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À travers les livres

Laura Hobson Faure, Mathias Gardet, Katy Hazan et Catherine Nicault, L’œuvre de secours aux enfants et les populations juives au XXe siècle. Prévenir et guérir dans un siècle de violence, Paris, Armand Colin, nov. 2014

Danielle Delmaire
p. 188 – 189

Texte intégral

Laura Hobson Faure, Mathias Gardet, Katy Hazan et Catherine Nicault, L’œuvre de secours aux enfants et les populations juives au XXe siècle. Prévenir et guérir dans un siècle de violence, Paris, Armand Colin, nov. 2014, 319 p., prix non indiqué

1L’OSE, l’Œuvre de Secours aux Enfants, est surtout connue pour ses sauvetages d’enfants juifs pendant la Seconde Guerre mondiale et pourtant elle œuvra bien avant et bien après la guerre, puisqu’elle existe toujours et cela depuis plus d’un siècle. L’année de son centenaire, en 2012, l’OSE organisa deux colloques qui réunit des chercheurs du monde entier (France, Allemagne, Russie, Israël, USA) et des spécialistes de disciplines diverses et variées : études juives, histoire des juifs, médecine, sciences sociales, sciences de l’éducation, socio-démographie etc. Ce sont les actes de ces manifestations que cet ouvrage rassemble sous la direction de K. Hazan, historienne de l’OSE, C. Nicault, historienne du sionisme et des communautés juives, L. Hobson Faure, spécialiste de la civilisation américaine et d’histoire juive, M. Gardet, enseignant en sciences de l’éducation.

2L’ouvrage présente trois parties, chacune longuement préfacée par C. Nicault et K. Hazan, respectant la chronologie.

3L’OSE fut créée en Russie en 1912 par des médecins juifs de Saint-Pétersbourg, dans un contexte de grande misère économique, sociale et sanitaire qui sévissait dans les communautés juives de la Russie tsariste où les juifs subissaient un terrible antisémitisme. Ces médecins souhaitaient « régénérer » physiquement les juifs victimes de maladies dues à une hygiène déficiente. Car c’est bien l’amélioration de la « race » qui guidait ces médecins. Ces théories hygiénistes et racialisantes étaient alors très répandues dans les milieux médicaux du début du XXe siècle (M. Beizer). Mais la philanthropie habitait aussi ces généreux médecins qui pratiquaient la gratuité des soins et se dévouaient sans compter pour leurs coreligionnaires. Ce furent les débuts des colonies en plein air pour soustraire les enfants de l’air malsain des quartiers juifs surpeuplés (C. Garcette). La révolution bolchevique entrava cet élan d’aide sociale et face à des difficultés multiples et contraignantes, à cause des nationalisations, des médecins s’implantèrent à Berlin. Parallèlement, l’OSE se développa dans la nouvelle Pologne, avec TOZ la branche polonaise de l’OSE, où les conditions de vie des juifs étaient tout aussi misérables et insalubres que celles des juifs de Russie. Ces médecins menèrent une lutte conjointe contre la maladie et la pauvreté, avec l’aide des juifs des USA, par l’intermédiaire du Joint (N. Mitsel et N. Davidovitch). Les succès du nazisme en Allemagne obligèrent ces médecins soit à se replier vers l’est et retourner dans l’URSS stalinienne où certains furent arrêtés, soit à continuer leur exil vers l’ouest, en France où s’ouvrirent, en bord de mer à Berck ou à la campagne à Montmorency, des colonies pour enfants juifs de familles immigrées résidant dans la région parisienne. Alors se mettait en place une nouvelle pédagogie du groupe (D. Gauding et C. Garcette).

4Dans la seconde partie, les auteurs s’attachent à mettre en valeur les expériences pédagogiques défendues par des pédagogues de renom et « pionniers de la médecine sociale » comme le docteur Boris Arkadievitch Tschlenoff (G. Weill) ou bien Ernst Papanek (J-C. Coffin), l’un prenant aussi en charge l’éducation des enfants dans les refuges suisses durant la Seconde Guerre mondiale et l’autre mettant en place une « pédagogie à l’épreuve de la violence » qui pouvait envahir ces enfants, eux-mêmes victimes de l’extrême violence. Se mirent en place, après guerre avec Ernst Jablonski, des centres d’éducation collective pour les orphelins, complètement esseulés suite à la disparition de toute leur famille (S. Boussion). L’eugénisme des premières années russes disparut au profit de projets médico-psycho-éducatifs dans un cadre juif, dans la France d’après-guerre. Les juifs des USA ne restèrent pas insensibles au sort des enfants juifs dans l’Europe en guerre et l’OSE de France parvint aussi à faire sortir des enfants juifs vers les États-Unis où le dépaysement et l’isolement soulevaient de nouveaux problèmes éducatifs. Comment gérer trois prénoms : Heinz, Henri, Henry, lorsqu’on est enfant (L. Hobson Faure) ?

5La troisième partie s’intéresse aux « populations prises en charge », tout en respectant la chronologie de 1933 aux années 1960. Il ne s’agit pas de s'attacher aux seules populations secourues : les enfants, mais aussi aux cadres : médecins et éducateurs, moniteurs (S. Zeitoun). Les homes d’enfants retiennent l’attention des conférenciers, notamment les maisons de l’Entr’aide d’Hiver du Maréchal. Sous couvert d’aide à l’enfance en général, ces maisons parvinrent à sauver des enfants juifs (F. Ghlis). Après la guerre, les maisons d’enfants recevaient de moins en moins d’orphelins de la Shoah et de plus en plus d’enfants en difficulté familiale et sociale. Les buts et les moyens éducatifs devaient évoluer (M. Gardet). L’OSE, avec la complicité de l’Alliance israélite universelle, étendit ses champs d’action en Afrique du Nord où la misère sociale et économique limitait le développement des enfants (A. Danan). Le dernier intervenant évoque le passage du sauvetage des enfants juifs aux « cas sociaux ». Il rend compte de l’importance de la vie collective pour la socialisation des enfants en difficulté psychologique et il souligne la réussite de cette éducation auprès des enfants qui, pour la plupart, conservent un souvenir heureux de cette enfance (P. Dubéchot).

6Comme souvent lors de ces colloques, il est difficile d’éviter la redondance qui alourdit l’ensemble du livre. Il en est ainsi pour l’intervention de R. Zalashik qui évoque les « déménagements, expansion, évolutions structurelles » de l’OSE en migrant de l’Est vers l’Ouest entre 1912 et 1933, or ces changements étaient souvent rappelés par les autres conférenciers.

7Malgré cet inconvénient mineur, cet ensemble de recherches apporte beaucoup à diverses disciplines : histoire, médecine et principalement éducation et pédagogie.

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Pour citer cet article

Référence papier

Danielle Delmaire, « Laura Hobson Faure, Mathias Gardet, Katy Hazan et Catherine Nicault, L’œuvre de secours aux enfants et les populations juives au XXe siècle. Prévenir et guérir dans un siècle de violence, Paris, Armand Colin, nov. 2014 »Tsafon, 71 | 2016, 188 – 189.

Référence électronique

Danielle Delmaire, « Laura Hobson Faure, Mathias Gardet, Katy Hazan et Catherine Nicault, L’œuvre de secours aux enfants et les populations juives au XXe siècle. Prévenir et guérir dans un siècle de violence, Paris, Armand Colin, nov. 2014 »Tsafon [En ligne], 71 | 2016, mis en ligne le 27 mai 2023, consulté le 16 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/tsafon/8820 ; DOI : https://doi.org/10.4000/tsafon.8820

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