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Section courante

Vers un outil de restauration du sensible, le motif ambiant en trois temps caractérisation, expérimentation, mise en projet.

Ammar Toumadher

Résumés

Cet article s’inscrit dans la volonté d’interroger le devenir urbain du point de vue d’une écologie dite du sensible. Nous tentons, en effet, de développer un spécimen opératoire en matière de caractérisation et de mise en projet prenant en compte l’ensemble des choses de l’environnement, qu’il soit construit ou non. Nous tentons également d’évaluer la portée opératoire de l’ambiance en matière de qualité et de durabilité des environnements urbains ou comment sauvegarder l’authenticité des ambiances d’un lieu tout en le projetant dans le futur à travers le développement de cet outil. Nous nous sommes proposés, par l’entremise des « motifs ambiants », d’avancer une modalité de travail qui traverse aussi bien les logiques de caractérisation que de projetation des ambiances tout en mettant en jeu les données environnementales. Nous l’avons mise en application dans trois situations différentes. La première en in situ, la seconde en in vitro et la troisième en utéro. La première étape se base principalement sur un objectif qui est celui de la caractérisation du vécu sensible. La deuxième est à l’entre deux de la caractérisation et de la projectuelle des ambiances et la dernière est de l’ordre de la conceptualisation et de la mise en projet configurée sous la forme d’une expérience pédagogique intersectorielle. Nous avons eu comme cas d’étude les quartiers de Capaci Piccolo et Capaci Grandi à Sousse. Ces quartiers sont nés vers les débuts du protectorat français et ont proliféré jusqu’aux années 60 en raison des différentes vagues d’immigration principalement sicilienne. À partir de l’indépendance (1956), le tissu social commença à se transformer. Aujourd’hui les quartiers sont exclusivement habités par des Tunisiens, alors qu’au début plusieurs cultures et nationalités y vivaient.

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Texte intégral

Introduction

1Cet article s’inscrit dans la volonté d’interroger le devenir urbain du point de vue d’une écologie dite du sensible. Nous tentons, en effet, de développer un spécimen opératoire en matière de caractérisation et de mise en projet prenant en compte l’ensemble des choses de l’environnement, qu’il soit construit ou non. Nous tentons également d’évaluer la portée opératoire de l’ambiance en matière de qualité et de durabilité des environnements urbains, autrement dit, la sauvegarde de l’authenticité des ambiances d’un lieu tout en le projetant dans le futur à travers le développement de cet outil.

2Nous développons notre réflexion principalement à partir des travaux de Jean Paul Thibaud et d’Augustin Berque. Nous introduisons notre travail par la définition de la notion de motif ambiant. Nous essayons ensuite de la passer au crible à travers trois phases d’investigation. Nous avons eu comme cas d’étude les quartiers de Capaci Piccolo et Capaci Grandi à Sousse, ville située sur le littoral nord de la région tunisienne du Sahel. Ces quartiers sont nés vers les débuts du protectorat français (1881) et ont proliféré jusqu’aux années 60 en raison des différentes vagues d’immigration, principalement sicilienne. À partir de l’indépendance (1956), le tissu social a commencé à se transformer. Aujourd’hui, les quartiers sont exclusivement habités par des Tunisiens, alors qu’au début, plusieurs cultures et nationalités y vivaient. L'hypothèse d'une persistance de caractéristiques ambiantales spécifiques représente un enjeu scientifique non moindre pour cette recherche. Le contexte du quartier nous permet en effet d’approcher le devenir ambiant sur le temps long et de mesurer l’opérabilité des motifs ambiants dans l’expression de la relation dialogique entre le sujet et son milieu ainsi que leur opérabilité dans la conformation de la peau atmosphérique spécifique au lieu en question.

3D’un point de vue empirique, nous nous sommes posé les questions suivantes : comment qualifier l’atmosphère qui régnait autrefois dans le quartier ? Qu’en est-il de celle qui est présente aujourd’hui ? Comment intervenir sur ces quartiers sans détériorer leurs spécificités ambiantales?

4Nous nous sommes proposés, par l’entremise des « motifs ambiants », d’avancer une modalité de travail qui traverse aussi bien les logiques de caractérisation que de projetation des ambiances tout en mettant en jeu les données environnementales. Nous l’avons mise en application dans trois situations différentes. La première en in situ, la seconde en in vitro et la troisième en utéro. La première étape se base principalement sur un objectif qui est celui de la caractérisation du vécu sensible. La deuxième est à l’entre deux de la caractérisation et de la projectuelle des ambiances et la dernière est de l’ordre de la conceptualisation et de la mise en projet configurée sous la forme d’une expérience pédagogique intersectorielle.

De l’ambiance au motif ambiant

5Nous référons ici à la portée immersive (Thibaud, 2018) de l’ambiance tout en posant « la question des interactions et ajustements sensibles des agents entre eux, et entre les agents de l’environnement » (Pecqueux, 2012, p.28) ou, autrement dit, celle d’une écologie urbaine portée sur le sensible. L’écologie urbaine tient ses fondements d’une vision de la ville comprise comme un laboratoire social. Elle prône le fort impact exercé sur le comportement humain (Trocmé, 1985). Avec l’école de Chicago, la ville fut pour la première fois pensée comme société, comme culture et comme état d’être (Gramfeyer et Jospeh, 1984). Comme avancé par Thibaud « si l'ambiance s'avère particulièrement opérante en matière d'écologie urbaine c'est parce qu'elle postule un sensible enchâssé dans des territoires et des matérialités, des récits et des activités, des climats et des sociabilités, des attentes normatives et des affects d'arrière-plan » (Thibaud, 2018, p.4). Afin de mettre en exergue la portée opératoire de l’ambiance en matière d’écologie urbaine, nous avons fait un détour du côté des écrits de Berque, d’Ingold et de Gibson. Le choix de ces penseurs ne fut en aucun cas fortuit. Le premier est géographe, le second est anthropologue, et le troisième est psychologue. Notre but était de croiser des disciplines diverses autour d’une même problématique, celle de la relation dialogique entre l’être et son environnement.

  • 1 « A place owns its character to the experiences it affords to those who spend time there -to the si (...)

6Ingold pense cette relation à travers le concept de « paysage en pratique », désigné par le terme anglais taskscape (Ingold, 2000), et développé dans son ouvrage The perception of the environnent. Le taskscape se définit comme la co-configuration d’un lieu et de ses pratiques (Brayer, 2015). Il s’appréhende non seulement en matière d’activités, mais, plus encore, d’interactivités. Un lieu doit son caractère aux curiosités sensibles et aux expériences qu’il offre à ceux qui l’habitent. Dans le même temps, ces dernières dépendent des activités des sujets dans leur engagement au sein du monde. C’est à partir de cette interrelation que le propre sens de chaque lieu se définit1.

7L’idée de co-détermination avancée par la notion de taskscape renoue avec le processus de « trajection » de Berque. Si Ingold considère le principe de co-détermination entre le lieu et les pratiques qui s’y déploient, Berque appréhende la « trajection » sur une échelle plus large. Cela revient sans doute aux disciplines mises en jeu par l’un et l’autre de ces auteurs, se rattachant respectivement à l’anthropologie et à la géographie du sensible. Au titre de celle-ci, Berque considère que la trajection est à assimiler au passage entre les données environnementales objectives et le milieu concrètement vécu par certains organismes collectifs ou individuels. C’est un va-et-vient perpétuel.

8L’approche de Gibson repose principalement sur l’analyse des rapports compris entre l’animal et son environnement en passant par la perception. Il conceptualise la notion d’affordance (Gibson, 2014). La notion d’affordance a été discutée par plusieurs auteurs et notamment par le sociologue Isaac Joseph. Ce dernier comprend l’affordance comme étant « à la fois une prise et une invite, la disponibilité dans l’univers perceptif » (Joseph cité par Pecqueux, 2012,p.219 ). Les affordances permettent d’entrevoir les conditions dans lesquelles nous nous mouvons dans l’espace. Elles facilitent la manipulation des objets. Joseph s’accorde avec Gibson et Berque pour dire que cette notion est de l’ordre du subjectif et de l’objectif et qu’elle signifie en même temps un fait comportemental et environnemental (Joseph, 1998, p.64).

9En continuité avec la pensée de Gibson, Berque définit les prises comme des invariants attachés à la chose. Elles ne cessent donc pas d’exister, même si nous ne les percevons pas. Il estime que l’affordance est tout ce qu’un « environnement spécifique fourni (affords en anglais) à un observateur qui peut le percevoir parce que lui-même est spécifiquement adapté à cet environnement » (Berque, 2000, p.100). Par corrélation, le milieu se manifeste comme un ensemble de prises avec lesquelles les sujets sont en phase. Les prises médiales diffèrent d’un sujet à un autre parce qu’elles n’ont pas l’universalité de l’objet physique. Les prises prennent vie dans une relation dont l’un des contractants est la société.

10Pour Berque, l’étude des milieux humains, ou la mésologie, interroge la manière dont s’organisent les prises trajectives qui permettent aux diverses sociétés de comprendre et d’utiliser la réalité des choses, une réalité qui est toujours en mouvement et en transformation. Elle interroge les mécanismes trajectifs. Les prises trajectives se configurent en motifs permettant ainsi de caractériser et d’identifier les espaces habités. Berque explique que les motifs de l’écoumène représentent les phénomènes qui manifestent la réalité pour notre perception. Ils suscitent les raisons d’agir. Ils sont à la fois ce que nous voyons en tant que configurations et ce qui stimule en nous ces raisons d’agir de telle ou telle façon, en tant que motivations. Ils sont trajectifs. Ils sont en même temps des empreintes et des matrices. Ils sont empreintes parce qu’ils portent la marque de l’existence humaine, et ce matériellement ou immatériellement, et dans la plupart des cas, ils joignent les deux. Les motifs écouménaux portent l’empreinte des systèmes techniques de l’humanité. Ils sont l’incarnation visible de notre corps médial. Ils en représentent tout autant la part symbolique. Cette part symbolique ramène le monde en nous même, émeut notre corps animal. Les motifs écouménaux sont à appréhender en ce sens comme des matrices de notre sensibilité, ainsi qu’à travers elle, de notre comportement (Berque, 2009) et de nos affects.

11« Les motifs de l’écoumène dans leur en-tant-que d’agréments, de risques, de ressources ou de contraintes, ce sont bien les affordances de notre environnement » (Berque, 2009,p.248). C’est en cela que les milieux humains sont une relation et non pas un objet. Nous avons donc avec les choses un rapport bien plus complexe et plus mouvant que la simple dualité sujet / objet. Un objet suppose et engendre la réalité où il s’insère. Les formes perceptibles et sensibles de notre environnement et les mobiles inconscients qui nous y guident, nous y attachent et nous le font aménager dans un certain sens. Les motifs de l’écoumène sont spatiaux temporels. Ils sont à la fois dans l’espace comme configurations et dans le temps comme motivations. Dans l’écoumène, causes et motifs se combinent dans la trajection de la réalité. Les motifs inclinent sans déterminer, mais préservent la liberté et la spontanéité du sujet. Ils adviennent d’une nécessité morale et d’une action pleinement motivée, contrairement aux causes qui nous démunissent de liberté et nous rendent dépendants d’un mécanisme. Nous considérons que l’ensemble des motifs participe de la conformation des ambiances de l’écoumène. Nous accorderons à motif le terme ambiant pour concrétiser la liaison entre les données de l’environnement et l’ambiance configurée par la conjugaison des motifs.

Figure 1. Le motif ambiant manifeste perceptible et concret de la relation trajective entre le sujet et son environnement

Figure 1. Le motif ambiant manifeste perceptible et concret de la relation trajective entre le sujet et son environnement

Le motif ambiant en trois temps : collecte, expérimentation, conceptualisation

Figure . Démarche empirique : collecte, expérimentation, conceptualisation.

Figure . Démarche empirique : collecte, expérimentation, conceptualisation.

12Après avoir cadré théoriquement la notion de motif ambiant, nous nous apprêtons ici à déployer le fil de la démarche empirique entreprise et qui, rappelons-le, s’étend sur trois phases ; caractérisation, expérimentation, conceptualisation.

13Pour la phase de collecte des motifs ambiants, nous nous sommes laissés guider par les terrains eux-même. Nous ne sommes pas partis d’un protocole préétabli et dessiné précisément. Nous avons opéré d’une manière fluide. Nous nous sommes autorisés le recours « à l’expérience directe » de nos quartiers d’étude et « à la conversion de cette expérience en matériau pour l’analyse » (Arborio et Fournier, 2014, p.9). C’est ce qui nous a amenés à accumuler des données empiriques bien diversifiées. Le recueil et la quête des données ne se sont pas limités à une période précise. Ils se sont est effectués de manière sporadique. Cette prise de position a amené à ce que le travail de terrain s’étale sur une durée de trois ans environs (2011-2014). Nous avons enquêté sur un laps de temps assez long et pendant différentes saisons et périodes de l’année. Ce-ci nous a amené à préciser les motifs ambiants qui se sont ancrés dans les terrains d’études; et de faire un va et vient entre la parole des anciens habitants et les réalités actuelles in-situ. Nous avons ainsi recueilli les données « sans protocolarisation excessive, avec une disponibilité permanente à l’enquête » (Arborio et Fournier, 2014, p.11). Nous nous sommes adaptés aux conditions données par les terrains, nous avons réorganisés et reconduit selon nos objectifs les éléments recueillis.

14Nous avons eu recours à l’observation, aux relevés urbains, aux enregistrements sonores et vidéographiques, au recueil de la parole des habitants par le biais des entretiens et des itinéraires in situ. Nous avons pu interagir avec 35 participants. Nous avons consulté quelques films et documents audiovisuels. Nous avons également pris en considération les journaux d’époque dans notre quête d’informations sur le vécu ancien. Nous avons mis en forme une base de données hétérogènes par laquelle nous avons pu mettre au jour les différents motifs ambiants en question et que nous discutons dans les paragraphes qui suivent.

  • 2 Le centre culturel Mohamed Maarouf, avocat et militant de première heure : propose un programme var (...)
  • 3 Feu professeur Jean Pierre Peneau, Professeur Jean Paul Thibaud.

15Les motifs ambiants, en plus de nous avoir permis de caractériser le vécu sensible des quartiers de Capaci Piccolo et Capaci Grandi, et plus précisément leurs ambiances historiques, nous ont donné la possibilité de vérifier pourquoi une certaine atmosphère demeure malgré la transformation du tissu social. Nous avons pu effectuer cette démarche grâce à la mise en place d’une installation projection par l’entremise et la réinterprétation des motifs ambiants collectés. Ayant défini les objets de l’environnement auquel sont reliés l’ensemble des motifs ambiants qui construisent l’ambiance des quartiers d’étude, nous avons sélectionné ceux qui nous ont semblé les plus pertinents et les plus simples à interpréter, à traduire pour construire l’installation projection, comprise elle-même comme un objet à réaction ambiantale. La mise en place de l’installation a été faite au centre culturel de la ville de Sousse2. Elle s’est étendue sur trois jours, du premier au trois avril 2014. Le dispositif a été évalué à l’école nationale d’architecture et d’urbanisme de Tunis par les directeurs de la recherche3 avant de s’exposer dans sa version finale aux participants et à l’enquête.

16Notre approche de l’installation n’avait pas un objectif premier d’éveil réflexif et d’émotion esthétique. Le dispositif esthétique d’immersion en intimité multisensorielle dans un espace artificiellement construit est davantage utilisé comme le dispositif expérimental d’un laboratoire. Le dispositif a pour objectif d’inciter le visiteur à habiter physiquement et à s’approprier symboliquement par immersion active l’installation, puis à formuler le récit de ses réactions et impressions. Le but prioritaire de l’installation n’est donc pas la seule création artistique. C’est un dispositif expérimental à finalité d’enquête scientifique, même s’il emprunte la forme et le principe de l’installation.

17Le dispositif que nous avons développé met le corps sensible à l’épreuve. Il y a enclenchement d’un processus d’interaction entre le corps et les objets de l’installation. Le corps est fortement sollicité pour interagir et répondre aux différents stimuli sensoriels. Dans la mouvance de l’installation-projection, il devient à bon escient la caisse de résonnance des différentes sollicitations sensorielles auxquelles il est soumis qu’elles soient visuelles, sonores, olfactives, gustatives, et cetera. Le visiteur est convoqué ainsi à vivre l’expérience de l’œuvre par le biais de tout son corps sensible et non pas de se limiter à un seul sens. L’expérience lui donne le moyen de vivre et de sentir différemment des expériences extraites de l’ordinaire. Elle nous permet dans le même temps de visualiser la portée opératoire des motifs projetés dans l’habitacle de l’installation.

18Le dispositif a été soumis à 26 visiteurs et a évolué en fonction de sa réception et de la manière dont il a été appréhendé par ces derniers. La durée de la période durant laquelle les participants ont pu expérimenter le dispositif a été située dans un intervalle de dix à quarante cinq minutes.

19Dans cette phase d’expérimentation, les individus endossent trois postures. La première est celle de visiteur à l’instant où il s’introduit dans l’habitacle de l’installation. La deuxième est celle de sensator (Weber, 2003), elle correspond au moment de son vécu de l’expérience. La troisième est celle de l’enquêté, au moment où il est soumis à un entretien semi-directif permettant d’avoir un retour sur chacune des expériences vécues par les différents individus.

20Cette installation a permis de toucher un public autre, en plus de celui des habitants et anciens habitants des quartiers et d’apporter une vision distanciée face à celle parfois idéaliste de ces derniers. Nous avons dénombré dans notre corpus de participants 14 visiteurs occasionnels, 5 anciens habitants et 7 participants étrangers aux quartiers La palette des enquêtés, très diverses du point de vue des âges et des appartenances sociales, a permis de récolter des motifs ambiants aussi variés les uns que les autres. Nous avons en effet observé l’ensemble des réactions des enquêtés tout au long de leur expérimentation du dispositif pour pouvoir les relever et les restituer

21Pour la troisième phase d’évaluation de la portée conceptuelle et projectuelle des motifs ambiants, nous avons tenté une expérience pédagogique dans le cadre d’un atelier (workshop en anglais) interuniversitaire autour d’un tronçon du quartier de Capaci Grandi. Les cinq groupes d’étudiants ayant participé étaient composés chacun de quatre futurs architectes, d’un futur paysagiste et d’un futur plasticien. L’atelier s’est étendu sur quatre jours du 23 juin 2021 au 26 juin 2021. La matinée du 27 juin 2021 a été réservée au jury et à la remise des prix. Nous avons commencé par exposer de manière sommaire et simplifiée aux étudiants ce qu’est un motif ambiant. Nous leur avons suggéré de bien observer les pratiques et les activités qui se déploient dans la voie publique et de s’en inspirer pour ensuite les réinterpréter dans leur mise en forme du projet. Pour la collecte des motifs ambiants, nous leur avons donné la possibilité de faire usage de leurs téléphones portables, pour la prise de photos, d’enregistrements sonores, d’enregistrements vidéo. Ils pouvaient aussi dessiner des croquis, faire des relevés rapides. Une visite guidée a également été organisée avec un ancien habitant, la matinée du 23 juin 2021. Elle s’est concentrée sur la tranche concernée par l’intervention. La zone d’intervention intégrait l’avenue Victor Hugo, la grande place de ce dernier ainsi que le marché. Chacun était guidé par son libre arbitre pour rendre compte des données relevées sur terrain. La restitution de ces données s’est faite sous forme de montages vidéo et de planches graphiques analytiques. Une esquisse de ces éléments a été développée l’après-midi même de la visite. Le format final de la restitution a été présenté le jour du jury en plus des propositions de projets. Nous ne voulions pas standardiser les outils de restitution et de rendu pour donner de la liberté aux différents participants et les laisser s’exprimer en ayant recours aux outils qu’ils maitrisent le mieux.

Les motifs ambiants à l’épreuve des quartiers d’études, caractérisation ambiantale et environnementale

Motifs sonores

22Nous avons constaté, que ce soit durant la période où les quartiers ont été habités par les communautés toutes mélangées ou aujourd’hui par les seuls tunisiens, que la voix est omniprésente. Les habitants sont en prise les uns avec les autres ainsi qu’avec leur milieu de vie à travers leurs voix retentissantes. Ils font part de leur présence et de leur appartenance à ces rues. Un sujet en aperçoit un autre et, porté par ses propres motivations, utilise sa voix pour l’appeler et communiquer avec lui. L’autre entend le signal et lui répond par l’action, par la voix ou par le geste.

23Communiquer à haute voix est toléré, accepté, intériorisé; c’est une manière d’être qui s’est installée dans les rues de ces quartiers. Les usages et les perceptions de la voix sont multiples et différents. Les habitants sont en prises les uns avec les autres et avec leur milieu, à travers la voix qui conserve une place prépondérante malgré l’évolution des technologies et des modes de communication. À travers la voix, les individus se retrouvent à la fois sujets et objets.

24Mis à part les motifs vocaux, nous en avons relevé d’autres qui se trouvaient liés à la dimension sonore. Nous considérons que les signaux sonores sont tout comme les objets bâtis, des empreintes physiques appartenant à l’environnement construit, et des matrices phénoménologiques pouvant toucher à notre sensibilité et à notre comportement. Le potentiel d’action vis-à-vis des sonorités est parfois régi par les appartenances culturelles et religieuses, par l’âge et l’ampleur du temps vécu de chacun. Un son n’engendre pas toujours la même action ou réaction chez les uns et chez les autres. Les motifs ambiants révèlent en ce sens les différents modes d’expression d’une ambiance. Elle devient plurielle, sans avoir à perdre de sa plénitude, ou de son unicité.

Figure . Motifs vocaux.

Figure . Motifs vocaux.

Motifs olfactifs

25« Quant aux gourbis j'ai aussi un souvenir quand je passais par-là souvent une odeur de cuisine agréable me montait au nez et je me suis demandé souvent avec si peu ils pouvaient réaliser des bonnes choses » (Giuseppe, ancien habitant de Capaci Piccolo, entretien en ligne, 2015).

26L’odeur, c’est celle de l’autre, l’odeur de l’autre qui ne nous laisse pas indifférents et qui polarise notre attention ; celle que perçoit le sicilien et qui se dégageait de chez le Tunisien. L’odeur fait effet d’attraction et mobilise l’attention (Balez, 2001). Le Sicilien se confronte à chaque fois à une expérience olfactive originale, malgré ses passages répétitifs par le même endroit. Il ne semble pas s’être habitué à ces odeurs, chaque jour il en découvre des nouvelles. L’aspect plaisant de l’odeur ramène à la dimension gustative qui se retrouve par induction appréciée sans pour autant être goûtée. Les enquêtés, dans leurs descriptions des odeurs de poisson et de nourriture, utilisent des verbes comme s’échapper, s’élever, se répandre, monter. Ce sont des verbes d’action induisant pour l’odeur une orientation dynamique dans l’espace. S’élever et monter traduisent la verticalité, se répandre marque l’horizontalité. Ainsi laisser se répandre une substance olfactive vient à occuper un espace de plus en plus vaste et étalé. S’échapper reste dans la neutralité, il signifie sortir et se dégager. Ces odeurs se produisent dans l’espace de façon ponctuelle et régulière. La régularité de leur apparition permet de se repérer dans le temps. Elles créent un effet de répétition (Balez, 2001).

27Même si l’odeur de poisson n’a plus aujourd’hui cette même présence, les odeurs de nourriture de manière générale s’échappent toujours des cuisines. Les odeurs de cuisines sont des odeurs domestiques, qui se répandent dans un espace public, qui se retrouvent dans la rue. La densité du quartier, la mitoyenneté des habitations, et l’étroitesse des voies de circulation participent de la concentration de ces odeurs dans la voie publique.

Motifs spatiaux et climatiques

28Les exemples de motifs ambiants schématisés ci-dessous mettent en avant la manière dont le corps sensible se déploie et dialogue avec les formes bâties. Nous y comprenons l’environnement construit sous plusieurs échelles, de celle de l’urbain à celle du détail. Elles sont dépendantes les unes des autres. Ces motifs mettent en exergue les transformations opérées par les usagers des lieux, mais aussi leur assimilation d’un mode de vie, leurs manières d’être dans l’espace, ou, dirions-nous, leurs manières d’être et de se déployer, participant de l’ambiance de ces milieux. Ces motifs explicitent et révèlent les tensions entre les cultures, celles qui ont construit ces quartiers et celles qui les habitent aujourd’hui. Il y a eu transformation dans les deux sens. On y habite certes, mais on les transforme aussi.

29L’espace public, la place du quartier, la rue, le trottoir, le seuil de la maison, à Capaci Grandi et Capaci Piccolo sont des espaces que l’on habite, que l’on aménage pour pouvoir s’y installer confortablement. L’habitation et la rue sont deux espaces qui se complètent mutuellement et qui ensemble représentent le lieu de vie et les activités de leurs occupants.

30L’espace physique est en prise avec le sujet qui le transforme et l’aménage à sa guise. L’espace public est un territoire marqué par l’aménagement, les postures et les gestes qui se sont ancrés dans les objets et les choses de ces quartiers. Ils sont devenus partie prenante de l’ambiance quotidienne. Les pratiques de l’espace qui persistent jusqu’à nos jours ont été transmises par le pouvoir mobilisateur du lieu. Il s’agit de gestes inscrits dans la durée propre aux objets, et qui, par trajection, continuent d’avoir lieu.

Figure . Motif formel : seuil.

Figure . Motif formel : seuil.

31« […] les habitants du quartier prenaient le frais, le soir, sur le pas de la porte. Ceci était donc général. À l'époque, il n'y avait pas de "clim" et les pauvres ventilateurs ne brassaient que de l'air chaud, aussi il était plus agréable de prendre le frais sur son balcon ou sur le devant de sa porte tout en blaguant avec les voisins » (Claude, ancien habitant de Capaci Grandi, entretien en ligne, 2015). Myriam ajoute « j’habitais de 1957 à 1963 l’immeuble Massa, sur une avenue dont je ne se souvient plus du nom, près de la pompe à essence, Fina ». Elle continue : « le soir, on sortait des tapis, des chaises, et tous les voisins descendaient. On papotait, les enfants jouaient, et on chantait aussi » (Myriam, ancienne habitante de Capaci Grandi, entretien en ligne, 2015). Giuseppe, assure que « les enfants même s’asseyaient à plusieurs par terre les jambes croisées à distance des parents dans un angle de rue, mais pas n’importe lequel, là où il y avait les lampions d’éclairage public » (Giuseppe, ancien habitant de Capaci Piccolo, itinéraire in situ [Capaci Piccolo], 07/09/2011). C’était plus simple pour qu’ils puissent se voir entre eux, étant donné que les adultes profitaient eux de la lumière provenant de la maison quand il n’y avait pas forcément d’éclairage public dans l’entourage de la demeure.

  • 4 Dans le mouvement de reterritorialisation du modèle de l’habitat sicilien à Sousse, il y a eu modif (...)

32Les Siciliens ont conservé leurs habitudes quand ils ont immigré en Tunisie et aujourd’hui encore, nous pouvons observer la persistance de la présence de l’habitant dans la rue. Si ces habitudes et ce vécu ont pu quelque part se perpétuer, c’est en raison des similitudes des conditions climatiques. Le climat de la Sicile est un climat méditerranéen comme celui de la Tunisie. Un autre paramètre intervenant est celui de la reterritorialisation à un certain degré4 d’une typologie d’habitat et, par la suite, la très lente transformation du tissu urbain des quartiers. Les habitants s’installent dehors parce qu’il « fait beau », parce qu’il fait chaud à l’intérieur et parce que la surface des logements est assez restreinte. Ces données représentent des motivations valables faisant perpétuer la domestication de la rue.

Figure . Motifs climatiques.

Figure . Motifs climatiques.

33Dans Capaci Grandi et Capaci Piccolo, les motifs ambiants relevés se croisent et se chevauchent pour configurer le vécu et les ambiances. Ils engendrent une caractéristique sensible prégnante : la porosité. La porosité se manifeste à travers le registre spatial, le registre sensible, ainsi que les registres temporel et social. Dans la porosité, il y a fluctuation des limites et compénétrations des espaces, mais aussi des temporalités par le biais des modalités sensibles. Une architecture poreuse, une forme bâtie poreuse « laisse la vie et les actions des hommes la traverser » (Goetz cité par Younès, 2006, p.82). Benjamin ajoute que « la porosité résulte […], au-delà de tout, de cette passion pour l’imprévisible (l’improvisation), qui exige la préservation de l’espace et du temps à n’importe quel prix. Les bâtiments font guise de décor de théâtre populaire. Ils sont tous décomposés en d’innombrables et simultanées scènes théâtrales. Balcon, cour, fenêtre, passerelle, escalier, toit, sont dans le même temps scènes et contenants » (Benjamin, 1978, p.166).

34Dans Capaci Grandi et Capaci Piccolo, la porosité prend sens par le fait de vivre à même la rue dans son quotidien, quand on cuisine dehors, quand on s’installe sur le trottoir pour jouer ou pour faire ses devoirs, quand on étend son linge sur un fil accroché au mur et au fer forgé de la fenêtre d’à côté, quand on regarde la télévision et qu’on met le son à fond, quand on parle au téléphone et que tout le monde peut entendre la conversation en pleine rue, quand on récupère ses courses du bas de la rue à l’aide d’un couffin accroché à une corde, quand on prépare son pain traditionnel sur le bord du trottoir, quand on fume son narguilé en toute tranquillité à 10 h du matin à l’ombre de sa petite ruelle, et cetera. La limite entre le logement et la voie publique n’est pas étanche. La voie publique est transformée, domestiquée au gré des besoins et des motivations de ses habitants.

En in vitro, les motifs ambiants de l’interprétation à l’émergence, mise en expérimentation par l’intermédiaire de l’installation projection

Figure . Schématisation du dispositif expérimental.

Figure . Schématisation du dispositif expérimental.

35Une fois les motifs définis à l’issue de la première phase de caractérisation, il a fallu les penser selon la configuration spatiale offerte par l’espace d’exposition. Précisons que l’expérimentation a été mise en forme dans une salle à usage polyvalent du centre culturel de Sousse. L’organisation des objets à réaction ambiantale avait comme axe directeur l’expression de la porosité sensorielle qui caractérise le vécu sensible de nos quartiers d’étude. L’idée de l’aménagement visait donc à brouiller les limites entre intérieur et extérieur. La mise en place des objets suggérait l’espace extérieur de la rue et l’intérieur de l’habitation était visuellement accessible à travers une première surface de projection poreuse. Le matériau utilisé pour cette surface poreuse était une moustiquaire tendue entre le plafond et le plancher. La vidéo transperçait le support poreux et était projetée sur le mur d’en face. Une seconde vidéo était projetée sur un deuxième mur. Trois catégories de sources sonores étaient exposées aux visiteurs, chacune avec un mode d’audition différent. Le dispositif a évolué au fil de l’expérimentation.

36Nous avons remarqué que le jeu d’interaction installé entre les visiteurs et l’objet à réaction ambiantale a été plus simple à établir le premier jour de l’expérimentation à cause de la présence accrue que les jours qui ont suivi. Il y avait moins d’hésitation à pénétrer l’installation et à expérimenter le dispositif. Même quand un visiteur entrait et qu’il se sentait désorienté, il prenait une ou deux secondes d’observation en étant posté à l’entrée. Ayant saisi de quoi il s’agissait, il prenait place dans l’installation : regardait, écoutait, mangeait. L’autre jouait le rôle de médiateur. Il mettait en confiance le nouveau venu et l’invitait par sa simple présence à prendre place dans le corps de l’installation. Il s’agit ici de motifs kinesthésiques qui impliquent le principe d’imitation. Les jours suivants, la plupart des visiteurs opéraient en solitaires ou en duos.

  • 5 Code utilisé pour la désignation des participants : E pour enquêté, les chiffres (01-02-03) pour la (...)
  • 6 Enquêté, étranger aux quartiers d’étude

37Mis à part ce mode comportemental, nous avons procédé au relevé de quelques interactions avec l’objet à réaction ambiantale. Deux enquêtés, une fois entrés dans la salle et ayant reconnus tout de suite les quartiers mis en scène, sont allés chercher des chaises dans le café d’à côté et se sont installés pour regarder les vidéos, les discuter et les commenter. Ils ont exprimé verbalement leurs intentions dès qu’ils sont entrés : « Ramenons des chaises, celles du café, et asseyons-nous pour regarder ! » (E03.25.VO.63)5 – (E02.18.VO.72). Le premier jour de l’expérimentation, l’un des « sensators » ayant reçu un coup de fil s’est assis sur l’une des chaises et a entamé la conversation téléphonique sans s’être mis en aparté, malgré la présence accrue des visiteurs, comme s’il était tout simplement dans la rue. Un autre s’est allongé sur le matelas pendant quelques secondes, et s’est ensuite assis pour regarder la vidéo projetée sur le mur d’en face. Lors de leurs déambulations certains enquêtés commentaient à voix haute ce qu’ils étaient en train d’expérimenter : « On sent l’odeur des chichis quand on s’approche ! » (E.02.12.VO.24). Par ce commentaire Ils rendaient compte de l’actualisation de leurs sensations en accord avec la motricité de leurs corps. Quand ils dégustaient, ils exprimaient le plaisir qu’ils ressentaient : « Mmm ! C’est bon ! » (E.01.02.VO.26), et ils en redemandaient : « Est-ce que je peux reprendre un chichi ? » (E.0102.VO.26). Quand ils regardaient les vidéos, ils commentaient, ils interprétaient : « Elle veut exprimer le partage à travers les séquences de film ! » (E.02.13.E6.24). Quand ils n’arrivaient pas à identifier ou à comprendre quelque chose, ils s’interrogeaient : « C’est où ça ? » (E.02.14. E.42), « C’est quoi ce film ? Je ne le reconnais pas ! », « C’est un mariage ? » (E.01.02.VO.26), « Pourquoi il y a deux écrans l’un devant l’autre ? » (E.03.21.VO.28).

38Le relevé de leurs réactions ou interactions ainsi que l’analyse des entretiens réalisés à la suite de l’expérimentation nous ont amenés à identifier les motifs générés en immersion. Certains des objets de l’installation ont donné lieu à des usages et des actions analogues à ceux observés et relevés dans le quartier malgré leur décontextualisation et leur réinterprétation : les chaises par exemple, le seuil suggéré par le tabouret, le matelas, la radio, et cetera. Cela relève du fait que l’assimilation d’une invite est un processus de perception d’un objet écologique doté de valeur, «[…] l’objet offre ce qu’il offre parce qu’il est ce qu’il est » (Gibson, 2014, p.225). La variation des interactions éditées par un des objets de l’environnement dépendrait de la motivation de départ. La valeur utilitaire de cet objet varie et se transforme dans le temps en adéquation avec les besoins nés des sujets. _

39L’installation en in vitro se situe entre projectuelle et caractérisation. Nous désirions par cette expérimentation vérifier la relation requise entre les objets de l’environnement construit et la persistance des motifs ambiants qui profilent la caractéristique ambiantale prenante de nos quartiers d’étude : la porosité. La phase qui suit met à l’épreuve la portée opératoire des motifs ambiants dans le cadre d’une proposition de réaménagement des espaces structurants du quartier de Capaci Grandi. Toutefois, elle tente principalement d’évaluer les possibilités de restauration d’un vécu sensible donné par le biais des motifs ambiants.

In utero, conceptualiser et projeter les motifs ambiants

40Les rendus des étudiants dépeignent diverses interprétations des motifs ambiants qui constituent la peau atmosphérique de Capaci Grandi et qui donnent tout son sens à la porosité sensorielle qui l’imprègne. Un travail a été effectué, spatialement parlant, sur l’amplification de l’échelle des objets urbains, de la multiplication, de la dilatation, et cetera, afin d’ancrer davantage certains motifs et d’en créer de nouveaux.

  • 7 The city Thread est le gagnant du concours international de design Passageways 2.0 pour transformer (...)

41Le premier groupe primé a effectué un travail de conceptualisation du motif « seuil ». L’objet à réaction ambiantale « seuil » a été dilaté, multiplié, transformé. Il y a eu un travail sur la requalification de l’échelle de l’objet selon la typologie de l’espace à restructurer : la rue et la place. L’objet reconfiguré s’est inspiré de l’installation urbaine de Molly Hunker et Gregory Corso, the City thread ;7 projet lauréat du concours international initié par l’organisation à but non lucratif « River City Company » dont l’objectif principal était de reconstruire l’identité d’une ruelle délaissée du centre-ville de Chattanooga à partir d’un élément d’infrastructure contemporaine. L’installation restructure la ruelle par le biais d’un tube en acier linéaire se déployant pour configurer différents sous espaces, offrants chacun quelques modalités d’usage et d’interactions sociales possibles.

42Le groupe d’étudiants, en s’inspirant de ce projet, avait l’intention de mettre en œuvre un dispositif qui permette de déployer les motifs déjà existants reliés à l’objet seuil spécifiquement et à la rue d’un point de vue plus généralisé, tout en laissant le libre arbitre aux usagers d’en configurer de nouveaux. Le seuil dilaté, selon la démarche présentée, permet aux utilisateurs de s’asseoir, de s’attabler, de s’éclairer, de se balancer, de végétaliser, de créer des zones ombrées et abritées, d’étendre le linge et autres. L’idée de seuil a pareillement été déployée dans la grande place du quartier. Projetéen cohérence avec l’échelle du lieu,le seuil s’est configuré en grandes plateformes empilables. Il est possible de s’y asseoir, d’y jouer, de sauter, de s’y allonger, de s’y regrouper, et cetera. Ici, la notion de seuil ne s’est pas seulement explicitée formellement, mais penser aussi métaphoriquement. La notion de seuil renvoie à cet entre-deux situé dans l’intervalle de liaison/séparation entre le public et le privé, la rue et l’habitation. Elle va dans le sens propre du quartier, dont la caractéristique sensible prégnante est la porosité.

Figure . Le seuil dilaté Groupe primé 1.

Figure . Le seuil dilaté Groupe primé 1.

Amel Rebhi, Ismehen Mrad, Nesrine Rouihem, Sarra Ben Mansour, Walid Wassai et Wejdan Ammar.

43Nous avons considéré la grande place du quartier de Capaci Grandi comme objet ambiantal à part entière en vue des ressources qu’elle offre et des motifs qu’elle génère. Dans la proposition ci-dessous, le groupe d’étudiants s’est inspiré des motifs observés lors des recherches de terrains, les motifs notés lors de la visite guidée avec l’ancien habitant et ceux extraits de leurs propres recherches sur les lieux. La place offre une étendue spatiale où l’on se rassemblait pour fêter les mariages, projeter des films, papoter devant le café-bar. Aujourd’hui, les jeunes la transforment parfois en un espace de performances urbaines (graffitis ou rap par exemple). L’idée fut donc de restructurer une partie de la place par l’aménagement d’un ensemble de petites scènes situées en aval des bandes de circulation piétonne. Ainsi toute performance est exposée aux passants, mais aussi aux habitants, qui sont en première loge sur leur balcon. En dehors du déploiement de spectacles divers, la place offre dorénavant un lieu de pose et de détente. La partie végétale aurait pu être pensée d’une meilleure façon, en concordance avec les motifs projetés. Par exemple, il aurait été judicieux de déployer des gradins végétaux et de mieux placer les arbres afin de ne pas obstruer les perspectives vers les scénettes tout en créant des zones d’ombres pour les potentiels spectateurs.

44Dans une deuxième proposition d’intervention sur la place, une réflexion a eu lieu autour de l’idée de passerelle entre les civilisations. L’intention était de configurer une installation, un mémorial à l’effigie des anciens habitants sous la forme d’une passerelle entremêlée au centre de la place Victor Hugo : les voies de circulation s’entremêlent et s’étendent en hauteur pour offrir une vue panoramique et des perspectives à 360 degrés sur la ville. L’installation sert aussi de lieu de promenade, de pose et de jeu. Il s’agissait ici d’une relecture de la notion d’exposition et des motifs naissants des interactions entre les habitants eux-mêmes et à travers l’étendue spatiale qu’offre la place. Le quartier était autrefois ouvert et connecté avec la ville, ce qui n’est plus d’actualité aujourd’hui. Par le biais de ce dispositif élevé en hauteur, l’intention était de recréer une interaction visuelle et paysagère avec l’environnement urbain immédiat du quartier et de rappeler qu’il fait lui-même partie d’un écosystème urbain de plus grande échelle. Le dispositif de passerelle entre les civilisations renvoie au vécu ancien du quartier et renoue avec sa relation avec cet extérieur dont il est aujourd’hui coupé. Il y a ouverture d’une brèche visuelle. Autrefois, ce sont les habitants des différentes communautés qui se rassemblaient dans la grande place de Capaci Grandi et qui par leur déplacement et leur exposition dans la ville, manifestaient la connexion sociale et urbaine. L’installation proposée ci-après tente de restituer les liens autrement. Les motifs de rencontre et d’ouverture à l’autre liés à l’étendue de la place sont restitués à travers cette passerelle déployée en hauteur.

Figure . La place se transforme en plusieurs micros placettes ou scénettes.

Figure . La place se transforme en plusieurs micros placettes ou scénettes.

Groupe primé 2 : Ons Chaabani, Yosri Mezhoud, Ghada Kortas, Bahaeddine Laadhari, Wadhen Imen, Tounketi Noura.

Figure . Passerelle des civilisations.

Figure . Passerelle des civilisations.

Groupe Primé 3 : Sarra Boughattas, Sarra Allani, Houda Masadak, Yasmine Hamza, Aya Ali, Sahbi Rouatbi.

45Au cours de notre travail, nous avons relevé que les toits représentaient parfois un refuge pour les jeunes du quartier. Leur terrain de football leur ayant été retiré suite à la construction d’un immeuble, ils n’avaient plus d’espace leur étant réservé pour se regrouper. C’est à partir de cette valeur d’usage du toit et du motif de jeu alloué autrefois à l’area, un ancien terrain du quartier que les étudiants ont proposé cette idée de rendre le toit du marché habitable, accessible aux jeunes en tout temps. Ils pouvaient donc avoir un lieu propre à eux où se rassembler, se ressourcer physiquement et mentalement.

Figure . Le toit habité, le toit comme espace de jeu, Home Gym sur le toit du marché

Figure . Le toit habité, le toit comme espace de jeu, Home Gym sur le toit du marché

Groupe Primé 5 : Oumaima Radhi, Bechir Ben Chedli, Cyrine Thabet, Rania Khélifi, Firas El Abed, Yassine Khaled.

46Toujours en rapport avec le même objet, une seconde proposition s’est déployée sur le toit en y aménageant un espace végétalisé accessible à tous. L’intention était d’y établir des parterres fleuris en plus d’autres végétaux. Les espèces plantées, à travers la dynamique de leurs couleurs de floraisons, introduisaient la notion d’évolution et de transformation dans le temps. Il faut préciser que la présence de végétaux est quasi inexistante dans Capaci Grandi, mis à part quelques plantes grimpantes ou quelques pots de fortune. Les étudiants ont voulu mettre l’accent, renforcer le déploiement d’un élément de l’environnement qui ne pourrait qu’enrichir le vécu sensible et induire des motifs multiples. Le toit devient un jardin habité suspendu, un objet ambiant qui se transforme en un autre. Ce dernier se situe dans la continuité de la passerelle entre les civilisations mise en forme par le même groupe.

47Les interventions des différents groupes d’étudiants ont touché à plusieurs échelles. Nous ne pouvons toutes les exposer ici, c’est pourquoi nous avons choisi celles qui nous semblaient les plus représentatives de leurs démarches conceptuelles. Les groupes de travail étant intersectoriels, chacun a apporté du sien et a été plus sensible que les autres à tel ou tel motif. La figure ci-dessous (figure 22) représente une mise en scène théâtrale de personnages de différentes religions faisant la fête et jouant de la musique contre le mur de l’ancien café-bar du quartier. Selon les intentions des étudiants, il s’agirait d’une sculpture musicale rappelant les soirées de fêtes partagées entre les différentes communautés. Les sons diffusés restituent quelques objets sonores, dont les voix parlant différentes langues, les anciennes chansons diffusées dans les radios, et cetera. Cette sculpture offre de la place pour s’attabler et boire du café. Elle s’inscrit dans un travail plus élaboré autour de l’ancien bar converti en un café culturel, abritant un club de cinéma, un club de graffiti, un club de musique et un studio d’enregistrement. Le devant du café est considéré comme l’extension de l’espace intérieur. Une petite scène est aménagée juste devant, toujours dans cette même logique artistique et sensible. Un autre groupe voit en l’objet mur une étendue verticale sur laquelle est gravée une scène de vie (figure 23) : deux ménagères dans leurs fenêtres faisant la conversation à un jeune homme en bas, peut-être un vendeur ambulant, négociant l’échange qui va avoir lieu, une paire de chaussures contre une bassine et une passoire. La gravure laisse libre cours à l’interprétation, chacun selon son vécu et son expérience. La scène est encadrée de colonnes agrémentées de fleurs et de plantes grimpantes, allouant à l’ensemble une dimension poétique. Les jeunes des quartiers usent de l’objet mur pour s’exprimer à travers les tags et les graffitis. Les jeunes artistes se sont inscrits dans cette continuité pour configurer leur propre motif à partir de l’objet mur.

Le motif ambiant, manifeste d’une trajectoire sensible

48En première partie de notre travail, nous avons dû qualifier le vécu sensible des quartiers de Capaci Piccolo et Capaci Grandi moyennant les motifs ambiants. L’énumération de ces motifs nous a conduits à définir la porosité comme le sens sensible propre de nos quartiers d’étude. La porosité sensorielle se maintient, mais dans le même temps elle est en cours d’atténuation. Les ambiances de la rue d’aujourd’hui n’ont plus cette même intensité ni cette même densité. Des ambiances de l’époque, il n’en reste que l’écho. Écho car ce terme se situe entre l’éclat de l’apparaître et l’extinction du disparaître, il se laisse deviner « dans un mouvement qui est celui du transparaître » (Laplantine, 2009, p.119). Les habitants continuent de s’adapter à leur milieu tout en l’adaptant dans le même temps à leurs besoins et leurs valeurs. C’est dans ce dialogue que se lisent les tensions entre la culture qui a construit et la culture qui a investi.

49Nous avons eu recours à l’installation projection pour vérifier la pérennité des traces sensibles des ambiances historiques malgré la transformation du tissu social. L’idée fut de décontextualiser les objets de l’environnement urbain, les empreintes physiques de l’environnement et de les réinterpréter dans le cadre d’une expérimentation ou d’un objet à réaction ambiantale. Il était question d’observer les objets ambiantaux sous l’emprise de sujets autres que les habitants des quartiers. Nous avons pu vérifier, par la qualification des motifs ambiants issus de l’installation, que si certaines caractéristiques demeurent c’est en raison de la persistance de ces empreintes physiques ou objets à réaction ambiantale ou quand l’environnement urbain, avec ses composantes à la fois matérielles et immatérielles, induit dans une certaine mesure les usages et les pratiques. Dans une certaine mesure parce que lui aussi, quand il ne répond pas aux besoins de l’usager et à ses motivations, se retrouve sous son emprise, emprunt de transformations et de modulations. Et c’est ainsi que se construit la relation trajective entre le sujet et son environnement. Une trajectoire sensible se crée et se tisse des lignes de fuite dans une certaine direction. Mais il est tout à fait possible que cette trajectoire emprunte un autre sens, soit déviée complètement ou modérément lorsque l’on intervient sur les composantes de cet environnement, comme dans le cas de nos quartiers d’études, où la porosité est en voie d’extinction.

50Lors de l’expérimentation pédagogique, les étudiants se sont saisis des objets sensibles de l’environnement ainsi que des motifs qu’ils génèrent pour développer leurs propositions de restructuration et de réaménagement. Ils les ont conceptualisés et réinterprétés à leurs façons. Certains ont été plus audacieux en matière de mise en forme concrète du projet. Les autres ont choisi d’être plus discrets. Il y a également eu des réflexions sur l’injection d’objets sensibles absents des quartiers, tels que les végétaux. Dans leurs interventions sur l’espace moyennant les motifs ambiants, ils sont intervenus sur le vécu sensible lui-même, sur la restauration de l’intensité et du degré de porosité qui caractérise le quartier. Précisons que nous n’évaluons pas ici le degré de réussite des projets proposés mais la manière dont ils ont usé des motifs ambiants.

51Les motifs ambiants permettent ainsi de lire la trajectoire sensible prise par tel ou tel environnement. Il est possible alors, en intervenant dessus, de conduire le lieu en question vers un autre sens ou d’en respecter le sens existant. Le sens d’un milieu tel que le préconise Berque est désigné par la notion dite de médiance. Du point de vue de la médiance et au dedans du processus de trajection, la ville ou l’environnement construit devient à la fois empreinte physique et matrice phénoménologique (Berque, 2009). Il y est question de considérer le jeu trajectif naissant entre les formes urbaines et les groupes sociaux. Les formes urbaines sont dans ce cadre-là en prise et sous l’emprise de et avec ses derniers, et inversement (Berque, 1993).

52L’ambiance émerge et prend le sens d’une interaction et d’une codétermination continue entre l'environnement construit et les pratiques sociales. L’environnement construit du point de vue de l’ambiance n’est pas un contenant neutre dans lequel viennent se greffer quelques pratiques. C’est un milieu qualifié qui induit les pratiques. Les individus ne sont pas non plus considérés comme des récepteurs passifs des sollicitations de l’environnement dans lequel ils se meuvent. Ils sont aussi acteurs et producteurs d’ambiances par le biais de leur corps en mouvement, transformant les lieux selon leurs besoins conduits par leurs motivations. Cela rejoint la pensée de Berque qui énonce que l’habité n’émerge et ne se développe que par la trajection des choses, des corps et des idées valorisant l’instance proprement humaine de la corporéité (Berque, 2009). Les dynamiques interactives trajectives entre environnement construit et structure sociale construisent les ambiances du milieu et lui donnent sens. L’activité des sujets devient l’expression visible et perceptible des propriétés sensibles de l’espace construit.

Conclusion

53Un motif ambiant part d’une motivation, d’un besoin, d’une sensation, d’une émotion à un temps donné. La motivation de départ, entrainée par la perception des objets matériels et immatériels de l’environnement, conduit à une action précise. Cette action conduit elle-même à l’assouvissement du motif de départ et, par la suite, à une transformation de l’intériorité du sujet et de son environnement, que ce soit de façon durable ou temporaire. Le motif ambiant, dans sa configuration spatiale, temporelle et sensible, manifeste la relation trajective entre le sujet et son environnement. L’un entraine l’autre dans une direction donnée, et vice-versa. Il y a par la suite création d’une trajectoire, d’un sens qui influe sur le devenir du lieu habité.

54Un trottoir peut devenir assise, sommier, cuisine de plein air, salon, et cetera. Les motifs ambiants induits par les composantes de l’environnement construit dessinent le profil de son devenir ambiant ainsi que celui des objets sensibles eux-mêmes, qu’ils soient matériels ou immatériels. L’environnement habité se transforme et évolue dans le temps au gré de ces motifs qui se profilent dans le temps et dans l’espace.

55Les motifs ambiants peuvent s’inscrire dans une démarche prospective et projectuelle de l’urbain. Qualifier les motifs projetés permettrait de visualiser et de configurer la trajectoire et le devenir ambiant du lieu habité. Il faudrait toutefois garder une marge d’imprévisible et d’inattendu. Les motifs ambiants permettent d’appréhender l’espace urbain du point de vue de l’humain. Ils appuient cette appréhension de l’écologie urbaine comprenant la ville comme un écosystème construit par l’humain, pour répondre durablement à ses besoins.

Cet article vient en hommage au feu professeur Jean Pierre Péneau, fondateur et directeur du CERMA jusqu’en 2000. Professeur honoraire, ENSAN, Nantes. Conservateur de l'académie d'architecture, membre de l’académie d’architecture, professeur visiteur à l’ENAU, Tunis. Directeur de la thèse en cotutelle dont est issu cet article. Mes sincères remerciements vont aussi au professeur Jean Paul Thibaud, directeur de recherche au CNRS, également directeur de la thèse en cotutelle dont est issu cet article. Aux anciens et actuels habitants de Capaci Piccolo et Capaci Grandi qui se sont apprêtés aux enquêtes. Aux responsables du centre culturel de la ville de Sousse où l’expérimentation de l’objet à réaction ambiantale a eu lieu ainsi qu’à tous les participants. À tous les intervenants dans le Workshop Gabadgi entre souvenirs et devenirs.

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Bibliographie

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Annexe

Figure . Le motif ambiant : représentation schématique.

Tableaux 1. Classification des enquêtés

Figure . Motif sonore : radio

Figure . Motif olfactif : odeurs de poissons et de nourriture.

Figure . Motif formel : ouvertures.

Figure . Motifs formels : trottoir

Figure . Photos des objets à réaction ambiantale.

Figure . Motif sonore.

Figure . Motif tactile et visuel.

Figure . motif sonore.

Figure . Motif kinesthésique et visuel.

Figure . Le végétal.

Groupe Primé 3 : Sarra Boughattas, Sarra Allani, Houda Masadak, Yasmine Hamza, Aya Ali, Sahbi Rouatbi.

Figure . Sculpture sonore qui déborde du mur.

Groupe Primé 3 : Sarra Boughattas, Sarra Allani, Houda Masadak, Yasmine Hamza, Aya Ali, Sahbi Rouatbi.

Figure . Bas-relief : le mur support de création artistique

Miniature en cours d’exécution. Gravure de Sahbi Rouetbi. 

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Notes

1 « A place owns its character to the experiences it affords to those who spend time there -to the sights. Sounds and indeed smells that constitute its specific ambience. And these, in turn, depend on the kinds of activities in which its inhabitants engage. It is from this relational context of people's engagement with the world, in the business of dwelling that each place draws its unique significance » (Ingold, 2013).

2 Le centre culturel Mohamed Maarouf, avocat et militant de première heure : propose un programme varié en activités : club de théâtre, dessin, cinéma, dance, musique, atelier d’arts visuels et multimédia, club de littérature, peinture sur soie, pour enfants, jeunes et adultes. Il dessert une salle de spectacles et un espace d’exposition. Plusieurs manifestations culturelles ouvertes aux publics y sont organisées comme le festival du printemps de Sousse vers le mois de mars.

3 Feu professeur Jean Pierre Peneau, Professeur Jean Paul Thibaud.

4 Dans le mouvement de reterritorialisation du modèle de l’habitat sicilien à Sousse, il y a eu modification de certains paramètres : l’éclatement du dispositif du basso, l’intégration de plus d’ouvertures au niveau de la façade sur rue, une plus grande surface allouée à la parcelle bâtie.

5 Code utilisé pour la désignation des participants : E pour enquêté, les chiffres (01-02-03) pour la première ou bien la seconde ou bien la troisième journée de visite de l’exposition par le participant, le chiffre qui suit désigne l’ordre de passage du participant, le VO pour visiteur occasionnel aux quartiers d’étude, le dernier chiffre pour l’âge du participant). L’expérimentation s’est déroulée le 1, le 2 et le 3 Avril 2014 au centre culturel de la ville de Sousse.

6 Enquêté, étranger aux quartiers d’étude

7 The city Thread est le gagnant du concours international de design Passageways 2.0 pour transformer une ruelle autrefois inutilisée et négligée de 6200 pieds carrés sur la 7ème rue au centre-ville de Chattanooga en un espace public animé. Pour plus d’informations sur le projet the thread de Molly Hunkeret Gregory Corso, veuillez consulter le site de « donner le nom du site », [en ligne], URL : https://www.archdaily.com/910948/city-thread-sports?ad_medium=gallery

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Le motif ambiant manifeste perceptible et concret de la relation trajective entre le sujet et son environnement
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/37004/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 45k
Titre Figure . Démarche empirique : collecte, expérimentation, conceptualisation.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/37004/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 90k
Titre Figure . Motifs vocaux.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/37004/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 72k
Titre Figure . Motif formel : seuil.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/37004/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 38k
Titre Figure . Motifs climatiques.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/37004/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 172k
Titre Figure . Schématisation du dispositif expérimental.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/37004/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 88k
Titre Figure . Le seuil dilaté Groupe primé 1.
Crédits Amel Rebhi, Ismehen Mrad, Nesrine Rouihem, Sarra Ben Mansour, Walid Wassai et Wejdan Ammar.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/37004/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 132k
Titre Figure . La place se transforme en plusieurs micros placettes ou scénettes.
Crédits Groupe primé 2 : Ons Chaabani, Yosri Mezhoud, Ghada Kortas, Bahaeddine Laadhari, Wadhen Imen, Tounketi Noura.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/37004/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 90k
Titre Figure . Passerelle des civilisations.
Crédits Groupe Primé 3 : Sarra Boughattas, Sarra Allani, Houda Masadak, Yasmine Hamza, Aya Ali, Sahbi Rouatbi.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/37004/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 119k
Titre Figure . Le toit habité, le toit comme espace de jeu, Home Gym sur le toit du marché
Crédits Groupe Primé 5 : Oumaima Radhi, Bechir Ben Chedli, Cyrine Thabet, Rania Khélifi, Firas El Abed, Yassine Khaled.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/37004/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 136k
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/37004/img-11.jpg
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URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/37004/img-12.jpg
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URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/37004/img-13.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Ammar Toumadher, « Vers un outil de restauration du sensible, le motif ambiant en trois temps caractérisation, expérimentation, mise en projet. »VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume 22 numéro 3 | Décembre 2022, mis en ligne le 05 septembre 2022, consulté le 02 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/37004 ; DOI : https://doi.org/10.4000/vertigo.37004

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Auteur

Ammar Toumadher

ArchitectureChercheuse Postdoctorale, Chaire UNESCO en Paysage Urbain, Université de Montréal, Canada, courriel : toumadherammar@gmail.com ; toumadher.ammar@umontreal.ca

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

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