1Plusieurs indicateurs montrent que le secteur du tourisme en Colombie tend à se consolider comme l’une des principales activités économiques du pays, et ce à la suite d’une croissance soutenue du secteur depuis le début du 21e siècle. A titre d’illustration, selon le Centre d’information touristique de Colombie (Ministère du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme, 2019), certains indicateurs reflètent que : premièrement, le revenu national lié aux exportations de services du compte "voyage et transport de passagers" a augmenté de plus de 510 % entre 2003 et 2018. Deuxièmement, que le nombre de fournisseurs de services touristiques a augmenté de 390 % de 2005 à 2017. Troisièmement, que le nombre de chambres touristiques a augmenté de plus de 369 % de 2005 à 2017. Et dans le même registre, que le groupe de visiteurs étrangers non-résidents dans le pays s’est élargi de 239 % entre 2010 et 2018. Par rapport à d’autres secteurs productifs, depuis 2001, les recettes de change provenant du tourisme dépassent les recettes produites par l’exportation du café et de tout autre produit agricole. En fait, le seul secteur qui dépasse le tourisme dans la production de devises est le secteur de l’extraction et en particulier, celui du charbon et du pétrole (Garavito et Ochoa 2016).
2Dans l’ensemble, avant la fin de la deuxième décennie du XXIe siècle, le tourisme colombien a été multiplié par 3 à 5 par rapport à la fin du XXe siècle. Toutefois, cette croissance ne correspond pas nécessairement à un développement équivalent en termes de politiques publiques, de réglementation, d’investissement, de planification et de gestion. De manière générale, le développement du tourisme a été spontané, principalement stimulé par des facteurs extérieurs au secteur tels que par exemple : un renforcement de la sécurité à la suite du processus de paix avec la guérilla. Par conséquent, plusieurs pays comme l’Australie, le Canada, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, ont revu leur évaluation des risques pour les voyageurs en Colombie en la déclarant globalement plus sûre. En effet, selon le site de Lonely Planet (2019) si l’on évite les zones les plus dangereuses de la Colombie, le pays "ne devrait offrir que de bons moments".
3De cette façon, avec un secteur touristique émergent qui manque de planification, il convient de se demander : dans quelle mesure le tourisme peut amener à un développement durable et compétitif aujourd’hui et à l’avenir en Colombie ? De même, il serait approprié de se demander quels sont les risques, les défis et les opportunités auxquels le secteur touristique ainsi que le pays sont confrontés face à de telles attentes de développement durable et de compétitivité. Pour essayer de répondre à ces questions, ce texte se propose de présenter les résultats d’un projet de recherche mené entre 2017 et 2018, intitulé "Vision 2030 du tourisme en Colombie", dont l’objectif principal était d’établir un diagnostic global du tourisme et de contribuer à définir une série de lignes directrices et de réflexions critiques dans le but d’apporter des données analytiques à la politique nationale du tourisme et de contribuer au débat sur l’état actuel et futur du tourisme. Ce projet a été conçu, développé et financé par une alliance entre la COTELCO (Association hôtelière et touristique de Colombie) et l’Université Externado. L’équipe complète comprenait sept chercheurs, sept étudiants de niveau Master et avait le soutien de 16 directeurs des bureaux régionaux de la COTELCO, à qui nous exprimons notre gratitude. Les trois auteurs de ce texte font partie du groupe des chercheurs.
4Dans une première partie, nous présenterons d’abord les éléments conceptuels et théoriques clés de ce projet. Ensuite les stratégies méthodologiques et les principaux résultats obtenus lors de trois séries de recherche : puis, une analyse documentaire à propos du diagnostic touristique en Colombie. Dans une deuxième partie, nous ferons une analyse herméneutique des cadres d’interprétation du tourisme, du point de vue des acteurs clés du secteur au niveau national. Dans une troisième partie, nous ferons une analyse prospective du tourisme à l’horizon 2030. Enfin, quelques conclusions et réflexions prospectives sur la politique du tourisme issues de la triangulation des analyses développés dans ce texte sont proposées.
5Trois concepts ont été essentiels à l’élaboration de ce document : 1) la compétitivité, 2) la durabilité et 3) la gouvernance. Cependant, plutôt que d’offrir une définition isolée de chaque concept, nous proposons que la planification touristique fasse que les trois termes soient compris comme un système interconnecté et complémentaire. Ce qui suit explique pourquoi la compréhension et l’application efficaces et responsables de l’une ou l’autre de ces idées nécessitent les autres et en dépendent.
6Pour commencer, la compétitivité apparaît comme un concept de base afin d’améliorer la planification des destinations touristiques à partir de la seconde moitié du XXe siècle. La compétitivité souligne l’importance du contexte dans lequel les activités touristiques sont déployées (Velasco 2010). En d’autres termes, l’auteur souligne que la dynamique et les conditions de l’environnement sont fondamentales pour tout développement touristique. Par exemple, le Forum économique mondial (2010) soulève trois facteurs qui synthétisent les éléments les plus pertinents pour améliorer la compétitivité : l’environnement macroéconomique, la qualité des institutions publiques et la situation technologique d’un pays.
7Ainsi, la définition classique de la compétitivité dans le tourisme se réfère à la capacité des destinations de maintenir leur position sur le marché et de l’améliorer au fil du temps. En mettant l’idée de destination touristique à l’avant-plan, la conviction que le développement du tourisme est dérivé des efforts individuels de personnes isolées, des entreprises ou des institutions isolées entre elles, se trouve relativisée. Au contraire, une vision alternative est introduite lorsque la compétitivité dépend de processus collectifs qui exigent des niveaux croissants d’organisation, de confiance et de coopération entre les différents acteurs impliqués dans l’amélioration du tourisme dans chaque destination.
8Cette ligne de pensée amène à l’idée d’en venir au concept de durabilité car, selon des auteurs tels que Ritchie et Crouch (2003), la compétitivité d’une destination non durable est au mieux éphémère et même illusoire. Pour expliquer cela, il convient de rappeler la définition de base du développement durable, qui remonte à la fin des années 1980, selon laquelle il s’agit d’un type de développement qui cherche à répondre aux besoins de la génération actuelle sans compromettre capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins (ONU, 1987). En ce sens, l’accomplissement d’un projet durable exige une attention particulière à trois points : la conservation de l’environnement, l’efficacité économique et l’équité sociale. En d’autres termes, dans un cas hypothétique, malgré une réalisation significative en termes d’efficacité économique (en termes de maintien ou d’amélioration de la position d’une destination sur le marché), sans développement conséquent de la conservation de l’environnement et de l’équité sociale, il est très probable que de tels progrès ne soient que fugaces et superficiels. En conséquence, Il y a une corrélation claire entre la durabilité et la compétitivité touristique. En d’autres termes, sans durabilité, il n’y a aucune possibilité de compétitivité à long terme, ni de responsabilité vis-à-vis des risques et des effets environnementaux ou sociaux indésirables découlant du développement touristique.
9À ce stade, il est pertinent d’inclure le concept de gouvernance et donc de se demander : quelle serait la meilleure façon d’atteindre la compétitivité du tourisme dans un cadre de plein respect de la durabilité ? Si, dans la poursuite de l’efficacité économique, il est également nécessaire de prendre en compte la dynamique et les caractéristiques du contexte, de la conservation de l’environnement et de l’équité sociale, cela implique que les processus de planification et de gestion touristique induisent une diversité croissante d’acteurs privés, publics et communautaires. En ce sens, les modèles classiques de gouvernance où la prise de décision est imposée de haut en bas, ou déployée du centre vers ses périphéries, peuvent être très inefficaces et générer plus de conflits que de solutions. Face à ce genre de défis, émerge le concept de gouvernance touristique.
10La gouvernance est largement liée à la formation de réseaux d’acteurs publics, privés et communautaires, grâce auxquels des décisions consensuelles et fondées sur la collaboration sont élaborées et prises (Kooiman 2004 ; Mayntz e2000). En effet, la gouvernance stimule un exercice conscient de la responsabilité partagée à travers divers instruments de coopération (réseaux informels, associations, observatoires, espaces et processus de participation citoyenne), au sein des territoires spécifiques. En ce sens, le concept de gouvernance évolue vers celui de gouvernance territoriale, soulignant l’importance de l’aménagement du territoire et des politiques publiques (Dubus, Helle et Masson 2010 ; Farinós 2008 ; Masson et alii 2012).
11Ainsi, lorsqu’on réfléchit à l’application des processus de gouvernance dans le domaine du tourisme, il est essentiel d’inclure la question de la qualité de vie de la population vivant dans les destinations et de lui donner une importance capitale. Cela implique que les initiatives touristiques seront difficilement compétitives et durables à long terme, sans la participation des populations hôtes aux processus de planification et de prise de décisions ; et ce si d’autre part, les développements touristiques ne génèrent pas une amélioration concrète de la qualité de vie des habitants des zones touristiques receptives (Barbini et alii 2011 ; Fernandez, Villar, Mercado et Bascaron 2014). Cela signifie que les acteurs les plus pertinents des systèmes touristiques cessent d’être le grand capital (entreprises ou conglomérats économiques), laissant leur place aux locaux, car les populations réceptrices deviennent les garants de la durabilité, de la compétitivité et, plus généralement, du succès des développements touristiques de leur territoire.
12En guise de fermeture, l’interdépendance de ces trois concepts est mise en évidence : compétitivité, durabilité et gouvernance appliquées à la planification touristique. En bref, la compétitivité exige la durabilité pour atteindre des réalisations significatives et à long terme. Mais à leur tour, la compétitivité et la durabilité dépendent des processus de gouvernance, pour être opérationnels et ainsi être en mesure d’intégrer un nombre croissant et une diversité d’acteurs et d’intérêts dans les processus de planification, de gestion et de prise de décision. Ce n’est pas un défi mineur, mais si l’on a une vision d’un tourisme moteur pour le développement dans diverses régions de la Colombie au cours des prochaines décennies, on ne peut l’ignorer.
13Cette section présente à la fois choix méthodologiques et les principaux résultats liés à chacune des analyses effectuées. Pour commencer, un diagnostic de l’état actuel du tourisme dans le pays est présenté sur la base de sources secondaires. Sont présentés ci-dessous les résultats de deux autres exercices davantage propositionnels axés sur l’avenir du tourisme. Le premier, axée sur les cadres d’interprétation sur les principaux problèmes et solutions au développement touristique national, et le deuxième, une analyse prospective axée sur l’année 2030. Les deux analyses faites à partir de groupes d’acteurs clés pour le tourisme en Colombie.
14Cette étude présente l’état actuel du tourisme en Colombie à travers d’un exercice d’examen et d’analyse des sources secondaires ainsi que la proposition d’un modèle composé de 13 facteurs clés. D’une part, les sources secondaires considérées pour cette analyse sont les suivantes : 1) Dix articles universitaires sur le tourisme en Colombie publiés entre 2000 et 2016 (p. ex. Benavides et Venegas 2013 ; Toro, Galon, Pico, Rozo et Suecun 2015). 2) Dix rapports et publications syndicales de secteurs liés au tourisme tels que les hôtels, les agences de voyages, les transports, les restaurants, entre autres. (Par exemple, Association colombienne des agences de voyages et de tourisme 2018 ; Martinez et Garcia 2016). 3) Huit rapports internationaux comparant la performance touristique, le développement durable et la compétitivité mondiale (Par exemple, Forum économique mondial 2017 ; Organisation Mondiale du Tourisme 2018).
15D’autre part, les facteurs clés qui structurent le modèle de diagnostic ont été définis sur la base des concepts de compétitivité, de durabilité et de gouvernance. Par conséquent, ces facteurs sont : 1) Les ressources naturelles ; 2) Le patrimoine historique et culturel ; 3) L’infrastructure ; 4) La connectivité et l’accessibilité ; 5) Le marketing et la promotion ; 6) Les systèmes d’information des destinations ; 7) Les ressources humaines ; 8) La qualité du service ; 9) La sécurité ; 10) La culture touristique et la participation communautaire ; 11) La croissance et le développement économiques pour la collectivité et la destination ; 12) La durabilité ; 13) La coopération entre les acteurs.
16Chacun d’eux a reçu une note entre zéro et cinq, où zéro signifie que ce facteur est "inexistant", un qu’il est "très faible", deux qu’il est "moyen", trois qu’il est "satisfaisant", quatre qu’il est "bon", et cinq qu’il est "très bon". Chaque facteur est qualifié en fonction de sa gestion. Pour ce faire, trois critères sont pris en compte : d’abord, les faits saillants et les possibilités d’amélioration, basés sur des sources secondaires. Deuxièmement, le diagnostic de chaque facteur au niveau national et régional, selon le Plan Touristique Sectoriel 2014-2018 et d’autres plans de développement du tourisme enregistrés sur le site officiel du Ministère du commerce, de l’industrie et du tourisme. Troisièmement, la notation de chaque facteur selon l’Indice de compétitivité du tourisme et des voyages du Forum économique mondial et l’indice régional de compétitivité du tourisme colombien.
17Un niveau d’impact a également été établi pour chacun des facteurs (faibles, moyens ou élevés). Cet impact se réfère au niveau de l’effet que le facteur peut avoir sur le tourisme colombien. Un impact élevé implique un effet immédiat ou à court terme, ce qui signifie qu’il influence directement les préférences du touriste et le positionnement de la destination. L’impact moyen n’a pas un effet immédiat sur l’exploitation touristique, cependant cela implique un examen préventif par les autorités afin de résoudre les problématiques exposées. Le faible impact n’affecte pas le court ou le moyen terme. En bref, le degré et le niveau d’impact de chaque facteur ont été définis au moyen d’une discussion développée au sein du groupe de chercheurs en fonction des critères définis ci-dessus.
18Le graphique et le tableau ci-dessous fournissent un aperçu sommaire des résultats analysés en fonction de la cote de chaque facteur et de son niveau d’impact. Pour commencer, en ce qui concerne sa notation, les constatations suivantes doivent être soulignées : premièrement, aucun des treize facteurs n’obtient une cote de quatre ou cinq, c’est-à-dire un niveau équivalent à « bon » ou « très bon ». Deuxièmement, sept facteurs sont classés au niveau trois ou « réguliers », soit : les ressources naturelles, le patrimoine historique et culturel, l’infrastructure, la connectivité et l’accessibilité, le marketing et la promotion, les ressources humaines et la coopération entre acteurs. Troisièmement, six facteurs se situent au niveau deux ou « mauvais » : les systèmes d’information sur les destinations, la qualité du service, la sécurité, la culture touristique et la participation communautaire, la croissance économique et le développement de la collectivité et de la destination, et la durabilité. Quatrièmement, aucun des facteurs n’a reçu une note correspondant à « un » ou « très mauvais ». Cela indique que l’état de développement des facteurs est « régulier » dans les meilleurs cas et « mauvais » dans les autres cas. En d’autres termes, ce diagnostic offre un paysage stimulant et plein d’options et des possibilités de consolider le développement touristique du pays.
Graphique 1. Classification des facteurs clefs pour un diagnostic du tourisme en Colombie
Celedon et Pertuz, 2017, p. 12
19Ensuite, par rapport à leur niveau d’impact, il a été trouvé : premièrement, huit facteurs ont un niveau élevé d’impact, à savoir : l’infrastructure, la connectivité et l’accessibilité, le marketing et la promotion, les systèmes d’information de la destination, la sécurité, la culture touristique et l’engagement communautaire, la croissance économique et le développement communautaire et du territoire, et la durabilité. Deuxièmement, cinq facteurs ont un niveau d’impact moyen : les ressources naturelles, le patrimoine historique et culturel, les ressources humaines, la qualité du service et la coopération entre les acteurs. Troisièmement, aucun facteur n’a eu un faible niveau d’impact. Ces résultats indiquent que, selon l’état actuel de la plupart des facteurs clés, le système touristique du pays est confronté au risque important et imminent d’être affecté. Cette situation indique que l’attention et l’intervention des différents secteurs de la société (publics, privés et communautaires) sont essentielles pour prévenir divers types de détérioration du système touristique national actuel.
Tableau 1. Facteurs clés par niveau d’impact – Source : les auteurs (2019)
Impact élevé
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Impact moyen
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Infrastructure
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Ressources Naturelles
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Connectivité et accessibilité
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Patrimoine historique et culturel
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Marketing et promotion
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Ressources Naturelles
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Systèmes d’information de destination
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Qualité du service
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Sécurité
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Coopération entre acteurs
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Culture touristique et participation communautaire
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Croissance économique et développement de la communauté et de la destination
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Durabilité
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20En croisant les deux analyses précédentes, il est possible de classer les facteurs clés en fonction de leur qualification et de leur degré d’impact. De cette manière, il est possible d’identifier ceux qui ont le plus mauvais niveau de qualité et qui peuvent également générer les niveaux d’impact les plus élevés et les plus immédiats sur le système de tourisme national.. En fait, ce profil compte cinq facteurs clés : les systèmes d’information sur les destinations, la sécurité, la culture touristique et la participation communautaire, la croissance économique et le développement communautaire et la durabilité. Le groupe de facteurs précédent suggère une priorisation en termes d’intervention touristique centrée sur la résolution et la correction des problèmes les plus importants pour éviter une détérioration du système touristique national à court terme.
21En outre, ce croisement des résultats est également utile afin de rendre visible le groupe des facteurs ayant une meilleure qualité et un degré d’impact inférieur. D’un point de vue positif, ce groupe montre les facteurs qui ont un grand potentiel pour consolider les forces du système touristique actuel. Ainsi, la combinaison : meilleure qualité et d’impact moindre est concentrée dans trois facteurs : les ressources naturelles, le patrimoine historique et culturel et la coopération entre les acteurs. Il ne faut toutefois pas oublier que la cote de qualité de ces facteurs, bien que la plus élevée, ne dépasse pas le niveau trois correspondant à "régulier". De même, le poids de son impact n’est pas "faible", mais "moyen". En termes de planification et de gestion, cela implique que ces facteurs ne doivent pas être négligés, car bien qu’ils aient une classification acceptable pour l’instant, en l’absence de prévention, leur statut pourrait se détériorer à moyen terme.
22Enfin, il est pertinent de présenter une analyse critique sur la manière même dont est diagnostiqué le tourisme en Colombie. Il ne s’agit pas d’un problème mineur, car selon le modèle de mesure choisi, les résultats peuvent changer et donc les stratégies ou les facteurs clés pour guider les actions dans l’avenir. En ce sens, l’analyse diagnostique critique montre que l’approche dominante pour évaluer le tourisme dans le pays est la « compétitivité ». On estime que cette tendance a commencé après le cycle de contraction économique des années 1990. En conséquence, le développement du secteur touristique s’est concentré sur les stratégies de développement industriel, de croissance économique et de relance de la productivité, en réponse au ralentissement économique et dans le but de contribuer à contrecarrer l’évolution de l’image négative du pays à cette période. Récemment, à partir de la première décennie des années 2000, l’approche par la « durabilité » commence à avoir une meilleur prise en compte ; ce qui est perceptible, par exemple, dans le Plan sectoriel de tourisme 2014-2018 (Ministère de l’industrie, de Commerce et Tourisme 2014). Cela explique pourquoi les principaux indicateurs qui mesurent le succès ou l’échec du tourisme sont basés sur des perspectives économiques qui se concentrent, par exemple, sur : la croissance du PIB, le nombre de visiteurs, l’augmentation de l’infrastructure hôtelière et les indices l’occupation de l’hébergement.
23Par conséquent, les approches de « durabilité » et de « gouvernance » appliquées au tourisme doivent être renforcées à partir du cadre institutionnel et du contenu réglementaire. Bien que des progrès aient été réalisés dans la création d’instruments tels que les normes techniques sectorielles (Université Externado Colombie 2018), l’obligation d’appliquer la réglementation sur la durabilité pour les prestataires de services, suite à la publication de la loi 1558/2012, ou de l’accompagnement fourni par les « Unités Sectorielles de Normalisation ». Il est également nécessaire et urgent de travailler sur la pédagogie et la matérialisation du contenu dans les régions, en particulier dans la sphère rurale et locale, où il a été plus difficile d’appliquer les lignes directrices ou le mettre en place des certifications.
24Vous trouverez ci-dessous un résumé des principaux résultats d’une analyse des cadres d’interprétation appliqués au tourisme, en 2018, dans le cadre du projet Vision 2030 du tourisme en Colombie. À cette fin, 173 entrevues ont été menées auprès d’informateurs clés des secteurs public et privé sur l’ensemble du territoire national. Le tableau ci-dessous montre la répartition des entretiens par région et par départements de chacune de ces régions. L’information recueillie a permis d’identifier et de trier, en fonction de leur niveau d’acceptation, les idées partagées sur trois thèmes clés : 1) les questions touristiques au niveau national et régional (cadre diagnostique) ; 2) les solutions idéales pour résoudre ces problèmes (cadre prévisionnel) ; et 3) les actions et les promesses mobilisées par les acteurs pour promouvoir la réalisation de ces solutions idéales (cadre des motivations). Ces résultats ont également été analysés à trois échelles : 1) nationale, 2) régionale et 3) par type d’acteur (public/privé) au niveau national. Ainsi, cette section présente, d’une part, une brève définition et justification de l’analyse des cadres d’interprétation et, d’autre part, un résumé des principales constatations faites pour les trois échelles relevées, selon les trois cadres interprétatifs défini ci-dessus.
Tableau 2
Total des entretiens menés et par régions
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Total des entretiens
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173 entretiens
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Entretiens par Région
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Région des Caraïbes (25 ent.) : Cartagena de Indias, Atlantique, Magdalena, San Andrés et Providencia, Sucre.
Région du Centre -Est (45 ent.) : Bogota D.C., Boyacô, Cundinamarca, Norte de Santander et Santander.
Région du Centre-Sud (17 ent.) : Huila et Tolima.
Région de l’axe café (57 ent.) : Antioquia, Caldas, Quindôo et Risaralda.
Région de Llanos (15 ent.) : Casanare, Meta.
Région du Pacifique (14 ent.) : Cauca, Choco, Nariôo et Valle del Cauca.
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Les auteurs (2018)
25L’analyse des cadres d’interprétation est liée à l’étude des aspects culturels associés à l’action collective (Paredes 2013 ; Snow et Benford 1992). En ce qui concerne le tourisme, l’analyse des cadres contribue, par exemple, à l’étude de la participation publique, la préservation de la culture et à la génération de scénarios de discussion et de dialogue (Bertoncello 2010 ; Torres 2009). De ce qui précède, on voit que l’importance des cadres théoriques réside dans leur capacité à organiser et à donner un sens aux idées d’un groupe d’acteurs sur un sujet spécifique. Dans ce cas, cela portait sur l’état du tourisme en Colombie jusqu’en 2018 En effet, les cadres identifient des modèles de signification en mettant en évidence des idées partagées centrales ou collectivement acceptées par un groupe, ainsi que des idées périphériques ou moins acceptées. En effet, les cadres simplifient le monde extérieur des acteurs et signalent sélectivement vers des objets, des situations, des événements ou d’autres éléments importants, qui donnent un sens à la façon dont les acteurs voient le monde (ou un aspect particulier de celui-ci). Les résultats axés sur les significations centrales partagées seront présentés sans ce texte. C’est-à-dire ceux qui ont des degrés plus élevés de popularité ou d’acceptation parmi les acteurs. En d’autres termes, les idées avec la plus grande capacité de générer l’identification parmi les participants. Bien que les significations périphériques soient également pertinentes, elles révèlent la diversité de vues au sein d’un groupe et proposent des voies ou des interprétations alternatives par rapport à un sujet spécifique. Ces significations périphériques ne seront pas analysées dans ce résumé, afin de ne pas alourdir le texte.
26Tout d’abord, les principaux résultats obtenus au niveau national montrent qu’il existe un large consensus sur les problèmes du tourisme (cadre diagnostique). Cependant, le consensus diminue par rapport aux solutions idéales possibles (cadre prévisionnel) ; et enfin, le degré de coïncidence est encore plus faible en termes d’actions et de mobilisation des solutions (cadre motivationnel). Cela indique qu’il existe un degré plus élevé d’identité partagée lors de la définition des problèmes, ce qui se traduit par cinq significations centrales partagées. Au fur et à mesure que nous descendons vers des solutions possibles et des actions concrètes, cette identification diminue considérablement. D’une part, le cadre de prévision comprend quatre significations communes ; alors que d’autre part, il n’en contient que trois pour le cadre de motivation Le tableau ci-dessous présente les significations partagées centrales dans chaque cadre et indique le taux d’acceptation. Dans ce cas, les significations centrales correspondent à des idées qui ont au moins 15 % de coïncidence entre les acteurs interrogés.
27En ce qui concerne le contenu de base de chaque cadre : premièrement, le cadre diagnostic montre que les problèmes les plus populaires sont associés au secteur public. Elles s’expriment par un manque de volonté politique de donner la priorité au tourisme dans le programme national de développement, l’inefficacité à contrôler la concurrence déloyale et informelle dans le secteur, et l’absence d’’articulation entre les institutions gouvernementales et les acteurs publics et privés. Deuxièmement, le cadre diagnostic propose des solutions liées, d’une part, à une plus grande articulation et cohérence entre les politiques, les plans et les programmes dans le domaine du tourisme ; et d’autre part à la conformité aux réglementations visant à réduire l’informalité dans le secteur. Enfin, le cadre motivation révèle que la plupart des acteurs acceptent de concentrer leurs efforts au niveau plus régional et local qu’au niveau national. Toutefois, certaines actions sont clairement faites en faveur de l’articulation des gouvernements locaux avec le gouvernement national, ainsi que dans la génération d’alliances institutionnelles en vue d’articuler diverses destinations.
Tableau 3
Significations partagées centrales par type de cadre - Échelle nationale
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Diagnostic
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Pronostic
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Motivation
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Manque de volonté politique et de processus qui accordent la priorité au tourisme dans l’agenda national en tant que stratégie de développement transversale et à long terme (31 %).
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Une plus grande articulation et cohérence entre les politiques, les plans de développement, les entités nationales et départementales pour le développement du tourisme (27 %).
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Ils n’ont pas pris de mesures au niveau national, le niveau local ou régional est prioritaire (36 %).
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Inefficacité des autorités de surveillance : concurrence déloyale continue et fourniture de services non réglementés ou illégaux (31 %).
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Renforcer et organiser la gestion du tourisme avec la construction de politiques plus participatives à partir du local, afin d’identifier les besoins spécifiques des régions (24 %).
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Renforcer les processus de planification avec des niveaux plus élevés de socialisation. Plus d’articulation entre les gouvernements locaux et le gouvernement national (17 %).
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Manque de synergie entre les acteurs du développement touristique (public et privé). Manque d’articulation entre les institutions publiques (locales, régionales et nationales) (26 %).
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Mise en œuvre de plans, de campagnes, d’outils de contrôle et de conformité à la réglementation pour la formalisation des fournisseurs de services touristiques (23 %).
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Soutenir l’articulation des destinations par le biais d’alliances institutionnelles, de voyages de reconnaissance, de planification stratégique et de pôle touristique (16 %).
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Faible niveau de professionnalisation des talents humains (19 %).
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Une formation accrue des talents humains axée sur le secteur du tourisme (gestion, service à la clientèle, typologies touristiques, réglementation actuelle) avec une plus grande mise en œuvre des TIC et du bilinguisme (21 %).
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Écart entre le discours gouvernemental en faveur du tourisme et la faible dotation budgétaire pour ses initiatives et actions stratégiques (17 %).
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Les auteurs (2018)
28A l’échelle suivante, les résultats identifient des ensembles d’idées particulières dans chaque territoire. En ce sens, le tableau suivant organise les significations centrales partagées par type de cadre et par région. Par conséquent, les cellules mises en évidence en jaune correspondent aux niveaux d’accord égaux ou supérieurs à 35 % à l’intérieur de chaque région, les boîtes avec fond blanc aux niveaux d’accord situés entre 20 et 34 % et les noirs correspondent à ceux inférieurs à 20 %.
29Dans toutes les régions, à l’exception des Llanos, la tendance nationale se répète. Là où le plus grand degré d’accord est dans le diagnostic, la tendance diminue par rapport aux solutions possibles, puis se rétrécit un peu plus, par rapport aux actions ou promesses mobilisées par les acteurs. Cela soulève une question intéressante, dont la réponse dépasse le cadre de ce texte, sur les raisons de ce type particulier de consensus dans la région des Llanos, question qui pourrait faire l’objet de recherches futures.
Tableau 4
Significations partagées centrales par régions et type de cadre
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Caraïbes
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Centre De l’Est
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Centre Sud
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Région axe café
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Llanos
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Pacifique
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Cadre diagnostique
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Désarticulation publique - privé
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40 %
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38 %
|
35 %
|
23 %
|
43 %
|
32 %
|
Manque de connectivité, d’accessibilité et de mobilité pour les visites guidées.
|
40 %
|
22 %
|
32 %
|
N.a
|
28 %
|
56 %
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Une entité de contrôle est absente de l’informalité.
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40 %
|
20 %
|
47 %
|
31 %
|
N.a
|
21 %
|
Conditions touristiques sans continuité ni exécution en raison des changements de gouvernement et de l’absence d’allocation budgétaire.
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32 %
|
24 %
|
35 %
|
N.a
|
N.a
|
47 %
|
Il n’y a pas de produits touristiques phares dans les régions. Faible positionnement national et international des destinations régionales.
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N.a
|
24 %
|
53 %
|
N.a
|
20 %
|
20 %
|
Cadre de prévision
|
Plus grande concertation et participation à la planification touristique régionale. Plus de cohérence entre la formulation et la mise en œuvre des plans touristiques
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29 %
|
33 %
|
24 %
|
35 %
|
67 %
|
64 %
|
Mettre en œuvre une plus grande gouvernance et encourager l’association dans les régions
|
21 %
|
20 %
|
24 %
|
28 %
|
20 %
|
50 %
|
Former et former les fournisseurs et la communauté locale dans la culture touristique
|
N.a
|
N.a
|
47 %
|
N.a
|
27 %
|
29 %
|
Développement de produits touristiques dans les régions avec des normes de durabilité
|
N.a
|
N.a
|
29 %
|
N.a
|
40 %
|
N.a
|
Cadre de motivation
|
Créer des programmes de formation et de formation en tourisme, y compris le bilinguisme et les tics (pour travailler et étudier simultanément)
|
N.a
|
N.a
|
29 %
|
25 %
|
47 %
|
29 %
|
Établir des partenariats stratégiques et des ententes entre les secteurs et les organismes publics pour le développement de projets
|
25 %
|
20 %
|
N.a
|
33 %
|
20 %
|
21 %
|
Soutenir les processus de formalisation des fournisseurs de services touristiques
|
21 %
|
N.a
|
N.a
|
N.a
|
47 %
|
29 %
|
Créer des campagnes de sensibilisation à l’avant-garde des secteurs du tourisme dans les régions
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N.a
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20 %
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N.a
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25 %
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33 %
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N.a
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Participer à des tables de travail et à des scénarios pour la création de stratégies touristiques
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N.a
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24 %
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N.a
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N.a
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N.a
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36 %
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Les auteurs (2018)
30En ce qui concerne les résultats selon le type de cadre, d’abord, le principal problème pour le diagnostic de chaque région est : dans les Caraïbes, on dénote une triple égalité entre la désarticulation entre les secteurs public et privé, les lacunes la connectivité, l’accessibilité et la mobilité, et le manque de contrôle de l’économie informelle. Dans les régions de Centro-Oriente et des Llanos on observe une désarticulation entre les secteurs public et privé. Dans la région du Centre-Sud on constate, un manque de produits touristiques et le faible positionnement de leurs destinations. Dans l’axe du café, le manque de contrôle de l’informel apparait clairement. Et dans le Pacifique, les lacunes de connectivité, d’accessibilité et de mobilité. Bien que le tableau ci-dessus détaille un profil particulier des problèmes dans chaque région, il convient de noter que la désarticulation entre les secteurs public et privé est perçue comme une situation transversale pour toutes les régions.
31Deuxièmement, en ce qui concerne le cadre prévisionnel, la solution la plus importante dans toutes les régions, à l’exception de la région Centre-Sud, pourrait impliquer une plus grande concertation et une planification touristique régionale, ainsi qu’une plus grande cohérence entre la formulation et mise en œuvre des plans touristiques. Dans le cas de la région Centre-Sud, la solution centrale il s’agit dede former les fournisseurs et la communauté locale à la culture touristique. En outre, il convient de noter que dans toutes les régions, en particulier celle du Pacifique, il est proposé de mettre en œuvre des niveaux plus élevés de gouvernance et d’association.
32Troisièmement, en ce qui concerne le cadre de motivation et l’action ou la promesse principale mobilisée par les acteurs, il existe une diversité de réponses pour chaque région. Ainsi, dans les Caraïbes et l’axe du café, l’action principale consiste à établir des alliances stratégiques et des accords entre les secteurs et les organisations publiques pour le développement de projets. Dans les régions du Centre-Orient et du Pacifique, il s’agit de participer à des groupes de travail et à des scénarios pour l’élaboration de stratégies touristiques. Dans la région Centre-Sud, mettre en place des programmes de formation dans le domaine du tourisme. Et dans la région des Llanos, à égalité, on identifie, d’une part, la création de programmes de formation dans le tourisme, et d’autre part, le soutien au passage dans l’économie formelle des fournisseurs de services touristiques. Cela donne un éventail intéressant d’initiatives pour chacune des régions. C’est-à-dire un ensemble d’initiatives qui peuvent être potentialisées pour promouvoir le développement du tourisme territorial tout en soutenant et en reconnaissant l’initiative des acteurs locaux.
33Présentons enfin, les résultats discriminés par type d’acteur (public ou privé) et par cadre de référence, à l’échelle nationale. Dans la case ci-dessous, les cases avec des niveaux d’accord égaux ou supérieurs à 30 % sont surlignées en jaune, les cellules avec fond blanc correspondent à des niveaux entre 20 et 29 %, et les boîtes noires correspondent à des pourcentages égaux ou inférieurs à 19 %. Selon ces critères, et conformément aux résultats ci-dessus, un degré plus élevé de coïncidence se trouve dans le cadre diagnostique, où cinq significations centrales sont identifiées. En revanche, quatre significations communes se trouvent dans le cadre de prévision ; et pour le cadre de motivation, ils sont réduits à trois.
34Selon chacun des cadres, tout d’abord, le diagnostic indique que le principal problème pour les acteurs publics est le manque de volonté politique et de processus qui donnent la priorité au tourisme dans l’agenda national comme stratégie de développement transversale à long terme. Pour les acteurs privés, pour leur part, c’est l’inefficacité des autorités de surveillance face à la poursuite de la concurrence déloyale et à la fourniture de services non réglementés ou illégaux. Dans une large mesure, ces réponses reflètent la façon dont chaque groupe a ses propres priorités. En effet, dans la sphère privée, le problème le plus important est la menace pour leurs revenus, liée à l’inefficacité du gouvernement ; tandis que dans la sphère publique, l’accent est mis sur le statut politique, administratif et la gestion.
35Deuxièmement, le cadre prévisionnel note que la solution principale selon les acteurs publics est de renforcer et d’organiser la gestion du tourisme avec la construction de politiques plus participatives de la part des locaux, qui permettent d’identifier les besoins spécifiques des régions ; et pour les acteurs privés, la mise en œuvre de plans, de campagnes, d’outils de contrôle et le respect de la réglementation pour la formalisation des prestataires de services touristiques. Ces résultats réaffirment ce qui a été soulevé pour le cadre précédent, en soulevant des solutions directement liées aux problèmes identifiés par type spécifique d’acteur.
Tableau 5
Sens partagés centraux par type d’acteur et de cadre échelle national
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Publique
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Privé.
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Cadre diagnostique
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Le manque de volonté et de processus politiques qui accordent la priorité au tourisme dans l’agenda national en tant que stratégie de développement transversale et à long terme.
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33 %
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28 %
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Inefficacité des autorités de surveillance contre la poursuite de la concurrence déloyale et la fourniture de services non réglementés ou illégaux.
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23 %
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31 %
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Manque de synergie entre les acteurs du développement touristique (public et privé). Manque d’articulation entre les institutions publiques (locales, régionales et nationales).
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N.a
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25 %
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Faible niveau de professionnalisation des talents humains.
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24 %
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N.a
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Absence d’une culture touristique qui atténue les impacts socioculturels et économiques au cours des processus de développement touristique.
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20 %
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N.a
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Cadre de prévision
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Une plus grande articulation et cohérence entre les politiques, les plans de développement, les entités nationales et départementales pour le développement du tourisme
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29 %
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26 %
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Renforcer et organiser la gestion du tourisme avec la construction de politiques plus participatives de la part locale, afin d’identifier les besoins spécifiques des régions.
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32 %
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N.a
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Mise en œuvre de plans, de campagnes, d’outils de contrôle et de conformité à la réglementation pour la formalisation des fournisseurs de services touristiques.
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N.a
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31 %
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Une formation accrue des talents humains axée sur le secteur du tourisme (gestion, service à la clientèle, typologies touristiques, réglementation actuelle) avec une plus grande mise en œuvre des TIC et du bilinguisme.
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25 %
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N.a
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Cadre de motivation
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Ils n’ont pas pris de mesures au niveau national, au niveau local ou régional est prioritaire.
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33 %
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39 %
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Renforcer les processus de planification avec des niveaux plus élevés de socialisation. Plus d’articulation entre les gouvernements locaux et le gouvernement national.
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21 %
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N.a
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Soutenir l’articulation des destinations par le biais d’alliances institutionnelles, de voyages de reconnaissance, de planification stratégique et de pôle touristique.
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23 %
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N.a
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Les auteurs (2018)
36Troisièmement, le cadre de motivation présente un résultat révélateur indiquant que le champ d’action principal ou les promesses des acteurs publics et privés ne sont pas nationaux mais régionaux et locaux. Par conséquent, d’une part, il n’y a pas consensus chez plus de 20 % parmi les acteurs privés ; et d’autre part, parmi les acteurs publics, il y a un soutien à l’articulation des destinations par le biais d’alliances institutionnelles, de voyages de reconnaissance, de planification stratégique et de pôle touristique, avec un consensus d’un peu plus de 20 %.
37Enfin, les analyses ci-dessus permettent de tirer quelques réflexions et conclusions de base : premièrement, à tous les niveaux d’analyse, les plus hauts niveaux de consensus sont placés dans le cadre du diagnostic et sont progressivement réduits pour les prévisions et motivations. Cela implique qu’il est plus facile de construire des accords sur ce que sont les questions touristiques, alors que par rapport aux solutions idéales, c’est plus difficile et plus encore, par rapport aux actions nécessaires pour parvenir à de telles solutions. Cela pose certainement un défi pour le développement touristique des destinations nationales qui exige une gouvernance accrue. Deuxièmement, et cela est lié à ce qui précède, un problème important émerge du niveau national : la faible volonté politique de donner la priorité au tourisme dans l’agenda national du développement et, par conséquent, une demande de plus grande cohérence entre les instruments de politique touristique ainsi qu’une intégration plus efficace entre les acteurs publics et privés du système touristique. Troisièmement, les résultats de l’analyse régionale montrent la pertinence particulière de l’observation de ce niveau. En effet, la structure des cadres au niveau régional est beaucoup plus spécifique et se traduit par des niveaux plus élevés de consensus sur les questions, les solutions et les actions. Cela souligne la nécessité et la pertinence de stratégies spécifiques et adaptées aux problèmes de chaque région.
38Nous allons jeter maintenant un regard prospectif sur le tourisme du futur en Colombie. Une telle analyse est justifiée à la fois par le potentiel du pays (voir la section sur le diagnostic du tourisme en Colombie) et par les tendances mondiales qui indiquent une augmentation soutenue du tourisme à l’avenir. En effet, selon les projections des arrivées de touristes internationales jusqu’en 2030 (World Tourism Survey, 2013), les Amériques se classent au troisième rang, après l’Europe et l’Asie-Pacifique (voir graphique).
Graphique 2
OMT (2013, p. 14)
39Par conséquent, l’objectif de cette recherche est de connaître les tendances technologiques les plus importantes et les modalités touristiques, ainsi que les variables qui définiront ce phénomène et les scénarios à l’horizon de 2030. Et à partir, de proposer un "scénario crédible" proposant une image qui pourrait être celle de la réalité.
40La méthodologie de cet exercice est basée sur la conduite d’ateliers avec des experts du tourisme des secteurs public et privé. Ces ateliers se sont déroulés en trois étapes : premièrement, la reconnaissance des tendances technologiques et des modalités du tourisme qui pourraient être considérées comme pertinentes pour la Colombie, avec 29 participants. Deuxièmement, l’exactitude des variables qui définiront la situation du tourisme à l’avenir pour le pays, avec 37 participants. Et troisièmement, la conception de l’avenir probable du tourisme colombien dans une prospective 2030 avec d’autres scénarios de probabilité plus faible, avec 38 participants. Les résultats des ateliers ont été analysés à l’aide de la méthode « Cross Impact Matrix Systems » (Godet et Durance 2011). Cette méthode fonctionne avec des probabilités simples et conditionnelles, permettant de définir le scénario le plus probable et en même temps, il en indique d’autres moins probables pour l’avenir qui sont également susceptibles d’analyse. Construire plusieurs scénarios permet de reconnaître les difficultés possibles que pourrait rencontrer le scénario retenu dans sa réalisation.
41L’analyse était fondée sur les cinq hypothèses suivantes :
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Le tourisme représentera 5 % du PIB contre 2 % aujourd’hui
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Le chiffre record d’investissement du ministère (16 520 000 dollars) sera triplé à prix constants.
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50 % des responsables de l’hôtellerie et du tourisme répondront aux exigences internationales, contre 20 % aujourd’hui.
-
50 % des entreprises d’accueil et de tourisme utiliseront des technologies « intelligentes »
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50 % des entreprises hôtelières et touristiques adopteront des politiques efficaces en matière de « tourisme durable ».
42Ainsi, huit scénarios ont été générés classés en fonction de leur degré de probabilité (voir tableau ci-dessous). Du plus grand au plus petit c’est d’abord, le scénario le plus probable selon les tendances présentes. Deuxièmement, le scénario souhaité, celui d’une situation idéale. Troisièmement, cinq scénarios complémentaires pointent des futurs possibles associés à des variations direction du scénario du pari.
Tableau 6
Scénario
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Probabilité
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Ça aurait pu être pire.
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0.442
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La Colombie, Paradis touristique
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0.196
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Il n’y a personne
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0.101
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Contre vent et marée
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0.050
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Par la méthode traditionnelle
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0.039
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Robocop
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0.032
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mauvais endroit
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0.016
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Les auteurs (2018)
43Voici une brève description de chacun de ces scénarios :
44Tout d’abord, le scénario le plus probable (44,2 % de chance), appelé ça aurait pu être pire. La raison de ce nom est que les résultats indiquent que le respect de quatre des cinq variables-hypothèses est peu probable (tourisme et développement, investissement et financement, talent humain et technologie). La « durabilité », quant à elle, atteint un niveau de probabilité légèrement plus élevé, de sorte que son niveau de réussite passe de « peu probable » à « doute » avec au moins une légère probabilité positive d’être réalisé.
45Deuxièmement, le scénario ambitionné (19,6 %), appelé la Colombie paradis touristique. Dans ce futur possible, les cinq variables d’hypothèse sont remplies d’ici 2030. Toutefois, cela nécessite d’ajuster le cours du développement touristique du pays et d’éviter de se retrouver dans l’un des scénarios alternatifs énoncés ci-dessous. De cette façon, les scénarios alternatifs configurent des alertes qui doivent être suivies pour la consolidation éventuelle du scénario souhaité. En d’autres termes, les autres scénarios permettent de générer un « plan de surveillance » afin de ne pas manquer le meilleur chemin possible.
46Troisièmement, les six scénarios alternatifs, du plus probable au moins probable :1) Il n’y a plus personne : 10,1 % de chance. Dans ce scénario, le pays réussit dans la performance du secteur du tourisme, investit dans son développement, les entreprises bénéficient de technologies « intelligentes » et sont respectueux des dimensions de la durabilité. Cependant, le personnel (au niveau des ressources humaines) ayant un niveau propre du marché international et qui gère le secteur entrepreneurial reste une petite élite. C’est le scénario dans lequel la technologie remplace l’homme, ce qui explique le succès économique du secteur. Les premières victimes apparaissent dans l’emploi qui est à la base de la pyramide : agents d’accueil, techniciens de surface, serveurs, etc.
47Parmi les raisons qui expliqueraient le manque de personnel hautement qualifié, nous pourrions penser à la faiblesse des salaires et des centres de formation, dont la qualité est inversement proportionnelle à leur coût, des établissements prestigieux offrent une éducation de qualité, mais ils sont coûteux et inversement les centres où la formation est à faible coût mais où elle est aussi de mauvaise qualité, et les résultats scolaires sont médiocres. Ainsi, les technologies "intelligentes" pourraient être considérées comme des générateurs de chômage. Une élite de l’enseignement supérieur se prépare à interagir avec eux avec succès, mais la base de la pyramide, elle a été surprise par l’avenir.
482) Contre vent et marée : 5 % de chance. Dans ce scénario, le secteur réalise une bonne performance économique allant jusqu’à 5 % du PIB. Par contre, au moins la moitié des établissements honorent leur parole de ne pas détériorer l’environnement. Une grande partie des institutions ont des talents humains de grande qualité, ce qui explique l’acquisition de technologies « intelligentes » pour optimiser la performance touristique. Mais ces réalisations se font sans le soutien attendu de l’Etat en matière d’investissement, ce qui rend la réalisation d’un chiffre pour le tourisme de 5 % du PIB encore plus méritoire.
49Qu’est-ce qui a pu se passer ? L’État a dû s’attaquer à d’autres priorités plus urgentes que l’investissement dans le tourisme, telles que les exigences sociales du processus de paix et le maintien de la sécurité vis-à-vis des gangs criminels qui affectent l’ordre public. Le succès de ce scénario montre l’importance du secteur du tourisme dans la vie économique du pays. C’est une leçon donnée à l’Etat qui, s’il l’interprète correctement, aurait à sa portée une excellente source de génération de richesse.
503) Par la méthode traditionnelle :3,9 % de probabilité. Dans ce scénario, le secteur atteint 5 % du PIB avec le soutien de l’investissement public tout en relevant le défi de ne pas affecter l’environnement, dans au moins 50 % des établissements La chose la plus curieuse à propos de ces réalisations est qu’elles sont obtenues avec du personnel sans conditions internationales dans moins de 50 % des cas et avec une prédominance de technologies analogues sur les technologies « intelligentes » dans moins de 50 % des institutions.
51De toute évidence, dans cette image de l’avenir on a parié sur un type de tourisme « inclusif », c’est-à-dire, inclusif vis-à-vis la base de la pyramide socio-économique. Ce qui signifie que l’on travaille sur du volume plutôt que sur de la qualité. Mais, alors, les produits touristiques alternatifs tels que l’écotourisme, le tourisme de nature, le tourisme rural, parient eux sur un produit de qualité, cher et réservé à une élite, ce qui n’empêche pas une forte participation des locaux dans la gestion des écolodges, maisons rurales, restaurants « étoilés », etc. Le succès de ce scénario n’est que temporaire, car, pour capter une offre large, l’entrée de l’économie de la « connaissance » se chevauche.4) Robocop : 3,2 % de chance. Dans ce scénario, le secteur apporte une contribution importante au PIB national (5 % voir plus), sans recevoir aucun soutien significatif de l’Etat en termes d’investissement et de développement, tout en travaillant avec des ressources humaines de faible qualité dans 50 % des établissements. Mais il a le soutien des technologies « intelligentes » et a comme credo le respect de la nature.
52Cette image de l’avenir s’appelle Robocop, car le secteur du tourisme a su générer de la richesse en s’appuyant sur les technologies « intelligentes » de la quatrième révolution industrielle, dans un environnement hostile enraciné par l’insécurité inhérente au processus de réaménagement social après les accords de paix, dans lesquels l’État a dû donner la priorité pour respecter les engagements sociaux des pactes de paix.
53Ce scénario est très similaire à Il n’y a personne, la différence est qu’il n’y a pas de soutien de l’État dans les projets d’investissement, ce qui implique un plus grand effort du secteur privé. La performance du secteur qui réussit avec un faible investissement de l’Etat est très louable et génère du prestige ; c’est cela qui s’est passé en Espagne et au Mexique, toutes proportions gardées. Toutefois, il n’atteint pas le niveau de création d’emplois prévu en raison de la présence de technologies qui remplacent la main-d’œuvre et du fait de la faible pertinence académique de certains programmes d’éducation.
545) Il n’y pas de bonheur complet : 2,8 % de chance. Le tourisme fait de gros efforts « en mettant le meilleur de lui-même ». L’État n’est pas indifférent à cette situation et décide de soutenir le tourisme en triplant ses investissements. Mais malgré le bon timing de l’articulation état-entreprise et la bonne volonté de l’État, il y a des circonstances exogènes qui ralentissent la croissance économique du secteur : d’une part, la réapparition de l’insécurité, liée à des gangs. À cela, nous devons ajouter que l’informel persiste comme certaines formes.
55En conséquence, le secteur est malmené dans un pays qui a surmonté la confrontation armée avec la guérilla, mais a généré des situations criminelles à un moment de transition vers la résilience sociale. Mais malgré la situation difficile, l’État considère le tourisme comme un secteur prometteur pour l’avenir.
566) Au « mauvais endroit » : 1,6 % de chance. Le secteur a opté pour la formation de talents humains de classe mondiale, mais la situation du pays face à la prochaine étape de la démobilisation des forces armées, entrainerait la présence d’insécurité urbaine, ne permettrait pas le lancement du tourisme comme on l’avait pensé à l’origine. Par conséquent, les talents humains de grande qualité qui pourraient exercer une influence positive sur les organisations et les institutions du secteur auraient tendance à migrer vers d’autres pays, présentant des contextes plus propices au développement du tourisme.
57Enfin, en synthèse des analyses présentées, nous dirions que le scénario ambitionné, d’une Colombie paradis touristique montre qu’il est nécessaire de renforcer les tendances dans la formation des talents humains, l’accès aux technologies et l’interaction durable avec l’environnement. Et qu’il serait logique pour l’État de soutenir le développement du secteur par l’investissement, soit de tenir son rôle. Mais nous dirions aussi que nous ne sommes pas à l’abri, dans notre situation de post-conflit, d’autres scénarios différents, et qu’il sera nécessaire de redoubler d’efforts et d’être prêts à réussir malgré la présence de ces éventualités, car comme l’a noté le philosophe Maurice Blondel « l’avenir se construit, il ne se prédit pas » (Mojica, 2006,p. 122).
58Le tourisme en Colombie affiche une croissance soutenue depuis 2005, se consolidant pour devenir l’une des activités économiques les plus importantes du pays, après le secteur des mines et de l’énergie, tout en dépassant des productions traditionnelles comme le café. Toutefois, cet aspect est davantage dû à des variables externes telles que le renforcement des conditions de sécurité du pays, la croissance de la demande internationale et la signature de l’accord de paix en 2016, plutôt qu’a des politiques publiques ou à une planification à long terme.
59Depuis la fin du XXe siècle, en ce qui concerne les politiques touristiques colombiennes, la compétitivité économique a été prioritaire par rapport à d’autres approches telles que la durabilité ou la gouvernance territoriale touristique. Toutefois, au cours de la dernière décennie, l’approche par la durabilité a gagné en visibilité, bien que de manière timide. Il est donc nécessaire de renforcer les apports potentiels des approches de la durabilité et de la gouvernance du tourisme afin d’accroître l’impact social positif et d’assurer un développement planifié et inclusif du tourisme à long terme.
60En ce qui concerne le diagnostic du secteur touristique, les résultats montrent que la plupart des facteurs prioritaires et à fort impact (systèmes d’information de destination, sécurité, culture touristique et participation communautaire, croissance économique et développement de la communauté et de la destination, et durabilité) ils nécessitent un processus d’articulation transversale du tourisme avec d’autres secteurs, ainsi qu’un renforcement et une coordination par le biais de réseaux d’acteurs publics, privés et communautaires aux niveaux local, régional et national. Il s’agit de réorienter les politiques du tourisme public, qui ont été caractérisées par la promotion d’un système descendant avec des processus de participation faibles. En ce sens, l’approche de gouvernance du tourisme territorial est un axe fondamental pour une meilleure formulation, une mise en œuvre et une évaluation des processus de planification et de gestion du tourisme à venir.
61En ce sens, l’analyse des cadres théoriques d’interprétation confirme et élargit les résultats ci-dessus. En effet, parmi les questions qui sont les plus reconnues par les acteurs, tant au niveau national que dans la plupart des régions, on trouve : le manque de volonté politique à donner la priorité au tourisme en tant que stratégie de développement, l’inefficacité des autorités de surveillance à éviter une concurrence déloyale, ainsi que la désarticulation entre les principaux acteurs publics et privés de ce secteur. À cet égard, il est souligné que le secteur public est perçu comme « ayant une dette » envers le secteur du tourisme en général, en termes de responsabilités en tant que garant de la l’ordre juridique ainsi que facilitateur des processus et conditions fondamentaux pour le développement touristique (est pointé le manque d’infrastructures). En revanche, la diversité des résultats par rapport aux solutions et actions possibles face aux problèmes touristiques dans les différentes régions, dénote une grande complexité, qui implique des besoins spécifiques région par région, nécessitant d’imaginer des réponses spécifiques. Cela induit de plus grands défis dans la gestion des politiques touristiques, réaffirmant la pertinence d’une approche différentielle, décentralisée et construite du bas vers le haut.
62Enfin, en ce qui concerne l’analyse prospective et le scénario probable du « paradis touristique colombien », cela montre qu’il est nécessaire de renforcer les tendances en matière de formation des capacités humaines, d’accès aux technologies et aux interactions respectueuses de l’environnement. Face à cela, nous attendons à ce que l’Etat investisse dans ce type de projets pour le secteur touristique.
63Dans l’ensemble, face à la question centrale de cet article, à savoir celle qui consiste à se demander si le tourisme pourrait mener un développement durable et compétitif, les résultats montrent qu’un travail concerté est nécessaire avec les différents acteurs publics, privés et communautaires, ainsi qu’entre les acteurs locaux et nationaux. À cette fin, il sera nécessaire d’élaborer des politiques touristiques consensuelles, en formulant des lignes stratégiques qui articulent diverses solutions, en fonction des besoins particuliers des territoires à vocation touristique. Ainsi, le plus grand défi sera de faire en sorte que le tourisme contribue à la réduction des inégalités sociales et à l’amélioration de la qualité de vie des habitants des zones les plus riches en biodiversité environnementale et culturelle, et qui, en même temps, présentent les niveaux de pauvreté les plus élevés. Inversement, si le tourisme en Colombie poursuit son développement, stimulé par des facteurs externes imprévus, il est tout à fait possible qu’il atteigne des scénarios insoutenables, comme le soulignent certains des scénarios négatifs de l’analyse prospective. Et par conséquent, il serait très peu probable que ce secteur du tourisme se consolide en tant qu’acteur central dans le développement de la compétitivité et de la durabilité du pays et ses régions.