1Depuis les années 1990, la Tunisie accueille de nombreux patients étrangers sur son territoire. Ce qu’on appelle l’exportation de soin prend place dans des réseaux d’échanges denses avec une offre médicale diversifiée et de qualité (Lautier, 2008). Largement concentrée dans les métropoles, cette dynamique est avant tout un produit urbain, développé grâce à l’infrastructure publique de soins historiquement forte du pays. Cette infrastructure est répartie sur l’ensemble du territoire mais ce sont les zones urbaines disposant d’une faculté de médecine et d’un Centre Hospitalier Universitaire (CHU) qui observent la plus forte concentration de services médicaux privés (Jarraya et Beltrando, 2013). Les patients étrangers convergent ainsi vers les cabinets et cliniques tunisiennes, bien plus que vers les hôpitaux et dispensaires. La patientèle étrangère majoritaire en Tunisie est régionale, en particulier libyenne. Les patients ressortissants des pays occidentaux et d’Afrique de l’ouest en représente une part marginale (Lautier, 2013).
2Ces mobilités s’inscrivent ainsi, en première lecture, dans le cadre du tourisme médical. Des patients venus recourir à des soins dans un pays étranger et pour une durée temporaire relèvent bien d’une dynamique qualifiée de « touristique » (Hopkins et al., 2010). Cependant, le cadre médiatique du tourisme médical, rendant largement visible les circulations Nords-Suds et la compétitivité des pays des Suds, notamment en matière de chirurgie esthétique, occulte la réalité de ces échanges. La littérature géographique qui s’est intéressée au cadre spatial du tourisme médical démontre que les patients se déplacent bien plus dans des espaces transfrontaliers. De plus, ce fait questionne le caractère « désirable » (Cazes, 2005) de la mobilité médicale, en ce qu’elle est bien plus une contrainte qu’un choix, pour des patients ne disposant pas d’un accès facile ou d’une infrastructure de soin performante dans leur pays : les Libyens sont très présents en Tunisie du fait de la faiblesse de l’offre nationale, tandis que les Algériens du Sud sont plus proches des cliniques sfaxiennes qu’algéroises (Rouland et Jarraya, 2020). Toutefois, cette littérature traite relativement peu de deux phénomènes. Tout d’abord, le caractère urbain des mobilités médicales est peu documenté. De ce fait, l’offre est également peu étudiée. Or il nous semble que cette offre de soins, largement privée dans le cas de la Tunisie, permet de comprendre les stratégies déployées par les acteurs et la gouvernance associées à l’accueil de patients étrangers. Ce système gouverne les corps, régit leur im(mobilités) (Lapointe et Coulter, 2020) et interroge la gouvernementalité au sens foucaldien (Hardt et Negri, 2013). Nos observations nous ont conduits vers une lecture biopolitique de la situation. Compris comme le pouvoir sur le vivant (Foucault, 2004), la biopolitique nous permet ici de contextualiser tant les pratiques ordinaires que le cadre macro qui a soutenu leur développement.
3Notre étude a porté sur le secteur médical privé en Tunisie et en particulier à Sfax, 2ème pôle démographique et économique du pays. Nous avons enquêté entre 2018 et 2022 auprès des investisseurs et des directeurs des cabinets et cliniques privés, à Tunis et à Sfax. Rapidement, notre enquête s’est élargie à l’ensemble des acteurs, formels et informels, prenant part à cette économie. Nous avons ainsi basé notre méthodologie sur des entretiens semi-directifs intégrant une composante biographique. A travers le parcours des individus, nous avons reconstitué leur rapprochement puis leur investissement dans le secteur médical privé, avant de les interroger sur leur vision stratégique et politique du milieu, leurs relations et le cadre économique et politique qui entoure leurs pratiques. Dans ce contexte nous avons été particulièrement attentifs aux discours employés pour décrire et justifier les pratiques de chacun. 40 entretiens ont été menés auprès de médecins, 20 auprès d’acteurs paramédicaux et 10 dans les institutions publiques. Enfin, nous avons recouru à l’observation lorsque nous enquêtions sur le secteur informel, souvent difficile d’accès. Les entretiens ont d’abord été réalisés en français et en arabe tunisien, de manière séparée, puis des entretiens complémentaires ont été réalisés en commun, en mêlant l’usage des deux langues. L’accès aux personnes enquêtées s’est fait essentiellement par boule de neige, en ciblant des catégories d’établissements médicaux précis. Nous avons par la suite procédé au codage des entretiens et croisé les variables quantitatives avec les données fournies par les institutions, et sollicité leurs agents lorsque nous souhaitions confronter les données fournies en ordre de grandeur par le secteur privé.
4L’objectif de cet article est de démontrer la pertinence de l’usage du cadre biopolitique dans la définition des contours du tourisme médical.
5Dans cet article, nous revenons dans un premier temps sur la discussion théorique qui entoure le tourisme médical, ainsi que les potentiels apports du concept de biopolitique. Notre argumentaire se déploie ensuite en deux temps. Nous partons d’abord du constat empirique que des pratiques touristiques se développent en marge des prestations médicales. Bien que ne dépendant pas de l’infrastructure de tourisme de masse, nous montrons que ces pratiques s’inscrivent dans une forme de production du désir du territoire sfaxien s’adressant aux patients libyens en particulier. Cette première lecture, centrée sur les acteurs, nous montre comment ceux-ci s’inscrivent dans une dynamique commerciale entre les structures médicales et non-médicales de services privatifs. L’objet de notre second argument est de relier ces observations au contexte plus large de la restructuration néolibérale de l’État tunisien depuis l’ère Ben Ali et sa chute en 2011. L’historique de l’infrastructure de soin, de sa planification par l’État à sa privatisation, constitue le cœur de cette analyse. Nous montrons que le cadre biopolitique et l’évolution des « technologies de gouvernement » offre une lecture transcalaire du cas Tunisien et nous permet, enfin, de monter en généralité au sujet de sa pertinence dans le cadre du tourisme médical.
6Comme le rappellent nombre d’auteurs, les questions de santé et de tourisme sont liées de longues dates. Les cures thermales, spas et autres prestations de bien-être jalonnent l’histoire touristique (Corbin, 2010).
7La question du tourisme médical apparaît d’abord dans la littérature économique pour désigner les mobilités globales liées au recours de services de soins dans un pays étranger. La notion prend racine dans un contexte de croissance des échanges internationaux et de marchandisation des soins. Plébiscité comme un vecteur de croissance stimulant l’économie locale par ses externalités, le tourisme médical est surtout perçu et défini à l’aune de sa médiatisation (Ormond, 2019).
8Le tourisme médical est en premier lieu perçu comme un marché global au sein duquel les pays du Sud attirent majoritairement une patientèle venue du Nord en quête de soins moins onéreux. En plus de proposer des prestations à coût moins élevé, l’argument touristique prend tout son sens dans la période pré et post opératoire, censée se réaliser dans le pays d’accueil : ces périodes peuvent se combiner avec des prestations touristiques plus traditionnelles (Hopkins et al., 2010).
9Néanmoins, un des fait soulevés par les études s’étant intéressé à ces échanges est que les patients recherchent avant tout une proximité géographique, mais surtout culturelle. La médecine étant très normée, les patients préfèrent se faire soigner par des praticiens avec qui ils partagent un régime de valeurs et en qui ils ont confiance (Connell, 2013).
10Dans ce contexte, les échanges entre pays voisins aux réalités économiques et sociales parfois très inégales se multiplient. La Thaïlande et la Malaisie accueillent, certes, des patients de toutes destinations internationales, mais l’essentiel de leur patientèle vient des pays asiatiques. Les Laotiens et les Birmans sont ainsi fortement représentés en Thaïlande (Bochaton et Lefebvre, 2018). On retrouve des scénarios similaires entre l’Afrique du Sud et ses pays voisins (Crush et Chikanda, 2015). Ces études montrent une intensité des échanges Suds-Suds bien plus importante que Nords-Suds.
11En outre, ces déséquilibres socio-économiques entre pays voisins mettent en évidence les infrastructures jugées défaillantes, trop éloignées ou aux délais d’accès trop longs dans les pays les moins bien dotés. La Libye et la Tunisie entrent bien dans ce cas de figure. La première, dirigée par Mouammar Kadhafi, s’est développée grâce à la redistribution de la rente pétrolière sans investissements massifs dans la santé et l’éducation, au contraire de la Tunisie (Abdelaziz, 2021). Le déficit d’offre pousse les Libyens à se rendre en Tunisie ou en Egypte pour recourir aux soins spécialisés (Lautier, 2013 ; Rouland et Jarraya, 2020). En Tunisie, les Libyens représentent plus de 80 % de la patientèle étrangère (Lautier, 2008), ces chiffres n’ont pas été actualisés récemment mais correspondent aux déclarations des directions que nous avons rencontrés.
12Les mobilités médicales, très importantes dans ces situations, montrent une quasi-dépendance des populations vis-à-vis du pays voisin, dans des proportions bien supérieures aux populations lointaines venues profiter des supposés avantages comparatifs. Les contraintes pèsent bien plus dans le processus de décisions des patients que la liberté de choix. Les études en géographie de la santé qui ont décrit ces phénomènes concluent par l’usage du terme « mobilité médicale/thérapeutique », qui prendraient place dans des « espaces de soins transnationaux » (Rouland, 2016 ; Whittaker, 2015), afin de remplacer la notion de « tourisme médical » (Bochaton, 2015), jugée trop étroite.
13Cependant, comme le souligne Ormond (2018), les mobilités médicales, en plus de prendre place dans des espaces transfrontaliers, convergent majoritairement vers des centres urbains. Ces centres disposent d’une infrastructure médicale suffisamment développée pour l’accueil régulier de patients étrangers, en plus de la patientèle locale. Derrière le cadre macro, certains appellent à décrire plus finement les pratiques observées dans ce contexte, une fois les patients arrivés dans les structures d’accueil (Connell, 2016).
14A la diversité des pratiques urbaines, nous ajoutons à ces propositions le besoin de « pousser la porte » des établissements de soins recevant ces patients étrangers. En effet, la littérature s’intéresse majoritairement aux patients et nous avons souhaité inverser le prisme de lecture en regardant le cadre construit par les acteurs de l’offre.
15C’est ce glissement de la demande vers l’offre qui nous a conduit à proposer le cadre biopolitique. La biopolitique est la manière, selon Foucault, qu’on eut les structures de pouvoir de penser rationnellement la gestion du vivant tout au long de l’histoire. La biopolitique interroge les modalités de l’exercice du pouvoir sur le vivant. Il en dérive un travail sur les institutions qui incarnent cette « gouvernementalité » des hommes et de leurs corps. En considérant que les établissements de soins sont une « technologie de gouvernement » des hommes (Foucault, 2004), a minima par leur nécessaire recours à cette infrastructure, il nous a semblé pertinent de relier la question biopolitique au débat sur la définition des mobilités médicales internationales. Notre problématique pose des enjeux de mobilités d’individus entre des territoires, pour des raisons relevant de (géo)politique et d’économie. De plus, la mobilité et l’immobilité des corps, autant que la place importante de l’hôpital dans la structure territoriale, sont des thèses centrales dans la production de la théorie biopolitique (Campbell et Sitze, 2013) et il nous a semblé évident d’y relier la pratique médicale tunisienne.
16Sans prétendre discuter la place de l’infrastructure privée dans le pouvoir sur le vivant ni dans sa production de la normalité (Hardt et Negri, 2013), la biopolitique propose un cadre théorique favorable pour saisir la complexité des phénomènes que nous observons et à leur qualification d’une forme de tourisme médical. De plus, le tourisme peut être perçu comme un phénomène oscillant lui aussi entre des régimes de contraintes ou de désirs centré sur les corps, leur mobilité répondant à un cadre politique et moral autant qu’à un cadre de structuration de l’espace (Minca et Ong, 2016). La production d’espaces touristiques n’est en outre pas nécessairement le produit de politiques volontaristes ou massifiées. Les logiques de marché peuvent produire une valeur territoriale décorrélée de sa réalité matérielle (Lapointe et Coulter, 2020). Le néolibéralisme est dans ce contexte le substrat économique et politique adéquat au développement d’économies touristiques informelles, l’État se restructurant pour protéger le marché en organisant les conditions nécessaires à son fonctionnement, en particulier dans les contextes urbains (Pinson, 2020).
17Nous emploierons donc ici les questions de gouvernementalité comme un prisme transcalaire pour voir autant les pratiques quotidiennes et ordinaires de ce milieu, que les grandes tendances structurelles qui régissent son fonctionnement. Les discours et pratiques sur l’espace sfaxien autant que l’économie médicale nous offrent une diversité de point de vue à ce sujet, témoignant des possibilités sémantiques pour qualifier ce phénomène.
18En prenant place dans des zones urbaines, l’écosystème médical privé se nourrit des ressources de la ville. Le développement de nouvelles pratiques du fait de ces opportunités urbaines, liées aussi au contexte spécifique de Sfax, constitue notre premier argument, empirique, à la faveur du tourisme médical. Nous montrons que ces pratiques sont autant le produit de leur milieu que d’acteurs extérieurs. Le cadre esthétique de la médecine sfaxienne ainsi que les mœurs tunisiennes moins orthodoxes en regard des préceptes religieux, contribuent à « mettre en désir » ce territoire adossé à l’économie médicale (Gerbal-Medalle, 2020). Les ressources de la ville, la cadre esthétique et culturel de Sfax, placent alors les pratiques médicales observées dans un cadre compatible avec le tourisme.
19Tunis et Sfax concentrent l’infrastructure médicale permettant l’accueil des patients étrangers, devant Sousse-Monastir et Djerba. Pourtant, ces dernières concentrent largement l’offre hôtelière et touristique du pays. Sfax, au contraire, dispose de très peu de chambres d’hôtels, alors qu’elle est le second pôle économique et démographique du pays. Essentiellement nourris par le tourisme d’affaire, ses hôtels sont peu actifs par rapport aux complexes construits plus au Nord le long de la côte Sahélienne (Rapport annuel sur les indicateurs d’infrastructure, INS, 2018).
20On observe donc un décrochage entre le secteur médical privé et le secteur touristique. Ce décrochage pose la question des ressources urbaines pour le développement d’une telle activité et l’inscription des patients étrangers dans la ville.
21Les médecins trouvent premièrement à Sfax la seule faculté de médecine du Sud du pays ainsi que ses 3 principaux CHU. En concentrant les étudiants vers ce pôle, Mounir Jarraya et Gérard Beltrando (2013) démontrent que les jeunes médecins, après leurs études, restent en zone urbaine pour exercer, autant dans le secteur public qu’en libre pratique. Sfax dispose également d’une école d’infirmier qui offre un capital humain qualifié et peu coûteux à la médecine privée. Les cliniques locales absorbent la majorité des jeunes diplômés en attente de recrutement au sein des structures publiques.
22De plus, la création d’un cabinet est un processus laborieux et risqué pour des médecins peu formés à l’exercice managérial. Cette étape cruciale de leur carrière est largement facilitée par les ressources qu’offre Sfax aux jeunes médecins spécialistes. Les disponibilités foncières sont importantes, et des produits financiers et immobiliers adaptés à leur installation leurs sont proposés. Les médecins trouvent à Sfax un cadre globalement favorable aux professions libérales.
Médecin 26 – « Une fois que tu as le diplôme, tu déposes une demande au Conseil de l’Ordre. Après tu trouves un appartement, de préférence dans les premiers étages. Il faut vérifier qu’il n’y a pas déjà ta spécialité dans l’immeuble. Au début c’est très difficile, il faut faire de la com’, acheter le matériel, trouver les premiers patients. Au bout de 3 ans j’avais une réputation. »
Banquière 2 – « On accordait les crédits FONATRA (ndr : fonds de garantie publique) et les crédits leasing pour la voiture, le matériel, etc. Moi je leur offrais un crédit, un service personnalisé. Je me suis spécialisée dans les médecins, j’ai fait au moins 300 médecins sur ma carrière, uniquement les cabinets. »
23Dans le cas de la création d’une clinique, c’est tout le régime juridique urbanistique qui y est favorable. Les projets de construction de cabinets, regroupés en centres médicaux ou de cliniques, sont en outre un moyen pour les familles de la bourgeoisie sfaxienne de valoriser et rentabiliser un capital foncier ou immobilier. Nous avons observé plusieurs projets de ce type au sein desquels les cabinets étaient à la fois perçus comme un produit immobilier mais aussi garants de la viabilité financière du projet. En plus de garantir la vente ou la location du bien, les cabinets ont eu tendance à renforcer autour d’eux le développement d’activités nouvelles. D’ampleur croissante, les centres médicaux se convertissent progressivement en plateformes d’accueil complet des patients. Du fait de la forte rentabilité constatée à la location des logements périphériques aux cabinets et cliniques, certains groupements de médecins ont commencé à concevoir des centres médicaux plus ambitieux pour contenir l’ensemble des services dont devrait disposer un patient lors de son séjour médical.
Directeur général clinique 1 – « Sur ce terrain va être édifié un centre médical. On a l’intention d’édifier un genre de résidence médicalisée. Pour le logement des accompagnants d’une part, et des patients qui nécessitent une convalescence. On trouve plus intéressant de les garder dans leur environnement familial. Pour l’instant je prends le temps de voir ce qu’il se passe ailleurs pour définir clairement si je veux des chambres ou des appartements complets, par exemple. »
24Néanmoins, l’essentiel des patients libyens sont demandeurs d’un régime locatif qui favorise les grandes surfaces habitables, en adéquation avec leurs besoins de logement familial. Dans ce contexte, l’économie hôtelière ne peut être compétitive, puisqu’un appartement complet pour 10 personnes se loue au même prix qu’une chambre double en hôtel. Les prix constatés auprès des bailleurs allaient de 50DT la nuit à 100DT selon la dimension et le niveau de « standing » des appartements, contre un prix équivalent en chambre d’hôtel, ne pouvant accueillir qu’une à deux personnes.
25Ces prestations sont proposées par des acteurs périphériques voire extérieurs au milieu médical, qui assurent la mise en lien des patients avec l’ensemble des services liés à leur séjour. Ils répondent globalement à deux typologies : les ambulanciers libyens et les « samsara », les « entremetteurs » tunisiens.
26Les ambulanciers sont devenus de véritables experts du franchissement de la frontière et de l’évitement des checkpoints sur le territoire libyen (Sebei, 2017). Outre l’évacuation sanitaire, leurs réseaux de connaissances les placent comme des acteurs incontournables de la mobilité des patients libyens vers Sfax. Leur expertise s’étend de la recommandation d’un praticien ou d’une clinique à la prise en charge de l’acquisition d’une carte SIM, la recherche d’un logement pour le patient et ses accompagnants ou l’assurance de leur ravitaillement. Cette expertise se double de compétences commerciales acquises par l’expérience dans la prospection de plusieurs patients simultanés et d’un travail de collaboration étroite avec les cliniques.
Directeur financier clinique 5 – « L’ambulancier, c’est lui qui fait le vis-à-vis avec la famille. C’est important qu’il développe le relationnel car c’est lui qui fait aussi le lien avec le médecin, les infirmiers. Parfois c’est le seul contact pour la famille, qu’il emmène des fois avec lui d’ailleurs. Il va acheter les médicaments pour le patient, ou du crédit téléphone ! »
Notes de terrain suite à une visite chez un loueur d’appartements à Sfax – « 12 ambulanciers travaillent avec lui. Ils lui amènent régulièrement des patients et leurs familles. Les ambulanciers logent également chez lui, dans une petite chambre qu’il a aménagée au rez-de-chaussée de son immeuble. »
27La crise du COVID a également permis de révéler l’importance des ambulanciers dans le maintien de l’activité médicale transnationale. Dépositaires d’autorisations leur permettant de franchir les frontières fermées durant la crise sanitaire, ils ont aussi pris un rôle de passeurs, assurant le franchissement de diverses marchandises et services de part et d’autre de la frontière, en même temps que le transfert des malades.
28Les « samsara », soit les entremetteurs en arabe tunisien, sont une seconde catégorie d’individus qui a émergé du fait de la très grande concentration de cabinets dans le centre-ville. Les Libyens, habitués à y venir depuis les années 1990 sont devenus très visibles dans ces espaces, comme en témoigne le stationnement massif de leurs véhicules le long des avenues et des parkings publics. La présence de familles parfois en détresse pour trouver des soins pour l’un de leurs membres, attire depuis plus d’une dizaine d’années des personnes que les difficultés économiques de la dictature et la révolution tunisienne ont éloignées du marché de l’emploi.
Médecin-investisseur 18 – « Tu vois, les intermédiaires, ils créent le besoin. Pas sur les soins, ça les Libyens ils n’ont pas le choix. Mais de tout un package qui ira au-delà des soins. Tu peux lui dire qu’il ira faire la fête, aller voir des prostituées, etc. »
29Ces acteurs se sont institutionnalisés dans les quartiers médicaux et font désormais partie du paysage social et économique. Contre une rémunération au pourcentage, comme décrit dans nos entretiens auprès des médecins, ils dirigent les patients -théoriquement libres de ce choix- vers un ou plusieurs spécialistes, cliniques ou laboratoires d’analyse, ces activités ne pouvant pas être présentent au sein d’un même établissement. Par des techniques de rabattage et de manipulation, ils rendent captif le patient en lui proposant d’entrée de jeu de lui assurer l’entièreté de son séjour médical. L’intermédiaire prospectera pour lui un logement, se chargera du parking, des courses alimentaires, d'une carte SIM, de monter ses bagages. Plus récemment, les samsaras ont renforcé leur offre face à la venue croissante de familles entières accompagnant des patients libyens. On voit alors apparaître ces « packages » de services à destination des accompagnants comprenant de nombreuses prestations. Celles-ci vont de la prise de rendez-vous dans un salon de coiffure au partage d’information sur les lieux de consommation d’alcool voire de prostitution.
30La crise géopolitique dont est victime la Tunisie du fait de l’instabilité libyenne depuis 2011, la crise sanitaire du COVID entre 2020 et 2022, a provoqué des prises de conscience de l’ensemble de ces acteurs. Si les médecins rejettent la présence des ambulanciers et samsara, qualifiés « d’intrus », ils reconnaissent leur utilité et le recours fréquent à leurs services.
31Pour pallier ce problème d’informalité sont apparus depuis quelques années des acteurs qui proposent explicitement d’organiser des séjours médicaux, à travers une promotion numérique et internationale intense (cf. figure 2). Bien que ces entreprises soient également gérées de manière informelle par une ou deux personnes au maximum, elles cherchent à rassurer une hypothétique patientèle venue des pays du Nord ou d’Afrique Sub-saharienne.
Figure 2 : Capture d'écran de la page d'accueil hamicalmedical.com
hamicalmedical.com
32Au regard de ces modalités, nous estimons que le caractère urbain des mobilités médicales encourage l'émergence de pratiques touristiques. Le glissement croissant des médecins vers une infrastructure médicale élargie, avec le concours d’intermédiaires cherchant à maximiser les gains permis par la présence de la patientèle libyenne, montre le processus de marchandisation du milieu médical. Ainsi les médecins, autant que les intermédiaires, reproduisent un désir vis-à-vis du territoire Sfaxien, qui dépasse la qualité perçue de sa médecine. Ce désir se matérialise également dans un cadre moral plus souple qu’en Libye, avec l’autorisation des pratiques (consommation d’alcool et recours à la prostitution) qui y sont jugées déviantes, tout en fournissant un cadre culturel conservateur tourné vers la religion musulmane. Enfin, l’architecture et les toponymes liés aux infrastructures médicales privées relèvent d’une forme de rupture avec l’esthétique moderniste tunisienne. Cette dernière glorifie les figures de l’indépendance tandis que le secteur privé fait plutôt appel à des références historiques lointaines, ancrées dans l’héritage carthaginois ou aghlabides. Certains établissements construits dans un style sobre dans les années 1990 se rénovent par ailleurs dans le courant des années 2010 pour correspondre à ce nouveau standard esthétique (cf. figure 3).
Figure 3 : (D'en haut à gauche au bas à droite) Complexe médical "Mahsouna" (nom féminin de beauté) ; Polyclinique "Chams International" (Le Soleil) ; Polyclinique et centre médical "Ibn Khaldoun" (Philosophe arabe tunisien du moyen âge).
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33Le cas de Sfax montre que l’exportation de soins ne se limite pas à la stricte pratique médicale par les soignants. Il dépend d’un écosystème social, économique et moral plus large qui fait appel à des acteurs extérieurs à la pratique médicale. L’intégration du marché du soin dans le marché locatif et les prestations de confort proposées par les intermédiaires témoignent d’une adéquation à la demande Libyenne qui trouve à Sfax un « désir » territorial spécifique et adapté (Cazes, 2005).
34Toutes ces activités sont facilitées par les ressources urbaines qu’offre Sfax. C’est une métropole émergente qui dispose de connexions aériennes, routières et maritimes importantes (Bennasr, 2006). C’est également une ville qui a longtemps opéré un récit d’indépendance vis-à-vis de la centralité tunisoise, et revendique son héritage commerçant et entrepreneurial. Dans ce contexte, on peut percevoir Sfax comme à l’avant-garde des reconfigurations néolibérales que la Tunisie observe depuis les années 1990. Celles-ci ont été particulièrement accélérées par la révolution de 2011, la chute du pouvoir dictatorial et l’avènement d’un régime démocratique.
35L’indépendance du pays en 1956 guidée par Habib Bourguiba face au protectorat français s’est produit dans un contexte d’alliance de la bourgeoisie intellectuelle urbaine avec les forces nationalistes. Le président a capitalisé sur le soutien de ces franges libérales de la population pour construire la stratégie de fondation de la république tunisienne. Dans un processus d’urbanisation des populations et d’élévation du niveau de vie, la santé et l’éducation ont constitué les deux piliers de la politique des premières décennies du régime (Bessis, 2019). L’industrialisation et les besoins de main d’œuvre croissante ont poussé l'État tunisien à discipliner les corps par la promotion d’une infrastructure sanitaire et éducative forte, avant de progressivement observer une transition vers une structure néolibérale.
36Cette lecture historique nous permet de comprendre comment, dans un premier temps, l'État tunisien a doté son pays en écoles et hôpitaux dans un objectif biopolitique de discipliner les corps ouvriers, en accord avec les impératifs de production (Domin, 2018). La gouvernementalité par ce système se dote en plus d’une large requalification des zones urbaines insalubres via des politiques de production de logement social (Ben Fguira, 2020).
37Pour continuer sur un lexique foucaldien, l'État tunisien a, en somme, acquis une technologie de gouvernement disciplinaire (Foucault, 2004) pour répondre à ces enjeux. Par ailleurs, l’expression démocratique était marginale dans cette république soumise à son chef, indépendantiste victorieux. La bourgeoisie économique est aussi mise au pas et reste largement mise à l’écart des instances politiques jusqu’en 2011 (Hibou, 2008).
38L'hôpital tunisien s’est alors décomposé en une structure hiérarchique et distribuée sur tout le territoire. Les dispensaires constituent le dernier échelon tandis que les CHU sont concentrés dans les quelques grands centres urbains que compte le pays (Achour, 2011).
39Suivant le même mouvement, l’infrastructure touristique tunisienne se développe sous le contrôle direct de l'État avec la création de pôles urbains touristiques. En visant un tourisme méditerranéen de masse, L’Etat opère des logiques similaires par une discipline des corps touristiques à travers des circuits et des espaces restreints, investissant Sousse, Monastir et Djerba (Miossec, 1996).
40La biopolitique disciplinaire de l'État tunisien produit en outre des disparités majeures par son désinvestissement dans les terres intérieures. A la fin du XXème siècle, le territoire est très inégalement doté en infrastructures. Sfax, bien que toujours 2ème pôle démographique et économique du pays, est progressivement marginalisée par un pouvoir plutôt tunisois et sahélien. Son infrastructure est sous-dimensionnée et l’État n’y investit pas dans les secteurs porteurs comme le tourisme (Signoles, 1985)(cf. figure 1). En laissant des interstices majeurs dans la biopolitique locale, l'État central laisse finalement Sfax au main de sa bourgeoisie, qui capture progressivement les opportunités foncières et productives à son avantage (Bennasr, 2003). Peu présente sur le secteur industriel lourd contrôlé par l'État, elle est en revanche très présente dans l’agriculture et de plus en plus dans les services. Par ces domaines, la classe dominante produit et reproduit un discours de mérite, centré sur le travail et l’identité entrepreneuriale des Sfaxiens. Ce Discours, qui présage un contrôle des corps dominé par l’obsession du sacrifice face au travail, est ressorti dans presque tous nos entretiens, quel que soit le statut social de l’enquêté.
41Lorsque Ben Ali renverse Bourguiba en 1987, il fait face à des difficultés structurelles et sous la pression des agences internationales, il entame un vaste chantier de restructuration néolibérale de tout l’appareil d'État. Tout en privatisant et en dérégulant massivement des pans entiers de l’économie, cet ancien agent des renseignements renforce les dispositifs de contrôle politiques et biopolitiques de l'État (Hibou, 2006). On observe ici une transition de paradigme dans la gouvernementalité de l'État, qui passe d’une stratégie postsocialiste à un état garant des bonnes conditions de marché, sous la bonne gouvernance de son appareil dictatorial. On passe progressivement de la société disciplinaire à celle du contrôle, par les normes du marché. Ces changements interviennent d’autant plus dans un contexte de soumission à l’agenda du FMI et de la Banque Mondiale. Les impératifs de la production sont ainsi moins guidés par la centralité de l'État.
42La médecine se place dans ce contexte comme un catalyseur de ces transformations. Les années 1990 sont également marquées par la montée de la médecine de libre pratique en Tunisie. En découvrant les possibilités offertes par l’installation en cabinets et cliniques, les médecins, qui sont déjà un corps professionnel très puissant dans le pays, accèdent à des rémunérations bien plus élevées que dans le public.
43Par ailleurs, l’absence de prise en charge des patients étrangers par l’infrastructure publique est un fait biopolitique. Les patients libyens ne relevant finalement que très partiellement des « logiques d’adéquations productives avec les corps » (Domin, 2018), c’est bien plus logiquement que le privé s’intéresse à leurs besoins. Le développement des cabinets de libre-pratique concomitant leur venue à Sfax (Jarraya et Beltrando, 2013).
Médecin 21 – « la jeunesse (ndr : médicale), elle est arrogante, ils s’en foutent pas mal de la morale des vieux. Le serment c’est sacré, normalement le commerce c’est interdit en médecine. Je vois ces panneaux gigantesques qui font la promotion d’un médecin, ce n’est pas normal ! »
44Les cabinets se développent massivement à Sfax dans les années 1990, soutenus par les ressources décrites précédemment. Les premiers groupements d’actionnaires (venus de la finance dans un premier temps puis du secteur médical) investissent dans les premières cliniques à capitaux tunisiens. En s’affranchissant de l’équipement public tout en y conservant une place pour la réputation et la captation d’une patientèle choisie parmi les patients de l'hôpital, les médecins produisant progressivement une offre à deux vitesses. Cette distinction des corps soignés se positionne dans la logique de biopolitique du contrôle par une gouvernementalité qui opère un rapprochement avec l’époque coloniale, avec des établissements cliniques réservés aux colons, comme la clinique Meignié à Sfax. Les catégories dominantes s’extraient du secteur public, parfois perçu comme violent, lent ou administrativement lourd. Cette transition se fait au prix d’une marchandisation de la ressource médicale et d’impératifs de rentabilité. C’est dans ce contexte que les Libyens ont commencé à se faire soigner massivement à Sfax, avec une infrastructure calibrée sur leur besoin, sans saturer le secteur public tunisien.
45Cette marchandisation financiarise aussi l’économie médicale et produit une diversification de l’offre ou des portefeuilles liés aux établissements de soins. Ceux-ci sont adossés à une société immobilière ou une holding familiale qui investit plus largement dans le secteur de la santé (laboratoire, pharmacie), d’autant plus que les investissements dans la médecine sont peu régulés par la loi. Les investisseurs n’ont pas l’obligation d’appartenir au corps médical, la carte sanitaire, qui régule l’implantation des équipement médicaux publics, ne concerne pas les équipements privés. Les cliniques privées ont également recours à des sociétés d’accréditations dont la légitimité des conclusions est remise en cause pour certaines d'entre elles.
Médecin-investisseur 12 – Le problème c’est que ces accréditations payantes, c’est de l’arnaque ! Ils ont juste un bureau à Paris, tu les appelles, tu les payes et ils te donnent le diplôme. Non, il faut des experts indépendants, de l'État. On a fait ce processus ici mais sur toutes les cliniques qui ont candidaté, à Sfax seulement 2 ont obtenues les 80 % pour avoir le diplôme !
46L’espace urbain en lui-même est aussi un régulateur faible puisqu’hormis la valeur des terrains constructibles, peu de normes régissent les modalités d’implantations et le dimensionnement des établissements de santé privés. Les pressions sur la municipalité ne sont pas rares pour autoriser des dépassements des coefficients prévus dans le Plan d'Aménagement d’Urbain (équivalent du Plan Local d’Urbanisme français).
47Enfin, la révolution de 2011 a fini d’achever le processus de transition de l’état disciplinaire au contrôle du marché. La biopolitique s’est étendue jusqu’aux frontières, largement ouvertes après la chute de la dictature. Nombreux sont les domaines au sein desquels l’informalité explose. Le milieu des affaires a pris d’assaut les instances politiques aussitôt les places libérées (Kchouk, 2017). Les acteurs à la marge du secteur médical se sont réfugiés dans ces niches d’opportunité permises par l’arrivée des patients étrangers, alors que des secteurs économiques entiers mettaient des milliers de Tunisiens au chômage, poussant à son paroxysme la gouvernementalité par « El Khobza » (soit le pain en tunisien, manière d’euphémiser la légitimation des pratiques économiques informelles). (Meddeb, 2012).
48L’inscription de l’histoire de la médecine tunisienne dans le processus de privatisation, doublé des spécificités territoriales de Sfax nous permet d’articuler les pratiques que nous avons observées sur le terrain avec le déroulement d’un cadre biopolitique. L’évolution dans la gouvernementalité explique les conditions de leur mise en place et la progressive accélération des logiques de marché dans le milieu médical comme un témoin des transitions profondes de la société tunisienne. La biopolitique montre que l’informalité des pratiques non développées par l'État dans un cadre touristique qu’il gouverne relève néanmoins d’une forme de tourisme. C’est par la reconfiguration néolibérale de la gouvernementalité que se développe cette offre touristique.
49La relation patient-soignant se place ainsi au cœur de la logique où l’un répond aux besoins de l’autre, dans un cadre défini par les conditions du marché, elles-mêmes dépendantes des reconfigurations plus larges évoquées précédemment. Nous ne sommes plus dans une réponse de l'État face aux problématiques de la gestion des corps productifs, mais plutôt dans une relation entre un médecin-investisseur et un patient-client. C'est l'émergence de cette relation qui conduit à reconsidérer l’espace de soin transnational entre la Libye et la Tunisie comme relevant bien d’un espace touristique. Les termes « client » et « patient » sont par ailleurs souvent confondus durant nos entretiens. Là où certains acteurs ne parlent que de l’un ou de l’autre par cohérence du discours, d’autres font la confusion selon le contexte ou la question posée par l’enquêteur.
50Le développement de l’économie d’exportation des soins en Tunisie repose sur une infrastructure privée. Les cliniques et les cabinets médicaux sont le cœur de cette activité qui attire une patientèle régionale, libyenne en particulier. En prenant place dans un contexte urbain et un cadre politique néolibéral, cette économie a progressivement répondu à des besoins spécifiques pour ses patients, en dehors de la seule pratique médicale. La place du tourisme médical dans ce contexte apparaît comme pertinente, alors que la littérature ayant observée ces mobilités médicales démontre que le « tourisme » est un cadre trop étroit à leur compréhension. Pourtant, nous avons relevé que cette critique se fonde sur une lecture à l’échelle des espaces transnationaux et centrée sur l’expérience patients. En observant les dynamiques de l’offre en contexte urbain, nous proposons une lecture qui favorise in fine l'émergence d’une forme spécifique de tourisme médical à Sfax.
51Les pratiques observées et la pluralité des acteurs montrent que les soins, un besoin contraint pour les patients, s’insèrent dans un processus économique et social de « désir » du territoire sfaxien. Ce territoire offre un cadre moral et des prestations spécifiquement recherchées par les patients et leurs accompagnants. De plus, la privatisation de l’offre pousse les acteurs à des logiques de rentabilités et de normalisation d’un marché patient-soignant. Cette privatisation se place dans un contexte de transition néolibérale de la structure de l'État tunisien. La lecture par la biopolitique offre un cadre théorique pour comprendre à la fois la spécificité de la gouvernementalité des corps dans l’économie médicale et le cadre macro qui soutient l'émergence d’un tel marché.
52Le système de soins est ainsi un témoin des reconfigurations de la biopolitique de l'État et de la société tunisienne. En définitive, les figures du patient-client et du médecin-investisseur montrent que le cadre matériel décrit par la géographie de la santé est bien celui d’une contrainte mais l’insertion dans des logiques de marchés nuance la place de ces acteurs au sein de la production des normes et dessine, à terme, une forme de tourisme médical.
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