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1Accompagnant la riche exposition sur la vie et l’œuvre de Fela Kuti (1938-1997) qui s’est tenue à la Philharmonie de Paris du 20 octobre 2022 au 11 juin 2023, Fela. Rébellion afrobeat est un catalogue particulièrement réussi pour sa catégorie d’ouvrages, tant sur la forme que sur le fond. Alternant entre textures cartonnées et pages de papier glacé, il propose un ensemble de textes précis, documentés et constructifs sur l’artiste, sa famille, son entourage ainsi que sur le contexte historique, nigérian et international, dans lequel il a vécu et fait carrière. L’iconographie est variée et soignée, diverse dans son contenu. En cela, l’ouvrage témoigne d’un travail de composition poussé, dans la continuité de la réflexion muséographique de l’exposition-hommage au « Black president », marquante par ses contenus forts (les premières photographies accueillant les visiteurs, par exemple), originaux (les différentes gammes de vêtements présentés…) et sa scénographie élaborée (matériaux et organisation du lieu) dans un espace pourtant relativement limité.

3Les quatre chapitres ont été réfléchis de façon chrono-thématique. Le premier (« Lagos Baby ») présente d’abord la jeunesse et le début du parcours musical de Fela Kuti. Y sont abordées ses premières années, l’importance de sa mère, Funmilayo Anikulapo-Kuti, de sa famille et de son grand-père, Josiah Jesse Ransome-Kuti, l’ambiance du Lagos des années 1950 et 1960 et son premier groupe, Koola Lobitos. Vient ensuite une seconde partie davantage axée sur son engagement politique (« Kalakuta Republic »), où il est question de sa trajectoire intellectuelle, de sa place dans le mouvement panafricaniste, du moment de sa sensibilisation à la lutte pour les droits civiques aux États-Unis, du contre-Festac qu’il a organisé en 1977, de son engagement contre la pauvreté et l’analphabétisme à travers le MOP (Mouvement of the People), dont le manifeste est recopié en partie, de l’incendie de sa résidence, la République de Kalakuta, le 18 février 1977, de ses procès, de ses activités éditoriales, de sa maitrise de la publicité et, enfin, de la vie à la République de Kalakuta. Ensuite, les modalités de l’invention de l’afrobeat sont plus précisément abordées dans le chapitre « Afrika Shrine », par une analyse de la fabrique musicale en elle-même, de ses lieux de représentation, de ses influences, de l’importance de certains musiciens autant que des femmes autour de Fela Kuti, des mises en image (productions graphiques et albums) ainsi que des tenues vestimentaires de l’artiste. La dernière partie, « Abami Eda », propose finalement une réflexion sur « l’ampleur ambivalente de son succès à l’échelle mondiale » (p. 11) en revenant sur ses tournées internationales, ses relations avec d’autres stars musicales, le déroulement des sessions d’enregistrement, les couvertures médiatiques, la culture matérielle qui reste et qui est collectionnée, la globalisation de l’afrobeat, le New Afrika Shrine qui existe désormais, l’image qui reste de Fela dans le Lagos contemporain et l’influence qu’il conserve dans la scène musicale.

4De la lecture de ce catalogue, comme de la visite de l’exposition, ressort une compréhension plus précise et vivante d’une figure complexe ainsi qu’une possibilité de saisir sa créativité, ses choix et ses engagements tant dans leurs contextes historiques qu’au regard de l’actualité et de la pertinence que ces derniers gardent souvent dans le monde présent. Toutes les démarches muséographiques ne tiennent pas aussi bien leurs ambitions.