1Les enjeux d’une meilleure gestion des ressources en eau sont de plus en plus critiques en zone sahélienne. Les totaux pluviométriques ont considérablement baissé dans la zone sahélienne depuis les années 1970 comme un peu partout en Afrique de l’Ouest et Centrale (Yonaba et al., 2021 ; Descroix et al., 2015a ; Olivry et al., 1998). Cette baisse des précipitations a eu pour effet de diminuer les apports d'eau qui transitent dans certains cours d'eau (Ouédraogo, 2001). En effet, les quantités d’eau annuelles écoulées ou les modules ont subi de fortes baisses (Mahé et al., 2003 ; Sircoulon, 1987).
2Toutefois, en dépit des déficits pluviométriques, diverses études ont noté une augmentation des débits dans certains cours d’eau sahéliens. D’après les travaux de Mahé et al. (2010), sur le bassin du Nakanbé à Wayen, où la baisse pluviométrique oscille en 15-20%, les coefficients d’écoulement mensuels ont connu une augmentation considérable de juin à septembre. Ils étaient inférieurs à 5% avant 1970 et dépassaient parfois 10% en septembre 1980, une période où les déficits pluviométriques sont plus accentués. Quant aux débits maximums journaliers, les coefficients d’écoulement sont passés de moins de 200 m3/s à plus de 400 m3/s. C’est le même constat sur les bassins du Dargol et de la Sirba au Niger où les écoulements ont nettement augmenté dès le début des années 1970 (Mahé et al., 2003). C’est ce changement hydrologique qui est à l’origine de la recrudescence des inondations observées sur toute l’Afrique de l’Ouest (Sighomnou et al., 2013).
3Le bassin versant du Massili fait partie intégrante du bassin du Nakanbé à Wayen, un espace fortement urbanisé qui concentre la majeure partie des ressources en eau du pays (Gbohoui et al., 2021a ; Diello, 2007). Le bassin du Massili à Gonsé occupe environ 12,22% de la superficie du bassin du Nakanbé à Wayen. Cet espace héberge environ 76,16% des terres de la commune de Ouagadougou et environ 73% de la population vit en ville (Bagré et al., 2022). C’est dans ce contexte que le bassin du Massili à Gonsé a été retenu comme cadre d’étude pour évaluer la variabilité hydro-climatique et l’évolution des changements du mode d’occupation du sol sur les modifications actuelles du fonctionnement hydrologique du bassin versant. La variabilité pluviométrique et les changements d’occupation du sol sont considérés comme les principaux facteurs pouvant affecter le fonctionnement hydrologique des bassins versants (Yonaba et al., 2021 ; Gbohoui et al., 2021b). Il apparait important donc d’identifier la contribution respective de ces facteurs sur l’évolution observée dans les débits à la station du Massili à Gonsé. Le présent travail vise à étudier la variabilité hydro-climatique et leur corrélation afin d’en déduire la part des changements d’utilisation des terres sur l’évolution des débits à la station de Gonsé.
4Le bassin versant du Massili tire son nom de la rivière Massili, l'une des rivières du Nakanbé (Volta Blanche) rive droite. Cet affluent prend sa source au nord de la commune de Boussé à environ 12 kilomètres de la ville de Boussé située à 53 kilomètres de Ouagadougou (Bagré et al., 2022). Avant Loumbila, le Massili coule à 20 kilomètres à l'est de Loumbila-Ouagadougou et il est rejoint par de nombreux affluents temporaires avec le Koulohoko et le Bandatengakoui comme étant les plus importants (Kaboré Botongho, 2015). La rivière Massili a une largeur moyenne de 150 mètres en période de crue et de 3 mètres en période d’étiage. Le bassin du Massili à la station Gonsé, est situé entre les longitudes 1°15’Ouest et 1°55’Ouest et les latitudes 12°17’Nord et 12°50’Nord (AEN, 2013). Le bassin du Massili à Gonsé a une superficie de 2664 km² et il est contrôlé par la station hydrométrique de Gonsé (Figure 1).
5Le bassin versant est de forme allongée puisque son indice de compacité est de 1,53 et la pente moyenne atteint 0,22%. La densité de drainage (Dd) du bassin est de 0,81 kilomètre/km2. Le relief est peu accidenté avec des élévations qui oscillent entre 229 à 394 mètres et l’altitude moyenne est de l’ordre de 311 mètres. Sur le plan pédologique, le substratum est dominé par les sols ferrugineux tropicaux (95%), les sols hydromorphes minéraux et les sols minéraux bruts. Quant à la végétation, elle est de type classique soudano-guinéen, une savane arborée avec un tapis graminéen comportant d'innombrables touffes d'Androgon sp (Bagré et al., 2022).
Figure 1. Carte de situation du bassin versant du Massili à Gonsé
6Sur le plan climatique, les caractéristiques du climat nord-soudanien conditionnent la structuration temporelle des précipitations. Cette variante septentrionale du climat soudanien est caractérisée par deux saisons bien distinctes : une période de sécheresse de novembre à mai et une saison humide de juin à octobre. Dans cette partie du pays, les précipitations annuelles sont comprises entre 600 et 900 millimètres/an (Somé, 2014 ; Ibrahim, 2012). Entre 1975-2019, les observations ont montré que les vents soufflent à une vitesse relativement faible comprise entre 1,67 (novembre) et 2,47 mètres/seconde (février). Sur la même période d’observation, la moyenne mensuelle des températures se situe au tour de 28,6° Celsius. Les valeurs maximales des températures oscillent entre 31,1 (août) à 39,4°Celsius (avril) et avoisinent 40,2° Celsius en avril (Bagré et al., 2022).
7Dans cette étude, les logiciels ENVI 5.0 et ArcGis 10.8 ont été utilisés pour le traitement d’images satellitaires Landsat. En plus, les logiciels XLSAT et Khronostat ont été utilisés pour l’analyse des données hydro-climatiques.
- 1 Les images Landsat ont été téléchargées sur la plateforme du site USGS, Science for a changing worl (...)
8Les données utilisées dans ce travail regroupent les données pluviométriques annuelles, fournies par l'Agence Nationale de la Météorologie du Burkina Faso (ANAM-BF). Ces données couvrent la période 1975-2019 des 5 stations (Ouaga_Aéroport, Boussé, Pabré, Kamboincin et Saaba). Les informations pluviométriques disponibles sur les stations sont entachées de lacunes. En effet, le pourcentage de lacunes atteint 4,4% (Kamboincin), 6,7% (Boussé), 8,9% Pabré et 15,6% (Saaba). Ces données manquantes ont été complétées par celles du laboratoire HydroSciences Montpellier (HSM), disponibles en accès libre sur le site du Système d’information environnementale sur les ressources en eau et leur modélisation (SIEREM2). Les données hydrométriques sont au pas de temps mensuel, elles ont été acquises auprès de la direction des études et de l’information sur l’eau (DEIE) et couvrent la période 1975-2019. Les images Landsat1 de résolution 30 mètres par pixel sont utilisées à différentes dates : Landsat 2 (10 mars 1975), Landsat 4 (08 janvier 1991), Landsat 5 (28 janvier 2007) et Landsat 8 (31 décembre 2019).
9Afin d’illustrer la variabilité des précipitations dans l’espace d’étude, la pluviométrie moyenne de cinq stations a été calculée sur la période 1975-2019. Dans le présent travail, la méthode de Thiessen a été retenue. C’est une méthode d’interpolation spatiale basée sur la loi du plus proche voisin. Si "S" est la surface totale du bassin versant et "Si" la surface du polygone de Thiessen de la station I, le coefficient de Thiessen à la station I (Ci) s’obtient alors par le rapport de Si/S. La pluie moyenne sur le bassin versant du Massili à Gonsé comprenant "n" postes pluviométriques s’obtient par la formule (1) :
10Avec : Pi : Pluie moyenne pour chaque station en millimètres et Ci : Coefficient de Thiessen
11La variabilité pluviométrique sur le bassin du bassin du Massili à Gonsé est caractérisée par l’indice pluviométrique standardisé (IPS) ou Standardized Precipitation Index (SPI). Les valeurs de cet indice indiquent une situation humide (IPS > 0) ou de sécheresse (IPS < 0) de l’année considérée par rapport à la période de référence choisie (Faye et al., 2015) (Tableau 1). Il est obtenu par l’équation (2) :
12où Pi est la pluie de l’année i ; P est la pluie moyenne interannuelle de la série considérée, et σ est l’écart-type des cumuls annuels de la série.
Tableau 1. Différentes classifications du SPI et leur signification
N° de classe
|
Classe SPI
|
Interprétation
|
1
|
SPI >2
|
Humidité extrême
|
2
|
1 < SPI < 2
|
Humidité forte
|
3
|
0 < SPI < 1
|
Humidité modérée
|
4
|
0 < SPI < -1
|
Sécheresse modérée
|
5
|
1 < SPI < -2
|
Sécheresse forte
|
6
|
SPI < -2
|
Sécheresse extrême
|
Faye et al. (2015)
13Pour mettre en évidence la variabilité de l’écoulement de surface, l’approche statistique par des tests statistiques de ruptures a été utilisée. À cet effet, deux tests statistiques d’identification de point de rupture ont été retenus le Test de Pettitt (1979) et la Procédure de segmentation des séries hydrométéorologiques (Hubert et al.,1989)
14Le teste de Pettitt (1979) est un test non paramétrique dérivant du test de Mann-Whitney (Pettitt, 1979). Ce test permet de détecter les ruptures dans les séries chronologiques. Il permet de détecter un unique point de rupture (Paturel et al., 1998). L'absence de rupture dans la série (xi) de taille N constitue l'hypothèse nulle. La mise en œuvre du test suppose que pour tout instant t compris entre 1 et N, les séries chronologiques (xi) i= 1 à t et t+1 à N appartiennent à la même population (Servat et al., 1999). Sa statistique est définie par l’équation (3) :
15Pettitt propose de tester l’hypothèse nulle en utilisant la statistique KN définie par le maximum en valeur absolue de Ut, N pour des valeurs de t comprise entre 1 à N- 1.
16La probabilité pour que cette statistique soit supérieure à une certaine valeur k est approximativement donnée par :
17On rejettera l’hypothèse nulle H0, absence de rupture dès lors que la probabilité < α. Dans ce cas, la série présente une rupture au temps t = ґ définissant KN. ґ = arg max1< t < N (|Ut,N|). C’est un test qui est particulièrement plus sensible à un changement de moyenne (Paturel et al., 1998).
18La procédure de la segmentation de Hubert (Hubert et al.,1989) est un test de stationnarité. Elle permet de déterminer si une série chronologique est ou non homogène (stationnaire) et, si elle ne l’est pas, la découpe en autant de sous-séries homogènes que possible (Hubert et al., 2007. Cette procédure de segmentation de séries hydrométéorologiques n'est pas, en toute rigueur, un test statistique. C’est une méthode adaptée à la recherche de multiples changements de moyenne dans la série. Son principe est de « découper » la série en m segments (m > 1) de telle sorte que la moyenne calculée sur tout segment soit significativement différente de la moyenne du (ou des) segment(s) voisin(s) (Lubes-Niel et al., 1998). La segmentation est définie de la manière suivante.
19Toute série xi , i = i1, i2 avec i1 1 et i2 ≤ n où (i1 < i2) constitue un segment de la série initiale des (xi), i= 1, ……N. Toute partition de la série initiale en m segments constitue une segmentation de rang m définie par :
20ik, k = 1, 2,….m le rang de la série initiale de l'extrémité terminale du kième segment ;
21nk = ik-ik-1 la longueur du kième segment ;
22k =i /nk la moyenne du kième segment ;
23et Dm, correspondant à la quantité qui est l'écart quadratique entre la série et la segmentation est définie par l’équation (4) :
24Pour les auteurs (Hubert et al., 1989), cet écart est nécessairement positif ou nul et permet d'apprécier la proximité de la série et de la segmentation qui lui est appliquée. C'est en effet la somme, étendue à tous les termes de la série initiale, de l'écart quadratique de la moyenne locale. Cet écart ne dépend, pour une série donnée, que de la segmentation adoptée. Si la procédure ne produit pas de segment acceptable d'ordre supérieur ou égal à 2, l'hypothèse nulle est acceptée. Aucun niveau de signification n'est associé à cette méthode.
25Pour mettre en évidence les tendances dans l’évolution des débits (mensuels/annuels) et de la pluviométrie moyenne, le test de Mann-Kendall a été retenu. C’est un test statistique admis pour détecter la présence d’une tendance linéaire à la hausse ou à la baisse au sein d’une série chronologique en absence de toute saisonnalité ou autres cycles (Faye, 2017). Il permet d’identifier les tendances ou les changements brusques dans une série. Il a été proposé par Mann (1945) et Kendall (1975) et permet a priori de détecter des tendances non nécessairement linéaires (Dion et al., 2009). Ce test est basé sur la corrélation entre les rangs d’une série chronologique et leur ordre. Son hypothèse nulle est qu’il n’y a pas de tendance (Cuccia, 2007). La statistique de Mann-Kendall s’exprime de la façon suivante : pour chaque paire de valeurs yi et yj, où i > j, le test regarde si yi > yj (P) ou si yi < yj (M). Sa statistique est égale à la somme de la différence de rang de deux observations, c’est-à-dire S = P – M (Faye, 2017). Il est basé sur la statistique définie par l’équation (5) :
26où n est la longueur de la série ; xi et xj sont les valeurs génériques de données séquentielles ; et la fonction sgn (xi – xj) est défini par : Sgn (X) =1 si x > 0, 0 si x = 0 et ‒1 si x< 0.
27La statistique S représente donc le nombre de différences positives moins le nombre de différences négatives trouvées dans les séries chronologiques analysées. Si l’hypothèse est nulle, il n’y a pas de tendance dans les données de corrélation entre les variables considérées et le temps. Dans cette hypothèse, S est approximativement une distribution normale avec la moyenne E(S) et la variance var(S) définies respectivement par les équations (6) et (7) :
28où n est le nombre de données non manquantes, tp le nombre de valeurs dans le pième groupe et q le nombre de rang ex aequo. Le second terme représente un ajustement de données liées ou censurées. Les valeurs de S et de Var(S) servent au calcul du test statistique standardisé Z qui s’écrit par l’équation (8) :
29La présence d'une tendance statistiquement significative est évaluée en étudiant la valeur de Z. Dans ce test l’hypothèse nulle H0 « absence de tendance » est acceptée si la p-valeur est supérieure à 5%. Si la série a une tendance à croître [resp., décroître], la statistique devrait prendre des valeurs positives [resp., négatives]. Pour une taille d’échantillon suffisamment grande (T>10), la statistique UMK norm est approximativement distribuée suivant une loi normale standard, de sorte que l’on rejette l’hypothèse d’absence de tendance si ∣UMKnorm∣> Z1─ α /2, où Z1─ α /2 est le quantile d’ordre (1─ α /2) d’une loi normale standard (Dion et al., 2009).
30Dans ce travail, la méthode de pente de Sen a été également appliquée à la série. Elle permet de déterminer l’ampleur du changement intervenu dans la série des données hydrométriques. Elle s’obtient par l’équation (9) :
31La relation pluie/débits permet de mettre en évidence le taux de variation de l’écoulement de surface attribuable aux précipitations. Dans le présent travail, le test de Pearson a été appliqué. C’est une méthode dite paramétrique, car elle dépend de la distribution de la série des données. Elle permet de mesurer la dépendance linéaire entre deux variables x et y. Le graphique de y = f(x) est appelé droite de régression. Sa formule est donnée par l’équation (10) :
32où m représentent les moyennes des variables x et y. Elle est définie entre. Le coefficient est de signe positif (r si la liaison entre X et Y est linéaire et positive et de signe négatif ( si la relation entre X et Y est linéaire et négative. En revanche, un coefficient nul (r = 0) indique qu’il n'y a pas de relation linéaire entre les variables.
33L'étude diachronique de l'occupation des terres dans le bassin versant passe par le prétraitement et le traitement des images Landsat des années 1975, 1991, 2007 et 2019. L’année 1975 est retenue comme date de début de l’analyse de l’occupation des terres, car c’est l’année au cours de laquelle la station hydrométrique de Gonsé a été mise en place. Le logiciel ENVI 5.0 a servi de base au prétraitement et au traitement des images. La première étape a été l’intégration de la couche vectorielle donnant les limites de la zone d’étude. Par ailleurs, des améliorations radiométriques ont été appliquées aux images afin d’augmenter la lisibilité et de faciliter leur interprétation. En outre, la nomenclature des objets à cartographier a été identifiée. Ces unités ont été délimitées par une interprétation visuelle sur la composition colorée 432 (images de 1991 ; 2007), et 543 (2019) sur les bandes rouges, vertes et bleues. Par ailleurs, sur la base des connaissances du terrain, la classification supervisée avec l’algorithme du « maximum de vraisemblance » a été retenue (Yonaba et al., 2021). Enfin, après filtration, les images ont été vectorisées sous le logiciel ArcGis 10.8 afin de disposer des ensembles homogènes d’unités d’occupations des terres.
34La pluie moyenne est calculée pour les cinq stations météorologiques du bassin versant du Massili à Gonsé sur la période 1975-2019. La moyenne de la pluviométrie sur cette période d’analyse atteint 670,74 millimètres. Les précipitations maximales et minimales observées sont de 913,49 millimètres (2010) et 475,76 millimètres (2011) avec un écart-type de 109,16 millimètres. Le test de Mann-Kendall appliqué à la période 1975-2019 montre que l’hypothèse nulle H0 est accepté au seuil de signification de 5% puisque la p-value calculée est de 0,096, une valeur > 0,05, ce qui indique qu’il n’a pas de tendance dans la série de données de la pluviométrie moyenne annuelle observée. Selon les résultats de la pente de Sen (1,36), présente une tendance positive non significative au seuil de 5%. Ce qui est confirmé par le Tau de Kendall annonçant une faible augmentation des précipitations moyennes de 0,099 millimètre /an.
Figure 2. Pluviométrie moyenne annuelle sur le bassin du Massili à Gonsé (1975-2019)
35Par ailleurs, l’analyse des résultats du SPI (Figure 3) montre que la série présente une longue phase sèche s’étendant sur les années 1975-2001 (27 ans). Les valeurs de l’indice des précipitations le confirment puisque 40,74% des années d’observation ont subi des sécheresses modérées et 25% ont connu des sécheresses fortes. Aussi, l’analyse du SPI montre que cette période accueille 44,44% des anomalies négatives de toute la série (1975-2019). À partir de l’année 2002 à l’année 2019, l’analyse des résultats du SPI montre que les conditions pluviométriques se sont améliorées dans l’espace d’étude. Le Tableau 2 montre que 33,33% des années d’observation sont sous un régime à humidité forte, 27,78% sous le régime à humidité modérée et 5,56% de régime à humidité extrême. La moyenne des précipitations sur la période sèche (642,94 millimètres) et humide (712,46 millimètres) permet aussi de confirmer le regain des précipitations. Cette augmentation est de l’ordre de 10,81%.
Figure 3. Distribution annuelle du SPI dans l’espace d’étude de 1975-2019
Tableau 2. Pourcentage de la sécheresse/humidité dans le Massili à Gonsé (1975-2019)
Classe SPI
|
Interprétation
|
1975-2001
|
2002-2019
|
SPI >2
|
Humidité extrême
|
0%
|
5,56%
|
1 < SPI < 2
|
Humidité forte
|
14,81%
|
33,33%
|
0 < SPI < 1
|
Humidité modérée
|
18,52%
|
27,78%
|
0 < SPI < -1
|
Sécheresse modérée
|
40,74%
|
22,22%
|
1 < SPI < -2
|
Sécheresse forte
|
25,93%
|
11,11%
|
SPI < -2
|
Sécheresse extrême
|
0%
|
0%
|
36Au cours de la période 1975 à 2019, à la station du Massili à Gonsé, il ressort de l’analyse de l’hydrogramme mensuel que la rivière (Massili) présente des périodes de hautes eaux et de basses eaux (Figure 4). L’hydrogramme est unimodal. Les hautes eaux couvrent les mois de juin à septembre. À partir de juin (1,56 m3/s), les eaux commencent à monter pour atteindre leur pic maximal au mois d’août et septembre avec des valeurs respectives de l’ordre de 10,77 m3/s et 8,42 m3/s. Les débits de pointe sont observés au moment des épisodes de fortes précipitations (août/septembre). Ensuite, une seconde phase intervient, celle des basses eaux. Elles couvrent les mois d’octobre à novembre et avril-mai ou les débits connaissent une baisse continue pour atteindre la valeur minimale de 0,07 m3/s (novembre). Cette période marque le début et la fin de la saison des pluies. Enfin, une troisième phase correspondant à l’arrêt des écoulements dans le cours d’eau. Elle se situe de décembre à mars.
Figure 4. Hydrogramme des débits moyens mensuels à Gonsé (1975-2019)
37À la station de Gonsé, sur la période 1975-2019, la moyenne des débits moyens annuels est de 2,28 m3/s, 13,21 m3/s pour les débits moyens maximaux et 0,21 m3/s pour l’écoulement moyen minimal. Au cours de cette période, l’écoulement moyen annuel à la station de Gonsé, présente des variations irrégulières d’une année à l’autre. De façon générale, deux périodes plus ou moins distinctes sont observées dans l’évolution des écoulements. Une première phase, allant de 1975-2004 où la moyenne interannuelle atteint 1,73 m3/s et une deuxième phase sur la période entre 2005-2019 où la moyenne atteint 3,39 m3/s, ce qui représente une augmentation de 95,95% de l’écoulement. Quant aux débits maximaux annuels, ils suivent la même tendance avec une moyenne de 10,16 m3/s pour la première période pour atteindre 19,30 m3/s entre 2005-2019, traduisant ainsi une hausse des débits de 89,96%. Cette augmentation des débits annuels sur la période 1975-2019 est aussi confirmée par la droite de tendance qui affiche une tendance générale à la hausse (Figure 5).
Figure 5. Variation interannuelle des débits mesurés à Gonsé (1975-2019)
38Les tests statistiques appliqués aux débits pour détecter les ruptures de stationnarité mettent en évidence un caractère non aléatoire dans les séries de débits. Sur la période 1975-2019, l’absence de rupture est rejetée au seuil de 99%, 95% et 90%. Selon le test de Pettitt, l’année 2002 marque une période de rupture très significative des débits moyens annuels et l’année 2003 est considérée comme point de rupture sur les débits maximaux annuels (Figure 6). Une analyse des ruptures trouvées par le test de Pettitt montre que la valeur moyenne des débits moyens interannuels est de 1,676 m3/s avant la rupture contre 3,281 m3/s après la rupture. Ce qui correspond à une augmentation de 95,76%. Quant aux débits maximaux moyens, le même test montre que la moyenne d’avant rupture est de 9,974 m3/s alors qu’après la rupture, elle atteint environ 19,079 m3/s soit une hausse de près de 91,29%. Ces observations confirment les tendances observées dans l’analyse de la variabilité interannuelle des débits mais aussi de la reprise des précipitations annoncée par les résultats du SPI. Selon la procédure de segmentation de Hubert, deux points ruptures sont observés sur les débits moyens (1975-2019). La première rupture est observée en 2004 et la seconde intervient en 2019. Pour ce qui est des débits maximaux annuels, la même procédure met en évidence trois années de rupture. Il s’agit des années 2008, 2009 et 2019. Mais, la rupture en 2009 n’a pas été retenue puisqu’elle débute en 2009 et prend fin en 2009, année de grande inondation dans la ville Ouagadougou (1er septembre). L’analyse des résultats montre que la moyenne des débits moyens est de 1,73 m3/s avant la rupture et atteint 3,40 m3/s, ce qui traduit une augmentation de l’ordre de 96,56%. Pour les débits maximaux, la moyenne avant le point de rupture est de 10,86 m3/s pour atteindre 17,87 m3/s après la rupture, ce qui représente une augmentation d’environ 64,55% (Figure 7 et Tableau 3).
Figure 6. Recherche de rupture sur les débits annuels à la station de Gonsé (Test de Pettitt)
Figure 7. Graphe obtenu par le test de Pettitt appliqué sur la série des débits annuels du Massili à Gonsé (1975-2019)
Où mu1 et mu2 : débits moyens interannuels avant et après la rupture détectée
Tableau 3. Tests statistiques de ruptures (Pettitt/Segmentation de Hubert) à la station de Gonsé (1975-2019)
Recherche de rupture sur les débits moyens à la station de Gonsé
|
Test de Pettitt
|
Année de rupture
|
2002
|
Statistique de Pettitt (K)
|
364
|
Moy.Q avant1 (m3/s)
|
1.676
|
Moy.Q après2 (m3/s)
|
3,281
|
Probabilité associée (%)
|
5
|
Variations de débits annuels
|
95,76
|
Segmentation de Hubert
|
Début et fin de rupture
|
1975-2004
|
Début et fin de rupture
|
2005-2019
|
Moy.Q avanta (m3/s)
|
1,73
|
Moy.Q aprèsb (m3/s)
|
3,4
|
Variations de débits annuels
|
96,53
|
Recherche de rupture sur les débits maximaux à la station de Gonsé
|
Test de Pettitt
|
Année de rupture
|
2003
|
Statistique de Pettitt (K)
|
300
|
Moy.Q avant1 (m3/s)
|
9,974
|
Moy.Q après2 (m3/s)
|
19,079
|
Probabilité associée (%)
|
5
|
Variations de débits annuels
|
91,29
|
Segmentation de Hubert
|
Début et fin de rupture
|
1975-2008
|
Début et fin de rupture
|
2010-2019
|
Moy.Q avanta (m3/s)
|
10,86
|
Moy.Q aprèsb (m3/s)
|
17,87
|
Variations de débits annuels
|
64,55
|
a Moyenne des débits annuels avant la rupture
b Moyenne des débits annuels après la rupture
39Les résultats du test de Mann-Kendall appliqué aux débits moyens, maximaux et minimaux mensuels sont présentés dans le Tableau 4. L’analyse des résultats révèle des tendances significatives à la hausse pratiquement pour tous les mois humides. Les débits moyens mensuels montrent des tendances à la hausse statistiquement significatives sur 63,64% des mois soit 7 mois, 54,55% des mois soit 6 mois pour les débits maximaux et 25% des mois soit 2 mois pour les débits minimaux. En revanche, l'écoulement étant saisonnier, les mois secs n’enregistrent pas de tendance significative, car ayant des p-values calculées > 0,05.
Tableau 4. Résultats des tests de Mann-Kendall (τ: tau de Kendall ; p-value et Pente de Sen)
Débits moyens (m3/s)
|
Débits maximaux (m3/s)
|
Débits minimaux (m3/s)
|
|
ɽ
|
S
|
p
|
Pente
|
ɽ
|
S
|
p
|
Pente
|
ɽ
|
S
|
p
|
Pente
|
Mai
|
-0,01
|
-10
|
0,798
|
0
|
0,058
|
56
|
0,148
|
0,016
|
-0,003
|
-1
|
1
|
0
|
Juin
|
0,065
|
64
|
0,407
|
0,008
|
0,175
|
173
|
0,008
|
0,103
|
-0,082
|
-51
|
0,358
|
0
|
Juillet
|
0,319
|
316
|
0,0001
|
0,109
|
0,248
|
246
|
0,002
|
0,325
|
0,211
|
200
|
0,002
|
0,004
|
Aout
|
0,327
|
262
|
0,0001
|
0,242
|
0,265
|
241
|
0,0001
|
0,622
|
0,245
|
324
|
0,002
|
0,02
|
Septembre
|
0,265
|
262
|
0,0001
|
0,147
|
0,202
|
200
|
0,0001
|
0,388
|
-0,011
|
-11
|
0,841
|
0
|
Octobre
|
0,181
|
185
|
0,006
|
0,013
|
0,187
|
179
|
0,005
|
0,105
|
-0,048
|
-22
|
0,639
|
0
|
Novembre
|
-0,241
|
-151
|
0,01
|
0
|
-0,267
|
-167
|
0,004
|
0
|
-0,003
|
-1
|
1
|
0
|
Décembre
|
-0,115
|
-41
|
0,029
|
0
|
-0,12
|
-43
|
0,174
|
0
|
-0,019
|
-4
|
0,782
|
0
|
Janvier
|
-0,093
|
-38
|
0,245
|
0
|
-0,107
|
-44
|
0,193
|
0
|
-
|
-
|
-
|
0
|
Février
|
-0,01
|
0,926
|
0
|
0
|
-0,01
|
-2
|
0,926
|
0
|
-
|
|
-
|
0
|
Mars
|
-
|
-
|
-
|
0
|
-
|
-
|
-
|
0
|
-
|
-
|
-
|
0
|
Avril
|
-0,134
|
-76
|
0,191
|
0
|
-0,138
|
-78
|
0,19
|
0
|
-
|
-
|
-
|
0
|
40Les résultats du test de Mann-Kendall montrent que les tendances à la hausse les plus significatives sont observées au mois de juillet, d’août, septembre et octobre avec le Tau de Kendall respectif de 0,319 m3/s ; 0,327 m3/s ; 0,265 m3/s et 0,181 m3/s correspondant à une augmentation des écoulements moyens de l’ordre de 316 m3/s ; 262 m3/s ; 262 m3/s et 185 m3/s. Sur les débits maximaux, les tendances à la hausse les plus significatives sont observées sur les mois de juillet avec 0,248 (une hausse de 246 m3/s), d’août avec 0,65 (une hausse de 241 m3/s), de septembre avec 0,202 (une hausse de 200 m3/s), d’octobre avec 0,187 (une hausse de 179 m3/s) et de juin avec 0,175 (une hausse de 173 m3/s). Elles s’observent également sur les DMIN uniquement au cours du mois d’août et de juillet avec 0,245 et 0,211 correspondant à une hausse respective de 324 m3/s et 200 m3/s (Tableau 5).
Tableau 5. Tendances observées sur les écoulements mensuels
41Le Tableau 6 présente les résultats du test de Mann-Kendall sur les débits moyens et maximaux annuels. L’analyse des résultats montre que la p-value calculée des débits moyens et maximaux annuels est de l’ordre de 0,0001, une valeur inférieure au seuil de signification de 0,05 indiquant ainsi une tendance positive des écoulements annuels. Une tendance significative à la hausse est observée avec un Tau de Kendall de 0,390 traduisant une augmentation de 386 m3/s pour les débits moyens et 0,293 correspondant à une augmentation de 290 m3/s pour les débits maximaux. Par ailleurs, la pente de Sen indique une tendance à la hausse statistiquement beaucoup plus significative sur les débits maximaux que sur les débits moyens (Figure 8).
Tableau 6. Résultats du test de Mann-Kendall appliqué aux débits annuels
Débits moyens annuels (m3/s)
|
Débits maximaux annuels (m3/s)
|
ɽ
|
S
|
p
|
Pente
|
ɽ
|
S
|
p
|
Pente
|
0,390
|
386
|
0,0001
|
0,049
|
0,293
|
290
|
0,0001
|
0,251
|
Figure 8. Débits moyens et maximaux annuels du bassin du Massili à Gonsé
42Dans le présent travail, afin de mettre en évidence l’influence de la pluviométrie moyenne sur les débits, une corrélation a été calculée entre la pluie et les débits en utilisant le test de Bravais-Pearson. Les résultats du test montrent de très faibles coefficients de corrélation variant entre 0,141 et 0,225. Ce qui signifie que dans l’espace d’étude 14,1 et 22,5% de l’écoulement est lié à la pluviométrie. Par ailleurs, le graphique de nuage de points confirme aussi que les débits ont une très faible corrélation avec la pluie moyenne (Figure 9).
Figure 9. Relations pluie/débits dans le bassin du Massili à Gonsé (1975-2019)
43Pour mieux analyser la relation entre la pluie et les débits, la série est divisée en deux sous périodes : une période sèche de 1975 à 2001 et une période humide de 2002 à 2019. Ainsi, dans la première sous période, les coefficients de corrélation sont également faibles et varient de 0,136 à 0,207, mettant ainsi en évidence un écoulement de surface faiblement lié à la pluviométrie avec un taux compris entre 13,6% à 20,7%. Sur la période humide, les coefficients de corrélation sont encore plus faibles et varient de 0,006 à 0,146, ce qui indique que 0,6% et 14,6% de l’écoulement trouvent leur origine dans les précipitations. Ces résultats montrent que le lien linéaire entre les précipitations et les débits annuels est faible, ce qui permet d’attribuer aux changements d’utilisation des terres la tendance à la hausse observée sur les écoulements.
44Pour soutenir l’hypothèse des effets probables des changements d’utilisation des terres sur le comportement des débits, les cartes et statistiques traduisant l’état d’occupation des terres des années 1975 ; 1991 ; 2007 et 2019 ont été réalisées (Figure 10 et Tableau 7).
Figure 10. Occupation des terres sur le bassin du Massili à Gonsé entre 1975,1991, 2007 et 2019
Tableau 7. État de l’occupation des terres dans le territoire du bassin versant du Massili à Gonsé pour les périodes 1975, 1991, 2007 et 2019
|
1975
|
1991
|
2007
|
2019
|
Unités
d’occupation
|
Sup (Km2)
|
(%)
|
Sup (km2)
|
(%)
|
Sup (km2)
|
(%)
|
Sup (km2)
|
(%)
|
|
|
Champ
|
1054,55
|
39,58
|
1636,67
|
61,43
|
1741,27
|
65,35
|
1897,38
|
71,21
|
FR
|
54,8
|
2,06
|
53,48
|
2,007
|
82,82
|
3,11
|
46,67
|
1,75
|
Habitat
|
28,38
|
1,07
|
72,37
|
2,716
|
248,08
|
9,31
|
314,07
|
11,79
|
Savane
|
1495,92
|
56,15
|
825,85
|
31
|
539,67
|
20,26
|
303,83
|
11,40
|
Eau de surface
|
14,62
|
0,54
|
13,9
|
0,522
|
18,76
|
0,7
|
23,83
|
0,89
|
Sol nu
|
16,07
|
0,6
|
62,07
|
2,33
|
33,74
|
1,27
|
78,57
|
2,95
|
FR : Formation ripicole ; Sup : Superficie
45L’évolution des unités d’occupation des terres sur la période 1975-1991 montre que les classes d’occupation des terres « sol nu », « habitat » et « zone de culture » ont connu une augmentation de leur superficie respective de 46 km2 représentant un taux d’évolution de 286,25%, de 43,99 km2 soit un taux de progression de 155% et 582,12 km2 soit 55,20%. Au même moment, la savane, la surface en eau et la formation ripicole ont subi des pertes de surface. En effet, la savane a perdu environ 670,07 km2 représentant un taux de baisse de 44,79%. Quant aux sols nus et aux formations ripicoles, les baisses sont estimées respectivement à 0,72 km2 soit un taux de 4,92% et de 1,32 km2 soit environ 2,41%.
46Entre la période 2007 à 2019, la dynamique à la hausse est maintenue pour l’habitat et la zone de culture avec respectivement 175,71 km2 et 104,6 km2 représentant un taux de progression de 242,79% et de 6,39%. Cette hausse est aussi observée sur la formation ripicole et les eaux de surface de l’ordre respectif de 29,34 km2 et de 4,86 km2 soit une augmentation de 54,86% et de 34,96%. Pour le reste des classes d’occupation des terres, un processus à la baisse des superficies est observé. Il s’agit de la savane et sols nus avec une perte respective de superficie de 286,18 km2 (34,65%) et de 28,33 km2 (45,64%).
47Sur la période 2007-2019, l’anthropisation du bassin versant a continué avec l’augmentation des sols nus de 44,83 km2 représentant un taux de d’évolution de 132,87%, de l’habitat de 65,99 km2 soit un taux d’évolution de 26,99%, de la zone de culture de 156,11 km2 (8,97%) ainsi que les eaux de surface de 5,07 km2 (27,01%). Au même moment, une dynamique régressive notable a été constatée sur la surface de la savane de l’ordre de 235,84 km2 représentant un taux de perte de 43,70% et sur la superficie de la formation ripicole avec une perte estimée à environ 36,15 km2 (43,65%).
48Le tableau 8 montre que des changements majeurs ont été enregistrés dans les classes d’occupation du sol sur la période 1975 à 2019.
Tableau 8. Analyse des gains et pertes des unités d’occupation du sol entre 1975-2019
Unités d'occupation du sol
|
Gain/Perte (km2)
|
Taux d’évolution 1975-2019 (%)
|
Zone de culture
|
+842,83
|
+79,92
|
Formation ripicole
|
-8,13
|
-14,84
|
Habitat
|
+285,69
|
+1006,65
|
Savane
|
-1192,09
|
-79,69
|
Eau de surface
|
9,21
|
+62,97
|
Sol nu
|
62,50
|
+388,92
|
49En effet, les modifications intervenues se manifestent par l’extension remarquable de la zone urbanisée et bâtie de 842,83 km2 soit un taux d’évolution de 1006,65% et des sols nus de 62,50 km2 au taux de progression de 388,92%. L’expansion des unités d’occupation du sol fait aussi référence à la zone de culture et à la surface en eau avec des gains respectifs de 842,83 km2 et de 9,21 km2 représentant des taux de progression de 79,92% et de 62,97%. Durant cette même période, une dégradation nette de la savane et de la formation ripicole est observée avec des pertes de surface estimées respectivement à 1192,09 km2 et 8,13 km2 représentant un taux de régression de 79,69% et de 14,84%.
50Dans le bassin du Massili à Gonsé, les résultats de la matrice de transition montrent qu’entre 1975-2019, les classes d’occupation du sol « zone de culture », « savane », « habitat », « surface en eau », « formation ripicole » et « sol nu » ont respectivement 743,44 km2, 240,48 km2, 27,08 km2, 12,93 km2, 13,50 km2 et 2,73 km2 de superficie restée stable (Figure 11).
51Toutefois, des processus de transformation majeurs du sol ont été observés sur certaines classes d’occupation du sol comme la « savane », la zone de culture, la formation ripicole et la zone nue. La savane a perdu environ 1255,44 km2 de sa superficie au profit principalement de la zone de culture qui a bénéficié de 1123,57 km2 et de l’habitat avec une superficie d’environ 82,56 km2. Quant à la zone de culture, elle a cédé environ 311,11 km2 de sa superficie de 1975 au profit de l’habitat avec 192,62 km2, de la savane de l’ordre de 54,24 km2 et des sols nus d’environ 53,54 km2. Le reste de la surface perdue est partagé entre la formation ripicole et la surface en eau. Pour ce qui est des pertes subies par la classe « formation ripicole », elles sont estimées à 41,3 km2 dont les principales zones bénéficiaires sont la zone de l’habitat (6,96 km2) et la surface en eau avec 3,83 km2. Les sols nus ont perdu environ 13,35 km2 de leur superficie majoritairement au profit de la zone de culture (7,71 km2) et de l’habitat (4,75 km2).
Figure 11. Carte de conversion des unités d’occupation du sol entre 1975-2019
52D’une manière générale, sur le bassin versant du Massili à Gonsé, on observe une diminution de la couverture végétale au bénéfice des terres agricoles, des zones urbanisées et bâties et des nus sur la période 1975 et 2019. En effet, ces classes d’occupation du sol occupent environ 2290,01 km2 représentant 85,95% de l’espace d’étude (2664 km2). À des degrés différents, les terres agricoles, le bâti et les sols nus, favorables au ruissellement occupent donc une proportion importante du bassin. Toutes ces modifications attribuables aux différentes pressions anthropiques sur le milieu se sont soldées par d’importantes régressions des surfaces naturelles comme les savanes qui sont passées de 1495,92 km2 en 1975 soit 56,15% de la zone d’étude à 303,83 km2 représentant 11,40% de la superficie du bassin versant en 2019. En partant des traits d’occupation actuelle des terres sur le bassin du Massili à Gonsé, on peut alors admettre que la faible relation entre la pluie et les débits évoquée plus haut met en évidence que le comportement hydrologique du bassin versant est étroitement lié à l’évolution des changements des modes d’occupation des terres. Cette situation pourrait trouver sa réponse dans la réduction de la capacité d’infiltration des surfaces due aux différentes pressions d’occupation du sol (extension des sols nus, espace artificiel du fait de l’urbanisation, et cetera). Par conséquent les eaux de pluie ne font que ruisseler. C’est ce qui explique en réalité le décalage entre les précipitations reçues et les débits observés durant la période 1975-2019.
53Dans le bassin versant du Massili à Gonsé, la population croît continuellement (de 752 908 en 1996 à 2 342 371 habitants en 2020 (Bagré et al., 2022) et l’étalement urbain se poursuit à un rythme démesuré, particulièrement à Ouagadougou. Ainsi, cette croissance démographique est également accompagnée d’une augmentation des besoins en services et en infrastructures de diverses natures. En effet, sur la base des observations de terrain, plusieurs infrastructures pouvant modifier la réponse hydrologique du bassin versant ont été identifiées (Photo 1). Il s’agit des routes, des trottoirs, des espaces pavés, des stationnements, des toits des bâtiments, des réseaux d’égouts, et cetera. Environ 971,36 kilomètres des routes bitumées regroupant les routes nationales, urbaines et les voies d’accès à l’aéroport de Donsin ont été recensés, soit un taux d’occupation d’environ 6,80 km2 du bassin versant (Figure 12).
Figure 12. Pressions anthropiques sur le milieu naturel
54Ce développement urbain favorise donc l’artificialisation des espaces autrefois naturels. En plus de la destruction directe du milieu naturel ou agricole, il provoque la fragmentation de ces espaces, portant ainsi atteinte aux fonctionnalités des écosystèmes et des paysages.
Photo 1. Espaces artificialisés (Rond-point du 2 octobre et Université Joseph KI-ZERBO)
Bagré, 2021
55Dans l’espace d’étude, la gestion du cadre urbain implique des efforts en matière de construction d’ouvrages d’assainissement. Ces ouvrages ont été mis en place dans le but d’augmenter le taux de collecte des eaux pluviales et de faciliter leurs évacuations des espaces aménagés. À cet effet, des aménagements de canaux à ciel ouvert ou couvert ont été réalisés le long des voiries. De plus, certains marigots ont été aménagés. Ces marigots ont été réaménagés en canaux revêtus en béton armé. Il s’agit des canaux primaires des marigots du Kadiogo (4,7 kilomètres), de Zogona (4,4 kilomètres), de Wemtenga (4,8 kilomètres), de Paspanga (5 kilomètres), du Moogho Naaba (4,3 kilomètres), le marigot de Somgandé 1 et 2 et le canal de l’université Joseph KI-ZERBO. Ces canaux permettant de drainer les eaux pluviales ainsi que les eaux usées des ménages vers les exutoires que sont le barrage numéro 2 et le Parc urbain Bangr-Wéogo, qui est une forêt classée située juste en aval du barrage numéro 3 (Photo 2). Ces eaux collectées sont ensuite évacuées vers la station hydrométrique de Gonsé, située à environ de 12 kilomètres de la ville de Ouagadougou.
Photo 2. Vues partielles des canaux d’évacuation des eaux pluviales à Ouagadougou
Bagré, 2021
56Les variations interannuelles de la pluviométrie moyenne sur le bassin versant du Massili à Gonsé sont similaires à des conclusions de travaux antérieurs réalisés sur le bassin du Nakanbé et à l’échelle du Burkina Faso (Gbohoui et al., 2021a ; Kaboré Bontogho, 2015 ; Mahé et al., 2010 ; Paturel et al., 2002). Ces auteurs ont annoncé une diminution des totaux annuels des précipitations autour des années 1970. Paturel et al. (2002) ont montré que, sur les décennies 1970 et 1980, le Burkina Faso a connu une baisse pluviométrique puisque les indices pluviométriques moyens calculés sur la période sont majoritairement déficitaires. Les déficits pluviométriques moyens ont atteint 20% pour la décennie 1980. Sur le bassin de Sabtenga (Burkina Faso), Palé et al. (2020) ont signalé une reprise des précipitations sur la période 2003-2016. Durant cette phase de regain pluviométrique, environ 47,06% des années d’observation ont été sous le régime d’une humidité forte à modérée.
57Par ailleurs, les résultats ont aussi montré une augmentation significative des débits moyens mensuels et annuels malgré la longue période de déficits pluviométriques observée sur le bassin versant. Ces résultats sont cohérents aux travaux de Yonaba et al. (2021), Décroix al. (2015a), Sighomnou et al. (2013), Mahé et al. (2010) et Mahé et al. (2003), qui ont observé ce même comportement des débits sur certains bassins versants sahéliens.
58En outre, les résultats révèlent aussi une relation très faible entre la pluie et les débits avec des valeurs des coefficients de corrélation proches de zéro. Cette situation est étroitement liée à l’empreinte humaine sur le milieu physique marqué par la baisse des unités tampons pouvant réduire le ruissellement des eaux. Ces résultats corroborent ceux de Yonaba (2020), Béchet et al. (2017), Descroix et al. (2015b) et Mahé et al. (2010), qui ont montré dans leur étude que les changements d’affectation du sol ont entraîné une réduction des zones d’infiltration possible pour l’eau de pluie. En conséquence, le ruissellement voit alors ses conditions modifiées avec de forts débits de pointe associés aux événements pluvieux plus ou moins importants (Barczak, 2008). Sur le bassin du Nakanbé à Wayen, la contribution de la dégradation environnementale à l’augmentation de l’écoulement de 91,5% a atteint un taux de plus de 90±1% (Gbohoui, 2021b). Rossi (2010) a cité les zones de cultures ou les zones urbaines comme des unités d’occupation du sol qui ont davantage tendance à augmenter le ruissellement et l’érosion, alors que les prairies et les forêts ont tendance à les diminuer. L’accélération de la vitesse des écoulements peut être aussi associée à la concentration des réseaux artificiels (Béchet et al., 2017 ; Salavati, 2015 ; Chocat, 1997). Par exemple, en rivière, la chenalisation entraine une augmentation des pics de crue (Wasson et al., 1995).
59Pour évaluer l’impact des changements d’utilisation des terres sur la variabilité des débits à la station du Massili à Gonsé, l’étude s’appuie sur les méthodes statistiques, l’analyse de l’indice standardisé des précipitations et le taux d’évolution des unités d’occupation du sol. Les premiers résultats montrent que la période 1975-2001 était une longue phase de sécheresse avec 40,74% d’années de sécheresse modérée et 25,93% de sécheresse forte. Après cette période, une reprise de la pluviométrie est observée entre 2002 et 2019 dont la hausse atteint 10,81% par rapport à la première phase. L’étude montre aussi que des changements sont intervenus dans le régime hydrologique du bassin versant. Des ruptures sont observées en 2002, 2003 (Pettitt) et 2004, 2008 et 2019 (Segmentation de Hubert) avec un taux d’augmentation compris entre 64,55 à 95,76% après rupture. Le bassin enregistre une forte tendance à la hausse de l’écoulement mensuel et annuel. Sur le bassin du Massili à Gonsé, la relation linéaire entre la pluviométrie et les écoulements est très faible avec des valeurs du coefficient de détermination comprise entre 0,141 et 0,225. Ce décalage conduit logiquement à dire que ce paradoxe n’est pas une coïncidence, mais le résultat des changements d’utilisation du sol et des aménagements divers sur les processus hydrologiques. L’espace d’étude a connu une dégradation des savanes de 44,74% et des formations ripicoles de 0,31% et une hausse des terres agricoles de 31,61%, de l’habitat de 10,72% et des sols nus de 2,35%. Ces résultats constituent donc une base de données pour les décideurs dans le cadre de l’aménagement du territoire.