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Informations

Soutenance du dossier d’habilitation à diriger des recherches de Claire Zalc

Rudy Rigaut
p. 177 - 179
Référence(s) :

Dossier d’habilitation à diriger des recherches

Notes de la rédaction

Claire Zalc assure avec Michel-Pierre Chélini (Artois) et le soutien scientifique de Danielle Delmaire (Lille 3) la co-direction de la thèse de Rudy Rigaut relative aux juifs sur le littoral du Nord et du Pas-de-Calais de la fin du XVIIIe siècle à nos jours.

Texte intégral

Soutenance du dossier d’habilitation à diriger des recherches de Claire Zalc

1Le 9 décembre dernier, Claire Zalc, chargée de recherches à l'Institut d'histoire moderne et contemporaine (CNRS-ENS), a soutenu son dossier d’habilitation à diriger des recherches, « Identifications et appartenances : pour une histoire sociale des interactions », comprenant un mémoire inédit intitulé « Des relations de pouvoir ordinaires. Les dénaturalisations sous Vichy ». La soutenance s’est déroulée à l’ENS devant un jury composé de :

  • M. Christophe Charle, Professeur des Universités, Paris 1 Panthéon-Sorbonne

  • Mme Nancy L. Green, Directrice d’études, EHESS-CRH

  • M. Julian Jackson, Professor, Queen Mary, University of London

  • M. Paul-André Rosental, Professeur des Universités, IEP de Paris (directeur de recherche)

  • M. Patrick Weil, Directeur de recherche CNRS, Centre d’histoire sociale du XXe siècle de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

  • Mme Annette Wieviorka, directrice de recherche émérite CNRS, UMR Sirice, Université Paris1 Panthéon-Sorbonne

2Après les remerciements d’usage, Claire Zalc a introduit son propos avec un passage de Je suis né de Georges Perec, dont l’œuvre et la trajectoire ont constitué l’un des fils conducteurs de son travail :

Je ne sais pas précisément ce que c’est d’être juif, ce que ça me fait d’être juif. C’est une évidence, si l’on veut, mais une évidence médiocre, une marque, mais une marque qui ne me rattache à rien de précis, à rien de concret : ce n’est pas un signe d’appartenance, ce n’est pas lié à une croyance, à une religion, à une pratique, à une culture, à un folklore, à une histoire, à un destin, à une langue. Ce serait plutôt une absence, une question, une mise en question, un flottement, une inquiétude : une certitude inquiète derrière laquelle se profile une autre certitude, abstraite, lourde, insupportable : celle d’avoir été désigné comme juif, et parce que juif victime, et de ne devoir la vie qu’au hasard et qu’à l’exil.

3Comme l’a souligné l’intéressée, cette citation de Perec porte en elle les deux notions qui sont au cœur de son dossier : l’identification et l’appartenance. L’un des objets de son enquête pose en effet cette question simple dans sa formulation mais ayant suscité de nombreuses réflexions théologiques, philosophiques et sociologiques : « qu’est-ce qu’un juif ? ». L’analyse des processus de fabrique identitaire induit un minutieux travail de déconstruction que Claire Zalc mène depuis plus d’une quinzaine d’années sur différents terrains d’étude (l’immigration, les commerçants étrangers et le monde de l’entreprise, les juifs et les persécutions) et à partir de méthodes scientifiques complémentaires à ses yeux (le quantitatif et la microhistoire).

4La suite de son exposé a consisté en une présentation des enjeux et des finalités de son mémoire consacré aux dénaturalisations sous Vichy. Le premier défi auquel la chercheuse a été confrontée a été celui de la disparition des archives de la « commission de révision des naturalisations ». Cette institution a été chargée par le régime de Pétain d’appliquer la « loi » du 22 juillet 1940 relative à la révision des naturalisations intervenues après la promulgation de la loi du 10 août 1927 qui a facilité l’accès à la nationalité française :

Art. 1er. – Il sera procédé à la révision de toutes les acquisitions de nationalité française intervenues depuis la promulgation de la loi du 10 août 1927 sur la nationalité.

Art. 2. – Il est institué à cet effet une commission dont la composition et le mode de fonctionnement seront fixés par arrêté du garde des sceaux, ministre secrétaire d’Etat à la justice.

Art. 3. – Le retrait de la nationalité française sera, s’il y a lieu, prononcé par décret pris sur le rapport du garde des sceaux, ministre secrétaire d’Etat à la justice, et après avis de cette commission.

Ce décret fixera la date à laquelle remontera la perte de la qualité de Français.

Cette mesure pourra être étendue à la femme et aux enfants de l’intéressé.

5Or, la particularité de la « loi » du 22 juillet 1940 est de passer sous silence les critères et les motifs conduisant à l’ouverture d’une procédure de révision. Claire Zalc a choisi d’interroger les contours flous de cette politique qui ne nomme pas ses cibles, faisant ainsi ressortir le pouvoir et les imbroglios administratifs qui découlent de ce vide juridique. Son travail ambitionne notamment de décrypter l’action de cette commission qui n’a laissé aucune archive.

6C’est en dépouillant un millier de dossiers administratifs dispersés dans différents centres d’archives qu’elle a pu étudier les procédures de dénaturalisation. S’inscrivant dans la continuité des travaux de Patrick Weil, son enquête montre que, même s’ils ne sont pas explicitement visés, les juifs sont les principales cibles de cette législation antisémite qui ne dit pas encore son nom. Liée aux pratiques républicaines antérieures, l’absence de mentions des appartenances religieuses et raciales dans le texte permet d’élargir les marges de manœuvre des agents qui peuvent ainsi, dès septembre 1940, s’appuyer sur des critères d’assignation identitaire non-objectivables tels que l’onomastique, le pays d’origine ou la profession, pour « trier » les naturalisés. L’analyse des méthodes mises en œuvre dans le « repérage » et dans l’examen des dossiers des Français naturalisés depuis 1927 représente l’axe principal de son étude.

7Le matériel archivistique épluché révèle également le rôle joué par les autorités locales dans les procédures de dénaturalisation. Il met en évidence un décalage entre les intentions idéologiques de cette politique et ses applications concrètes sur le terrain. Ce vide juridique a doté les agents chargés de son application, d’un pouvoir considérable dans la mesure où la seule décision d’engager une procédure de dénaturalisation a pu, finalement, conduire à la déportation et à l’assassinat des individus préalablement ciblés. En effet, la perte de nationalité a accentué leur vulnérabilité et les a davantage exposés aux persécutions antisémites. Face aux sources exploitées, la méthode quantitative a permis de montrer que l’attitude de l’examinateur, de l’agent administratif ou du juge a constitué le facteur principal dans l’ouverture, le traitement ou l’issue du dossier de révision, ce que l’historienne nomme le « pouvoir discrétionnaire ». La démonstration de Claire Zalc, archives à l’appui, sur les « relations de pouvoir ordinaires » et sur le poids du local dans la procédure et ses conséquences constitue indéniablement l’un des apports majeurs de son enquête à l’historiographie des discriminations en matière de nationalité française et à l’histoire sociale du droit sous l’occupation.

8La dernière partie du mémoire interroge les réactions des persécutés face à ces procédures de dénaturalisation. En s’appuyant sur les dossiers consultés et les suppliques rédigées pour contester ces décisions, l’historienne a pu reconstituer la variété des espaces des possibles et des zones d’incertitude dont l’appropriation varie énormément selon les individus. Une attention particulière a été portée sur les termes employés pour décliner leur identité française afin d’appréhender l’articulation entre identification et appartenance.

9C’est cette histoire sociale des administrations, de leurs interactions et des violences étatiques qui a été brillamment mise en lumière ici. Le temps du débat a permis à la chercheuse de compléter certaines idées et de justifier ses choix méthodologiques. Les membres du jury ont ensuite engagé le dialogue sur des aspects précis du mémoire. Les premiers concernent les limites de la méthode quantitative ou encore les usages de l’onomastique par l’historien. Si Claire Zalc a insisté sur son caractère contestable et peu fiable, Annette Wieviorka a indiqué que l’onomastique peut s’avérer être l’unique moyen de délimitation d’un groupe lorsque les archives restent muettes. Les échanges ont ensuite porté sur la pertinence de l’emploi du terme « microhistoire » ou sur l’interprétation de certains textes juridiques.

10Au-delà de ces points de discussion, le jury a unanimement souligné l’excellence du travail produit et sa grande rigueur scientifique. Il a aussi été particulièrement enthousiasmé par l’originalité de son mémoire de synthèse. Intitulé Z en écho à l’ouvrage W de Perec, cet exercice obligé et souvent redouté par les candidats d’« égo-histoire », pour reprendre la formule de Pierre Nora, a permis à la chercheuse d’éclairer son propre parcours en recourant aux méthodes qui lui sont chères.

11Après une très brève délibération, le jury, unanime, a décerné le diplôme d’habilitation à diriger des recherches à la candidate. Elle pourra à présent se consacrer à ses projets de recherche qui sont déjà très riches et à ses activités d’encadrement.

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Pour citer cet article

Référence papier

Rudy Rigaut, « Soutenance du dossier d’habilitation à diriger des recherches de Claire Zalc »Tsafon, 71 | 2016, 177 - 179.

Référence électronique

Rudy Rigaut, « Soutenance du dossier d’habilitation à diriger des recherches de Claire Zalc »Tsafon [En ligne], 71 | 2016, mis en ligne le 01 mars 2023, consulté le 19 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/tsafon/6284 ; DOI : https://doi.org/10.4000/tsafon.6284

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