Colloque ACEMuP, 7e édition, 31 mai 2023
Texte intégral
1L’Association pour un Colloque Étudiant sur les Musiques Populaires (ACEMuP) a organisé le 31 mai 2023 la 7e édition de sa journée d’étude annuelle. Cette dernière permet aux étudiants, dont les recherches s’inscrivent dans le champ des musiques populaires, de présenter leurs travaux dans un cadre d’échange interdisciplinaire avec des pairs, des chercheurs expérimentés mais aussi des professionnels du secteur musical. Pour cette raison, la manifestation scientifique a cette année eu lieu dans les locaux du Central National de la Musique (CNM) à Paris.
2La journée a débuté par une première session dédiée aux travaux qui appréhendent les musiques populaires à partir des notions de scènes et de territoires. Pauline Belshi a abordé ces notions à travers l’étude du développement de la scène musicale québécoise en France. De l’émergence des boîtes à chansons et des cabarets Rive Gauche dans les années 1960 au développement des dispositifs de résidences artistiques au cours des dernières années, la chanson québécoise occupe une place fragile dans l’hexagone dans la mesure où son développement reste encore largement dépendant de la promotion journalistique. Maria Emilia Escamillia Eguiluz s’est interrogée sur les raisons qui permettent de comprendre la pérennité du club Patrick Miller à Mexico City, malgré le déclin du genre high energy et les crises économiques du secteur dans les années 2000. Sa communication a notamment pointé les pratiques de mise en archives par les membres du Patrick Miller, la forte activité numérique de la communauté high energy et la gentrification progressive des publics du club comme autant de facteurs qui ont favorisé la continuité du club en tant que territoire délimité spatialement et esthétiquement.
3La journée d’étude s’est poursuivie par une deuxième session consacrée à des professions peu étudiées du secteur musical. Léa Mouthon s’est intéressée aux pratiques des auteurs de la critique musicale alternative. Cherchant à se distinguer des chroniques de la presse commerciale, ces professionnels revendiquent un regard subjectif et investissent des dispositifs éditoriaux hybrides dans un idéal de patrimonialisation de la critique. En s’intéressant moins aux esthétiques musicales défendues qu’aux conditions de travail, Etienne Tardy a pour sa part étudié une autre profession de l’ombre, à savoir les professionnels des labels indépendants. Il montre que le travail dans ces petites structures se caractérise par une forte polyvalence des tâches, un investissement temporel et personnel important et un calendrier rythmé par les sorties d’albums et les demandes de subventions publiques. Cette communication appelle à poursuivre la réflexion autour de la conception d’indépendance en jeu dans le travail de ces professionnels.
4La journée d’étude s’est terminée par une troisième session dédiée aux travaux appréhendant les musiques populaires au prisme des questions de genres. Célia Berthet Hilaire a présenté son travail de thèse consacré aux trajectoires des musiciennes amatrices de musiques actuelles, notamment à la période de l’adolescence. Alors que les musiciennes investissent principalement des pratiques d’apprentissage encadrées, les musiciens mettent à profit un premier apprentissage académique au service d’une pratique autonome qui faciliterait par la suite leur capacité à investir des studios d’enregistrement. Après l’indépendance, c’est la conception de l’autonomie qui se trouve ici interrogée à partir des inégalités de genres. Sacha Najman a pour sa part traité des questions de genres en étudiant l’écoute queer au music-hall à Paris durant l’entre-deux-guerres. Il montre que, durant cette période, le music-hall se développe comme un monde queer composé d’artistes qui troublent l’hétéronormativité et redéfinissent la queerness comme catégorie esthétique et politique. La presse constitue à ce moment-là à la fois un support d’expression de la critique envers ce « troisième genre » et un support de publicisation des futurs spectacles. Enfin, Véronique Truffot a clos cette session en présentant sa recherche doctorale sur la polyphonie féminine dans le culte du Bwiti au Gabon. Elle montre que les femmes, traditionnellement invisibilisées et silencieuses dans l’espace social, occupent au contraire une place centrale lors des rites religieux qui visent une communication avec le monde invisible. Le temps du rituel, le couple absence-silence laisse la place au corps-voix des femmes.
5Comme lors des six éditions précédentes de cette journée d’étude, le programme comprenait l’intervention, sous forme de carte blanche, d’un chercheur confirmé dans le champ des musiques populaires. Luis Manuel Garcia Mispireta (professeur associé à l’université de Birmingham), invité pour cette 7e édition, a présenté une communication sur les modalités de sélection à l’entrée des boîtes de nuit berlinoises, en lien avec les débats nationaux et européens sur l’immigration. Il montre notamment que ces lieux cultivent une diversité intégrée (embedded diversity), c’est-à-dire une diversité qui exclut certaines formes de différence afin de renvoyer une image plus harmonieuse de leurs dancefloors. À l’instar du DJ qui choisit les musiques diffusées, la porte du club donne ainsi à voir un processus de sélection. Mais, dès lors, comment les videurs justifient-ils cette sélection à l’entrée (door policies) ? C’est là que réside la richesse du travail de Luis Manuel, dans la mesure où il distingue les videurs (bouncers) des autres membres chargés d’assurer la sécurité du club. À la différence des seconds, les videurs organisent des réunions en amont de la soirée pour discuter de la sélection des personnes et font preuve d’une capacité de mémorisation des personnes comme norme de professionnalisme. Enfin, dans une approche relevant de l’ethnométhodologie, Luis Manuel s’intéresse à la performance des clubbeurs pour rentrer dans le club. Il met ainsi en évidence les stratégies de passing des clubbeurs, qu’il a lui-même mises en pratique dans un premier temps, et le rôle prépondérant des passeurs pour franchir la porte, rôle qu’il a dans un second temps endossé. Cette communication se fonde sur un des chapitres de son nouvel ouvrage, Together, Somehow (2023, Duke University Press), dans lequel il analyse les boîtes de nuit à partir d’une théorie des affects. Son travail se distingue ainsi des nombreuses approches de ces lieux festifs centrées sur la figure sacralisée du DJ. Dans le cadre de cette 7e édition, la communication de Luis Manuel a permis de faire des liens avec les 3 sessions de cette journée d’étude, dans la mesure où le club est une scène (session no 1) où se jouent des règles professionnelles (session no 2) et des processus de catégorisation du public fondés sur le genre ou l’appartenance ethno-raciale (session no 3).
Si cette journée d’étude a permis aux étudiants d’échanger avec des professionnels du secteur musical et des chercheurs confirmés, elle a une nouvelle fois montré la diversité et la vitalité des travaux au sein du champ des musiques populaires. Une 8e édition est prévue au cours de l’année 2024.
Pour citer cet article
Référence papier
Noé Latreille de Fozières, « Colloque ACEMuP, 7e édition, 31 mai 2023 », Volume !, 20 : 1 | 2023, 143-145.
Référence électronique
Noé Latreille de Fozières, « Colloque ACEMuP, 7e édition, 31 mai 2023 », Volume ! [En ligne], 20 : 1 | 2023, mis en ligne le 01 novembre 2023, consulté le 30 novembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/volume/11705 ; DOI : https://doi.org/10.4000/volume.11705
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