1Préfacé par Iannis Roder, formateur au Mémorial de la Shoah et auteur de nombreux ouvrages sur l’enseignement de la Shoah dans les établissements du secondaire comme sa participation à l’ouvrage collectif Les Territoires perdus de la République (2002) qui alertait sur les « dangers de la parole antisémite », ce témoignage s’en trouve conforté dans son utilité pour les enseignants. Un dossier photos offre des jalons dans ce récit de souvenirs.

2Les lecteurs, des élèves, découvrent la vie d’avant la Catastrophe, en Russie d’abord pour son père et ses grands-parents maternels, puis en France. Mais les nuages se sont vite assombris aussi la famille, forte de son expérience de l’antisémitisme en Russie, décida rapidement de fuir vers le sud : à Toulouse puis dans un petit village provençal, Portes-en-Valdaine où elle s’établit en novembre 1941. C’est alors que, dans son exode, Sylvie Benilouz rencontra un personnage remarquable : l’abbé Georges Magnet, mobilisé puis prisonnier en compagnie d’André Malraux, parvint à regagner sa région. Il « détestait l’injustice, et cette guerre le rendait malade » se souvient l’auteure (p. 37) aussi tout naturellement il entra en Résistance puis rejoignit le maquis du Vercors.

3C’est ce prêtre qui prit cette famille juive « sous son aile » (p. 43) et la mit en relation avec un « réseau de Justes » (p. 43) : des résistants la nuit, des agriculteurs le jour. Dans la Drôme à forte population protestante la CIMADE agit sous couvert de maires et autres responsables locaux. Des catholiques aussi ont entendu les appels des évêques de l’été 1942 qui condamnaient les arrestations. Même des maréchalistes se montraient méfiants envers les occupants. Sylvie fréquenta alors l’école de Beauvallon, avant-gardiste et mixte, où elle put goûter la liberté et l’amitié grâce au dévouement de trois femmes philanthropes formées aux nouvelles méthodes pédagogiques qui autonomisaient les enfants. Une erreur de date perturbe un peu le récit sur l’école de Beauvallon.

4Mais cet engagement présentait des risques et la nasse se resserra sur le père qui fut dénoncé et déporté par le convoi 74, l’un des derniers. D’Auschwitz, il fut transféré à Dachau où il décéda le 19 mars 1945. Le parcours de son père est bien la preuve que les Juifs ont résisté à l’extermination, autant qu’ils le pouvaient. La petite fille reste orpheline d’un père aimé, son absence grève « la vie d’après » pendant laquelle le mutisme de la mère alourdit les relations familiales.

5« L’histoire de Sylvie est l’histoire de tant d’enfants juifs qui furent privés de l’insouciance de l’enfance » Iannis Roder p. 12 et prend valeur d’exemple de survie d’enfant, à côté d’autres histoires très connues comme celle que Joseph Joffo restitue dans Un sac de billes. Son histoire s’oppose au « film La vie est belle de Roberto Benigni [qui] ne représente pas du tout la réalité des camps » (p. 108).