales et politiques et soumis à des exigences de performance et de bien-être.
Les espaces scolaires englobent à la fois des espaces formels (salles de classe, bureaux administratifs), spécifiquement conçus pour les activités institutionnalisées (Dugdale, 2009) et informels (bibliothèques, couloirs, espaces de restauration, installations sportives) qui offrent un environnement davantage propice à la socialisation (Boys, 2010 ; Oblinger, 2006). Ils possèdent une dimension psychosociologique forte : tout espace d’apprentissage implique une interaction entre individus dans un cadre spatio-temporel donné (Blyth, 2013). La qualité de cet environnement peut avoir des effets mesurables sur des aspects sociopsychologiques et les apprentissages. De plus en plus de recherches, à la croisée de l’architecture, de l’ergonomie, de la psychologie et des sciences de l’éducation, soulignent l’importance des espaces scolaires dans les processus d’apprentissage. Souvent qualifié de « troisième enseignant » (Malaguzzi, 1996), l’espace de la classe et de l’école influence à la fois les performances académiques, professionnelles et le climat scolaire.
À l’instar des caractéristiques architecturales, les dimensions ergonomiques des espaces scolaires – incluant le mobilier, la qualité de l’air, les conditions acoustiques, entre autres – constituent un facteur déterminant du cadre d’apprentissage et de travail. Une ergonomie inadéquate, c’est-à-dire non ajustée aux caractéristiques physiques (gabarit, âge, sexe, etc.), cognitives (charge mentale, traitement de l’information, etc.) et organisationnelles (rythmes de travail, interactions, etc.) des usagers, peut induire un inconfort, accroître la fatigue et favoriser l’apparition de troubles musculo-squelettiques. Par exemple, une revue systématique menée par Castellucci et al. (2017) sur l’influence du mobilier scolaire souligne qu’un ajustement précis des dimensions des tables et des chaises aux caractéristiques anthropométriques des usagers améliore non seulement leur confort postural, mais également divers indicateurs de performance, tels que la concentration. Plus de 60 % des études analysées dans cette synthèse concluent ainsi à un effet bénéfique d’un mobilier correctement dimensionné sur les usagers.
Le degré de contrôle et d’appropriation que les enseignants et les élèves peuvent exercer sur leur espace influence leur engagement et le climat scolaire. La possibilité d’ajuster l’environnement – en reconfigurant le mobilier, en choisissant un espace adapté ou en personnalisant son cadre de travail – renforce le sentiment d’appartenance et la responsabilité vis-à-vis du lieu d’apprentissage (Barrett et al., 2015).
Cette dynamique rejoint les conclusions d’Evans (2006) sur l’importance du contrôle perçu sur l’environnement : dans des écoles où l’aménagement est rigide et imposé, les usagers peuvent se sentir contraints, tandis que des espaces flexibles et adaptables favorisent l’autonomie, la motivation et l’auto-efficacité. Ainsi, la conception architecturale et ergonomique ne se limite pas à un cadre physique, mais constitue un levier psychosocial essentiel pour un climat scolaire et de travail positif et propice aux apprentissages.
Au-delà des aspects purement physiques, l’architecture et l’ergonomie scolaire structurent les possibilités pédagogiques. Historiquement, la configuration des écoles reposait sur un modèle standardisé de salles closes et alignées, conçu pour une pédagogie magistrale. Toutefois, l’évolution des pratiques éducatives (notamment les pédagogies dites « actives », la nécessité de différenciation, l’intégration du numérique) remet en question cet agencement traditionnel (Blyth, 2013). Face à ces transformations, chercheurs, architectes et spécialistes éducatifs préconisent des espaces modulables et polyvalents, capables de s’adapter à la diversité des usagers et aux exigences des activités d’apprentissage (Blyth, 2013 ; Vermeulen Steyaert, 2025).
Bien que centré sur l’enseignement scolaire, cet appel peut s’enrichir de réflexions issues de l’enseignement supérieur, où les learning labs ont fait émerger une littérature soulignant l’articulation entre espace physique, interactions sociales et dynamiques cognitives (Elkington & Dickinson, 2025 ; Sanchez et al., 2022). Ces travaux, bien que menés dans un autre contexte, offrent des clés de lecture utiles pour penser les transformations contemporaines de l’espace scolaire.
La flexibilité architecturale favorise ainsi l’individualisation des environnements pédagogiques et facilite la mise en œuvre de démarches collaboratives ou interdisciplinaires, souvent limitées par la rigidité des salles conventionnelles. En complément, l’intégration de mobilier flexible ou modulable (sièges ajustables en hauteur, des bureaux inclinables ou des espaces de travail debout) permet de diversifier les postures et de favoriser une activité physique légère en classe. Cette variabilité contribue à atténuer l’inconfort lié à la sédentarité prolongée et à améliorer le maintien de l’attention (Castellucci et al., 2017). Par ailleurs, plusieurs études soulignent que des aménagements ergonomiques optimisés (espacement adéquat, dispositifs de rangement adaptés, intégration de zones de détente au sein de la classe, etc.) favorisent l’engagement scolaire et le bien-être des élèves comme des enseignants.
Les espaces scolaires sont donc des environnements d’apprentissage et de travail qui influencent directement les dynamiques pédagogiques et de travail, les interactions sociales et le bien-être des usagers (Lefebvre, 1974 ; Vermeulen Steyaert, 2025). Leur conception doit ainsi répondre aux exigences spécifiques du milieu scolaire, en intégrant à la fois des considérations architecturales, ergonomiques et sociopsychologiques.
À l’heure où de nombreux systèmes éducatifs cherchent à innover, à améliorer la réussite éducative, et augmenter le bien-être des usagers, (re)penser l’espace scolaire apparaît comme une composante essentielle de l’éducation du XXIe siècle.
Cet appel à communication sollicite des articles de recherche (empiriques et théoriques), analyses critiques, études de cas à l’intersection de l’architecture et de l’ergonomie, de la psychologie environnementale, de la psychologie du travail, de l’histoire, de la géographie et des sciences de l’éducation.
Une attention particulière sera portée aux contributions mettant en lumière des expériences concrètes, des analyses situées, ou des dispositifs innovants, susceptibles de renouveler les perspectives théoriques existantes.
Plusieurs axes peuvent permettre de préciser les contributions :
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Habiter les espaces scolaires : entre espace conçu, perçu et vécu. Inspirée de la conceptualisation tripartite de Lefebvre (1974), cette thématique interroge la manière dont les espaces scolaires sont simultanément conçus par les acteurs institutionnels, perçus par leurs usagers et vécus à travers les pratiques quotidiennes. Comment ces dimensions s’articulent-elles dans les établissements scolaires ? Quels conflits émergent entre la planification des espaces et leur appropriation effective par les enseignants et les élèves ?
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Influence de l’espace sur les pratiques pédagogiques. L’architecture scolaire façonne les modalités d’enseignement en structurant les possibilités d’interactions, de mobilité et d’organisation des activités. Ce volet explore comment les configurations spatiales – classes ouvertes, modularité des espaces, flexibilité du mobilier, outils technologiques – influencent les approches pédagogiques et l’engagement des élèves. Dans quelle mesure l’aménagement des lieux favorise-t-il l’innovation pédagogique ou, au contraire, contraint-il les pratiques enseignantes ? Si cette question a fait l’objet de nombreux travaux dans le champ de l’enseignement supérieur – notamment dans la littérature anglo-saxonne (Leijon et al., 2024) – elle reste peu explorée dans l’enseignement scolaire, pourtant porteur d’enjeux spécifiques.
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Ergonomie des espaces scolaires et ses impacts sur les usagers. L’ergonomie des espaces scolaires est un facteur du bien-être et de la performance des usagers. Au-delà de ses aspects physiques (telles que l’acoustique, la luminosité, la qualité de l’air et l’adéquation du mobilier aux besoins anthropométriques des élèves et des enseignants), elle englobe des dimensions cognitives, organisationnelles, sociopsychologiques, influençant à la fois la concentration, la fatigue, le confort, la motivation, les interactions au sein de l’environnement scolaire.
Comment une approche ergonomique permet-elle d’interroger l’adaptation des espaces aux différents besoins des usagers ? Quels sont ses effets sur la santé physique (troubles musculosquelettiques, fatigue, etc.), la santé mentale (stress, charge cognitive, etc.) et la dynamique relationnelle (collaboration, sentiment d’appartenance, etc.) ?
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Espaces scolaires et dimensions psychosociales des usagers. L’environnement physique de l’école joue un rôle déterminant dans le bien-être, l’engagement, l’auto-efficacité et la dynamique relationnelle des enseignants et des élèves. Ce thème examine les liens entre espace scolaire et expériences psychosociales : comment les conditions environnementales (acoustique, éclairage, qualité de l’air) influencent-elles le stress, la concentration ou le climat scolaire ? Quels dispositifs spatiaux favorisent le sentiment d’appartenance et la cohésion sociale au sein de l’établissement ?
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L’espace scolaire comme espace de travail des enseignants. Trop souvent étudié sous l’angle de l’apprentissage des élèves, l’espace scolaire est aussi un lieu de travail pour les enseignants, avec ses propres exigences et contraintes. Cette thématique explore les conditions architecturales et ergonomiques du travail enseignant : qualité et accessibilité des espaces de préparation et de repos, effets de la configuration des classes sur la charge mentale et physique, ou encore enjeux liés à la cohabitation des espaces entre différents professionnels du milieu scolaire.
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L’impact des espaces scolaires sur les personnels non enseignants. Les espaces scolaires ne sont pas uniquement dédiés aux élèves et aux enseignants. Le personnel non enseignant est essentiel au bon fonctionnement de l’établissement. Les conditions de travail du personnel de direction et d’administration, d’encadrement, technique et logistique, médico-social… méritent une attention particulière. Comment l’aménagement de leurs espaces de travail – bureaux, salles de repos, locaux techniques, espaces interstitiels – influence-t-il leur efficacité et engagement professionnels ainsi que leur bien-être ?
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L’école, lieu d’accueil pour les parents. L’espace scolaire est aussi un lieu de rencontre entre l’école et son environnement extérieur. L’accessibilité, la convivialité et l’organisation des espaces d’accueil pour les parents jouent un rôle dans l’implication des familles et la construction d’une relation de confiance avec l’institution. Comment (re)penser ces espaces pour encourager l’engagement parental et renforcer la participation de la communauté éducative ? Quels aménagements favorisent une meilleure intégration de l’école dans son tissu social et urbain ?
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Diffusion de l’appel à contributions : avril 2025.
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Envoi d’une manifestation d’intérêt (1 page précisant bien la thématique, les questionnements et la méthodologie choisie) : au plus tard le 30 juin 2025, à l’adresse suivante : sonia.vermeulen@ulb.be
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Envoi des articles complets : avant le 1er novembre 2025, à l’adresse suivante : sonia.vermeulen@ulb.be
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Évaluation anonyme réalisée par deux experts : novembre-décembre 2025.
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Retour aux auteurs : janvier 2026.
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Envoi des articles révisés : au plus tard le 1er mars 2026.
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Publication prévue : premier semestre 2026.
Les recommandations aux auteurs, dont les normes de présentation et la feuille de style Tréma sont consultables sur le site de la revue : https://journals.openedition.org/trema/876#tocto1n3
Les articles peuvent être en français ou dans une autre langue en accord avec la coordinatrice du numéro et la direction de la revue.