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À travers les livres

Pierre-André Meyer, Le clan Goudchaux Berr Wolff Marx de Nancy et sa descendance (18e – 20e siècles), Histoire et généalogie, Paris, édition du Cercle de Généalogie juive, 2016. Tome I, Du ghetto à la citoyenneté, avec 41 annexes et 1 index, 255 p., Tome II, Généalogie : les lignées Goudchaux et Berr, pp. 1-405, Tome III, Généalogie : les lignées Wolff, Marx et Netter, avec 7 annexes et 2 index

Danielle Delmaire
p. 185 - 188

Texte intégral

Pierre-André Meyer, Le clan Goudchaux Berr Wolff Marx de Nancy et sa descendance (18e – 20e siècles), Histoire et généalogie, Paris, édition du Cercle de Généalogie juive, 2016. Tome I, Du ghetto à la citoyenneté, avec 41 annexes et 1 index, 255 p., Tome II, Généalogie : les lignées Goudchaux et Berr, pp. 1-405, Tome III, Généalogie : les lignées Wolff, Marx et Netter, avec 7 annexes et 2 index, pp. 407-846, 79 € les trois tomes

1Ces trois volumes d’un format A4 sont, au total, épais de presque 1 100 pages. C’est dire l’immense compilation de données généalogiques que l’auteur a rassemblées. Seul le premier volume se lit d’un seul trait jusqu’à la p. 139 car il résume l’installation de familles juives à Nancy et leur intégration dans la société dès lors que la citoyenneté leur est accordée en 1791 ainsi que leur développement démographique et social dans ce XIXe siècle assimilateur. Les deux autres volumes, dont la pagination est, à juste titre, continue, donnent de nombreux arbres généalogiques à partir des fondateurs des premières familles juives nancéennes : les Goudchaux, les Berr (principalement), les Wolff et les Marx. Ils sont à consulter comme un dictionnaire afin de reconstituer une filiation ou un parcours généalogique. Encore que, dans les branches de ces arbres, l’auteur accroche souvent des biographies de tel ou tel personnage, voire d’individus apparentés.

2Les recherches généalogiques de P-A Meyer l’ont donc conduit à l’histoire des juifs de Nancy durant quasiment deux siècles, avant et après l’émancipation. Voilà un bel exemple de l’utilisation de la généalogie comme science auxiliaire de l’histoire.

3Et l’on retrouve ce célèbre Berr Isaac Berr (1745-1828) qui mena tant de combats courageux pour faire abolir de nombreuses mesures discriminatoires qui entravaient la vie de ses coreligionnaires. Il eut à affronter bien des préjugés et bien des vexations, avant, pendant et après la Révolution pourtant émancipatrice. Particulièrement, il s’obstina à décrier le décret infâme, pris en 1808 par Napoléon, qui empêchait les prêteurs juifs de percevoir les dettes que des emprunteurs avaient contractées. Le décret fut un désastre pour plusieurs familles juives dont les fonds de roulement étaient très limités.

4Berr Isaac Berr faisait un peu figure de juif de cour lorsqu’il obtint la protection du prince puis de la famille impériale mais cela ne le protégeait pas toujours des revers dans ses combats. Il était aussi instruit des bienfaits de la Haskala et il avait à cœur d’en faire profiter ses coreligionnaires. Il mena sa maisonnée d’une main rude ce qui lui permit de maîtriser la communauté juive de Nancy et même d’autres communautés de l’est de la France, grâce à de nombreuses alliances matrimoniales, adoptant une stratégie qui se distinguait peu de celle des grandes familles non juives. Il termina sa vie en patriarche à la tête d’un grand clan familial et en propriétaire terrien d’un domaine à Turique d’où son patronyme agrémenté d’un pompeux Berr de Turique. Sa réussite professionnelle et sociale fut aussi partiellement due à sa capacité à s’adapter aux divers régimes politiques qu’il connut durant ses 83 ans de vie : la Monarchie absolue, la Révolution et la République, l’Empire et enfin la Restauration. Moins libéral en religion qui ne l’était en politique, il eut à surmonter quelques déconvenues au plus fort de l’anticléricalisme révolutionnaire.

5Clan familial étendu, les Goudchaux, Berr, Wolff et Marx n’échappèrent pas aux querelles intrafamiliales. La compétition était âpre entre les frères, beaux-frères et autres cousins pour occuper des postes dans les diverses administrations consistoriales, voire municipales.

6Notables nancéens, les chefs de ces familles eurent une descendance abondante dont certains membres s’illustrèrent en diverses professions : médecine, droit, armée, enseignement, recherche scientifique, littérature, musique etc. Les femmes, souvent reléguées au rang de maîtresse de maison, savaient, quand il le fallait, remplacer dans les affaires un mari défunt ou un fils déficient.

7Mais les réussites sociales et professionnelles cachent aussi une paupérisation de certaines branches des arbres. Si des ramures portent des médecins ou des avocats et de distingués professeurs, d’autres montrent la misère de prêteurs qui éprouvèrent des difficultés à sortir du bas de l’échelle sociale.

8Toutefois, en haut du feuillage, le lecteur remarque la présence de banquiers : Rothschild, Worms, d’hommes politiques comme Léon Blum ou René Payer, de rabbins comme Isidor, d’hommes de lettres comme Spire, Bergson, de scientifiques comme le mathématicien Halphen, le physicien Abraham, et tant d’autres encore que l’on ne s’attendait pas à voir dans cette forêt d’arbres généalogiques : des hommes et des femmes dont le judaïsme a disparu de leur quotidien et dont certains seraient peut-être étonnés de se retrouver là (voir p. 137 du tome premier).

9Les annexes et les documents sont abondants également et précieux.

10Cette recherche gigantesque, menée par l’auteur, ajoute une pierre solide à l’histoire des juifs issus des provinces orientales du royaume de France. Tolérés dans la société d’Ancien Régime (ils habitaient « une rue escartée » au XVIIIe siècle), ils pénétrèrent dans la Nation grâce aux nouveautés législatives mais aussi et surtout grâce à leurs efforts et leurs durs combats pour profiter de ces nouveautés que bien des préjugés antijuifs permettaient de reléguer dans des oubliettes juridiques. Pensons à l’affaire Dreyfus qui éclata cent ans après l’émancipation.

Ces trois volumineux tomes constituent un excellent outil de travail pour les recherches historiques et démographiques.

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Pour citer cet article

Référence papier

Danielle Delmaire, « Pierre-André Meyer, Le clan Goudchaux Berr Wolff Marx de Nancy et sa descendance (18e – 20e siècles), Histoire et généalogie, Paris, édition du Cercle de Généalogie juive, 2016. Tome I, Du ghetto à la citoyenneté, avec 41 annexes et 1 index, 255 p., Tome II, Généalogie : les lignées Goudchaux et Berr, pp. 1-405, Tome III, Généalogie : les lignées Wolff, Marx et Netter, avec 7 annexes et 2 index  »Tsafon, 71 | 2016, 185 - 188.

Référence électronique

Danielle Delmaire, « Pierre-André Meyer, Le clan Goudchaux Berr Wolff Marx de Nancy et sa descendance (18e – 20e siècles), Histoire et généalogie, Paris, édition du Cercle de Généalogie juive, 2016. Tome I, Du ghetto à la citoyenneté, avec 41 annexes et 1 index, 255 p., Tome II, Généalogie : les lignées Goudchaux et Berr, pp. 1-405, Tome III, Généalogie : les lignées Wolff, Marx et Netter, avec 7 annexes et 2 index  »Tsafon [En ligne], 71 | 2016, mis en ligne le 27 mai 2023, consulté le 09 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/tsafon/8815 ; DOI : https://doi.org/10.4000/tsafon.8815

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