Introduction

1L’accès à l’eau de consommation est un indicateur représentant la part de la population disposant d’un accès raisonnable à une quantité adéquate d’eau potable. La « quantité adéquate » d’eau potable représente au minimum 20 litres d’eau par habitant par jour tandis qu’on entend généralement par « accès raisonnable », une eau potable disponible à moins de 15 minutes de marche (OMS, 2013). Selon le contexte géographique et social, l’approche du problème de l’accès à l’eau potable varie beaucoup. Dans un cadre idéal, l’eau est disponible facilement, surement, et est d’excellente qualité, ce qui est le cas des réseaux modernes. Cependant, dans de nombreux cas partout dans le monde, l’eau ne peut être disponible qu’en quantité réduite pendant la saison sèche. Bien que l’eau soit accessible en grande quantité pendant la saison humide, elle est de mauvaise qualité et se trouve à plusieurs heures du lieu de résidence des consommateurs. Or, là où l’eau n’est pas accessible, l’homme ne peut s’installer et vivre.

2L’Afrique dispose d’importantes ressources en eau. Cependant, il y manque des infrastructures de distribution et d’assainissement qui permettraient aux populations d’accéder à l’eau potable facilement et à moindre coût. L’Afrique dispose de 660 000 kilomètres³ de réserves d’eau en son sous-sol (Mbaye, 2011). Cette ressource est cent fois supérieure à la quantité d’eau à la surface. Selon un rapport publié au cours du treizième congrès de l’Association africaine de l’eau (AFWA) tenue en Algérie sous le thème : « eau et assainissement : quelles stratégies pour relever le défi du millénaire ? », le tiers de la population africaine n’a pas accès à l’eau potable et presque la moitié des africains souffre de problèmes de santé dus au manque d’eau potable. Il est aujourd’hui admis que, partout en Afrique, l’accès à une eau de qualité et en quantité suffisante demeure l’une des principales contraintes au développement. Par conséquent, la bonne utilisation des ressources en eau est déterminante pour promouvoir le développement économique et un environnement de qualité. L’accès à l’eau potable est essentiel dans la mesure où cela permet d’atteindre plusieurs objectifs : l’amélioration de l’hygiène et de la santé des populations, le développement de la production agricole, l’essor de la production industrielle, et cetera.

3Plusieurs pays africains, surtout subsahariens, se trouvent confrontés à des difficultés d’approvisionnement des populations en eau potable. À l’échelle de l’Afrique subsaharienne, plus de la moitié de la population n’avait pas accès à l’eau potable au début des années 2000 (OMS, 2010). L’ampleur de ces difficultés est liée à des variables physiques, démographiques, économiques et politiques, même dans les zones où l’eau est abondante. En Guinée par exemple, pays qualifié de « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest », une bonne partie de la capitale Conakry n’a pas d’accès à l'eau potable (Mbaye, 2011). L’accès des populations à l’eau potable reste donc limité, même dans les pays disposant d’un potentiel hydrique important, en particulier dans les grandes villes. Dans ce contexte, les rivières, les lacs et les mares temporaires sont utilisés comme sources d’abreuvement, ce qui contribue à la prolifération des maladies et constitue l’un des principaux facteurs de mortalité en Afrique (Mbaye, 2011).

4Les ressources en eau, le manque d’eau potable et le système sanitaire de base sont inscrits dans les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) des pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Dans cette région, on note une inadéquate distribution de l’eau dans l’espace et dans le temps. En outre, les problèmes de pollution et de changement climatique menacent les pays de la sous-région. Ces problèmes provoquent des modifications fondamentales des ressources en eau potable disponibles en termes de qualité et de quantité. Ils affectent également les modes de vie et la diversité écologique. Malgré les efforts actuels, il existe au niveau régional des insuffisances dans la coordination, la gouvernance, la législation et les financements du secteur de l’eau. Les dangers liés à l’eau, notamment les inondations, les sécheresses, les maladies hydriques et autres ne sont pas maitrisés et les richesses en eau de la sous-région sont en grande partie sous-exploitées (hydroélectricité, irrigation, écotourisme, et cetera) (Djeuda et al., 1998). Pour parer à ces constats, les dirigeants de la CEEAC et du Global Water Partnership Central Africa (GWP-CAF) ont décidé qu’une solution durable passe par une bonne gouvernance et un financement efficace du secteur de l’eau. C’est ainsi que cet engagement a été accompagné par le Global Water Partnership dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie sous régionale de financement du secteur de l’eau de 2020 à 2025.

5Au Tchad, malgré les bonnes intentions et les engagements du gouvernement, l’accès à l’eau potable et à un environnement propre reste un luxe pour les populations. Le gouvernement tchadien a pris des engagements pour pallier ce problème à travers le schéma directeur de l’eau en 2003. Il s’agissait notamment d’assurer l'accès à l'eau potable pour plus de huit millions de Tchadiens (soit 60 % de la population) et d'assurer l'accès à l'assainissement pour près de cinq millions de personnes (35 % de la population) (ASST. 2012). Le taux d’accès à l’eau potable dans la région du Ouaddaï (est du Tchad) est très faible, seulement 26% (ASST, 2012). Cette étude ne peut donc s'envisager que par une approche intégrée, interdisciplinaire et systémique ayant pour objectif ultime le développement d'un système d'alerte précoce. Pour mieux appréhender la structure complexe d'une telle étude, nous nous basons sur un exemple concret, celui de la ville d’Abéché, chef-lieu de la région du Ouaddaï.

6L'accès à l'eau potable dans la ville d’Abéché est un problème majeur pour la population. En l'absence de réseaux de la Société tchadienne des eaux (STE) dans certains quartiers, les populations sont obligées de s'approvisionner en eau depuis d’autres sources, telles que les puits, les forages et l’achat de l’eau de la STE dans les bornes fontaines et/ou chez les vendeurs ambulants. D’autres types d’eau, comme les eaux des pluies et des cours d’eau, sont utilisés pendant la saison des pluies. Partout dans la ville, les eaux de consommation sont collectées et entreposées dans des récipients de stockage, alimentant ainsi les risques de contamination par tous types d’aérosols. Dans le cas des puits, les eaux sont systématiquement polluées du fait de leurs aménagements très rudimentaires et de l'absence de précautions élémentaires d'hygiène. Dans ces conditions, des stratégies d’intervention appropriées doivent être mises en place afin de pallier ces maux. Il s’agit donc de faire une analyse de l’état actuel de l’accès à l’eau potable à Abéché afin de proposer des voies et des moyens d'aide à l'amélioration de la santé publique, en procédant au contrôle de la qualité de l'eau consommée dans les ménages. Ce travail est effectué en vue d'identifier les meilleurs moyens d’accès à l'eau potable dans la ville d'Abéché et d'en faire une réalité afin d’atteindre de façon spécifique les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et d’œuvrer de façon générale au développement social durable.

Méthodologie

Localisation de la zone d’étude

7Située sur les massifs du Ouaddaï et avec une superficie de 3600 hectares, la ville d’Abéché (Figure 1), située à environ 960 kilomètres de N’Djamena, se trouve entre 13°45’0’’ et 14°0’0’’ de latitude nord et entre 20°40’0’’ et 21°0’0’’ de longitude est. Elle occupe une partie du massif qui présente des altitudes moyennement élevées comprises entre 500 et 600 mètres. Son sol est rocailleux et halomorphe avec une croûte de socle granitique à la base (Dombor, 2020). Le climat ambiant est de type sahélien. Les moyennes pluviométriques et thermiques sont respectivement évaluées à 500 millimètres/an et 36,5° Celsius. Ce climat est influencé par le déplacement du front intertropical. La répartition des pluies au cours de l’année est caractérisée par l’alternance des saisons. La population de la ville d’Abéché était estimée en 2009 à 138 684 habitants, dont 65 483 femmes et 73 201 hommes (RGPH2, 2009). Selon les données de commune d’Abéché, en 2016 le nombre est de 178 893 habitants et aujourd’hui, la population est estimée à 200 000 habitants. Le taux de croissance est de 3,6% et s’explique par les effets de la crise du Darfour vers la fin des années 2000, la création de l’Université Adam Barka d’Abéché (Unaba), de l’Institut national des sciences et technologie d’Abéché (Insta), et l’École normale supérieure d’Abéché (Ensa). Cette croissance de la population a entrainé une extension spatiale fulgurante de la ville. Cette situation est à l’origine de grandes difficultés d’approvisionnement en eau potable.

Données et méthode

8Le travail porte sur tout le périmètre urbain la ville d’Abéché. Les données utilisées dans cette étude proviennent d’une enquête menée entre juillet et novembre 2016 et entre janvier et février 2018 sur les problèmes d’accès à l’eau en lien avec l’urbanisation, en vue d’appréhender la vulnérabilité aux risques sanitaires des populations. Les données sur l’accès à l’eau et les problèmes de santé qui y sont liés sont collectées auprès des ménages. Les données sur la prévalence des maladies liées à l’eau ont été collectées dans les Rapports mensuels d’activité (RMA) des Centres de santé (CS), compilées à la Délégation provinciale de la santé (DPS). Les informations recueillies auprès des ménages ont été ensuite complétées et/ou confrontées à d’autres données provenant de la DPS et des CS. Les données socio-économiques des ménages, des quartiers et de la ville sont collectées dans les archives (rapports, projets, enquêtes, et cetera) de la commune d’Abéché.

9Une série d’entretiens avec des membres du personnel de l’hydraulique et de la santé a été organisée afin de comprendre les problèmes d’accessibilité à l’eau potable et de cerner l’ampleur des risques sanitaires qui en résultent. Un choix raisonné des quartiers à étudier a été fait sur la base de l’éclairage fourni par les informations de la commune d’Abéché, portant sur les problèmes de l’eau et les facteurs environnementaux. Pour une collecte optimale des informations et dans l’objectif d’interroger le dixième des ménages de chaque quartier, la taille de l’échantillon a été estimée à l’aide du logiciel Epi-Info avec un intervalle de confiance de 95 %. Cette méthode a permis de déterminer un échantillon de 555 ménages, sur un nombre de 54 818 ménages. Des enquêtes ménages ont été effectuées auprès de 555 chefs de ménages.

10Le choix des ménages a été fait de manière aléatoire, mais en tenant compte de leur position par rapport au réseau de distribution d’eau de la STE. De plus, le nombre de ménages choisis par quartier n'a pas été limité. Le recensement des ouvrages alternatifs d’approvisionnement en eau a également été réalisé. Le questionnaire a porté sur les rubriques suivantes : caractéristiques sociodémographiques, accès à l’eau, conditions de l’habitat, hygiène du milieu, conditions socio-économiques, principaux problèmes de santé ressentis par les populations et les services d’assainissement. Le questionnaire a été effectué avec le chef de ménage. Les observations directes de terrains ont permis de faire des prises de vues. À la suite des enquêtes de terrain, trois échantillons d’eau de pluie prélevés pendant la pluie (Tableau 3), trois autres échantillons d’eau de pluie stockée après trois jours (Tableau 4) et 24 échantillons d’eau des puits ont été analysés (Tableau 5). Les analyses de laboratoire portent sur le pH, la conductivité, la turbidité et les coliformes fécaux.

11Les données collectées ont été saisies sur Epi-Data, puis traitées sur Epi-Info dans l’objectif de montrer les liaisons entre les différentes variables socio-spatiales étudiées. Une analyse statistique descriptive simple, par la comparaison de pourcentages et le croisement de variables, a été effectuée. L’analyse a permis de réaliser des graphiques avec Epi-Info. La cartographie a été faite à partir du logiciel QGIS 2.18.

Résultats et discussion

Sources d'approvisionnement en eau des ménages à Abéché

12Les sources d'approvisionnement en eau évoquées par la population étudiée sont les puits, les bornes fontaines, les Ouadis (cours d’eau intermittents), les mares, les forages et les eaux de pluie. L'approvisionnement en eau se fait à 44 % à travers les puits (Figure 2), 19 % de la population sont branchés sur le réseau d’adduction de la STE et 31 % s’approvisionnent des eaux de la STE dans les bornes fontaines. Les forages, les cours d’eau et les pluies approvisionnent respectivement 3,7 %, 1,2 % et 1,1 % de la population.

13Il faut noter que 64% de nos enquêtés connectés à l’eau courante de la STE ne reçoivent l’eau que pendant la saison des pluies en raison de la baisse de pression et du niveau d’élévation des terrains. Cette situation les oblige à se tourner vers les autres sources d’eau comme les puits ou les forages.

14Les ménages associent les eaux de plusieurs sources. Certains ménages (67%) associent les eaux de puits ou des forages pour les lessives, la vaisselle et l’hygiène corporelle, tandis que l’eau de la STE sert à la boisson et à la cuisson. Quant à l’achat d’eau en détail des forages et de la STE couplé à l’eau des puits, il est pratiqué à 73% dans tous les quartiers de la ville d’Abéché. Les modes d’approvisionnement en eau dépendent du type de résidence et des revenus mensuels des populations (Dombor et al. 2019).

Sources de pollutions des eaux de consommations dans la ville d’Abéché

15En l'absence d'un système d’assainissement ou de gestion des ordures ménagères, les populations de certains quartiers d’Abéché ont mis sur pied des pratiques de gestion populaire. Ces pratiques sont propres aux milieux ruraux où les ordures sont généralement déversées dans la nature.

16Photo 1. Dépotoirs des ordures ménagères à Abéché (1a : Djatinier, 1b : Amrié, 1c : Hilélé, 1d : Kaminé 1)

17Les Photos 1a et 1b, montrent les ordures dans les cours d’eau. Tous les cours d’eau (Ouadi Am-kamina, Ouadi Chao, Ouadi Am-Soudourié) de la ville d’Abéché constituent des dépotoirs d'ordures ménagères. Les Photos 1c et 1d montrent les dépôts des ordures en bordure de la rue et dans les terrains nus de la ville d’Abéché. Il ressort de nos enquêtes de terrain qu'environ 26,79% de ménages déposent leurs ordures en bordure de rues à Abéché. Ces dépotoirs d'ordures ménagères ne sont pas sans conséquences sanitaires pour la population.

18La décomposition de ces différents déchets dans les cours d’eau libère le lixiviat. Ce lixiviat est transféré dans les nappes qui alimentent les puits et les forages, car les ressources en eau sont fortement influencées par l'interconnexion ou l'intercommunication souterraine. Très souvent, l'alimentation des puits dépend du débit des cours d'eau environnants.

19Plus de 62% des ménages enquêté possèdent des toilettes traditionnelles (Figure 3) qui sont plus proches des puits (distance moyenne de cinq mètres). Les toilettes, essentiellement de type traditionnel, c'est-à-dire des fosses perdues dans le sous-sol pouvant être en contact avec la nappe, sont utilisées par 93% de la population dans la ville d’Abéché. Les eaux usées sont versées dans les cours d’eau (13%), dans les toilettes (42%), dans les cours des maisons (23%), dans la rue (22%). Les eaux usées déversées dans les cours d’eau et les toilettes, mélangées aux excrétas, peuvent percoler et polluer les ressources souterraines d’eau, les puits et les forages.

20Compte tenu de la pénurie perpétuelle de l’eau de la STE, le tarissement des eaux des puits pendant la saison sèche, l’achat de l’eau dans les bornes fontaines et chez les revendeurs ambulants, la population a adopté une stratégie de stockage d’eau pour avoir accès à de l’eau en permanence. Plusieurs moyens sont utilisés pour le stockage : les futs d’eau, les bidons d’eau, les puisards, les jarres, les bidons et les seaux (Photo 2).

21Les récipients de stockage d'eau utilisés par les ménages présentent une hygiène douteuse. Tous les ménages enquêtés conservent l’eau. Parmi eux, 83,26 % disent laver les récipients à l'éponge, au savon et les rincer à l'eau avant usage ; 10,23 % les lavent à l'eau sans savon ; 3,46 % les rincent à l'eau uniquement et 3,05 % disent utiliser d'autres moyens d'entretien. Ces efforts d'entretien des récipients traduisent une certaine conscience des ménages pour leur bien-être. Ainsi, préserver la bonne qualité des eaux de consommation fait partie des préoccupations des ménages. Le risque de pollution réside dans le temps de conservation de ces eaux. La durée de conservation chez les ménages enquêtés varie d'une journée à plus d'une semaine (Tableau1).

Tableau 1. Durée de conservation des eaux à Abéché

Durée de conservation des eaux	1 à 2 jours	3 jours	1 semaine	Cela dépend
Ménages	28,8 %	54,11%	9,46 %	7,61 %

22L'approvisionnement en eau potable et l'assainissement de la ville font partie des difficultés quotidiennes de la plupart des ménages d’Abéché, surtout ceux des quartiers déshérités et à faibles revenus tels que Taradona, Agadmahamit, Hilélé. Les eaux des puits et des forages utilisées à Abéché comportent souvent un risque élevé pour la santé des ménages, faute d'une hygiène convenable. Ces difficultés ne sauraient être résolues par les responsables communaux et locaux sans la prise en compte des solutions propres aux ménages qui vivent dans ces conditions. Ainsi, des solutions alternatives peuvent être adaptées aux conditions du milieu pour un bon approvisionnement en eau potable des ménages et pour un assainissement adéquat de l'environnement.

Maladies hydriques enregistrées dans la ville d’Abéché

23Le Tableau 2 met en évidence les maladies hydriques enregistrées dans les centres santé (CS) publics. Les diarrhées et la fièvre typhoïde sont les maladies hydriques les plus récurrentes qui touchent près de 60 % de la population malade ces trois dernières années. Elles sont suivies respectivement par les dermatoses (24,31 %) et les conjonctivites (8,48 %) (RMA, 2015-2017). Au regard du nombre de personnes affectées par les maladies hydriques, le niveau des incertitudes sur la qualité de l'eau est suffisamment élevé pour situer l'accès à l'eau potable dans la ville d’Abéché comme une préoccupation majeure de santé publique. Les modes d’approvisionnement en eau potable et les moyens de stockage d’eau potable utilisés par la population abéchoise soulèvent une seconde problématique d'ordre sanitaire, entravant la qualité de vie. La protection de tels ouvrages est complexe.

Tableau 2. Quelques maladies hydriques fréquentes à Abéché

Maladies	Diarrhée	Dysenterie	Dermatose	Fièvre typhoïde	Conjonctivite	Total
Nombre de malades	11732	2440	8584	9562	2990	35308
Pourcentage	33,22	6,91	24,31	27,08	8,48	100

Données issues du rapports mensuels d’activité (RMA), 2017-2020

La qualité de l’eau consommée par la population

24Les Tableaux 3, 4 et 5 montrent les résultats des analyses physico-chimiques des eaux des pluies. Ces analyses mettent en évidence le caractère basique des eaux ainsi que leur faible minéralisation soulignée par des valeurs de conductivité variant entre 188 microSiemens/centimètre (µs/cm) à 252µs/cm (Figure 4) pour les eaux des pluies prélevées pendant les pluies et entre 132µs/cm à 344µs/cm pour les eaux des pluies stockées après trois jours.

Tableau 3. Analyse physico-chimique des eaux de pluie prélevées pendant la pluie en 2016 et 2017

Année	2019			2020			Normes OMS	Normes Tchad
Paramètre	E1.1	E2.1	E3.1	E1.2	E2.2	E3.2
Potentielle d'hydrogène (pH)	6,85	8,89	7,13	8,63	6,66	8,1	6,5-8,5	6,5-8,5
Turbidité	2,9	1,23	3,28	3,33	4,71	1,92	5 UTN	5 NTU
Oxygène dissous (O2)	5,94	6,88	6,13	5,8	5,27	6,65	>5 Mg/L	5 mg/L
Solides totaux dissous (TDS)	141	359	214	299	218	352	2000 Mg/L	2000mg/L

Tableau 4. Résultats des analyses physico-chimiques des eaux de pluie prélevées après trois jours de stockage

Année	2019			2020			Normes OMS	Normes Tchad
Paramètre	E1.1	E2.1	E3.1	E1.2	E2.2	E3.2
Potentielle d'hydrogène (pH)	6,85	8,1	7,13	8,63	6,66	8,2	6,5-8,5	6,5-8,5
Turbidité	2,3	1,86	4,21	4,75	3,79	2,29	5 UTN	5 NTU
Conductivité	210	326	235	221,5	244	132,8	2000 Mg/L	2500µs/cm
Solides totaux dissous (TDS)	132	425	214	251	478	359	2000 Mg/L	2000mg/L

25Dans le cadre de cette étude, les prélèvements ont été faits dans des ouvrages peu profonds ; les aquifères évolueraient en systèmes ouverts à l'atmosphère. Dans ce cas, la zone non saturée correspondrait évidemment à une zone d'aération des sols et des réservoirs. L'intervalle acceptable du pH varie de 6,5 à 8,5 pour l'eau potable (Santé et Bien-être social Canada, 1979a). Les valeurs du pH des eaux des 24 puits testés (Tableau 5) sont normales, car elles se situent à l’intérieur de l’intervalle acceptable. Les caractéristiques des pH sont liées à la nature géologique des formations aquifères et aux terrains traversés (Boubakar, 2010).

Tableau 5. Résultats des analyses physico-chimiques des eaux des puits

Date d'analyse	Nom et nature des échantillons	pH	Turbidité	Conductivité
	Unités	-	NTU	µS/cm
	Normes	6,5-8,5	<5	2000
14/09/2016	P1	6,82	15	188
14/09/2016	P2	7,59	24	89
14/09/2016	P3	7,18	3,2	365
15/09/2016	P4	7,55	14	241
15/09/2016	P5	7,44	18	685
15/09/2016	P6	7,4	5	123
16/09/2016	P7	7,34	9	256
16/09/2016	P8	7,23	3	512
16/09/2016	P9	7	7,5	96
20/09/2016	P10	7,25	21	84
20/09/2016	P11	7	20	751
20/09/2016	P12	6,98	11	216
09/08/2016	P13	6,23	16	152
09/08/2016	P14	8,1	32	126
09/08/2016	P15	7,37	26	235
09/08/2016	P16	7,62	37	341
09/08/2016	P17	7,2	5	258
31/08/2016	P18	7,15	4	67
31/08/2016	P19	7	1,18	24
31/08/2016	P20	7,2	2,4	548
31/08/2016	P21	7,25	5	62
31/08/2016	P22	7,75	35	358
31/08/2016	P23	7,1	21	97
31/08/2016	P24	6,76	8	98

26Les contrastes de conductivité mesurés sur un milieu permettent de mettre en évidence des pollutions, des zones de mélange ou d'infiltration (Ghazali et Zaid, 2013). Elles permettent aussi d'apprécier la quantité de sels dissous dans l'eau (Pescod et Mara 1985 ; Rodier, 1984). La conductivité d'une eau naturelle est comprise entre 50 et 1500 µS/cm (IBGE, 2005). L'OMS retient une valeur 400 µS/cm comme la norme. La valeur de la conductivité électrique des eaux de puits est faible. Le contexte géomorphologique, la profondeur des niveaux captés et la nature géologique des formations du sol sont autant de facteurs qui influencent les variations de la conductivité (Boubakar, 2010). La consommation des eaux des puits à Abéché nécessite au préalable une filtration à cause de l’élévation des valeurs de leurs conductivités.

Conclusion

27L’étude de la problématique d’accès à l’eau potable dans la ville d’Abéché rend compte d'une série d'enquêtes et d'analyses physico-chimiques entreprises au cours de l'année 2016. Ce travail s’appuie sur les enquêtes de terrain pour analyser les modes d’approvisionnement en eau, les facteurs de leur pollution, et les analyses physico-chimiques des paramètres de ces eaux. Il en ressort que plusieurs modes (puits, STE, pluies et cours d’eau) sont associés pour s’approvisionner en eau. L’accès à une eau de boisson sûre et saine est un droit fondamental dont sont encore privés plus de 50 % de la population abéchoise. Les maladies hydriques fréquentes à Abéché montrent que les ressources en eaux sont de plus en plus menacées par la pollution. Le recensement des causes de contamination permet de constater que les toilettes traditionnelles ont une morphologie susceptible de faciliter les transferts de polluants dans le système aquifère. De plus, le stockage des eaux, dû à la rareté des eaux, dégrade sa qualité. Les maladies hydriques touchent les populations soumises à de mauvaises conditions de vie et d'hygiène et ayant un accès limité à l'eau potable. Par conséquent, un programme d’aménagement, de traitement, et d’assainissement de ces sources d’eau s’avère indispensable pour prévenir la population des maladies hydriques. En outre, la sensibilisation des principaux exploitants des ressources en eau, notamment les femmes et les enfants, est essentielle pour minimiser les sources de contamination. Les études sur la qualité bactériologique de ces eaux permettront une évaluation assez exhaustive des ressources en eau et serviront éventuellement d’outils d’aide à la décision.

Dombor, D. D., M. Djebe, 2019, Problématique de l’accès à l’eau potable dans la ville d’Abéché au Tchad, Annales de l’Université de Moundou, Série A – Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines, 5, 2, pp. 93-119.

Ministère tchadien de l’Économie et du plan / INSEED, RGPH2, 2009, Résultats globaux définitifs, 98 p.