Introduction

2L’objectif de cet article est d’identifier ex ante les spécificités des touristes indiquant vouloir assister aux JO et leurs pratiques et de montrer les différences avec ceux qui affirment ne pas vouloir y assister à partir du cas de Paris. Pour ce faire une enquête en termes de préférences révélées a été réalisée en 2019 dans des principaux sites touristiques de Paris auprès de 1265 touristes français et internationaux. Les analyses conduites sur les données recueillies (analyses en composantes multiples, classifications des 124 lieux touristiques visités à Paris et modèles de régression linéaire) nous permettent d’identifier les principales caractéristiques de ces deux catégories de touristes. En croisant les données concernant les types de lieux visités et les principales raisons de visiter Paris, nous identifions le comportement de ces deux catégories de touristes. Nous montrons que les visiteurs venus pour un motif de tourisme et qui avaient visité les lieux touristiques incontournables de Paris sont moins intéressés par les JO et ne comptent pas venir en 2024. Au-delà de la production de connaissances scientifiques sur les différents types de touristes et en particulier sur les touristes à Paris et sur ceux qui sont intéressés par les JO, ces connaissances sont stratégiques pour les acteurs du tourisme à Paris dans la mesure où elles leur permettront d’anticiper les éventuels effets d’éviction et de substitution.

I. Caractéristiques et pratiques de visite des touristes venant aux JO : une revue de la littérature

A. Des études scientifiques concernant les caractéristiques des visiteurs des JO peu développées

3S’il existe une littérature grise partielle sur les spectateurs des JO dont disposent le CIO et les comités d’organisation successifs, elle est confidentielle. De surcroît, il convient de distinguer les spectateurs qui assistent aux JO avec un billet et les visiteurs présents pendant les JO. Certains touristes venant pour les JO peuvent en effet participer à des évènements gratuits.

4Seules quelques études scientifiques existent sur les caractéristiques des visiteurs pendant les JO. A Los Angeles, une étude exploratoire menée entre le 4 et le 13 août 1984 sur un échantillon de 211 visiteurs anglophones venus spécialement pour les Jeux de Los Angeles et interrogés à l'aéroport, a cherché à identifier les caractéristiques des touristes susceptibles de se rendre aux JO de 1988 à Séoul (Pyo et al., 1988b). Les résultats ont montré que 43% (dont 50,5% de Nord-Américains) ne savaient pas encore s'ils iraient à Séoul, tandis que 33% ont déclaré qu'ils y iraient probablement. Plus de la moitié (57%) de ceux qui ont déclaré qu'ils iraient étaient asiatiques.

a) Les caractéristiques en termes de genre et d’âge des touristes assistant aux JO

5Pyo et al. (1988b) identifient le principal marché cible pour les JO de Séoul comme étant les hommes âgés de 21 à 50 ans. Concernant Londres et analysant les données de l'International Passengers Survey (IPS), Delaplace (2020a) souligne que 63% des visiteurs internationaux venus spécifiquement pour les JO étaient des hommes, âgés à 29% de 25 à 34 ans, à 23% de 35 à 44 ans et 21% de 45 à 54 ans ; les plus de 55 ans représentaient 13%.

6Ainsi les touristes participant aux JO sont le plus souvent des hommes, avec un revenu moyen et sont plutôt jeunes (moins de 50 ans).

b) L’origine géographique des touristes assistant aux JO

7Concernant l’origine géographique des visiteurs, Pyo et al. (1988b) montrent que les touristes susceptibles de venir à Seoul, vivent en premier lieu en Asie, autrement dit dans un pays relativement proche de la Corée, puis en Europe et enfin résident en Amérique du Nord. Concernant Londres, les données officielles de l’IPS Survey permettent de distinguer les pays qui connaissent respectivement une augmentation et une diminution du nombre de visiteurs en 2012 à Londres (cf. Tableau 1). Ainsi, parmi les 14 pays émettant plus de 200 000 visiteurs à destination de Londres en 2011, cinq ont connu une augmentation du nombre de visiteurs et neuf une diminution. Parmi les plus petits pays émetteurs en revanche, un plus grand nombre de pays ont été caractérisés par une croissance du nombre des visiteurs à Londres.

Tableau 1 : Pays ayant enregistré une augmentation ou une diminution de leurs émissions de visiteurs en 2012 à Londres

Pays	Augmentation du nombre de visiteurs en 2012	Diminution du nombre de visiteurs en 2012
Pays parmi émettant plus de 200 000 visiteurs à destination de Londres en 2011	USA, France, Pays-Bas, Suède, Belgique, Suisse, Norvège, Pologne, Brésil	Allemagne, Italie, Espagne, Australie, République d’Irlande, Canada, Danemark, Autres pays d’Europe de l’Est, Inde
Pays émettant moins de 200 000 visiteurs à destination de Londres en 2011 par ordre d’importance décroissante	Japon, Russie, Finlande, Emirats Arabe Unis, République Tchèque, Afrique du Sud, Corée du Sud, Nigeria, Nouvelle Zélande, Autres Europe de l’Ouest, Singapour, Hongrie, Chine, Autres Afrique, Turquie, Arabie Saoudite, Mexique, Argentine, Autres Asie, Bulgarie, Luxembourg, Thaïlande, Pakistan, Egypte, Kenya, Bahreïn, Oman	Portugal Autriche, Grèce, Roumanie, Israël, Hong Kong, Autres Amériques centrale et du Sud, Malaisie, Autre Moyen Orient, Indonésie, Serbie, Chili

Les auteurs à partir des données de l’IPS

Pays	Ecart de taux de croissance positif et supérieur à 10 points	Ecart de taux de croissance négatif et supérieur à 10 points
Pays parmi émettant plus de 200 000 visiteurs à destination de Londres en 2011	Belgique, Pologne	Italie, Canada, Espagne, Suisse, Australie, Autres pays d’Europe de l’Est, Danemark, Brésil
Pays émettant moins de 200 000 visiteurs à destination de Londres en 2011 par ordre d’importance décroissante du nombre de visiteurs	République Tchèque, Afrique du Sud, Nigeria, Nouvelle Zélande, Singapour, Hongrie, Autres pays d’Afrique, Turquie, Argentine, Autres Moyen Orient, Pakistan, Egypte, Taiwan, Kenya	Russie, Grèce, Roumanie, Finlande, Hong Kong, Chine, Arabie Saoudite, Koweït, Luxembourg, Thaïlande, Chili, Islande, Autres pays d’Afrique du Sud

Les auteurs à partir des données de l’IPS

9Ainsi parmi les pays émettant plus de 200 000 visiteurs en 2011 à destination de Londres, seuls la Belgique et la Pologne ont connu des écarts de taux de croissance positifs supérieurs à 10 points entre 2010-2011 et 2011-2012. Cumulés, l’ensemble des pays ayant enregistré de tels écarts positifs représentaient en 2011 à 1,74 millions de personnes soit 11,4% du total en 2011, tandis que ceux ayant enregistré des écarts de taux de croissance négatifs représentaient en 2011 5,2 millions de personnes soit 34,1% du total. Autrement dit, en nombre de visiteurs, les variations de croissance négatives sont trois fois plus importantes.

10Lors des JO de Rio de Janeiro en 2016, une enquête réalisée auprès de 417 touristes internationaux montre qu’ils venaient à 31,3% d’Amérique latine, i.e. de pays géographiquement proches, à 29,1% d’Europe et à 23,8% d’Amérique du nord (Unigranrio, 2016).

11La même enquête réalisée auprès de 399 touristes brésiliens montre qu’ils venaient aussi d’Etats relativement proches du lieu des JO : 65% de la région sud est dont 35,3% de l’état de Sao Paulo, 18,9% du Minas Gerais, 6% de l’Etat de Rio de Janeiro et 4,8% de l’Espírito Santo (Unigranrio, 2016).

12Toujours, concernant l’origine des visiteurs, à partir d’une analyse de différents mégaévènements sur la période 1995-2006 dont les JO d’Atlanta, de Sidney et d’Athènes, Fourie et Santana-Gallego (2011) soulignent que le tourisme des pays participant à ces mégaévènements connaît une croissance supérieure à celle des pays n'y participant pas.

13Ainsi les touristes assistant aux JO viennent en premier lieu de pays ou de régions géographiquement proches. Les pays participant aux méga-événements connaissent une croissance plus importante des émissions de touristes.

B. De rares études concernant les pratiques de consommation et les dépenses touristiques

Tableau 3 : Une revue de la littérature relative aux pratiques et/ou dépenses des touristes pendant différents JO

JO	Articles	Principales informations
Tokyo 1964	Pyo et al., 1988a	Recettes touristiques inférieures aux prévisions. Diminution des recettes dans les restaurants et les boites de nuit. Augmentation des ventes dans les magasins disposant d’un avantage concurrentiel à l’international.
Los Angeles 1984	Pyo et al., 1988a	Peu de revenus pour les restaurants et les visites générés par les visiteurs de Los Angeles pendant les Jeux. Diminution de 20 à 40 % par rapport à la moyenne annuelle des ventes de certains restaurants (1ère semaine des Jeux) ; niveau équivalent ensuite. 80 % des restaurants ont signalé une baisse de leur activité. Diminution de 20 à 35 % ventes par rapport aux mois de juillet et août « normaux » dans la plupart des attractions de Los Angeles et de ses environs. Diminution des ventes de 15 à 25 % dans les petites entreprises de L.A.
	Liu and Wilson, 2014 citant Haynes 2001	Réduction du nombre de visiteurs pour Disney, Universal Studios et le parc d’attraction « Six Flags Magic Mountain ». Hôtels pratiquement tous complets.
Séoul 1988	Pyo et al., 1988b	Activités envisagées à Séoul par ordre décroissant: shopping, découverte de la gastronomie coréenne, rencontre avec des Coréens, achats pour plus de 100 dollars de souvenirs authentiques pour 27% d’entre eux.
Atlanta 1996	French and Disher, 1997	Diminution de l’activité des hôtels et restaurants près du parc Olympique.
Pékin 2008	Visa international 2011	Sur l'ensemble des Jeux, augmentation de 15 % des dépenses internationales par carte Visa en Chine par rapport à 2007. Dépenses le premier jour des JO de10 millions de dollars avec les cartes Visa international. Dépenses frais d'hébergement, retraits d'argent liquide dans les banques, achats dans les magasins. Croissance plus forte que l’année précédente dans les secteurs dans lesquels les entreprises chinoises ont un avantage concurrentiel (magasins de cadeaux et de nouveautés, grands magasins et habillement). Dépenses moins importantes dans les magasins d'artisanat.
Londres 2012	Delaplace, 2020a, à partir des données officielles, IPS	Augmentation des dépenses moyennes par jour des visiteurs internationaux de 6% en 2012 par rapport à l'année précédente (données officielles). Augmentation totale de 3,6 % des dépenses par rapport à l'année précédente, mais diminution de -0,3 % en termes réels. Dépenses journalières des touristes venus spécifiquement pour les JO en moyenne plus de trois fois plus importante (y compris les billets pour les JO) que celles de ceux qui ne sont pas venus spécifiquement pour les JO mais qui ont assisté à un événement .
	Appelbaum, 2014	Accueil de 137 000 visiteurs de moins en août 2012 par rapport à août 2011 à l’Adelphi Theatre à Londres (West End).
Rio 2016	Meurer et Lins, 2018	Augmentation temporaire des revenus obtenus des visiteurs internationaux en 2016 mais moindre qu’en 2014 pour la Coupe du Monde.

Les auteurs, à partir de la littérature

15Ces études suggèrent que les touristes qui viennent pour les JO ont des intérêts spécifiques liés à ce mégaévènement sportif. Ces intérêts induisent des dépenses particulières. Les dépenses des touristes varient ainsi selon les secteurs. Les secteurs disposant d’un avantage concurrentiel à l’international durant l’année des JO bénéficient d’une croissance de leurs ventes. Si les hôtels semblent connaître un maintien ou une croissance de leurs activités ; en revanche, les restaurants globalement sont confrontés à une chute de leurs activités.

16Par ailleurs, il semble que le " budget tourisme " soit transféré et concentré sur les sites olympiques et leurs activités au détriment des sites touristiques classiques (monuments, lieux emblématiques, etc.). Il existe donc un effet de substitution (cf. supra).

17Ainsi, concernant les pratiques touristiques à Londres, le pic habituel de fréquentation des principales attractions en juillet et août, ne s’est pas produit en 2012 (Figure 1).

18Même le British Museum qui est une des attractions les plus populaires pour les visiteurs étrangers (visité par 65% des visiteurs étrangers) a connu une diminution importante de sa fréquentation en juillet-août 2012 par rapport aux années précédentes (cf. figure 2).

19Enfin, les données officielles de l’IPS montrent que les trois quarts des visites pour les JO ont eu lieu en août, le reste étant réparti entre juillet et septembre. La durée des séjours en 2012 ne semble pas être fondamentalement modifiée par rapport à 2011 (IPS, données officielles).

20Si les touristes olympiques lors des précédents jeux présentent des caractéristiques particulières et si leurs pratiques touristiques et les lieux visités semblent aussi spécifiques, qu’en sera-t-il pour Paris ?

II. L’enquête réalisée auprès des touristes à Paris : éléments de méthodologie

21Afin d'identifier quels types de touristes étaient susceptibles de venir aux JO ou de s’en détourner et quels étaient les lieux visités par ces deux populations, nous avons réalisé une enquête en termes de préférence déclarée auprès des touristes présents à Paris sur une période voisine de celle des JO, i.e. du 15 au 31 juillet 2019 et ce de 10h00 à 22h00 de façon à couvrir toute la journée.

A. Présentation de l’enquête et de l’échantillon

22L’enquête s’est déroulée dans quatre des dix sites touristiques les plus visités de Paris, à savoir la Tour Eiffel au Champ de Mars entre la Tour et l'avenue Joseph Bouvard, la cathédrale Notre-Dame sur le parvis de l'entrée principale de la cathédrale, l'Arc de Triomphe dans les espaces publics autour de l'Arc et au début de l'avenue des Champs-Élysées et le Sacré Cœur au point de vue sur le parvis et les escaliers juste devant (cf. Figure 3).

23Les touristes étaient interrogés de façon aléatoire pendant environ 15 minutes. Cette enquête composée de 26 questions a permis de constituer une base de données contenant 71 variables Nous avons ainsi obtenu des informations personnelles sur les touristes telles que le sexe, l'âge, le pays de résidence, les revenus, ainsi que des informations sur leur séjour (motifs du séjour, date du séjour, localisation dans Paris, venue seul ou en groupe) et sur leurs pratiques touristiques (lieux visités, mode de déplacement, dépenses). Nous avons également recueilli des informations concernant le maintien de la venue à Paris si les jeux avaient eu lieu en 2019 et l'intention de venir à Paris en 2024.

241265 réponses à l'enquête ont été recueillies (328 pour l'Arc de Triomphe, 324 à Notre-Dame, 318 à la Tour Eiffel et 295 au Sacré Cœur.)

B. Les méthodologies d’analyse des données issues de l’enquête concernant les JO

26Nous avons tout d’abord réalisé des statistiques descriptives permettant de caractériser notre échantillon et d’identifier les touristes intéressés par les JO. Nous avons également identifié les étapes touristiques et les activités pratiquées par chaque touriste.

27Ensuite, afin de regrouper les lieux touristiques évoqués par les répondants à l’enquête en ensembles cohérents, nous avons élaboré une classification de ces lieux touristiques en attribuant à chaque lieu les caractéristiques personnelles des touristes l’ayant visité. La méthode de la classification ascendante hiérarchique avec le critère de Ward nous a ainsi permis de regrouper les lieux avec une forte ressemblance et de classer tous les sites touristiques visités par les répondants en classes bien distinctes.

28Afin d’identifier les types de touristes susceptibles de venir ou pas aux JO, nous avons étudié le lien entre des variables binaires (venir ou ne pas venir aux JO) et les différentes variables caractérisant le touriste. Ces variables étant toutes catégorielles, nous avons utilisé différentes analyses des correspondances multiples (ACM). L’ACM est en effet une méthode factorielle descriptive permettant d'étudier l'association entre plusieurs variables qualitatives et de repérer sur un graphique les modalités qui se regroupent et celles qui se repoussent.

29Enfin des modèles de régression logistique ont également été spécifiés et calibrés permettant d’identifier les principales caractéristiques des touristes susceptibles de venir ou de ne pas venir aux JO. Ces modèles logistiques où la variable expliquée est une variable binaire, ont été largement utilisés pour analyser la demande touristique (Witt et Witt, 1995), en particulier pour expliquer la décision de partir ou non en vacances, dans tel ou tel lieu. Cette méthode nous a permis de modéliser nos variables principales binaires (venir ou ne pas venir, maintien ou non de la venue) et ainsi de compléter les analyses descriptives.

III. Les principaux enseignements tirés des données collectées à Paris

30Si de nombreuses analyses ont été conduites, seuls les principaux résultats seront présentés et ce selon les analyses statistiques employées.

A. Quelques résultats de statistiques descriptives concernant les touristes susceptibles de venir ou pas aux JO et leurs pratiques de visite

31Globalement, 50,4% des touristes interrogés indiquent ne pas venir en 2024 et seulement 13,1% indiquent venir, 36,5% étant incertains. De même, lorsqu’on leur demande s’ils seraient venus en 2019 si les JO avaient eu lieu à cette date, ils sont 46,1% à dire qu’ils ne seraient pas venus. Ces résultats permettent de montrer l’ampleur de l’effet d’éviction même si une majorité de l’échantillon (53,9%) serait venu à Paris en 2019.

a) Une présence plus importante de femmes

32Si notre échantillon comporte 54% de femmes et 46% d’hommes, les femmes sont plus nombreuses à indiquer qu’elles viendront en 2024 (57,5%) et plus nombreuses à indiquer qu’elles seraient venues en 2019 si les JO s’étaient déroulés à cette date (Figure 5) et ce, contrairement à d’autres méga-événements sportifs. Alors qu’elles ne seraient pas prêtes à assister des méga-événements sportifs dans d’autres villes, elles sont susceptibles de le faire lorsque les JO se déroulent à Paris. Les aménités urbaines spécifiques à Paris exercent des externalités positives sur la venue aux JO. Paris attire les touristes femmes y compris pendant les JO.

b) Une présence d’une population plus diversifiée en termes d’âge

33Par tranche d’âge, il apparait que la plus indécise est celle des plus jeunes avec 48,6% pour les 18-24 ans, ce qui peut s’expliquer par l’incertitude concernant l’avenir pour cette tranche d’âge.

34Les plus disposés à venir (en proportion de leur classe d’âge) en 2024 sont les 50-65 ans puis les 25-39 ans (Figure 6).

35Si pour les jeux de Londres, les 25-34 ans étaient les plus nombreux, ils le sont également à Paris en % de leur tranche d’âge. 14,3%, indiquent venir à Paris en 2024 contre 13,1% pour l’ensemble de l’échantillon. En revanche, si les plus de 55 ans étaient moins présents aux JO de Londres, les 50-65 ans le sont davantage pour Paris toujours en % de leur tranche d’âge (15,8%). De nouveau, les aménités spécifiques à Paris pourraient expliquer leur intérêt.

36La tranche des plus des 65 ans et celle des 40-49 ans sont celles qui majoritairement ne viendront pas en 2024. Cela est confirmé par l’analyse du maintien de la venue en 2019 (Figure 7).

37Ainsi, la tranche des 40-49 ans et dans une moindre mesure celle des plus des 65 ans sont celles qui majoritairement ne seraient pas venues en 2019 si les jeux avaient eu lieu à cette date. En revanche, les moins de 40 ans et en particulier les plus jeunes seraient quand même venus à Paris.

c) Une présence de touristes moins aisés

38L’analyse par catégories socio-professionnelles indique que, par ordre décroissant, ce sont les professions intermédiaires, les personnes sans activité professionnelle, les ouvriers (trois catégories parmi les moins aisées) et les artisans, commerçants et chefs d’entreprises qui seraient venues (en % de leur catégorie) de façon la plus importante. En revanche, ce sont les retraités et une des catégories les plus aisées (les managers et cadres supérieurs) qui ne seraient pas venus (Figure 8).

39Ceci est confirmé par l’analyse des revenus (Figure 9). Si le revenu modal de notre échantillon est la classe [2.500€ ; 3.500€] qui représente 27% de notre échantillon, ce sont les individus disposant de revenus plus faibles [1.500€ ; 2.500€] qui seraient venus en 2019 si les JO avaient eu lieu à cette date.

40Ainsi, on peut s’attendre à ce que les personnes les plus aisées soient absentes de la capitale pendant les JO de Paris 2024 et par conséquent que les dépenses associées au tourisme dans la capitale soient plus faibles.

d) Une modification significative des principaux pays de résidence des touristes

41Si excepté les touristes d’Océanie, tous les touristes, quelle que soit leur pays de résidence, seraient venus majoritairement en 2019 si les JO avaient eu lieu à cette date, l’analyse par continent et par pays fournit cependant des résultats intéressants (Figures 10 et 11). La plupart des touristes venant des pays d’Afrique (francophone ou non francophone), de Russie, du Maghreb et d’Amérique du Nord auraient été plus enclins à venir à Paris si les JO s’étaient déroulés en 2019. C’est en revanche beaucoup moins le cas pour les touristes venant d’Amérique latine (centrale et sud), d’Asie, d’Océanie, du Proche Orient & Moyen Orient et de l’UE et d’Europe occidentale.

42L’analyse détaillée des différents pays montre que les touristes australiens, allemands, italiens, espagnols et des Pays-Bas sont une majorité à indiquer ne pas être venus si les JO s’étaient déroulés en 2019 à Paris (document 11). Ainsi, si les JO avaient été organisés à Paris en 2019, 63% des touristes italiens n’y seraient pas venus. Le test statistique est significatif. En revanche les touristes canadiens, brésiliens et polonais indiquent en très grande majorité être venus si les JO s’étaient déroulés à Paris en 2019. Pour les autres pays, les intentions sont majoritairement positives mais beaucoup moins tranchées.

43Ces résultats confirment les résultats de Londres (cf. supra). Les touristes allemands, italiens et espagnols ne sont manifestement pas enclins à venir dans les pays organisateurs des JO au moment de ces JO contrairement aux touristes belges.

e) Les principaux lieux touristiques visités à Paris

44Afin d’identifier les sites susceptibles d’être visités par les touristes déclarant vouloir revenir à Paris pour les JO 2024, une trentaine de lieux les plus connus de Paris et d’Ile-de-France avaient été proposés ainsi qu’une catégorie « autre ». En tout, 124 lieux ont été visités par les répondants. A chaque lieu visité, ont ensuite été attribués les touristes l’ayant visité et leurs caractéristiques. Le nombre de visiteurs par lieu a ensuite été calculé (cf. annexe 1 et figure 12).

45Cette diversité de lieux montre que les touristes visitent de nombreux endroits à Paris et dans sa périphérie, au-delà des principaux lieux touristiques. En revanche, la figure 12 qui visualise les principaux lieux touristiques sous forme de cercles plus ou moins grands en fonction du nombre de visiteurs illustre l’importance de la concentration des visiteurs dans la capitale. La métropolisation du tourisme à Paris est encore finalement assez peu significative en termes de nombre de visiteurs. A l’échelle de l’Ile de France, seuls Disneyland et le Château de Versailles se démarquent.

46Cette carte permet de visualiser également la répartition entre les touristes déclarant venir en 2024 et ceux indiquant ne pas venir et ce par lieux visités. Si globalement 50,4% des touristes interrogés indiquent ne pas venir en 2024 et seulement 13,1% indiquent venir (cf. supra), de nombreux musées (Rodin, d’Orsay, Centre Pompidou etc.), les jardins du Luxembourg, Le Père Lachaise, les Tuileries, Saint-Germain des Prés, le quartier Latin, le Marais etc. sont caractérisés par l’importance des touristes indiquant ne pas venir.

B. Vers une caractérisation du visiteur intéressé par les JO et de ses pratiques

47Nous avons cherché à établir quels étaient les comportements touristiques à Paris en termes de sites visités, les principales motivations à la visite de Paris par les visiteurs intéressés par les JO de Paris et inversement ainsi que leurs origines.

a) Des sites incontournables moins visités

48Afin de caractériser les types de lieux visités par les deux populations, les lieux évoqués dans l’enquête ont été classés en lieux touristiques ou regroupés en activités. Une analyse en composantes principales puis une classification ont été effectuées basées sur le nombre de visites et les caractéristiques individuelles des touristes. Le dendrogramme de la classification permet de distinguer 26 lieux qui ont été classés en trois catégories distinctes : les sites incontournables (les cinq lieux fondamentaux, tels que la Tour Eiffel ou Le Louvre) ; les sites secondaires (11 sites dont la fréquentation est moindre comme le Château de Versailles ou l’Opéra) ; les sites proposant des activités (10 lieux associés à des activités comme Disneyland ou les quais de Seine) (cf. Figure 13).

49Suite à cette classification, nous avons attribué à chaque touriste un quartile pour chaque catégorie de sites. Incontournables_q4 signifie que le touriste a beaucoup visité de sites incontournables ; Activités_q1 indique que le touriste a peu fréquenté des sites avec des activités.

b) Les lieux visités par les visiteurs attirés par les JO

50Afin d’identifier les types de touristes susceptibles de venir ou pas aux JO, nous avons étudié le lien entre des variables binaires (venir ou ne pas venir aux JO), respectivement PrOPG2019 (la personne serait quand même venue (1) ou non (0) à Paris en 2019 si les JO s’étaient tenus à cette date) et PrParis2024 (la personne viendra (1) ou pas (0) en 2024 à Paris pour les JO) et les différentes variables caractérisant le touriste. Deux analyses en correspondances multiples ont alors été menées. La première intègre les variables des lieux touristiques en quartile et la variable PrOPG2019. La deuxième analyse intègre les variables des lieux touristiques et PrParis2024.

51Sur les graphiques obtenus à partir des ACM (Figures 14 et 15), les modalités 0 des touristes qui ne seraient pas venus en 2019 à Paris en présence des JO ou ceux qui ne viendront pas en 2024 sont sur la droite tandis que les modalités 1 (qui seraient venus ou qui viendront) sont à gauche. Le quartile (q4-grande fréquentation des lieux incontournables) est très proche de la modalité 0 des JO. Ces deux modalités s’attirent. Cela montre donc que les touristes qui visitent les lieux incontournables ne seraient pas venus à Paris en 2019 si les JO avaient eu lieu (Figure 14) et ne comptent pas venir en 2024 pour les JO de Paris (Figure 15).

52Ces constatations confortent les observations faites durant les JO de Londres où les grands sites touristiques avaient connu une baisse de fréquentation. Les touristes qui sont essentiellement intéressés par les attributs touristiques de Paris considèrent les Jeux comme une externalité négative, réduisant leur plaisir de visiter la ville, soit à cause de l’éventuelle congestion générée par les Jeux, soit en raison des perturbations des visites de certains sites que les Jeux pourraient engendrer, soit enfin en raison de la hausse des prix des hébergements qui survient habituellement au moment des jeux.

53L’analyse des motivations des visiteurs intéressés par les JO confirment ce point.

c) Les principales motivations des visiteurs intéressés par les JO

54Avec la même méthodologie, nous avons cherché à identifier quelles étaient les motivations pour venir visiter Paris des touristes, qui indiquent maintenir leur venue en 2019 (Figure 16) ou qui affichent un intérêt pour les JO 2024 (Figure 17).

55Les graphiques des ACM permettent d’identifier les profils des touristes ayant des motivations attirées par la modalité PrOPG2019_1 (les touristes qui seraient venus en 2019 si les JO s’étaient déroulés à cette date) : gastronomie_1, fête_1, shopping_1 et divertissement_1. En revanche, la modalité PrOPG2019_0 attire les profils « héritage_1 » et « mémoire_1 ». Cette ACM permet d’identifier que les activités préférées des visiteurs qui seraient venus en 2019 si les JO s’étaient tenus durant cette période sont le shopping, le divertissement, la fête et la gastronomie. Par contre ceux qui ne seraient pas venus sont intéressés par les visites des lieux culturels. Nous retrouvons ces mêmes résultats dans la deuxième ACM (Figure 17) ; les activités susmentionnées (gastronomie, fête, shopping et divertissement) sont les motivations principales des touristes qui affichent la volonté de revenir à Paris pour les JO de 2024.

57Il y aurait donc une incompatibilité entre la visite culturelle et la tenue des JO, puisque les touristes intéressés par ces activités considèrent que les jeux nuisent à la qualité de ces activités. Les JO créent une externalité négative pour les visites culturelles mais une externalité positive pour la gastronomie, la fête, le shopping et le divertissement.

d) La provenance des visiteurs intéressés par les JO

58L’ACM qui fait intervenir à la fois les deux variables d’intérêt pour les JO (venir en 2024 et venir quand même en 2019) et la provenance (pays et/ou région de résidence) des visiteurs, met en évidence que les visiteurs originaires des pays d’Afrique et du Proche et Moyen Orient sont ceux qui seraient venus en 2019 si les jeux s’étaient tenus à cette date et qui sont prêts à revenir en 2024 (Figure 18). A l’inverse, les touristes en provenance des autres pays d’Europe, d’Asie ou d’Océanie n’affichent aucun intérêt pour les Jeux.

59Il y a ainsi une hétérogénéité des répondants liée à leur pays d’origine.

60Afin d’identifier les caractéristiques individuelles du touriste qui vont influencer les probabilités de venir en 2024, nous avons enfin réalisé une modélisation en termes de logit.

C. Les résultats de la modélisation des variables d’intérêt liées aux JO

61- Le modèle logit

62Nous avons modélisé nos deux variables principales binaires : PrOPG2019 (serait venu à Paris en 2019 avec les JO) et PrParis2024 (viendra en 2024 à Paris pour les JO).

64Ici, on cherche à déterminer la façon dont les attributs individuels des touristes influencent le choix de leur venue aux JO de 2024 à Paris.

65avec PrParis2024, une variable dichotomique qui vaut 1 si le touriste a l’intention de venir à Paris en 2024 et 0 sinon, et GENRE, AGE, REGION (de provenance), ACC (accompagnement), REVENU et EMPL (type d’emploi), les variables individuelles susceptibles d’influencer sa décision.

66- Les résultats

67Les résultats obtenus par l’estimation des coefficients et des odd ratios montre que l’âge a un rôle significatif dans le choix de revenir à Paris en 2024 (cf. annexe 2). Les jeunes touristes (de moins de 25 ans) affichent une probabilité de revenir à Paris en 2024 trois fois supérieure aux visiteurs âgés entre 40 et 65 ans qui représentent les catégories les moins enclines à entreprendre le déplacement. Les touristes entre 35 et 39 ans affichent une position intermédiaire entre les deux catégories extrêmes. Comme attendu l’âge est inversement corrélé avec la motivation d’une nouvelle visite à Paris en 2024. Les jeunes sont, par définition, plus mobiles et dans un contexte mondial où le coût des voyages internationaux s’est démocratisé, sont plus à même d’envisager un déplacement futur pour les JO. La dimension festive internationale des JO est également plus attractive pour les jeunes que pour les personnes plus âgées.

69Parmi les autres attributs individuels, le type de touriste est également significatif quant à sa probabilité d’assister aux JO 2024. Le voyageur individuel affiche deux fois plus de chances de venir par rapport au touriste se déplaçant avec sa famille ou ses amis et cinq fois plus que le touriste voyageant en groupe. Ces résultats montrent ainsi essentiellement les contraintes qui pèsent sur le choix de visiter Paris en 2024. Pour les touristes voyageant en famille, le coût du déplacement peut s’avérer plus onéreux et la décision de voyage doit être prise par l’ensemble de la famille, avec un risque de divergence des opinions plus élevé. Les touristes, voyageant en groupe, quant à eux, peuvent être identifiés comme des voyageurs qui ne souhaitent pas subir les aléas ou les risques d’un voyage individuel et se reposent sur l’organisation du groupe. Leur décision de déplacement est dès lors soumise à la contrainte de propositions commerciales de voyages en groupes durant les JO 2024.

70Enfin, l’emploi du touriste influence sa probabilité de venue à Paris en 2024 : par rapport à la modalité de référence, les employés, les sans-emploi et les retraités affichent environ deux fois moins de probabilité de se déplacer à Paris lors des JO de 2024 par rapport aux autres touristes.

71L’ensemble de ces résultats sont confirmés, lorsqu’on remplace la variable expliquée (venue à Paris en 2024) par celle qui consiste à savoir si un individu serait venu à Paris en 2019, si les JO s’étaient tenus à cette date. Ils confirment les observations émises par l’analyse descriptive menée dans les sections précédentes et permettent de cibler les touristes-types susceptibles de venir à Paris pour les Jeux de 2024.

Conclusion

72L’analyse des liens entre JO et tourisme fait l’objet de controverses importantes. Pour calculer les impacts en matière de tourisme des JO, il est nécessaire de comprendre qui sont précisément les touristes qui viennent aux JO et quels sont ceux qui s’en détournent. Par le biais d’une enquête réalisée en 2019 auprès de 1265 touristes nationaux et internationaux à Paris, nous confirmons l’existence d’un effet d'éviction. Un peu moins de la moitié des touristes ne seraient pas venus si les JO s’étaient déroulés à Paris en 2019. Mais notre analyse produit également d’autres résultats intéressants. Elle montre que les effets sur la dépense touristique seront sans doute aussi importants puisque les personnes disposant de revenus plus importants sont moins enclines à venir à Paris 2024. En outre la modélisation confirme que les touristes de moins de 25 ans seront davantage présents en 2024 que les visiteurs âgés entre 40 et 65 ans.

73Elle met également en exergue que cet effet est variable selon le pays de provenance du touriste. Ainsi les Européens qui viennent habituellement visiter Paris ne viendront pas en 2024 contrairement aux touristes provenant d’Afrique ou du Proche et Moyen Orient. Cet effet d’éviction est aussi variable selon les motifs de visite de Paris. Les visiteurs venus pour un motif de tourisme tout comme les personnes venues pour visiter les patrimoines architecturaux et les attractions liées à la culture ne comptent pas venir en 2024 et ne seraient pas venues en 2019 si les JO s’étaient déroulés à cette date. L’effet d’éviction est ainsi également différent selon les lieux touristiques: les touristes qui ont fréquenté les lieux incontournables de Paris ne viendront pas en 2024.

74Ainsi à partir de données récoltées à cinq ans des jeux, Paris doit s’attendre à des modifications importantes dans les touristes présents et à un effet d'éviction significatif. Les acteurs du tourisme doivent alors conduire des stratégies visant à lutter contre ces effets d’éviction et afin d’attirer des touristes dans les lieux qui seraient moins visités.

75En outre, si certains habitants assistent aussi aux JO, d’autres seront vraisemblablement incités à quitter Paris pour éviter les effets de congestion anticipés, réduisant encore ces dépenses comme ce fut le cas lors des jeux du Commonwealth (Preuss et al., 2007). Enfin les habitants qui assistent aux Jeux olympiques pourraient aussi consommer différemment et concentrer leurs dépenses autour des JO plutôt que dans d’autres activités dans leur ville et dans leur région comme ce fut le cas lors des JO de Los Angeles (Pyo et al., 1988). Cela peut avoir des conséquences significatives sur les dépenses réalisées dans la ville.

76Des enquêtes supplémentaires en 2020, 2022 et 2023, auraient dû permettre de consolider ces données et d’identifier si la spécificité des jeux de Paris 2024 permettait d’élargir la clientèle touristique. Toutefois, la pandémie de COVID-19 et ses impacts sur le tourisme dans la capitale a rendu impossibles ces enquêtes en 2020, 2021 et 2022. En 2022, il est encore trop tôt pour savoir si le tourisme est revenu à la normale. En 2023 en revanche, une autre enquête pourra permettre de consolider ces résultats. Enfin, si la situation en termes de tourisme est redevenue normale, l’enquête qui sera menée en 2024 montrera si nos anticipations se sont réalisées. On peut toutefois s’interroger sur ce que seront les touristes de demain. Dans un contexte marqué par le développement de la réalité virtuelle y compris pour assister à des évènements sportifs comme ce fut le cas à Tokyo 2020, les venues sur place pourraient être de moins en moins importants